Indien au trou

L’Indien au trou (Índio do Buraco, en portugais) est le nom donné au dernier survivant d’un groupe ethnique inconnu d’Amazonie probablement massacré par les fermiers et les accapareurs de terre pendant les décennies 1980-1990[1]. Depuis, l’homme, dont on estime qu’il est né vers 1960, a commencé à errer, seul, dans la région amazonienne située à l’ouest de Rondônia, près de la ville de Corumbiara[2]. Son surnom[3] vient d’un trou d’environ un mètre de longueur, un demi-mètre de largeur et plus de trois mètres de profondeur, qui est toujours retrouvé à l’intérieur des huttes de paille qu’il construit[4].

Les registres de la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI) mentionnent son existence à partir de 1996, mais ce n’est que l’année suivante que les agents de la fondation ont pu établir un contact visuel avec lui. Bien qu’ils n’aient jamais communiqué avec l’homme, on suppose, sur la base de traces et de récits de tribus connues dans la région, que sa famille a été assassinée en 1995 par des personnes voulant prendre possession de terres indigènes. Cette même raison a motivé pendant des années le génocide d’innombrables peuples autochtones de la région amazonienne[1],[2],[5].

Génocide

En 1986, plusieurs récits sur le massacre en Rondônia d’Indiens isolés et sans contact avec la civilisation ont commencé à se répandre. Les assassinats auraient commencé après la construction d’une route dans le sud de l’État dans les années 70, et se sont poursuivis dans la décennie suivante. Après ces rapports, Marcelo Santos, un employé de la FUNAI, accompagné du cinéaste Vincent Carelli (pt), s’est rendu dans la région et a réussi à filmer des ustensiles et des traces témoignant de l’existence d’un ancien village dans le lieu indiqué, avant d’être chassés par un fermier qui leur a interdit de revenir. Discrédité et accusé d’être un ennemi du développement, Santos a quitté la fondation et l’histoire est tombée dans l’oubli[6],[7],[8].

En 1995, Santos est revenu à la FUNAI, cette fois en tant que directeur de la région des personnes isolées de Rondônia. Il est retourné sur les lieux du massacre avec Carelli, à la recherche de survivants, et accompagné cette fois par des journalistes du journal Estado de S. Paulo. L’expédition a prouvé l’existence d’Indiens dans la région. Filmés et photographiés, ils ont été à la une des principaux journaux du Brésil. Les fermiers, en revanche, ont contesté les images en prétendant qu’il s’agissait de montages fabriqués par la FUNAI[6].

Contacts

L’expédition a poursuivi sa recherche des traces des groupes assassinés et d’éventuels survivants. Ils ont trouvé des huttes de paille, à différents endroits, avec un grand trou creusé à l’intérieur. Ils ont par la suite baptisé celui qui les construisait et y habitait l’« Indien au trou ». Celui-ci a finalement été vu à l’intérieur de l’une de ces maisons, mais il a fui sans prendre contact. Parmi les témoignages de sa vie quotidienne, il y avait une petite zone de plantation utilisée pour cultiver du maïs et du manioc, des pièges pour la chasse et des signes d’extraction du miel dans les ruches, en plus de la hutte dotée de cette fosse ouverte à l’intérieur. Bien que son utilité reste inconnue, c’est cette caractéristique qui est maintenant utilisée pour identifier les lieux d’habitation détruits du groupe ethnique auquel l’homme isolé appartiendrait[2],[4],[6].

Depuis 1997, plusieurs expéditions de la FUNAI ont été envoyées à Rondônia pour découvrir la localisation et les conditions de survie de l'Indien. En 1998, des décrets gouvernementaux ont établi une réserve territoriale qui lui est exclusivement dédiée autour de ses lieux de vie. Les expéditions ont toutes échoué à communiquer avec l’Indien : il évitait toute approche, abandonnant les lieux ou réagissant de manière agressive s’il se sentait pris au piège. Il a même lancé des flèches sur les employés de la fondation, blessant l’un d’eux en 2006. Après cet épisode, la FUNAI a décidé de changer de stratégie : en 2007, elle a établi une zone interdite de 80 km autour de la région où vit l’homme, tout en surveillant son errance et en veillant à la protection de sa réserve territoriale. La seule forme de communication maintenue avec lui est une offrande de nourriture, laissée au milieu de la forêt[2],[4],[9].

Tentative d’assassinat et organisation de la protection

En 2009, Vincent Carelli a sorti le long métrage primé « Corumbiara », contenant des enregistrements cinématographiques de peuples autochtones isolés dans la région amazonienne. L’une des scènes du film montre un fermier qui menace de tirer sur l’Indien au trou s’il le voit. En novembre de la même année, l’un des postes de contrôle de la FUNAI dans la réserve a été attaqué et ravagé par un groupe armé. La bande a détruit une antenne de radio, des panneaux solaires photo-voltaïques, des tables, des chaises des étagères et un poêle à bois, laissant devant la base deux cartouches de fusil de chasse utilisées. Selon la fondation, il s’agissait de l’œuvre de fermiers de la région, mécontents de la restriction imposée à l’utilisation de la terre autochtone Tanaru, qui compte 8 070 hectares et se trouve à proximité de Corumbiara. Les traces observées sur le site indiquent cependant que l’Indien aurait survécu à l’attaque[1],[10].

En , alertées par l’attaque, les organisations de défense des Indiens ont publié une lettre attirant l’attention sur les conditions critiques des groupes isolés d’Amazonie, en particulier des tribus de Rondônia. Le message, adressé au président du Brésil de l’époque, Luiz Inácio Lula da Silva, se plaignait également de la menace pesant sur les groupes dont des constructions laissent les traces dans la vallée du Guaporé et du Rio Madeira. En mai de la même année, les Nations unies ont tenu une réunion de consultation sur les directives de protection des peuples autochtones isolés et en contact initial d’Amazonie et du Gran Chaco. Les procureurs du ministère public fédéral ont affirmé que l’institution tentait d’appliquer le « principe de précaution » afin d’éviter tout contact et toute modification des terres habitées par les Indiens, compte tenu de l’interdépendance de ces peuples avec l’environnement dans lequel ils vivent.[11],[12].

Fictionalisation

L’histoire de l’Indien au trou a été transposée en un livre, écrit par le journaliste américain Monte Reel : The Last of the Tribe: The Epic Quest to Save a Lone Man in the Amazon, publié en 2010 par la maison d’édition Simon and Schuster[13]. Les droits cinématographiques du livre ont été achetés par une productrice d’Hollywood[14].

Références

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