Hydravion

Un hydravion est un avion ayant la capacité de se poser (amerrir) ou de décoller (déjauger) sur l'eau. Ce terme est composé du grec ὕδωρ = « hydor » (« eau ») et du mot « avion ». Deux familles principales d'appareils existent : l'hydravion à coque et l'hydravion à flotteurs. Par ailleurs, l'hydravion ne doit pas être confondu avec un hydroglisseur ou un aéroglisseur.

Histoire

Les débuts

Un hydravion polonais RWD-17W.
Quadrimoteur Short Empire Cambria, au mouillage sur un plan d'eau canadien.
Le type Catalina compte parmi les hydravions les plus connus.
Canadair CL-215, qui servait à la lutte contre les incendies de forêt. Il a été remplacé par le Canadair CL-415 à turbopropulseurs dont la production a elle-même cessé en 2015.

Le précurseur Charles-Alphonse Pénaud a l'idée d'utiliser un plan d'eau calme comme base d'envol. Il dépose en 1876 le brevet d'un modèle d'hydravion à train d'atterrissage rétractable, mais il disparaît prématurément à 30 ans dans des conditions dramatiques.

Le premier vol expérimental d'un hydravion est réalisé par Gabriel Voisin, qui parvient à décoller sur la Seine le , remorqué par une vedette rapide (à moteur Panhard 150 ch), sur une machine qu'il avait dessinée et construite, le Canard Voisin. Le vol se fait à l'altitude 15 à 20 mètres, sur une longueur de 600 mètres. L'engin est un biplan à équilibreur avant, à deux flotteurs (catamaran). Masse à vide 360 kg, surface portante totale (deux plans) 50 m2. La modification du planeur en hydravion pour des essais sur la Seine avait été impulsée par Ernest Archdeacon, fondateur de l'Aéro-Club de France.

Le premier vol véritablement autonome d'un hydravion est réalisé par Henri Fabre, qui décolle le de l'étang de Berre, à Châteauneuf-les-Martigues, en France, avec son hydro-aéroplane « Canard ». L'exploit est constaté par huissier.

En 1911, Donnet-Lévêque construit le premier hydravion à coque, inventé par François Denhaut.

En 1912, la marine italienne construit l'hydravion monoplan Pateras-Pescara, sous la responsabilité du lieutenant Guidoni[1]. C'est le premier hydrotorpilleur, dont la maquette au 1/20e avait été essayée en soufflerie dans les laboratoires Eiffel. L'appareil est grand (19 mètres d'envergure) et sous-motorisé, les essais de vol commencent en 1914[2] et ne seront pas concluants, le projet est abandonné la même année.

Le , Charles de Lambert effectue un vol d'essai au-dessus de la Seine de Triel à Boulogne-Billancourt. Le vol de retour, le , se termine au milieu des péniches contre la pile d'un pont après un amerrissage forcé. Les essais seront poursuivis aux Mureaux, actuel siège de l'Aérospatiale, par Armand Deperdussin et François Denhaut.

Curtiss fut le premier constructeur à croire en l'hydravion. Il réussit à faire voler l'« Aérodrome » de Langley, muni de flotteurs, en 1914.

Durant la Première Guerre mondiale, l'hydravion a été le premier type d'appareils volant utilisé à bord de navires.

L'âge d'or de l'entre-deux-guerres

En 1919, Charles Pélabon fonde aux Mureaux un immense complexe industriel relié par chemin de fer. Les essais d'hydravion se font sur la Seine à partir d'un ponton spécialement aménagé.

Dès 1921 on envisagea l'hydravion comme gros transport de passagers à longue distance et l'ingénieur italien Gianni Caproni réalisa en 1923 le monstrueux Caproni Ca.60 Transaereo (parfois appelé le Capronissimo), prévu pour cent passagers avec trois groupes d'ailes triplans ; il s'écrasa lors de son second essai sur le lac Majeur.

Entre les Première et Seconde Guerres mondiales, les hydravions connurent un grand succès.

En effet, les terrains d'aviation terrestres étaient encore pour la plupart en terre battue gazonnée et le coût de longues pistes en béton armé pour avions lourds à long rayon d'action faisait reculer les investisseurs, l'avenir de l'aviation commerciale transcontinentale paraissant aléatoire.

Par contraste, la possibilité de se poser en mer en cas de panne de moteur paraissait un facteur de nature à rassurer les éventuels passagers, même si en pratique un amerrissage en haute mer était rendu plus qu'aléatoire par la houle du large.

Les hydravions semblaient une voie d'avenir : nul besoin de pistes coûteuses, longues distances de décollage possibles, utilisation des infrastructures portuaires existantes. En dehors des ports maritimes, les lacs naturels proches des villes pouvaient être utilisés.

À Paris un projet visa même à transformer en hydrobase transcontinentale l'étang de Saint-Quentin-en-Yvelines et, près de Bordeaux, l'étang de Biscarosse fut utilisé comme tête de ligne par la société Latécoère qui y installa sa tête de ligne vers l'Amérique du Sud (aujourd'hui musée de l'Hydraviation).

La firme Lufthansa se lança aussi dans la concurrence avec l'Aéropostale sur le trajet Dakar - Rio de Janeiro, utilisant des hydravions géants comme le Dornier DO-X, véritable paquebot volant, et en stationnant au milieu de l'Atlantique sud un navire relais, le Westfalen, muni d'une grue de récupération, d'ateliers et d'une catapulte.

À cette époque, dans les courses de vitesse en circuit fermé autour de pylônes, comme le trophée Schneider, les hydravions étaient plus performants que les avions terrestres, malgré la traînée aérodynamique supplémentaire des flotteurs, en raison de l'absence de limitation à la longueur de la piste d'envol. Des machines de course pure comme les Macchi mc72 italien ou le Supermarine S6 britannique (ancêtre conceptuel du Spitfire) sont emblématiques de cette époque.

Des appareils de plus en plus gros servaient aux transports internationaux, tels le Boeing 314 « Clipper » américain ou encore le Shorts Sunderland britannique (Imperial Airways). La course au gigantisme ne s'acheva qu'en 1947 avec l'unique vol du plus grand hydravion jamais construit, le H-4 Hercules, surnommé « Spruce Goose », construit par l'excentrique milliardaire américain Howard Hughes.

De 1935 à 1939, ancien et nouveau monde s'efforcent d'établir des lignes aériennes régulières sur l'Atlantique Nord. Hydravions et avions terrestres sont alors en compétition technique. Dans un premier temps, ce sont les hydravions qui ont les faveur des États. S'ils offrent une faible capacité d’emport comparée à celle des avions classiques de même masse et présentent une surface importante au vent frontal qui réduit leur vitesse, le volume de leurs réservoirs de carburant est supérieur. Cet atout réduit le nombre d'escales, donc d'installations au sol à entretenir. L'entrée en guerre des États impliqués ainsi que les progrès des années 1940 finissent toutefois par imposer l'emploi du quadrimoteur terrestre[3].

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'hydravion connut un bref succès, notamment dans les transports intercontinentaux de passagers  souvent dans des conditions de luxe extrême  avant de laisser rapidement place aux premiers avions longs-courriers à roulage terrestre, comme les Lockheed Constellation. Des appareils à hélice comme le Latécoère 631 français ou le Saunders Roe Princess britannique représentent le chant du cygne de l'hydravion dans l'immédiat après-guerre.

Par la suite, les tentatives d'équiper des hydravions de réacteurs n'ont, de façon révélatrice, en général guère dépassé le stade des prototypes, comme le Saunders-Roe SR.A/1 britannique ou le Martin P6M SeaMaster américain.

En Union soviétique, le bureau d'études Beriev (installé à Taganrog sur la mer d'Azov), après avoir produit dans les années 1960 et 1970 bon nombre d'élégants hydravions à coque avec une aile supérieure configurée en "aile de mouette", propulsés par des hélices (Beriev Be12) construit encore de nos jours de puissants hydravions de transport / bombardiers d'eau à réaction comme le Be 200.

Le AG600 chinois.

En , la Chine inaugure le Kunlong ou AG600 qui est alors le plus gros hydravion au monde[4].

Intérêt

Le principal intérêt est théoriquement d'avoir le monde entier comme aérodrome (70 % de la surface de la Terre est recouverte d'eau, et la quasi-totalité de l'humanité vit à moins de 200 km de la mer). Cela peut être utile lors d'une panne nécessitant un amerrissage d'urgence.

En fait, la variabilité de l'état de surface des plans d'eau, la corrosion saline en milieu marin, la difficulté d'embarquer les passagers, les performances aérodynamiques intrinsèquement moins bonnes des hydravions, les progrès dans la fiabilité des moteurs ainsi que la généralisation de grands aéroports ont eu raison des hydravions, ne leur gardant un rôle que dans des zones géographiques ou des activités très liées à l'eau : transport dans des régions d'accès difficile mais dont l'hydrographie permet de trouver facilement des plans d'eau, bombardiers d'eau, reconnaissance maritime. Les hydravions de gros tonnage pour le transport de fret et/ou de passagers ont totalement disparu.

Structure

L'hydravion à coque est muni d'une coque et parfois aussi de flotteurs d’appoint ; la partie basse de cette coque dont la partie basse s'assimile à la carène d'une vedette rapide, dont les formes planantes et le redan facilitent le déjaugeage.

Au contraire, un hydravion à flotteurs est au contact de l'eau grâce à ses flotteurs, sans que le fuselage lui-même touche la surface de l'eau.

En langue anglaise la distinction linguistique est faite entre hydravions à coque, qui sont nommés flying boats bateaux volants ») et les appareils à flotteurs (dénommés floatplanes). Une distinction similaire existe en allemand.

Une configuration plus inhabituelle (mais efficace) fut celle des hydravions Savoia Marchetti S.55 : Il s'agit de véritables catamarans volants avec deux coques, un empennage bipoutre et les moteurs installés en pylône au-dessus des ailes. Ils furent utilisés par Italo Balbo pour ses célèbres raids transatlantiques de propagande du régime fasciste italien.

Beaucoup d'hydravions sont aussi munis de roues rétractables (ce qui en fait des avions amphibies) et peuvent ainsi rouler depuis leur hangar vers le plan d'eau et vice-versa.

Hydravions embarqués

Un Blohm & Voss Ha 139 embarqué en 1937.

Dès la fin de la Première Guerre mondiale et jusqu'aux années 1950 les grands navires militaires de surface (croiseurs lourds, cuirassés, etc.) emportaient des hydravions de reconnaissance qui pouvaient être lancés par une catapulte à vapeur où mis à l'eau et récupérés par une grue. En France la firme Hanriot se spécialisa dans ce genre d'appareils, en Allemagne, l'hydravion de reconnaissance standard fut l'Arado 196, tandis que les Japonais utilisaient le Nakajima AM62N (version hydravion du Mitsubishi Zero) et les Américains le Vought Kingfisher et le Curtiss SC seahawk.

Quelques tentatives furent même faites pour doter certains sous-marins de grande dimension comme le Surcouf français de petits hydravions embarqués dans un hangar étanche, mais le concept s'avéra peu pratique.

L'intérêt des hydravions embarqués diminua avec le développement des radars à longue portée et la généralisation des porte-avions.

Pour accélérer le transport du courrier sur la ligne transatlantique Europe New York, la Compagnie générale transatlantique fit installer au début des années 1930 une catapulte à hydravions à bord du transatlantique Ile-de France tandis que les Allemands faisaient de même à bord du paquebot Bremen. Catapultés à quelques centaines de milles du port d'arrivée ces hydravions permettaient de gagner une journée sur l'acheminement des sacs postaux... et leur catapultage fournissait une distraction bien venue aux passagers.

Hydravions renommés

Ainsi que tous les aérodynes à effet de sol de type Lippisch ou Ekranoplan

Les hydravions dans les arts

  • Dans Porco Rosso, de nombreuses scènes sont centrées sur les hydravions.
  • Le Vol du pélican montre les aventures de Nick Bailey, un adolescent australien vivant en Malaisie, et de son père pilote un hydravion appelé Le Pélican.
  • Jake Cutter est une série mettant en scène les aventures d'un pilote d'hydravion à Boragora, port de l'archipel imaginaire des Marivellas françaises, dans le Pacifique Sud en 1938.

Notes et références

  1. L'Hydravion Pateras-Pescara - Christian De Pescara, La Gazette 3AF Groupe Régional Midi-Pyrénées no 21, avril–juin 2011 [PDF]
  2. (en) Sous la direction de John Jordan, Warship 2007, Conway Maritime Press Ltd., 2007 (ISBN 978-1-8448-6041-8) page 63 [lire en ligne]
  3. Vital Ferry, « Des hydravions sur l'Atlantique Nord », , et « Les avions terrestres s'offrent le ciel de l'Atlantique Nord », , billets de blog Gallica, Bibliothèque nationale de France.
  4. « Chine : le plus gros hydravion du monde effectue son vol inaugural », sur europe1.fr (consulté le ).

Bibliographie

  • Henri Fabre, J'ai vu naître l'aviation, Le cherche midi, 2010.
  • Alain Ernoult, Fou d'ailes, , 311 p. (ISBN 978-2-7324-7698-8), pages 268-275.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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