Hyacinthe

Dans la mythologie grecque, Hyacinthe[1] (en grec ancien Ὑάκινθος / Hyákinthos) est un jeune homme d'une grande beauté, aimé d'Apollon et de Zéphyr. Il trouve la mort car Zéphyr était jaloux qu'Apollon fût aussi amoureux, alors il dévia le disque d'Apollon qui frappa Hyacinthe à la tempe, ce qui le tua. De son sang naît une fleur qui porte son nom. Hyacinthe est un héros laconien[2],[3],[4] dont le tombeau et le culte étaient situés à Amyclées près de Sparte[5]. Les Hyacinthies, fête qui lui était dédiée à Amyclées, sont attestées à Cnossos[6] et à Tylissos[6] ainsi que dans beaucoup de cités doriennes[5].

Pour les articles homonymes, voir Hyacinthe (homonymie).

Hyacinthe
Héros de la mythologie grecque
Caractéristiques
Autre(s) nom(s) Hyacinthos
Hyakinthos
Nom grec ancien Ὑάκινθος (Hyákinthos)
Nom latinisé Hyacinthus
Métamorphose(s) fleur
Lieu d'origine Laconie
Associé(s) Apollon
Artémis
Équivalent(s) par syncrétisme Hyacinthus (mythologie romaine)
Culte
Lieu principal de célébration Amyclées
Date de célébration Hyacinthies
Famille
Père Amyclas
Mère Diomédé
• Enfant(s) Hyacinthides
La Mort d'Hyacinthe, par Jean Broc, 1801, musée Sainte-Croix (Poitiers)

Étymologie

L'étymologie du grec ancien Ὑάκινθος / Hyákinthos n'est pas établie. Karl Brugmann a proposé le sens de « jeune adolescent »[7]. La proposition a été acceptée par Lewis Richard Farnell[7],[8], mais elle reste discutée.

Filiation

Hyacinthe est le fils du roi Amyclas, personnification d'Amyclée, et de son épouse Diomédé[9],[S 1],[S 2].

D'après une autre tradition, rapportée par le pseudo-Apollodore, Hyacinthe est le fils de Piéros, héros éponyme de la Piérie, et de la muse Clio[9],[S 3].

D'après une tradition rapportée par Lucien de Samosate et Hygin, Hyacinthe est le fils d'Œbale, roi de Sparte[9],[S 4],[S 5].

Mythe

Le fragment 171 du Catalogue des femmes du pseudo-Hésiode, restitué par Reinhold Merkelbach et Martin L. West, serait la plus ancienne expression littéraire connue du mythe d'Hyacinthe[10],[11].

Hélène, tragédie grecque d'Euripide, est le plus ancien texte connu à rapporter le mythe de Hyacinthe[12],[13].

D'une beauté exceptionnelle, Hyacinthe est aimé d'Apollon et de Zéphyr, ou de Borée. Alors qu'Apollon lui apprend à lancer le disque, Hyacinthe est accidentellement (ou à cause de Zéphyr, selon la version) frappé à la tempe par le disque, et meurt. De son sang naissent des fleurs qu'on appelle, d'après le nom du jeune homme, des ὑάκινθοι / huákinthoi. Les pétales de la fleur portent l'initiale du jeune homme, Υ ou, selon la version, le mot ΑΙ, cri de lamentation d'Apollon.

Chez Ovide, le disque rebondit sur un rocher avant de frapper Hyacinthe à la tête[14],[15]. Chez Commodien, le disque glisse des mains d'Apollon qui ne peut le retenir[16]. Chez Servius comme dans le premier et le second des mythographes du Vatican, le vent qui dévie le disque est imputé à Borée[14],[17].

Le pseudo-Apollodore offre une version différente : l'aède thrace Thamyris s'éprend de Hyacinthe, donnant ainsi naissance à la pédérastie. La version apollodorienne rejoint ensuite la version commune : Hyacinthe est aimé d'Apollon et tué accidentellement par lui, au cours d'un jeu de disque.

Le rapport de la mort du héros et la naissance d'une fleur du même nom n'est attestée qu'à la fin IVe siècle av. J.-C. : sa plus ancienne mention connue se trouve dans les Histoires incroyables de Paleiphatos[18].

Dans la littérature romaine antique, Hyacinthe n'apparaît qu'avec Hygin[19].

Culte

Hyacinthe est fêté à Sparte lors de la fête des Hyacinthies et à Milet lors de la fête des Hyacinthotrophies. Il donne également son nom à un mois dorien, hyakinthios[20].

Tarente abritait un tombeau de Hyacinthe. Son existence nous est connue par Polybe[21],[S 6].

Le mois hyakinthios ou ses variantes graphiques  telles Bakinthios et Wakinthios[22]  sont attestées à Gythion, Calmnnos, Cnide, Cos, Rhodes, Théra, Lato et Malia, ainsi peut-être qu'à Byzance[23],[24]. Les auteurs, considérant que les noms des mois sont dérivés du plus important des cultes du mois, en déduisent que des Hyacinthies étaient célébrées dans ces localités[23],[24].

Il a peut-être été honoré à Ténos où une tribu Hyakinthis est attestée[24].

Interprétations

Hyacinthe ; François Joseph Bosio, 1817, Louvre

Le nom d'Hyacinthe est d'origine préhellénique, comme en témoigne le suffixe « -nth ». Selon l'interprétation classique, son mythe, où Apollon est un dieu pré-dorien, est une métaphore classique de la mort et du renouvellement de la nature, comme dans le mythe d'Adonis.

Hyacinthe est aujourd'hui considéré comme une divinité préhellénique de la végétation[25],[26], évincée par Apollon, auquel elle reste associée dans l'épiclèse d'Apollon Hyakinthos (ou Hyakinthios)[27],[28].

Bernard Sergent, élève de Georges Dumézil, estime qu'il s'agit plutôt d'une légende initiatique, fondatrice de la pédérastie institutionnelle spartiate : Apollon enseigne à Hyacinthe comment devenir un jeune homme accompli. De fait, selon Philostrate, Hyacinthe apprend non seulement le lancer du disque, mais tous les exercices de la palestre, le maniement de l'arc, la musique, l'art divinatoire ou encore le jeu de la lyre. Par ailleurs, Pausanias rapporte qu'Hyacinthe, dans la statuaire, est parfois représenté barbu, parfois imberbe ; il évoque également son apothéose, représentée sur le piédestal de la statue rituelle du jeune homme à Amyclées, son lieu de culte. Le poète Nonnos de Panopolis mentionne la résurrection du jeune homme par Apollon. Pour Sergent, la mort et la résurrection comme l'apothéose représentent le passage à l'âge adulte.

Iconographie

Alexandre Kisseliov, La Mort d'Hyacinthe, musée national de Varsovie)

Aucune représentation antique connue ne montre Hyacinthe et Apollon ensemble — à l'exception peut-être d'une coupe du peintre d'Akestorides, montrant un jeune garçon à califourchon sur un cygne. Philostrate de Lemnos décrit toutefois un tableau, peut-être fictif, les réunissant juste après la métamorphose du jeune homme[30].

En revanche, il est souvent représenté dans la céramique attique en compagnie de Zéphyr, soit qu'il soit enlevé par ce dernier, soit que ce dernier pratique un coït intercrural couché.

Hyacinthe, père des Hyacinthides

Chez le pseudo-Apollodore[31],[32],[S 7] et Harpocration, d'après la Souda[32],[S 8], Hyacinthe est un homme mûr dont les filles  les Hyacinthides (Ὑακινθίδες / Hyakinthídes)  sont sacrifiées sur le tombeau du cyclope Géraistos par les Athéniens à la prière de Minos à Zeus[31]. Pour Pierre Grimal, ce Hyacinthe ne doit pas être associé au héros aimé d'Apollon[31].

Le second[33] décret sur la restauration des sanctuaires en Attique atteste de l'existence à Athènes d'un sanctuaire dédié à Hyacinthe : le Hyakinthion[34]. Sa localisation est incertaine, mais il a été proposé de l'identifier au sanctuaire des Nymphes, situé sur la colline du même nom (aujourd'hui colline de l'Observatoire) près de l'actuelle église Sainte-Marie[35].

Notes et références

  1. Pseudo-Apollodore, 3, 10, 3-4.
  2. Pausanias, 3, 1, 3
  3. Pseudo-Apollodore, 1, 3, 1-2.
  4. Lucien, 16 (14), 239.
  5. Hygin, 271.
  6. Polybe, 8, 21, 1
  7. Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, III, 15, 8.
  8. Souda, s.v.Hyacinthides.
  1. La terminaison -nthe est courante en grec ancien : Corinthe, Labyrinthe, Acanthe, Menthé entre autres
  2. Brulé 1987, p. 31.
  3. Fougères 1899, p. 304, col. 1.
  4. Knoepfler 2010, p. 167.
  5. Graf 2006.
  6. Malkin 1999, p. 139.
  7. Calame 1977, n. 288, p. 315.
  8. Farnell 1907, p. 126.
  9. Mussies 1999, II, p. 434, col. 2.
  10. Moreno Conde 2008, p. 9-10.
  11. Petropoulou 2012, p. 153, col. 1.
  12. Grégoire et al. 1950, p. 110.
  13. Prieur 2014, p. 25.
  14. Moreau 1988, p. 2.
  15. Moreau 1988, n. 9, p. 12.
  16. Moreau 1988, n. 8, p. 12.
  17. Moreau 1988, n. 11, p. 12.
  18. Richer 2004, p. 393.
  19. Moreno Conde 2008, n. 7, p. 10.
  20. Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, 1999 (nouvelle édition mise à jour), article « ὑάκινθος », p. 1150 a.
  21. Mussies 1999, II, p. 436, col. 2.
  22. Pettersson 1992, n. 9, p. 10.
  23. Pettersson 1992, p. 10.
  24. Richer 2004, n. 3, p. 390.
  25. Gernet et Boulanger 1932, p. 13-14.
  26. Stratiki 2002, p. 76.
  27. Cayla 2001, p. 73.
  28. 'Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, 1999 (nouvelle édition mise à jour), article « ὑάκινθος », p. 1149 b.
  29. Musée Thyssen-Bornemisza
  30. Philostrate 1881, tableau 24.
  31. Stratiki 2002, n. 51, p. 77.
  32. Leduc 2011, n. 24.
  33. Culley 1977, p. 283.
  34. Culley 1977, p. 286.
  35. Culley 1977, n. 14, p. 286-287.

Voir aussi

Sources antiques

Références
  1. Moreno Conde 2008, n. 9, p. 10.
  2. Moreno Conde 2008, n. 10, p. 11.

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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  1. Philostrate et Auguste Bougot (trad. et éd.), Une galerie antique de soixante-quatre tableaux [« Φιλόστρατος Εικόνες »], librairie Renouard, (lire en ligne).
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