Idée reçue

Une idée reçue est une opinion, située entre le stéréotype, le cliché et le lieu commun. Elle a la particularité de s'admettre aisément, et ce, pour diverses raisons :

  • elle est très répandue (argumentum ad populum). On l'a d'ailleurs tous entendue au moins une fois ;
  • celui qui la transmet la considère très souvent comme évidemment démontrée (évidence) ;
  • elle est agréable à admettre, parce qu'elle répond (le plus souvent simplement) à une question redondante, ou gênante, ou complexe : elle aide à ne plus réfléchir et s'impose insidieusement ;
  • elle peut aussi être plaisante à admettre par son caractère amusant (anecdote) qui permet de la retenir d'autant mieux.

On note enfin qu'elle est souvent fausse, à tel point que s'est formée l'expression « Combattre les idées reçues », ce qui sous-entend qu'elles ne peuvent qu'être combattues, et non démontrées comme justes. Cela dit, comme les lieux communs, les idées reçues sont tellement intégrées dans la culture qu'il est psychologiquement et sociologiquement très difficile de les contrer, même lorsqu'en toute objectivité il s'agit d'énormités par rapport à la vérité et à la logique.

Philosophie et idées reçues

René Descartes n'a pas été le premier à poser sa réflexion sur les idées reçues. Néanmoins, il est probablement celui qui les a le plus mises à l'index. Il a commencé la « Première Méditation » sur Des choses que l'on peut révoquer en doute par cette remise en question : « Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j'avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables.... »

Si Descartes a manifestement contribué, à son époque et pour longtemps encore, à tordre le cou à beaucoup d'idées reçues et notamment à rendre aux sciences et à l'expérience la place qui leur était dévolue, il n'en a pas moins contribué à véhiculer certaines croyances comme celle-ci :

« Au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles[1], on en peut trouver une pratique, par laquelle, connoissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connoissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature[2] »

Cette position philosophique est critiquée par certains chrétiens[3], qui pensent qu'elle aurait contribué à réduire la nature à sa seule dimension économique, ce qui n'est finalement qu'un parti pris.

Exemples


  • La dématérialisation réduit les impacts environnementaux
Transformer le papier en octets permet d'éviter de couper des arbres, mais les octets se matérialisent sous la forme de nombreux équipements électroniques, dont la fabrication concentre de nombreux impacts environnementaux[4]. Pour plus de détails, consulter la section « aspects environnementaux » de l'article « dématérialisation ».
  • Le rhume est dû au froid.
Pour plus de détails, l'article Rhume en donne la véritable cause. Le locuteur a une réponse simple à une question qu'il s'est déjà posée, et s'en satisfait donc pleinement.
En réalité, elles étaient faites de moitié de boyaux de mouton coupés dans leur longueur, et non de chat[5].
  • Les personnes dépressives aiment se complaire dans leur malheur.
Pour plus de détails, voir l'article Dépression. Elles ne parlent pas facilement pour des raisons bien plus complexes ou plus enfouies qu'un éventuel auto-apitoiement. Il est bien plus facile pour le locuteur de rejeter le dépressif que d'aller lui parler. Cette idée reçue a donc l'avantage de la facilité.
  • Le romantisme, c'est le côté fleur bleue.
Pour plus de détails, voir Sturm und Drang et Romantisme. Le romantisme en tant que mouvement artistique et culturel, a beaucoup plus de liens avec la souffrance, la solitude, la cruauté, l'intransigeance, la mort, la quête de l'absolu, le rejet des conventions sociales qu'avec de charmantes fleurettes. Il est même aux antipodes du côté « fleur bleue ».
  • À cause de l'accélération de Coriolis, les tourbillons qui se forment dans l'eau des lavabos et des éviers, quand ils se vident, tournent dans le sens des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère sud et dans le sens opposé dans l'hémisphère nord.
Ce sens de rotation est valable pour les courants marins et pour la plupart des vents, avec des structures de centaines de kilomètres de diamètre. Dans les éviers et lavabos, l'accélération de Coriolis est négligeable, et ce sont de petites perturbations difficiles à prévoir qui décident du sens de rotation.

Liste d'idées reçues

Voir également le Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert.

Notes et références

  1. Il s'agit de la scolastique, que l'on enseignait dans la plupart des écoles à l'époque de Descartes.
  2. Discours de la méthode, sixième partie.
  3. (fr) « Nature et culture », sur ecologiechretienne.free.fr (consulté le ).
  4. Frédéric Bordage, « Numérique et environnement : en finir avec les idées reçues », GreenIT.fr, 17 février 2016 https://www.greenit.fr/2016/02/17/numerique-et-environnement-en-finir-avec-les-idees-recues-3-3/ lire en ligne]
  5. « … les mi ont de 3 à 4 fils pleins, mais très fins… Celle de basse ont 6 fils pour la chanterelle et 10 pour le  ».(Extrait du « Dictionnaire Encyclopédique et Biographique de L'Industrie et des Arts Industriels » E. O. Lami. Paris 1883).

Voir aussi

Bibliographie

  • Ruth Amossy, Les idées reçues. Sémiologie du stéréotype (coll. « Le texte à l'œuvre »), Paris, Nathan, 1971, 216 p.
  • Ruth Amossy, Anne Herschberg Pierrot, Stéréotypes et clichés. Langue, discours, société, Paris, Armand Colin, 1997 ; 3e éd., 2011. (ISBN 978-2-200-27000-1)

Articles connexes

Liens externes

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