Lac méromictique

Un lac méromictique est un lac dont les eaux de surface et de profondeur se mélangent moins d'une fois par an, et pour certains moins d'une fois par décennie ou siècle, voire moins souvent encore.

Vocabulaire

Les termes méromictique et méromicticité ont été créés par le zoologiste George Evelyn Hutchinson en 1957 dans son Treatise on Limnology[1].

On parle aussi de durée de la méromicticité, le mélange des couches étant dit mélange diapycnal. Dans un lac méromictique, les compartiments verticaux sont nommés selon leur densité :

  • le compartiment inférieur non brassé saisonnièrement est dit monimolimnion, par opposition au compartiment supérieur brassé par le vent et plus oxygéné dit mixolimnion ;
  • la limite entre ces milieux est la chimiocline ;
  • deux zones intermédiaires de la partie supérieure sont le métalimnion et l’hypolimnion.

Outre le manque de prise au vent (éventuellement aggravé par une couche de glace hivernale dans les pays froids), deux facteurs sont souvent en cause : une forte salinité naturelle et/ou une densité accrue des eaux profondes liée à des questions de température/thermocline et/ou de reminéralisation de la matière organique à partir du fond et de la colonne d'eau. Quand la densité des eaux profondes est significativement plus élevée que la densité des eaux à mi-profondeur dans l’hypolimnion, et qu'il y a peu de source de brassage, les eaux profondes tendent à se stabiliser, ce qui notamment les prive d'oxygène et freine la recirculation profonde liée au mélange saisonnier.

Typologies

Les plans d'eau méromictiques (lac d'origine glaciaire ou volcanique) sont généralement des lacs profonds et/ou peu étendus, abrités du vent, généralement encastrés entre des parois rocheuses ou des lacs dont les eaux profondes sont fortement salées et plus denses que les eaux de surface (c'est le cas par exemple de la mer Morte qui était méromictique, mais qui semble avoir perdu cette caractéristique à la suite d'un mélange entamé en 1979 et qui s'est poursuivi au début des années 1980). On cherche à mesurer le taux de renouvellement des eaux supérieures et inférieures au moyen du suivi d'un isotope du radium (le radium 226) ainsi que du chlore (le chlore 37)[2] afin de mieux comprendre le cycle d'autres éléments dont le phosphore et l'azote[3][source insuffisante].

Il se différencie ainsi d'un lac holomictique dont les eaux se mélangent au moins une fois par an et que l'on peut diviser en monomictique si le mélange se produit une fois, dimictique s'il se produit deux fois, polymictique s'il se produit plusieurs fois.

Il peut s'agir aussi de certains lacs de mines[4] ou de carrières (profonds et à faible surface) où des arrivées d'eau très minéralisée peuvent amorcer rapidement un phénomène de méromicticité[5],[6],[7].

Ces lacs ont en commun la particularité d'avoir, dans leurs eaux profondes, de très faibles concentrations en oxygène (inférieures à 1 mg/l) et donc :

  • de ne pas permettre le développement d'organismes vivants autres que des bactéries sulfureuses ;
  • de ne pas permettre l'oxydation et la décomposition des matières organiques ;

et, par conséquent, par l'étude de prélèvements dans les couches de sédiments, de renseigner sur les différentes végétations, climats, incendies, etc. qu'a connus la région.

Ils ont en revanche l'inconvénient d'accumuler du dioxyde de carbone dissous qui peut être libéré en grande quantité lors d'un tremblement de terre ou d'un glissement de terrain (éruption limnique), gaz qui en se répandant brutalement au ras du sol dans l'atmosphère environnante peut être responsable de la mort d'hommes ou d'animaux.

Conséquences

Le faible taux de renouvellement et de brassage des eaux, qui se traduit par une stabilité inhabituelle de la colonne d’eau, a notamment des conséquences écologiques, hydrauliques (manque de mouvements de convection sur la colonne d'eau…), biogéochimiques et limnologiques, avec parfois de véritables zones mortes, anoxiques, qui peuvent perdurer ou être cycliques. Ces zones mortes abritent des espèces microbiennes adaptées à ce milieu, dont méthanogènes et sulfatoréductrices productrices de H2S toxique. Sans oxygène dissous, certaines bactéries peuvent en trouver dans les nitrates et les sulfates dissous ou relargués par la nécromasse. Ces biotopes particuliers sont encore incomplètement connus[8].

Du point de vue physique, les turbulences et la propagation des ondes sont modifiées dans les milieux naturels stratifiés[8].

En ce qui concerne les risques et dangers, certains fonds anoxiques (dont celui du lac Pavin en France) « représentent un danger d’éruption gazeuse en raison de l’accumulation de gaz dissous au fond et doivent être surveillés »[8], d'autant plus que « le contexte actuel de réchauffement climatique, les plans d’eau continentaux tendent à évoluer vers la méromicticité »[8]. Parfois, ces gaz biogéniques ou d'origine géologique sont piégés au fond par la pression hydrostatique du mixolimnion et, à certaines occasions, peuvent brutalement remonter sous forme de bulles ou d'éruption limnique asphyxiantes (de CO2, H2S et CH4). C'est ainsi qu'en 1986 une éruption de gaz (CO2, a priori) a asphyxié 1 700 personnes et de nombreux animaux autour du lac Nyos au Cameroun[9].

Différents lacs méromictiques

Amérique du Nord

Le lac McGinnis. .

Antarctique

Australie et Nouvelle-Zélande

Europe

Précision : le lac du Bourget et le lac Léman se rapprochent de cette catégorie mais leur monimolimnion n'est pas totalement anoxique.

Afrique

Asie

  • Lac Pantai Keracut (Keracut Beach), Parc national de Penang, au nord-ouest de l'île Penang, en Malaisie
  • La mer Noire[réf. nécessaire]

Annexes

Sources

  • (en) Robert G. Wetzel, Limnology: Lake and River Ecosystems, 3e édition, Academic Press, New York, 2001 (ISBN 978-0127447605).
  • (en) G. Evelyn Hutchinson, A Treatise on Limnology. Volume I: Geography, Physics and Chemistry, Wiley, New York, 1957 (ISBN 9780471425700).
  • (en) Winfried Lampert et Ulrich Sommer, Limnoecology: The Ecology of Lakes and Streams, Oxford University Press, Oxford, 1997 (traduction par James F. Haney) (ISBN 978-0195095920).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Notes et références

  1. La micticité des lacs selon W.M. Lewis.
  2. (en) Mariana Stiller, Ronald S. Kaufmann, Austin Long Cl-37 in the Dead Sea system (preliminary results) ; Applied Geochemistry Volume 13, Issue 8, , Pages 953-960 DOI:10.1016/S0883-2927(98)00017-1 (Résumé).
  3. (en) Mariana Stiller, Arie Nissenbaum, Atmosphere and Oceans Geochemical investigation of phosphorus and nitrogen in the hypersaline Dead Sea ; Geochimica et Cosmochimica Acta Volume 63, Issues 19-20, , Pages 3467-3475 {{doi:10.1016/S0016-7037(99)00272-0}} ([ Résumé]).
  4. (en) Stevens, C.L. and G. A. Lawrence, 1998, Stability and meromixis in a water-filled mine pit. Limnol. Oceanogr., 43, 946-954.
  5. (en) Boehrer B., Stevens C., 2005, Ray waves in a pit lake. Geophys. Res. Lett., 32 (24).
  6. (en) Fisher, T.S.R. et Lawrence G. A., 2000, Observations at the upper halocline of the Island Copper Pit Lake. 413-418. In Lawrence, G. A., R. Pieters et N. Yonemitsu (eds): Fifth International Symposium on Stratified Flows, 10-, Vancouver, British Columbia. Dpt of Civil Engineering, University of British Columbia, Vancouver.
  7. (en) Stevens C.L., T.S.R. Fisher et G. A. Lawrence, 2005. Turbulent layering beneath the pycnocline in a strongly stratified pit lake. Limnol. Oceanogr. 50, 197-206.
  8. de Céline Bonhomme, Turbulence et ondes en milieu naturel stratifié[PDF], École nationale des ponts et chaussées, thèse de doctorat en Sciences de l'environnement, (concerne notamment le Lac Pavin).
  9. Marthe Bassomo Bikoe, « Nyos : 21 ans après… on s’en souvient », sur cameroon-info.net, (consulté le ).
  10. Jacquet, Stéphan et al. (2003). « (en) « The proliferation of the toxic cyanobacterium Planktothrix rubescens following restoration of the largest natural French lake (Lac du Bourget) »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) [PDF], » Harmful Algae, 4:651-672.
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