Hongrie ottomane

La Hongrie ottomane - ou occupation turque (en hongrois : Török hódoltság) dans l'historiographie hongroise - fait référence à la période durant laquelle la partie Sud-Est du Royaume de Hongrie, correspondant à environ un tiers du territoire, fut occupée par l’Empire ottoman entre 1541 à 1699 (1718 pour la région du Banat).

La Hongrie en 1629 : Hongrie royale en rose, Empire ottoman en jaune, Principauté de Transylvanie en bleu-vert.
Palais ottoman en Hongrie : les Turcs enrôlant dans l'armée les enfants hongrois.

Histoire

L'église de Pécs était à l'origine une mosquée.

Au XVIe siècle, le pouvoir de l’Empire ottoman grandit au fur et à mesure de sa conquête des Balkans tandis que celui des Hongrois s’affaiblit à cause de révoltes paysannes. Durant le règne de Louis II de Hongrie (1506-1526) des conflits internes divisent la noblesse.

Outragé par une insulte diplomatique, Soliman le Magnifique (1520 – 1566) attaque Belgrade en 1521. Dans l’élan il n’hésite pas à attaquer le faible royaume de Hongrie et lui inflige une lourde défaite à la bataille de Mohács (1526). Après la prise de Buda en 1541 par les Ottomans, le Nord et l’Ouest de la Hongrie reconnaissent les Habsbourg comme souverains tandis que le centre et le Sud du pays passent sous domination du Sultan. L’Est, quant à lui, est gouverné par le fils de Jean Ier Zapolya, un vassal de l’Empire ottoman. Après 1570, cette province prend le nom de principauté de Transylvanie.

Durant la domination ottomane, la paix demeure fragile ; les Habsbourg ont pour objectif de libérer les terres de l’invasion musulmane tout en promouvant la Contre-Réforme. Les Ottomans tentent de retourner à leur avantage les divisions du camp chrétien.
Durant cette période, les vastes prairies et bois inhabités auparavant voient arriver une population de Hongrois fuyant la domination ottomane en s’y organisant en bandes, les troupes de « Hajdú », ou Haïdouks. La conquête de la Hongrie et l’entretien des frontières devient très coûteuse pour l’Empire ottoman, mais cette perte est en partie compensée par l’élevage de bétail. Et en quelques années la Hongrie ottomane exporte plus de 500 000 têtes de bétail.

La défaite des Ottomans face aux murs de Vienne en 1683 marque la limite de l’avancée ottomane en Europe. Avec le traité de Karlowitz qui met fin à la grande guerre turque en 1699, les Ottomans cèdent la quasi-totalité du territoire hongrois. À la suite de ce traité, la dynastie des Habsbourg prend le titre de « roi de Hongrie », au lieu du seul titre de « roi hongrois » auparavant.

Administration

Le territoire hongrois est divisé en Sandjaks (provinces). Le Pacha de Buda avait le titre le plus élevé du pays. Les Sandjak-beys étaient responsables de l’administration, juridiction et de la défense. Les Ottomans étaient uniquement intéressés par la sécurité dans ces nouvelles terres. La Sublime Porte (terme désignant la ville d'Istanbul alors siège du pouvoir ottoman) possédaient 20 % des terres, le reste étant divisé entre les soldats et les fonctionnaires. Le principal souci de l’administration était la collecte des impôts car la province était très coûteuse à défendre. La situation s’aggravera avec le départ de la noblesse hongroise des terres régies par les Habsbourg mais aussi par la désertification des villes à cause des nombreuses guerres, prises d’esclaves. Toutefois, la tolérance religieuse des ottomans a permis l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie travaillant dans l’artisanat et le commerce.

Environ trois millions de Hongrois seront réduits en esclavage par les Turcs et dispersés dans l'Empire ottoman[1]. Les guerres et cette ponction démographique eurent pour effet que la Hongrie ne connut pas le boom démographique que connurent les autres pays européens à l'époque moderne et que la proportion de Magyars dans la population passa de 75 % à 50 %[2].

Culture

Les bains Rudas de Budapest conservent une coupole ottomane.

Les conséquences des guerres turques furent terribles pour la région. Les infrastructures de la Hongrie médiévale furent détruites en grande partie. Les villes florissantes tombés dans les mains des Ottomans déclinèrent[2].

Malgré les guerres contre les Habsbourg, plusieurs centres culturels font leur apparition. Des exemples d’architectures ottomanes subsistent encore aujourd’hui et sont identiques à certains bâtiments se trouvant à Istanbul ou Edirne. L'apparition des bains turcs, avec les bains Rudas, est le point de départ d'une longue tradition en Hongrie. Pas moins de 75 hammams seront construits durant la période ottomane.
Au XVIe siècle, 165 écoles primaires (mekteb) et 77 écoles secondaires et théologiques (madrassas) dispensent des cours dans 39 grandes villes de la province. Les écoles primaires enseignent l’écriture, l’arithmétique de base, la lecture du Coran et les prières musulmanes. Les madrassas enseignent les sciences religieuses.

Religion

La situation peu assurée de l'Empire ottoman en Hongrie eut pour conséquence que le nouveau pouvoir dut tolérer les Ordres du royaume (clergé, noblesse, ville) qui maintinrent leurs droits et contribua au fait qu'« il n'y eut pratiquement pas d'islamisation dans la population occupée »[2]. Contrairement aux pays balkaniques, les Ottomans n'introduirent jamais en Hongrie le devchirmé ou « impôt sur le sang », qui désigne le recrutement forcé de jeunes garçons pour qu'ils deviennent des janissaires[2].

Les Ottomans n’ont ainsi interdit ni le christianisme, ni le judaïsme. Toutefois, l'arrivée de près de 80 000 colons musulmans a contribué à une rapide progression de l’islam dans le pays. La vie religieuse était supervisée par les mosquées nouvellement bâties ou par les églises transformées en mosquées. Les écoles coraniques se multiplient[3]. La maintenance des lieux de cultes musulmans et chrétiens était à la charge des Ottomans. Les terres sont saisies par le sultan qui les loue aux paysans.

Notes et références

  1. (en) Paul Fregosi, Jihad in the West : Muslim Conquests from the 7th to the 21st Centuries, Part. VII : « By Land and By Sea ». NY : Prometheus Books (1998).
  2. Entretien avec Pál Fodor, « La Hongrie face aux Turcs », La Nouvelle Revue d'histoire, n°87 de novembre-décembre 2016, p. 36-38.
  3. Christian Combaz, « Crise des migrants : une petite histoire de la Hongrie », lefigaro.fr, 17 septembre 2015.

Bibliographie

  • Édouard Sayous, Histoire générale des Hongrois, Budapest/Paris, Alcan, 1900 [lire en ligne] ; réédition British Library, Historical Print Editions, 2012 (ISBN 978-1249017387)
  • Albert Lefaivre, Les Magyars pendant la domination ottomane en Hongrie (1526-1722), volumes 1 & 2. Perrin et Cie, Paris, 1902.
  • György Székely, La Hongrie et la domination ottomane : XVe-XVIIe siècles, Université Loránd Eötvös, 1975.
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