Incendie de l'Innovation

L'incendie de l'Innovation eut lieu le à Bruxelles, en Belgique, et détruisit le grand magasin « À l’Innovation » (aujourd'hui Galeria Inno) de la rue Neuve[1]. L'incendie causa la mort de 251 personnes et fit 62 blessés. Plus de 150 pompiers furent mobilisés pour le combattre. Un deuil national fut proclamé en Belgique.

Incendie de l'Innovation

L'Innovation, vers 1905.

Type Incendie
Pays Belgique
Localisation Rue Neuve, Bruxelles
Coordonnées 50° 51′ 11″ nord, 4° 21′ 23″ est
Date
Bilan
Blessés 62 blessés
Morts 251 morts

Géolocalisation sur la carte : Belgique
Géolocalisation sur la carte : Bruxelles

Cette catastrophe est l'incendie le plus meurtrier qu'ait connu le pays en temps de paix.

Les bâtiments

L'édifice est construit en 1902 par l'architecte Victor Horta. Il est par la suite profondément remanié en intégrant différents bâtiments voisins pour finalement compter cinq étages et un total de 24 000 m2 de rayonnage et 8 000 m2 d'entrepôts : « Temple de la mode, palais des ménagères, bazar du luxe où l'on pouvait [presque] tout trouver »[2]. Le chiffre d'affaires moyen journalier était de 30 millions de francs belges en 1967 (soit environ 4 400 000 euros de 2015, en tenant compte de l'inflation durant cette période[3]).

Déroulement du drame

Le lundi , vers 13 h 20, à sa reprise de service, une employée du magasin aperçoit une fumée noire qui s'échappe au premier étage. Le feu s'est déclaré dans une réserve construite quelques années auparavant dans une ancienne cage d'ascenseur proche du rayon Enfants. Appelés par une employée, trois des quatre pompiers « internes » se rendent sur place et tentent de maîtriser l'incendie au moyen d'extincteurs. Ils renoncent à faire usage des lances incendie pourtant à leur disposition (l'historien Siegfried Evens dément qu'il y en avait). À 13 h 27, une sonnerie d'alerte retentit mais elle fut confondue avec le signal de la fin de la pause-dîner de 13 h 30. 13 h 29, le feu ne peut plus être contenu dans la réserve. À 13 h 34, les pompiers de Bruxelles sont informés par un coup de fil donné par une personne qui ne sera jamais identifiée. L'information est succincte : « Il y a un dégagement de fumée à l'Innovation côté rue du Damier ». Le lieutenant André Mulkay qui coordonnera les secours, caserné à la place du Jeu de balle, témoigne, 40 ans après les faits : « Nous sommes partis avec deux autopompes, une échelle aérienne et une ambulance, mais en arrivant au boulevard du Midi, j'ai vu un véritable champignon atomique au-dessus de l'Innovation. J'ai directement demandé des renforts et les premières autopompes sont arrivées sur place à 13 h 38. C'était hallucinant à voir. Le rez-de-chaussée était déjà complètement en feu. Les gens essayaient de se sauver »[4].

Ils sont rejoints quelques minutes plus tard par une seconde équipe de soldats du feu. Le feu se propage rapidement au premier étage, profitant des nombreux matériaux inflammables. Au troisième étage le self-service est comble et personne ne se doute encore de rien. Des fumées toxiques se répandent rapidement dans le bâtiment. À mesure que les personnes prennent conscience du danger qui les menace, des mouvements de panique se déclenchent. Les issues de secours, trop peu nombreuses, sont mal renseignées. Certaines fenêtres ont été condamnées. De nombreuses personnes se réfugient sur les balcons, les seuils de fenêtre, les corniches et les plateformes. Certains progressent de toit en toit pour échapper au brasier. Des désespérés se jettent dans le vide depuis les étages. Vers 14 h, les forces de l'ordre, pour empêcher les personnes qui souhaitent entrer de force dans le bâtiment à la recherche d'un proche, décident d'en condamner l'accès. À 14 h 9, la grande verrière Horta s'effondre créant une véritable cheminée centrale déclenchant un déluge de flammes. Vers 15 h 30, le bâtiment s'effondre à son tour. Le feu se propage à des bâtiments et des entrepôts voisins. Tout le quartier est la proie des flammes. Un ballet incessant d'ambulances emmène les victimes vers les hôpitaux de la ville au départ du parvis de l'église du Finistère. Le roi Baudouin, le Premier ministre Paul Vanden Boeynants, le bourgmestre de Bruxelles, Lucien Cooremans se rendent sur place. Un deuil national est décrété[2],[5]

Les victimes

Inhumation des victimes au cimetière de Bruxelles à Evere.

Un bon millier de personnes devaient être présentes à l'Innovation ce jour-là. Pourtant, les premiers communiqués ne font état que d'une dizaine de morts. Il s'agit de ceux qui se sont défenestrés. Tout le monde nourrissait encore l'espoir que la plupart des personnes aient pu sortir de l'immeuble. La suite s'avéra bien plus tragique. Des listes furent dressées dans les différents hôpitaux et au Centre Rogier pour ce qui concerne les membres du personnel de l'Innovation. Après plusieurs mois, le bilan final de la catastrophe put être établi. Le , le Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles communiqua officiellement qu'il y avait 253 morts dont 215 disparus, 38 corps identifiés et 62 blessés[6]. Fin , après enquêtes et recherches, le Parquet déclara que le nombre officiel des victimes avait été ramené à 251 morts ou disparus et 62 blessés[7]. Parmi les morts, 67 membres du personnel de l'Innovation. Entre 150 et 200 pompiers sont intervenus sur le lieu du sinistre[2],[5].

L'AVADI, l'Association des victimes et ayants droit de l'incendie de l'Innovation, fut créée[2].

Les causes du sinistre

Les causes de l'incendie n'ont pas pu être établies avec certitude. Au lendemain même de la catastrophe, la piste d'un attentat mené par des extrémistes de gauche entendant lutter contre l'impérialisme américain fut évoquée. En effet, à cette époque, l'Innovation était en pleine quinzaine américaine, ce qui, compte tenu de la guerre du Vietnam, paraissait comme une manifestation de plus de la propagande US que les anti-impérialistes entendaient dénoncer par de nombreux moyens pour faire entendre leur volonté, comme le mentionnait un tract lancé du toit de l'Innovation par deux activistes la semaine précédant le drame. Le , l'Innovation avait été l'objet d'une alerte à la bombe, mais si ce n'est une ronde discrète de policiers, le magasin avait ouvert ses portes normalement.

D'après Siegfried Evens, aucune preuve ne fut jamais apportée sur la piste de l'attentat malgré une enquête minutieuse.

La vétusté du bâtiment - construit par Victor Horta en 1901 pour sa partie la plus ancienne - a également joué un rôle dans l'ampleur que le sinistre a pu prendre ainsi que le délai entre le constat du début d'incendie et l'appel des secours. Une culture d'entreprise invitant ses travailleurs à « tout gérer à l'interne », le manque de formation du personnel, la signalétique inexistante, la condamnation de certaines issues sont autant d'éléments qui, pris conjointement, ont conduit à « la plus grande catastrophe connue par la Belgique en temps de paix »[8].

Pour Siegfried Evens, le sinistre fut plus que probablement provoqué par une étincelle de l'éclairage, et le feu se serait rapidement propagé du fait de la présence de poches de gaz dues à des fuites.

Selon, l'IRM (Institut royal météorologique), la météo du jour ne fut pas défavorable aux pompiers : « on peut affirmer que la météo ne fut pas spécialement défavorable aux services de secours ce funeste 22 mai 1967 et que dans leur malheur, les Bruxellois ont eu la chance de ne pas connaître de vent fort ce jour là, ce qui aurait probablement eu pour effet probable de propager l'incendie de façon encore plus étendue au quartier avoisinant et de compliquer ainsi davantage la tâche des hommes du feu. »[9].

Déblaiement

Au lendemain de l'incendie, vingt heures après le début du sinistre, des équipes de bénévoles de la Croix-rouge s'attelèrent à la tâche pour déblayer le site à la recherche des corps des victimes. Leur travail était éprouvant et ils devaient être fréquemment relevés. Lorsqu'ils détectaient une victime, il fallait, avec minutie, fouiller l'endroit pour y retrouver une montre, une boucle d'oreille, un bracelet qui permettrait, peut-être, d'identifier le corps. Face à cette tâche colossale, les bénévoles furent bientôt rejoints par le 11e Génie de Burcht.

Couverture médiatique

Répercussions

À la suite de ce drame, la loi sur les normes de protection incendie sera modifiée et conduira à un nouvel arrêté royal qui sera promulgué le . Il sera désormais obligatoire de placer des sprinklers dans les grandes surfaces. Par ailleurs, dans l'ignorance des dangers à long terme de l'amiante, le gouvernement belge et, dans la foulée, d'autres pays en conseillèrent l'usage dans tous les bâtiments publics pour diminuer le risque d'incendie.

Jugement

Durant les trois années d'enquête pénale, sous la direction du juge de Brabandere, plus de 1800 témoins furent auditionnés. L'enquête se terminera le . La chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles prononcera une ordonnance de non-lieu, le [10] laissant à de nombreuses parties prenantes le sentiment que les pistes n'ont pas été suivies jusqu'au bout[11].

Reconstruction

Émile Bernheim (1886–1985), patron de l'Innovation (81 ans au moment des faits) put, grâce aux interventions des assurances, reconstruire la surface commerciale. Lors de l'inauguration, le , plus de 100 000 personnes vinrent découvrir ce magasin de l'an 2000[12].

Commémorations

Mémorial dédié aux victimes de l'incendie (pelouse 13)

Annexes

Bibliographie

Liens internes

Liens externes

Notes et références

  1. « Incendie Innovation - catastrophe »
  2. Bernard Houssiau, 22 mai 1967 - L'incendie de l'Innovation - 35 ans déjà !, éditions Luc Pire, 2002
  3. Voir évolution de l'indice des prix à la consommation sur le site de l'institut national de statistique
  4. Le Soir, Emile Haquin, Il y a quarante ans, l'Innovation brûlait, le Soir, mardi 22 mai 2007
  5. La Libre Belgique, Christian Laporte, L'incendie le plus meurtrier dans la Belgique de l'après-guerre, mardi 22 mai 2007
  6. R.F., «  », Le Soir, 4 octobre 1967, p.  4
  7. Rapport de l'exercice 1967-1968 des grands magasins "À l'Innovation" présenté à l'assemblée générale le 17 décembre 1968.
  8. Pierre Stéphany, Les années 1960 en Belgique, éditions Lannoo, 2006, 398 p.
  9. « 22 mai 1967, l'incendie de l'Innovation » (consulté le )
  10. Le Soir, 4 juin 1970, clôture de l’instruction, le parquet va requérir un non-lieu, à l’appréciation de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles. décision du 29 septembre 1970 : non-lieu prononcé.
  11. La Dernière heure.be, propos recueillis par Eddy Przybylski, Une enquête très curieuse, 21 mai 2007.
  12. Le Soir, Daniel Couvreur et Martine Duprez, "La rue Neuve s'embrasait - Mortelle fournaise à l'Innovation", le Soir, jeudi 22 mai 1997, p. 18
  13. Le Vif, Il y a 50 ans, un incendie détruisait l'Innovation faisant des centaines de morts, Belga, 22 mai 2017 consulté le 8 juin 2017.
  14. La Libre.be, Christian Laporte, L’incendie de l’Innovation, du chaos à la communion solidaire des Belges, 22 mai 2017, consulté le 11 juin 2017
  15. « Un livre, 35 ans après l'incendie de l'Innovation », sur DHnet.be
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