Isomérie nucléaire

L’isomérie nucléaire est le fait qu'un même noyau atomique puisse exister dans des états énergétiques distincts caractérisés chacun par un spin et une énergie d'excitation particuliers. L’état correspondant au niveau d'énergie le plus bas est appelé état fondamental : c'est celui dans lequel on trouve naturellement tous les nucléides. Les états d'énergie plus élevée, s'ils existent, sont appelés isomères nucléaires de l'isotope considéré ; ils sont généralement très instables et résultent la plupart du temps d'une désintégration radioactive.

Cet article concerne l'isomérie en physique nucléaire. Pour l'isomérie en chimie organique, voir Isomérie.

Exemple d'isomérie : le tantale 179
Isomère Énergie d'excitation Période Spin
179Ta0,0 keV      1,82 an7/2+
179m1Ta30,7 keV      1,42 µs9/2-
179m2Ta520,2 keV      335 ns1/2+
179m3Ta1 252,6 keV      322 ns21/2-
179m4Ta1 317,3 keV      9,0 ms25/2+
179m5Ta1 327,9 keV      1,6 µs23/2-
179m6Ta2 639,3 keV      54,1 ms37/2+

On note les isomères nucléaires en adjoignant la lettre « m » — pour « métastable » — à l'isotope considéré : ainsi l'aluminium 26, dont le niveau fondamental a un spin 5+ et est radioactif avec une période de 717 000 ans, possède un isomère, noté 26mAl, caractérisé par un spin 0+, une énergie d'excitation de 6 345,2 keV et une période de 6,35 secondes.

S'il existe plusieurs niveaux d'excitation pour cet isotope, on note chacun d'eux en faisant suivre la lettre « m » par un numéro d'ordre, ainsi les isomères du tantale 179 présentés dans le tableau ci-contre.

Un isomère nucléaire retombe à son état fondamental en subissant une transition isomérique, qui se traduit par l'émission de photons énergétiques, rayons X ou rayons γ, correspondant à l'énergie d'excitation.

Isomères nucléaires d'intérêt particulier

Certains isomères nucléaires sont particulièrement remarquables :

  • L'hafnium 178m2 est à la fois très énergétique et plutôt stable, avec une période de 31 ans ; selon certains scientifiques, sa transition isomérique pourrait être déclenchée par un rayonnement X incident, ce qui ouvrirait la voie à une méthode de stockage à très haute densité d'énergie, ainsi qu'à la réalisation d'armes de destruction massive compactes de nouvelle génération.
  • Le tantale 180m1 a la particularité d'être stable sur au moins 1015 ans, ce qui est d'autant plus remarquable que l'état fondamental de l'isotope 180Ta est, au contraire, très instable : le 180mTa est le seul isomère nucléaire présent dans le milieu naturel ; le mécanisme de sa formation dans les supernovas est d'ailleurs assez énigmatique.
  • Le thorium 229m est peut-être l'isomère connu ayant la plus faible énergie d'excitation, à peine quelques électron-volts : cette énergie est si faible qu'elle est difficilement mesurable, l'estimation consensuelle la situant vers 7,6 ± 0,5 eV[1]. Cela correspond à des photons dans l'ultraviolet, et s'il était possible d'exciter l'isotope 229Th avec un laser ultraviolet de longueur d'onde adéquate, cela rendrait possible la réalisation de batteries à haute densité d'énergie, voire d'horloges nucléaire de précision.

Isomères de fission

Outre l'isomérie nucléaire résultant d'une énergie d'excitation qui modifie la distribution des nucléons sur les couches nucléaires, il existe une isomérie de forme, dite « de fission », définie par une conformation particulière des gros noyaux atomiques s'écartant sensiblement d'une géométrie sphérique : ils adoptent une forme sphéroïde oblate ou prolate selon les cas, avec des rapports entre diamètre et axe de symétrie pouvant dépasser 1:2.

À la différence des isomères excités, les isomères de fission peuvent se résorber autrement qu'à travers un rayonnement γ : la déformation excessive du noyau peut en effet aboutir à sa fission.

On note ces isomères de fission avec la lettre « f » plutôt que « m », comme l'isomère 242fAm, distinct de l'isomère 242mAm.

Notes et références

  1. (en) B. R. Beck et al., « Energy splitting in the ground state doublet in the nucleus 229Th », Physical Review Letters, vol. 98, , p. 142501 (DOI 10.1103/PhysRevLett.98.142501, lire en ligne)
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