Histoire de la Corse

Située au cœur de la Méditerranée occidentale — à 170 kilomètres de Nice, une dizaine de kilomètres de la Sardaigne, 50 kilomètres de l'île d'Elbe (Toscane), 80 kilomètres des côtes toscanes, la Corse occupe une position stratégique au sein de l'espace géopolitique méditerranéen. Objet de convoitise des différentes puissances de Méditerranée, elle est longtemps demeurée dans les zones d'influence italo-toscane et carthaginoise, la langue corse en étant la plus vivante illustration. Véritable « montagne dans la mer » avec une arête centrale nord-sud sur toute sa longueur, résultat de la collision par rotation de la plaque corso-sarde (initialement lovée dans le golfe du Lion) et de la plaque italienne, l'intérieur de la Corse a été un lieu de refuge constant pour la population de l'île qui y a développé et maintenu une culture très ancienne.

Sa spécificité et son originalité sont le produit d'une histoire complexe. Avec ses 8 778 km2, elle est la quatrième île de la Méditerranée, derrière la Sicile, la Sardaigne et Chypre.

Vue satellitaire de la Corse, avec en arrière-plan, l'Archipel toscan et le promontoire du Monte Argentario.
Ignazio Danti, carte de la Corse (1580-1583).

Préhistoire

Site préhistorique de la Coscia à Macinaggio, cap Corse

Considérées un temps comme les premiers indices de présence humaine en Corse[1], les accumulations de bois de cervidés datées du Pléistocène supérieur (environ 60 000 ans) sur le site de Macinaggio à l’est du Cap Corse sont désormais interprétées comme d'origine probablement naturelle. Une occupation paléolithique de la Corse n'est donc pas attestée bien qu'elle soit possible, compte-tenu de l'existence de restes humains vieux d'environ 20 000 ans sur l'île voisine de Sardaigne qui lui était alors reliée[2].

Si l'on admet à la suite de certains préhistoriens que les populations paléolithiques s'implantaient de préférence dans les régions côtières, plus accessibles et exploitables, il est possible que des vestiges archéologiques de cette époque en Corse aient été submergés durant la transgression marine à la fin de la dernière glaciation[2] : ces restes reposeraient désormais à faible profondeur, par exemple au large de la Plaine orientale ou dans les Bouches de Bonifacio.

Mésolithique (-9000 -6000) et Néolithique (-5700 -2000)

Les plus anciennes traces d'occupation humaine datent du IXe millénaire avant l'ère chrétienne, notamment sur le site dit A Teppa di U Lupinu à Santo-Pietro-di-Tenda (Haute-Corse)[3] et à Torre d'Aquila dans le Cap Corse[4]. La présence de plusieurs groupes humains est attestée aux VIII-VIe millénaires, au nord comme au sud de l'île[4]. Ces populations nomades de chasseurs-cueilleurs se nourrissaient entre autres du lapin-rat (un pika endémique), pratiquaient également la pêche et le ramassage de coquillages[5], et utilisaient des roches locales pour leur industrie lithique. Plusieurs sites mésolithiques (autrefois dénommés prénéolithiques) ont livré des sépultures, tel celui de l’Araguinna Sennola près de Bonifacio où des fouilles commencées en 1966 ont révélé un squelette féminin datant de 7500 av. J.-C., surnommé la Dame de Bonifacio. Ce premier peuplement mésolithique des zones côtières corses par des humains issus du littoral italien[5] semble avoir été stable[4].

Après un hiatus archéologique d'environ 1000 ans[4], et peut-être par contrecoup d'un événement climatique[6], une colonisation plus large de l'île s'opère avec l'arrivée de communautés agropastorales néolithiques, populations villageoises qui s'établissent à partir d'environ 5700 av. J.-C.

D. Binder et J. Guilaine font remarquer dans leur rapport Radiocarbone et processus de la néolithisation en Méditerranée centrale et occidentale que « dans la zone tyrrhénienne (Sardaigne, Corse, Latium, Toscane, Ligurie), les premiers horizons néolithiques dans la première moitié du VIe millénaire montrent généralement des styles céramiques structurés du Cardial et de l’Impressa ». La datation au carbone 14 a en effet donné de 5750 à 5350 av. J.-C., soit des dates contemporaines des autres sites italiens en Méditerranée.

Ce « Néolithique ancien cardial » a été identifié en divers endroits comme à Saint-Florent, Vizzavona ou Filitosa et à Aléria (site de Terrina). Le premier Néolithique en Corse appartient à la grande culture céramique de type Cardial ou Impressa (Gabriel Camps, 1988). Ce premier Néolithique est diffusé à travers toute l'île et a des caractéristiques très proches de la facies toscane méridionale, dite de Pienza. Gabriel Camps conclut : « C'est donc avec la Toscane voisine que la Corse présente [...] les plus grandes ressemblances », il insiste sur « la primauté des relations entre la Toscane et la Corse. » Cette primauté des relations remonte sans nul doute déjà au Mésolithique et explique les dernières découvertes qui permettent de conclure sur cette période, sur le premier peuplement de la Corse : dès le Néolithique, les Corses (et probablement une partie des Sardes) seraient une population venue de la péninsule italienne (ou ayant transité par la péninsule italienne), dont la langue aurait été proche des premiers parlers de Toscane, de Ligurie (sous-groupe dit tyrrhénien) et de la péninsule Ibérique. Cette variante aurait été ensuite successivement influencée par les peuples de la proto-histoire (Celto-Ligures), puis par ceux de l'antiquité (Grecs, Étrusques, Carthaginois).

Les anciens parlers en Corse et en Sardaigne, avant l'occupation romaine, avaient donc probablement un fonds commun très ancien dont l'origine reste encore inconnue (peut-être même antérieur aux langues indo-européennes des peuples de la proto-histoire) avec diverses influences de peuples méditerranéens (Ibères, Ligures, Celtes, Grecs, Étrusques) et ont ensuite été profondément romanisés. Ils ne constituent au plus qu'un lointain substrat au corse moderne (et sa variante du Nord de la Sardaigne, le gallurais) qui est une langue très proche du toscan archaïsant. L'interjection répandue Aio ! en est sans doute un reliquat.

À partir de -5000 le peuplement de l’île s’intensifie avec l’arrivée de migrants vraisemblablement Ligures venus par cabotage depuis l’archipel toscan. Dès le VIe millénaire, ces nouveaux groupes néolithiques apportent avec eux les céréales et des animaux domestiques (le chien, les ovins, les caprins et les porcins). Leurs pratiques agricoles (défrichage) et l'introduction volontaire ou non d'espèces nouvelles (rongeurs, petits prédateurs etc.) aboutiront à l'extinction d'une partie de la faune endémique[7]. De nombreux échanges existent entre Corse et Sardaigne. Ils concernent l'approvisionnement des Néolithiques corses en obsidienne et silex sardes, roches utilisées pour confectionner de nombreux outils. Des influences continentales sont aussi décelables. Au IVe millénaire la production lithique et céramique de l'île s'inscrit dans le courant chasséen du Néolithique de l'ouest méditerranéen. À la fin du IVe millénaire, une métallurgie du cuivre local apparaît sur le site de Terrina. On peut dire qu'à cette époque existe une véritable société insulaire organisée en villages ayant entre eux un réseau d'échanges et où l'île entretient des rapports commerciaux constants avec ses voisins.

Les vestiges laissés par la Préhistoire en font en outre l'un des endroits privilégiés de l'Europe pour l'étude de cette période, et l'île représente aussi la plus grande concentration de statues-menhirs et menhirs de toute la Méditerranée. À noter aussi la présence d'une peinture rupestre sur la commune d'Olmeta, la grotta scritta, datant d'environ 2000 ans av. J.-C.

  • Les constructeurs de mégalithes
Casteddu d'Araghju, Corse du Sud
Alignement de menhirs de Renaghju, Corse du Sud

Érigées entre -1500 et -800, les statues-menhirs sculptées en bas-relief qui ont été retrouvées en divers endroits de l’île représentent des guerriers portant épées courtes, ceintures ou baudriers, et cuirasses. Ces statues semblent monter la garde dans l’attente d’éventuels envahisseurs, comme pour en conjurer la venue. Elles sont sans doute autant de conjurations contre cet ennemi que de victoires dans un premier temps remportées sur lui.

Il convient de préciser que la Méditerranée, à cette époque, connut un développement économique important, avec l'expansion du commerce des métaux. Cet essor a sans doute contribué au renforcement des inégalités et a favorisé les actes de piratage. Les populations se sont alors retrouvées contraintes de se protéger en édifiant des forteresses, à l'image des "castelli" de Corse ou des « nuraghes » (voir culture nuragique) de Sardaigne.

Protohistoire

Aire linguistique regroupant la famille des langues nuragiques : paléosarde, paléocorse ; et la famille des langues tyrséniennes : étrusque, rhétique, lemnien.
Monde étrusque.

L'île était sans doute connue des Phéniciens, auxquels elle devrait son nom de Korsai, qui signifie « couvert de forêts »[citation nécessaire]. Les Phéniciens propagent dans leur sillage l'agriculture : la vigne et le vin, l'olivier et l'huile, le blé et le pain ; leur organisation de la cité et l'écriture. Ils exploitent et commercent dans le monde antique les mines de cuivre, de plomb, d'étain, d'argent et de fer.

Les Phéniciens sont parmi les meilleurs navigateurs de cette époque. Ce sont avant tout des commerçants, non des colons, ils ne s’installent qu’entre terre et mer, sur des îlots, dans des criques protégées, dans l’arrière-pays desquelles ils cultivent ce qui est nécessaire à l’alimentation de leurs comptoirs et au remplissage de leurs entrepôts pour le ravitaillement de leur navires. Malte, les îles Pélages, Utique et Motya en Sicile, Tharros et Nora dans le Sud-Ouest de la Sardaigne sont autant d’étapes sur leur route. Il n'est guère possible qu’ils aient ignoré les rivages corses, même s'il ne subsiste aucune trace de leur passage sur l’île. Les cités côtières étrusques et des ports comme Pyrgi ou Populonia, sont autant de comptoirs pour eux et, pour conserver de bons rapports avec le pays des Tyrréniens, sans doute jugent-ils préférable de leur laisser la prérogative du commerce avec l’île d’Elbe et la Corse dont ils trouvent les produits sur les marchés d’Étrurie.

Les Étrusques entreprennent réellement l'exploitation de la Corse. Ils se sont en effet tacitement partagé la domination de la Méditerranée occidentale avec les Carthaginois (voir Carthage) pour en contrôler le commerce. Aux Carthaginois reviennent la Sardaigne, l'Afrique du Nord et le sud de l'Espagne, aux Étrusques la Corse et le littoral gaulois.

  • Le monde tyrrhénien

Selon Servius (Aen. X, 172), mentionné par Mario Torelli dans son Histoire des Étrusques, il est fait allusion à la fondation de Populonia (du nom du dieu étrusque Fufluns -Bacchus-), grand port et principal centre métallurgique de l'Étrurie, par les Corses, chassés par la suite par les habitants de Volterra. Ceci suggère qu'avant la naissance de l'Étrurie, lors de la période de la culture de Villanova, la population corse et la population de l'Italie centrale face à la Corse doit être sensiblement la même, et que pour le moins ils entretiennent des rapports étroits et se connaissent bien.

Le même texte fait également allusion à une histoire de piraterie sarde et corse dans l'aire tyrrhénienne, et ce durant le premier âge de fer. La barque votive figure dans les bronzes sardes et semble assez populaire dans ces îles de la Méditerranée occidentale. Les échanges commerciaux entre l'Étrurie, la Sardaigne et la Corse semblent avoir été particulièrement intenses à cette période. Sur cette toile de fond viennent s'insérer les Phéniciens, probables médiateurs, et tirant les ficelles des relations commerciales de la région.

Le latrocinium (la piraterie) qui est relaté par les sources anciennes, n'est que l'autre facette du commerce maritime, et semble marquer les relations de deux entités qui s'affrontent régulièrement tout en continuant à commercer : d'une part la légendaire occupation corse de Populonia, et d'autre part la relative domination étrusque le long de la côte orientale de la Corse à l'époque historique.

Les sources écrites, principalement grecques, sont souvent contradictoires et, en recomposant le puzzle de bribes éparses qu'elles forment, on parvient à situer la Corse et son histoire dans le monde méditerranéen et particulièrement sa place et son rôle en Méditerranée occidentale, mais on ne sait que relativement peu de chose sur la vie de sa population. C'est davantage grâce aux fouilles archéologiques effectuées dans l'île qu'on peut en avoir une idée plus précise.

Antiquité

Les Phéniciens, venus de Tyr, commercent avec la Corse, mais ne s’y implantent apparemment pas, à l'inverse de la Sardaigne où leurs implantations se révèlent plus importantes.

Les Grecs de Phocée essaiment en Méditerranée occidentale et fondent vers 600 av. J.-C. une nouvelle Phocée (Marseille), puis, vers 565 av. J.-C. Alalia, sur la côte orientale corse. Quand on dit qu'ils fondent, ce n'est pas le terme exact : les Phocéens avaient pour habitude de fonder un comptoir commercial dans une ville déjà existante. Aussi bien à Phocée/Marseille qu'à Alalia, ils ont trouvé des populations regroupées en agglomération et ayant déjà des productions. Pour preuve, la rapidité avec laquelle les habitants d'Alalia ont maîtrisé les techniques de poterie des Phocéens (un siècle plus tard, ils produisaient des céramiques semblables, ce qui s'explique si l'on se souvient de la présence de Terrina - qui a donné son nom au Terrinien - se trouvant dans le périmètre de la cité d'Alalia).

Chassés d’Asie Mineure par les Perses en 546 av. J.-C., les Phocéens se réfugient dans leurs comptoirs. Ils contrastent avec la population locale. Ils construisent une cité en dur, introduisent la vigne, l’olivier et le blé, enseignent l’écriture, exploitent les gisements d’argent, de fer et de plomb, tandis que les autochtones se replient sur les hauteurs, le maquis et la forêt pour y vivre de l’agriculture, de la récolte du miel et surtout de l’élevage (chèvres essentiellement). Cependant, le commerce existe entre les deux.

Après l’invasion de l’île d’Elbe, les Étrusques, venus de Toscane, s’allient aux Carthaginois, héritiers des Phéniciens et maîtres des rivages nord-africains et de la Sardaigne. En 535 av. J.-C., leurs flottes affrontent celle des Phocéens au large d’Alalia. Après cette bataille, une partie des Phocéens émigre pour fonder Élée. La population du comptoir devient largement cosmopolite, et les trois peuples y cohabitent.

Cependant, en 453 av. J.-C., les Syracusains débarquent sur l’île et chassent les Étrusques (ce qui n'est pas le cas à Alalia qui demeure opulente et cosmopolite). Ils aménagent un port dans un golfe du sud de la plaine orientale : Port Syracusain (Porto-Vecchio). Plus tard, vers 280 av. J.-C., les Carthaginois reviennent prendre la place des Syracusains. Bientôt chassés par les Romains, ceux-ci sont seuls maîtres de l'île et de sa plus grande ville, Alalia, ils déciment alors la Corse en détruisant nombre d’arbres fruitiers et de plantes comestibles, et en interdisant toute agriculture.

Au Ier siècle av. J.-C., le géographe grec Strabon décrira la Corse et sa population en ces termes[8] :

« L'île de Cyrnos, que les Romains nomment Corsica, est un pays affreux à habiter, vu la nature âpre du sol et le manque presque absolu de routes praticables qui fait que les populations, confinées dans les montagnes et réduites à vivre de brigandages, sont plus sauvages que des bêtes fauves. C'est ce qu'on peut, du reste, vérifier sans quitter Rome, car il arrive souvent que les généraux romains font des descentes dans l'île, attaquent à l'improviste quelques-unes des forteresses de ces barbares et enlèvent ainsi un grand nombre d'esclaves ; on peut alors observer de près la physionomie étrange de ces hommes farouches comme les bêtes des bois ou abrutis comme les bestiaux, qui ne supportent pas de vivre dans la servitude, ou qui, s'ils se résignent à ne pas mourir, lassent par leur apathie et leur insensibilité les maîtres qui les ont achetés, jusqu'à leur faire regretter le peu d'argent qu'ils leur ont coûté. »

 Strabon, Géographie.

La population locale

Peuples antiques de Corse romaine.

Selon Ptolémée, la Corse était habitée par douze nations qui, pour la plupart autochtones, n'ont subi l'influence romaine que dans de faibles proportions[9] :

  • les Vanacini, la plus connue de ces nations, occupaient tout le Cap Corse ;
  • les Cilebenses (lire les Nibolensii), occupaient l'ancien pays du Nebbio ;
  • les Mariani (leur territoire répondait aux anciens pays de Marana et de Muriani), étaient des colons romains ;
  • les Licnini établis au Sud des Cilebenses et à l'Ouest des Mariani occupaient le bassin moyen du Golo ;
  • les Opini (leur territoire embrassait l'ancienne pieve d'Opino), demeuraient entre les colons de Mariana et ceux d'Aléria ;
  • les Syrbi constituaient une nation établie dans les bassins du Fiumorbo ;
  • les Comasini étaient établis dans le bassin de la Solenzara ;
  • les Subasani occupaient le Sud de l'île ;
  • les Titiani installés dans la vallée du Rizzanese ;
  • les Tarrabeni s'étendaient le long du Taravo ;
  • les Balaconi s'étendaient le long de la rivière de Prunelli ;
  • les Cervini habitaient les vallées de la Gravona, du Liamone et de la rivière de Sagone.

« Nous n'avons aucun renseignement sur les nations qui peuplaient la Balagne et le haut bassin du Tavignano. Il est permis de conjecturer que, du temps de Ptolémée, la Balagne était déjà romanisée et que les indigènes avaient cherché un refuge dans le Niolo »[9].

La Corse pendant l'Antiquité romaine.

Époque romaine

Lors de la Première guerre punique, par l'intermédiaire de Lucius Cornelius Scipio, la puissance émergente de Rome conquiert Alalia rebaptisée Aleria et chasse les Carthaginois. Les affrontements débutent en -259 avec le débarquement des troupes romaines du consul Lucius Cornelius Scipion. C'est à partir de 238 av. J.-C. que se développe un premier projet colonial. Mais il ne prendra forme que sur le littoral oriental et dans les piémonts qui entourent Aleria, centre militaire fondateur de la politique de Rome. En -227, la Corse est réunie à la Sardaigne dans la province romaine de la Corse-Sardaigne, et la capitale du nouveau territoire administratif devient Cagliari. Plus tard, Auguste l'érige en province impériale, son procurateur vivant à Alalia, devenue Aleria. En tant que colonie de peuplement, des terres corses sont données aux vétérans de l’armée (notamment à Mariana, près de Bastia). De la conquête romaine, la Corse garde sa langue romane dérivée du latin, quelques routes et ponts (encore que les tracés demeurent pour l'essentiel supposés et qu'aucun ouvrage d'art n'a été archéologiquement reconnu), des stations thermales (comme on le suppose par exemple pour Orezza et Speloncato) et deux villes. On suppose, bien que les données manquent ici encore, que la Corse a pu exporter granite, minerais, huile d'olive, miel, vin, liège... Certains Corses, à même d’acquérir la citoyenneté, ont émigré par nécessité parfois pour servir dans les administrations ou l’armée. C’est une province calme qui se christianise à partir du IIIe siècle de notre ère, non sans martyres (sainte Dévote à la fin du IIIe siècle, sainte Julie vers 450, sainte Restitude, encore qu'il ne faille pas prendre au pied de la lettre chaque récit et qu'un personnage peut être désigné sous plusieurs noms proches et des versions qui divisent les hagiographes, à l'exemple de Laurina et Julie). La première phase de la christianisation apparaît clairement lié à des prosélytes venus d'Afrique du Nord, déportés en Corse par les Ariens.

L'organisation territoriale de l'île

Au dire de Pline[9], les Romains divisèrent l'île en 33 civitates, une civitas étant une commune étrangère : cité, municipe ou colonie, elle se composait, en dehors de la ville quand il y en avait une, d'un territoire plus ou moins étendu. Ce territoire renfermait des vici, bourgs, des pagi, villages, des castella ou oppida, réduits fortifiés, des fermes et des grandes propriétés, fundi, villæ et prædia[10]. Cette dernière expression s'est conservée et, sous le nom de presa, les Corses désignent la partie cultivée du territoire par opposition à la portion réservée au libre parcours.

Outre les colonies d'Aleria et de Mariana, parmi les cités ou municipes dont l'origine pourrait remonter à l'Age du Fer ou même du Bronze, et que cite Pline ou Ptolémée, on peut citer Mantinum (Bastia), Urcinium (implantation sur le quartier Saint-Jean à Ajaccio ?), Palla (Bonifacio), Calvi, Saint-Florent, Centurinum (Centuri), Ropicum (L'Île-Rousse), Venicium (Venaco), Pauca (Propriano), Mora (Bocognano ?), Tarrabinorum Vicus (Vico), Talcini (Corte), Portus Syracusanus (Porto-Vecchio), Tamina (Macinaggio ?), Lurinum (Luri), Opinum (Chiatra), Nebbio rovinata, Pino, Ponte d'Arco, Canari, Ostricone, Aleria rovinata, Marianum Promontorium (Casa Barbarica)[11], Girolata...

Voir Voie romaine en Corse.

Moyen Âge

À la chute de Rome, les migrations de peuples « barbares » dans l'ouest et le sud de l’Europe n’épargnent pas la Corse. Les Vandales sont les premiers à arriver, depuis le sud de l’Espagne, en passant par le Maghreb, la Sicile et la Sardaigne. Ils dominent la totalité de l'île[12].

Les Vandales sont chassés, en 533, par les Byzantins qui conquièrent et occupent l'ensemble du territoire jusqu'en 552 avant que les Ostrogoths ne s'aventurent dans l'île. Enfin les Lombards, venus des Alpes, qui n’occupent l’île que trois décennies, parviennent à codifier l’usage local de la « dette de sang », future « vendetta ».

À partir de 704[13], les Sarrasins effectuent leurs premiers raids contre la Corse, qui dureront plus de cinq siècles.

Lorsque Charlemagne devient roi des Lombards, en 774, il confirme une partie de la donation de Pépin le Bref que celui-ci avait faite au pape Étienne II. La Corse entre alors dans l’obédience du Saint-Siège, sans effet réel et immédiat pour le successeur de celui-ci, Adrien Ier.

Les Sarrasins d’Espagne et d’Afrique du Nord (Maures, Berbères ou Arabes) multiplient les attaques sur les côtes corses et mettent les ports à sac, coupant l’île du continent durant près de trois siècles sans vraiment vouloir l’envahir[réf. nécessaire]. La population recule à nouveau dans les montagnes et fait appel au pape, supposé propriétaire de l’île. C’est la Marche de Toscane, déléguée par le pape, qui vient à son secours. Selon certains historiens, le blason et le drapeau à la tête de Maure tireraient leur origine de cette époque. En 852, nombreux habitants de la Corse, pour échapper aux Sarrasins, venaient à Rome: le pape Léon IV les reçut et leur donna le monastère de San Cesareo pour le culte. La diffusion du culte de Saint Césaire de Terracina (Saint patron des empereurs romains) en Corse, surtout en Haute-Corse, est due aux religieuses de ce monastère romain, appelé "San Cesareo dei Corsi", et aux moines bénédictins[14].

Ces luttes pourraient être à l’origine de la féodalité et de la noblesse en Corse. En effet, les déplacements de population dus aux invasions (émigration, repli dans les hauteurs) cloisonnent les Corses dans les hautes vallées. L’Église officialise ces « pièves » (pievi), regroupements de population plus ou moins isolés les uns des autres, et, vers l’an mil les seigneuries se constituent sous l’autorité du pape : la gestion insulaire est déléguée à un comte (le premier selon la tradition est le légendaire Ugo Colonna, à l’origine de la noblesse corse), qui nomme des juges locaux. Les seigneurs dressent de petits châteaux ou donjons, assurent la paix et la justice, prélèvent une redevance (accattu). Les vassaux sont surtout liés à leur suzerain par des liens d’amitié et de parenté (clienti) même si la pyramide féodale tend à s’imposer. Certains comtes s’arrogent les droits et privilèges des comtes carolingiens, comme Arrigo Bel Messere, installé dans son « palais » de Poghju-di-Venacu. La disparition de ce dernier marque l’émiettement du pouvoir féodal.

Époque pisane et génoise

Expansion de la République de Pise (1000-1406).
Expansion de la République de Gênes (1099-1797).
La tour génoise de Porto.
Pont gênois vers Altiani.
Carte de l'Italie en 1494.

En raison des rivalités que connaît la Corse au XIe siècle, le pape accorde à l’évêque de Pise l’investiture des évêques corses et les Pisans commencent deux siècles de domination sur l’île. Sous le gouvernement des juges et des seigneurs pisans, des constructions sont édifiées (églises, ponts, etc.). Mais la République de Pise (vers 1000-1406) perd la protection pontificale et des rivalités internes l’affaiblissent. La République de Gênes (1099-1797) entre alors en conflit contre son ancien allié dans la lutte contre les Sarrasins. En 1284, à la bataille navale de Meloria, la flotte pisane est détruite. Plusieurs campagnes de Gênes (1289-1290) lui rallient les féodaux, alors que les Pisans renoncent à la Corse.

La trêve signée par Pise en juillet 1299 accorde la domination totale de l’île par Gênes. Celle-ci devient génoise pour plus de quatre siècles, en dépit du Saint-Siège, qui tente en 1297 de confier la direction de la Corse à la maison d’Aragon (Royaume de Sardaigne et de Corse). Les Génois doivent cependant défendre leur nouvelle conquête face aux menaces des Sarrasins (les tours qui ceinturent l’île sont construites plus tard dans ce but), des Aragonais, installés en Sardaigne, des Français, pour qui la Corse est un avant-poste contre l’Espagne. Mais Gênes fonde sa conquête sur sa puissance bancaire.

Les Génois construisent (urbanisation : Bastia devient siège du gouverneur, ponts, routes, etc.), développent les vergers, importent de Corse vins, huile d'olive, bois, huîtres, poix, mais imposent lourdement la Corse et s’assurent la quasi-exclusivité du commerce avec l’île. La langue et certains usages (religieux notamment) corses sont grandement influencés par l’occupant. La fin du XIIIe et le début du XIVe siècle voient le développement d'un type particulier d'habitation fortifiée, les castra, en particulier au nord de l'île. Ces structures de pierre profitent des dispositions naturelles pour occuper une position dominante et protégée. Il appartiennent à un ensemble plus vaste de moyen habitat médiéval défensif, entre le nord de l'Italie et le midi de la France.[15]

En 1297, le pape Boniface VIII tente de réaffirmer son autorité sur la Corse et la Sardaigne en y investissant Jacques II, roi d’Aragon, et en 1305, le pape Clément V renouvelle cette tentative. Les Aragonais ne s’attaquent qu’à la Sardaigne pisane, dans un premier temps. Les Génois, craignant de voir la Corse envahie, s’allient aux Pisans pour lutter contre les Aragonais en Sardaigne. Mais bientôt, Jacques II renonce à ses droits sur la Corse en échange de la paix en Sardaigne, et s’y installe. Cependant, en 1346, les troupes du roi d’Aragon Pierre IV débarquent vers Bonifacio, et une guerre éclate entre les Génois et les Aragonais et leurs alliés vénitiens. Simone Boccanegra intervient en Corse à partir de 1340 pour affermir la position de Gênes et éviter d'enfermer le commerce génois dans la mer Tyrrhénienne. Jusque-là, Gênes s'était contentée à contrôler le commerce maritime le long des côtes de la Corse à partir de sa colonie Bonifacio. Gênes cherche alors à intégrer la Corse à son domaine et y construit un second réseau défensif de la Commune. Gênes cherche à prendre le contrôle de l'île non pas pour l'avoir mais pour éviter que d'autres l'aient.

Une révolte anti-féodale a lieu en Corse, en 1357-1358, dont Sambucucciu d'Alandu aurait pris la tête. Pendant cette révolte, de nombreux seigneurs sont pourchassés et leurs châteaux détruits. De cette révolte naît une division de la Corse en deux parties. Au sud, Au-Delà-des-Monts, les seigneurs, les Cinarchesi, réussissent à rétablir leur autorité. Il en est de même dans le Cap Corse. Au centre, les seigneurs sont écrasés. Cette partie de la Corse, appelée Terre di u Cumunu (la terra del commune, par opposition à la terra dei signori), probablement parce que les révoltés se placent ensuite sous la protection de la République de Gênes. En 1358, le Génois Leonardo Montaldo reçoit à Calvi la dédition de la Corse à la République de Gênes au nom de tout le peuple corse. En 1365, Gênes envoie Tridano della Torre comme gouverneur de l'île mais doit alors faire face aux conflits entre deux clans : les Caggionacci et les Ristagnacci. Tridano della Torre est tué par les Caggionacci[16]. Gênes envoie alors un gouverneur pour chaque clan. Gênes sort victorieuse du conflit avec l'Aragon mais doit alors faire face à la montée de la puissance de la noblesse corse[17].

La rivalité entre les féodaux corses, les clans génois et le pape Eugène IV se conclut en 1453 par la cession du gouvernement de l’île à une banque, l’Office de Saint Georges. Un bref intermède (1464-1481) est constitué par la domination milanaise de la Corse (it). L’Office bâtit de nouvelles tours sur le littoral ainsi que des villes fortifiées : Ajaccio (1492), Porto-Vecchio (1539).

En 1553, les Corses, menés par Sampiero Corso, alliés aux Français et aux Turcs d'Alger, entament une révolution qui prend Gênes par surprise. Bastia tombe en quelques heures, Corte se rend sans combattre, Saint-Florent et Ajaccio ouvrent leur porte aux révolutionnaires. Bonifacio et Calvi, peuplées de Ligures fidèles aux Génois, résistent à l’abri de leur citadelle. La première tombe, la seconde n’est jamais conquise. L’amiral génois Andrea Doria contre-attaque avec une armada face aux Français qui ont dégarni la Corse après la victoire et le retrait de leurs alliés turcs. Le général français de Thermes voit les villes tomber tour à tour : Bastia tient huit jours, Saint-Florent résiste trois mois. Sampiero récupère Corte et Vescovato. La Guerre de Corse s’enlise en guerre d’usure : de Thermes et Sampiero sont écartés par la France au profit du général Giordano Orsini. Le moral des Corses révoltés est entretenu par une suite de guérillas, malgré des représailles jusqu’à la trêve de Vaucelles (), quand Henri II de France rend à Gênes certaines places fortes. Les Génois ne reprennent possession de l’île tout entière qu’avec le traité du Cateau-Cambrésis ().

L’Office de Saint Georges reprend le commandement de la Corse, impose une série de mesures jugées dictatoriales. La révolte du peuple corse repart lors du débarquement de Sampiero, aidé par Catherine de Médicis, au golfe de Valinco (). Les insurgés reconquièrent l’intérieur de l’île, laissant les villes côtières aux Génois. Malgré les renforts envoyés rapidement, Gênes n’inflige aucune défaite décisive à Sampiero. Des villages sont détruits, Cervione brûlé, mais Corte se rend aux insurgés. La République doit faire appel aux Espagnols pour reprendre certaines places (1566), tandis que les renforts envoyés par la France à Sampiero s’avèrent inefficaces. Après nombre de trahisons et de désertions dans les rangs insurgés, Sampiero est tué près de Cauro (guet-apens d’Eccica-Suarella, ). Son fils de 18 ans continue la lutte pendant deux ans avant de s’exiler en France (1er avril 1569).

La République de Gênes exploite la Corse (d'après la féodalité comtale corse) comme une colonie, moyennant des droits à payer à l’Office de Saint Georges. Entre 1570 et 1660 sont constituées 11 provinces qui se répartissent les 66 pièves issues du système féodal. L’administration est réorganisée autour de paroisses démocratiques, une crise ravage l’économie, Calvi et Bonifacio bénéficient de franchises et d’exemption pour leur fidélité aux Ligures, le gouverneur de la colonie instaure un système juridique corrompu. Les Statuts (décembre 1571) garantissent un minimum de justice et le Syndicat défend, pour un temps, les autochtones. Le maquis devient le refuge des condamnés par contumace, mais l’insécurité est réduite par une redevance sur le port d’armes. Les impôts comme le commerce sont iniques et les Génois se réservent des monopoles. Après 1638, une nouvelle politique économique est alors instaurée : plantation d’arbres et de vignes, accroissement du cheptel, etc. mais aucun Corse ne peut accéder à la propriété. Les bergers corses sont chassés peu à peu des plaines, les autochtones grondent. En 1729 éclate la guerre d’indépendance.

Les guerres des naziunali corses

La Corse en 1794 (carte anglaise).

Émeutes de 1729

En 1715, Gênes accepte la proposition faite par les Corses demandant le désarmement. En effet, afin de pouvoir se défendre contre les bandits qui écument les villages, ils avaient demandé à pouvoir porter une arme, ce que Gênes accorda de façon intéressée : il fallait payer une taxe pour le port d'arme et les armes étaient vendues par les marchands génois. Si du côté des bandits, cette mesure a porté ses fruits, car les tribunaux des Génois sont corrompus, les affaires de meurtre ne sont jugées qu'au bout de plusieurs années, ce qui a poussé certains à se faire justice par eux-mêmes (la vendetta, qui est un phénomène plus général, en Méditerranée, avant le XIXe siècle). Si le désarmement porte ses fruits, la République Génoise, afin de compenser la perte de revenus des armes, a créé un impôt nouveau appelé les Due Seini, dû pour chaque feu. Il a une durée prévue de dix ans et doit donc cesser en 1725. Hélas, il ne cesse pas à la date dite. Aux impôts et taxes classiques, s'ajoutent des taxes demandées par les représentants de Gênes (certaines servant à payer des dépenses personnelles, comme les frais d'aumônier du représentant génois à Corte).

La récolte de 1728 a été désastreuse et les Corses ont demandé que Gênes tienne compte de cet élément. La République de Gênes consent à ramener, pour cette année 1729, l'impôt des Due Seini à la moitié. Mais, comme toujours, les représentants génois dans l'île n'en font qu'à leur tête, le gouverneur en tête, comptant sans doute détourner la partie supplémentaire réclamée. En effet, ils vont dans les villages réclamer les Due Seini, alors que tous savent que c'est le double de ce qui est dû. Les émeutes spontanées de 1729 éclatent à la suite de l'incident de Bustanico, quand un lieutenant de la République vient prélever cet impôt.

Elles se cristallisent sur le refus de l'impôt, mais les causes profondes sont multiples : la pression fiscale en général, taille et gabelle jugées excessives pour le contexte économique de crise ; mais aussi les abus des percepteurs génois envers les Corses ; et enfin, l'insécurité exacerbée par la disette, due à des bandits isolés ou à des bandes audacieuses. Cette troisième raison entraîne la demande de rétablissement du port d'armes, dans un souci traditionnel en Corse d'assurer soi-même sa propre sécurité et de se faire sa propre justice. Gênes interprète cette revendication comme un refus de payer l'impôt de deux seini, d'autant que le rapport qu'en fait le gouverneur omet de mentionner la façon dont il a contrevenu à ce qui était décidé.

Les premières émeutes démarrent en novembre 1729, dans la région du Bozio. La rébellion s'étend par la suite à la Castagniccia, la Casinca, puis le Niolo. Saint-Florent et Algajola sont alors attaquées, Bastia mise à sac en février 1730, et en décembre de cette même année, lors de la consulte de Saint-Pancrate, la Corse élit ses généraux : Luiggi Giafferi, Andrea Ceccaldi et l'abbé Raffaelli. Hyacinthe Paoli, le père de Pascal les rejoint début 1730. Gênes fait alors appel aux troupes de l'empereur Charles VI du Saint-Empire. Cette intervention impériale de 1731 est repoussée une première fois, car les Génois ont voulu économiser sur le nombre de soldats impériaux envoyés en Corse. Mais quelques semaines plus tard, de puissants renforts viennent à bout des rebelles. En juin 1733, le représentant du Saint-Empire négocie un accord qui accorde aux Corses certaines concessions garanties par l'Empereur, mais que les Génois ne respecteront pas sitôt, les troupes de Charles VI ayant quitté l'île. La rébellion reprend quelques mois plus tard.

Le 30 janvier 1735 est adopté un règlement établissant la séparation définitive de la Corse d'avec Gênes, et contenant les bases d'une constitution, rédigée en grande partie par un avocat corse qui avait fait carrière à Gênes et qui était revenu dans l'île, Sébastien Costa. Par son premier article, la Consulte énonce :

« Au nom de la Très Sainte Trinité, le Père, le Fils et le Sainte-Esprit, de l'immaculée Conception de la Vierge Marie, sous la protection de la Sainte Mère Avocate, nous élisons, pour la protection de notre patrie et de tout le royaume l'Immaculée conception de la Vierge Marie, et de plus nous décidons que tous les armes et les drapeaux dans notre dit royaume, soient empreints de l'image de l'Immaculée Conception, que la veille et le jour de sa fête [8 décembre] soient célébrés dans tout le royaume avec la plus parfaite dévotion et les démonstrations les plus grandes, les salves de mousquetaires et canons, qui seront ordonnées par le Conseil suprême du royaume »

.

Théodore de Neuhoff

Le 15 avril 1736, Théodore de Neuhoff, choisi par des partisans corses, est élu roi et promulgue des lois qui le rendent populaire. Il installe la capitale de l'île à Cervioni en Castagniccia. Cependant il ne parvient pas à s'imposer aux monarchies génoise, française, britannique. Dépité au bout de 7 mois, il repart sur le continent. Il tentera un retour en 1738 puis en 1743, avec les Britanniques, sans succès.

Les interventions des troupes de Louis XV

En 1737, par la convention de Versailles, les troupes de Louis XV s'engagent à intervenir en Corse si la République de Gênes en fait la demande. Le Saint-Empire et le royaume de France étaient des alliés de longue date en raison de l'importance de contrer les flottes ottomanes en Méditerranée et les actes de piraterie barbaresque.

Le Génois Gian Francesco II Brignole Sale, ancien chef de la junte chargé d'examiner les demandes des insurgés et ambassadeur de Gênes à Versailles, obtient de la France l'envoi d'un corps expéditionnaire de 8000 hommes sous les ordres du comte de Boissieux. 4000 iront en Corse et les autres attendront à Gênes, en cas de besoin. Dans les premiers temps, Boissieux va tenter de traiter avec ceux que Gênes nomme "les rebelles". Mais, comme il demande en préalable de déposer les armes et que les Corses n'ont aucune confiance dans la parole des Génois qu'ils savent uniquement intéressés par l'exploitation des richesses insulaires et la position stratégique de l'île dans la défense de la Superba Repubblica, ils rejettent ces conditions. Boissieux finit par se laisser manipuler par Mari, le nouveau gouverneur génois. Il est malade et, d'ailleurs, il mourra. Le marquis de Maillebois prend la suite et il se montre moins manipulable. Néanmoins, le traité le contraint à agir. Lors de la première intervention, de 1738 à 1741, les troupes de Maillebois, mais le chef d'expédition est un homme averti et il va obtenir de nombreux succès, bien que vaincu à Borgo le . Maillebois obtient la reddition des insurgés en juillet 1740. S'ensuit le départ en exil des chefs de cette rébellion, notamment Giafferi et Hyacinthe Paoli, qui emmène avec lui son fils, Pascal. Dans le même temps, Maillebois ne veut pas partir de Corse sans que Gênes n'ait proposé des conditions de paix acceptables. L'affaire va durer des mois, car les propositions de la République sont inacceptables et scandalisent Maillebois. On veut pourchasser tous ceux qui ont combattu contre Gênes, etc. Maillebois écrira qu'en agissant ainsi, il ne doute pas que ce qui a amené les Corses à se révolter les pousse à nouveau à recommencer, si Gênes ne fait pas preuve de plus de sagesse.

En attendant, afin de soustraire aux représailles de Gênes les plus connus des Corses qui se sont révoltés par les armes, il forme un corps Royal-Corse où il prend tous ceux qui ont prouvé leur vaillance. Quand il devra partir, ils embarqueront avec lui. Un régiment semblable est formé par le royaume de Sardaigne. Maillebois laisse des instructions précises sur la façon d'administrer la Corse, de façon plus juste, afin d'éviter de nouveaux troubles. Mais, c'est inévitable car les Génois vont se montrer rapidement d'une totale injustice, plus occupés à faire leurs affaires qu'à s'occuper de celles de la Corse.

En 1745, une coalition anglo-austro-sarde, opposée aux Français, aux Espagnols et aux Génois dans la guerre de Succession d'Autriche s'empare de Bastia, avec l'aide de Rivarola, alors chef d'une faction corse pro-sarde. La deuxième intervention française de 1746 permit à Gênes de reprendre la ville, grâce à une discorde entre les chefs Rivarola, Gaffori et Matra. En 1748, Bastia est attaquée par la même coalition, appuyée par les insulaires, mais les assiégeants doivent se retirer avec la paix d'Aix-la-Chapelle.

À partir de 1748, l'île est administrée, pour le compte de Gênes, par le marquis de Cursay. En octobre 1752, les nationaux rejettent les règlements proposés par Cursay et adoptent un nouveau système de gouvernement sous le commandement de Gaffori. Cursay est renvoyé en décembre de la même année. Un an plus tard, Gaffori est assassiné. Il s'établit alors une régence présidée par Clémente Paoli, qui rappelle Pascal Paoli en Corse. Le , ce dernier est élu général en chef de Corse à la consulte du couvent Saint-Antoine de Casabianca d'Ampugnani. En novembre, sa constitution est adoptée par une consulte de Corte : il est écrit noir sur blanc que les hommes sont libres et égaux en droits et que chaque peuple est maître de lui-même, il est aussi écrit que tous les hommes âgés de plus de 25 ans peuvent voter (seules les femmes veuves ont le droit de vote), cette constitution est considérée comme la première constitution démocratique des Temps Modernes, Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, James Boswell et de nombreux penseurs des Lumières en présentent les mérites.

Pascal Paoli, général de la Corse

Pascal Paoli par Richard Cosway.

En 1757, les Matra, appuyés par Gênes, et Colonna de Bozzi, allié de la France, soulèvent une révolte. Pascal Paoli, alors élu « général de la Nation », les écrase. Il crée une marine qui lui permet de soumettre le Cap Corse en 1761 et de s'emparer de Capraia en 1767, mais échoue cependant dans sa tentative de prendre d'assaut les villes côtières génoises.

En 1756, les Français signent le traité de Compiègne qui accorde à Gênes des subsides et des troupes pour occuper Ajaccio, Calvi et Saint-Florent jusqu'en mars 1759. En 1758, Pascal Paoli fonde l'Île-Rousse. Quatre ans plus tard, il fait adopter le drapeau à la tête de Maure et crée une monnaie.

En 1763, les troupes de la république de Gênes débarquent dans l'île et mettent le siège, sans succès, devant Furiani. Le est signé le second traité de Compiègne. Les troupes françaises s'engagent alors à tenir garnison dans les trois villes déjà occupées ainsi qu'à Bastia et à Algajola pendant quatre ans. En 1765, Corte devient la capitale de la Corse, et une université y est créée.

Bien que Pascal Paoli continue à correspondre avec le duc de Choiseul dans l'espoir d'assurer l'indépendance de la Corse, le , par le traité de Versailles, Gênes cède à la France la souveraineté sur l'île.

Conquête, répression

En juillet 1768, à la suite du traité de Versailles, la France rachète à Gênes ses droits sur l'île. En fait, au départ, il s'agit seulement d'une délégation : la France est chargée d'administrer la Corse durant dix ans et de la pacifier. Gênes étant dans l'incapacité de rembourser à la France ses frais, l'île devient propriété de la France au bout de dix ans. Le 15 août 1768, Louis XV proclame officiellement la réunion de la Corse à la France et, mésestimant la résistance corse, s'imagine qu'en expédiant le marquis de Chauvelin avec sept mille cinq cents hommes, il pourra conquérir son acquisition et avoir raison du général corse Paoli[18].

Cahier des doléances, demandes et représentations de l’ordre du Tiers-État de l’Isle de Corse, Arrêté par l’assemblée générale de cet ordre. Convoquée à Bastia le 18 mai 1789 (Archives nationales de France).

Les troupes françaises occupent rapidement le cap Corse, et un mois plus tard le marquis de Chauvelin débarque avec de nombreuses troupes sous son commandement. Après un début de conquête à l'avantage des troupes françaises, les habitants reprennent les hostilités et forcent les Français à évacuer la Casinca qui conservent toutefois un poste avancé à Borgo où les Français sont vaincus en octobre. Mais au printemps 1769 le comte de Vaux débarque avec 24 000 hommes et bat les Corses le 9 mai à Ponte Novu. Près d'un mois plus tard, les places fortes de Haute-Corse étant conquises, et voulant bloquer l'avancée française dans l'au-delà des monts, le général Paoli tient le discours suivant[réf. souhaitée] devant le peu de troupes qui lui reste :

« Enfin, mes braves compagnons, nous voici réduits aux dernières extrémités. Ce que n'ont pu une guerre de trente ans, la haine envenimée des Génois, et les forces de diverses puissances de l'Europe, la soif de l'or l'a produite. Nos malheureux concitoyens séduits et trompés par quelques chefs corrompus sont allés d'eux-mêmes au devant des fers qui les accablent. Notre heureux Gouvernement est renversé, nos amis sont morts ou prisonniers ; et à nous qui avons eu le malheur de vivre jusqu'à ce jour pour voir la ruine de notre pays, il ne nous reste que la triste alternative de la mort ou de l'esclavage. Ah! pourriez-vous vous résoudre, pour retarder de quelque peu ce moment extrême que nous devons tous subir, à devenir esclaves d'un peuple d'injustes oppresseurs ? Ah ! mes chers amis, rejetons loin de nous cette honteuse pensée : l'or ni les offres brillantes des Français n'ont pu m'éblouir, leurs armes ne m'aviliront point. Après l'honneur de vaincre, il n'est rien de plus grand qu'une mort glorieuse.

II ne nous reste donc qu'à nous faire un chemin de fer à la mer à travers nos ennemis pour aller attendre ailleurs des temps plus heureux, et conserver des vengeurs à la Patrie, ou à terminer notre honorable carrière en mourant glorieusement comme nous avons vécu. »

Pascal Paoli quitte la Corse le . Son départ met un terme à quarante années de révolte armée contre la République de Gênes. S'ensuivent alors des années de répression. Le comte de Vaux, représentant du roi, ordonne aux troupes de n'épargner « ni les moissons, ni les vignes, ni les oliviers de ceux qui refuseront de se soumettre ». Les cadavres sont exposés à l’entrée des villages, et nombre de déportés sont envoyés au bagne de Toulon[19].

En 1774, les habitants se révoltent, mais sont réprimés dans le Niolo. C'est le début d'une longue série d'amnisties (1776), dont Paoli, alors à Londres, refuse de profiter.

La Corse est gouvernée par Marbeuf et devient pays d'États. Les États de Corse, assemblés et composés de 23 députés de chacun des trois ordres, choisis par élection indirecte, se réunissent huit fois entre 1770 et 1785. L'assemblée n'a qu'un rôle consultatif : toute décision dépend des commissaires du roi, l'intendant et le commandant en chef. L'administration confie peu de postes aux Corses sauf dans les échelons subalternes de la magistrature. L'administration des communes reste toutefois aux mains des autochtones. L'ordre de la noblesse est créé, des titres sont accordés à plus de 80 familles (parmi lesquelles les Bonaparte). Les nobles ne bénéficient pas de privilèges féodaux, mais peuvent obtenir divers avantages : concessions de terres, places d'officiers dans des régiments formés pour les Corses, bourses pour leurs enfants dans les écoles du continent.

Les tentatives de développement agricole et industriel sont peu efficaces. Les impôts directs, perçus dès 1778 en nature, pèsent surtout sur les pauvres. Les premières routes sont construites (de Bastia à Saint-Florent, et de Bastia à Corte) et le plan Terrier est mis en œuvre. Les recensements démontrent un accroissement continu de la population. En 1789, alors que la Révolution éclate en France, l'Assemblée nationale, incitée par des lettres (reprenant les cahiers de doléances de la population corse) de comités patriotiques de Bastia et d'Ajaccio, décrète, à la demande officielle des représentants de l'île, que la Corse est désormais partie intégrante de la monarchie française. Les Corses exilés sont alors autorisés à rentrer en France (voir le décret de réunion de la Corse à la France). Le , la Corse devient un département avec Bastia comme chef-lieu et siège de l'unique évêché.

La Révolution et le Royaume anglo-corse

En juillet 1790, les révolutionnaires français autorisent le retour de Pascal Paoli sur le territoire insulaire. En septembre, il est élu commandant en chef des gardes nationales corses, puis président du conseil général du département. Lors de son arrivée, avec une délégation corse, au club des Jacobins, Robespierre s’adresse à eux en termes admiratifs à la délégation corse : « Généreux citoyens, vous avez défendu la liberté dans un temps où nous n’osions l’espérer encore. Vous avez souffert pour elle ; vous triomphez avec elle, et votre triomphe est le nôtre[19]. »

De 1791 à 1793, les 9 districts (Bastia, Oletta, L'Île-Rousse, La Porta-d'Ampugnani, Corte, Cervione, Tallano, Ajaccio et Vico) du département de la Corse fournirent 4 bataillons de volontaires nationaux :

En juin 1791, une émeute religieuse éclate à Bastia, après la déposition de l'évêque qui refuse de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Paoli la réprime et, en 1792, transfère le chef-lieu à Corte, s'attirant ainsi l'hostilité des Jacobins corses, dont Christophe Saliceti et les frères Bonaparte.

Le 1er février 1793, la Convention décide d'envoyer trois commissaires (dont Saliceti) en Corse pour surveiller la conduite de Pascal Paoli. Le même mois, ce dernier est tenu pour responsable de l'échec d'une expédition contre la Sardaigne à laquelle participait Napoléon Bonaparte alors lieutenant-colonel en second au 2e bataillon de volontaires de la Corse. Le 2 avril, la Convention décrète son arrestation, ainsi que celle de Carlo Andrea Pozzo di Borgo : Lucien Bonaparte les accuse de despotisme. Face aux menaces des Paolistes, les commissaires, en Corse depuis le 5 avril, hésitent cependant à exécuter l'ordre. Fin mai, une consulte à Corte condamne le gouvernement français et proclame Paoli « père de la Patrie. » Ses partisans s'imposent à Ajaccio et saccagent la maison Bonaparte. Avec l'appui de Napoléon Bonaparte, les commissaires tentent d'attaquer Ajaccio par la mer, ce qui se solde par un échec.

Le , la Corse est divisée en deux départements, le Golo et le Liamone. Cette scission sera effective en 1796.

Pendant le même mois, la Convention met Paoli et Pozzo di Borgo hors la loi, alors que la milice Paolienne tient les troupes républicaines enfermées à Calvi, Saint-Florent et Bastia. Paoli cherche appui auprès des Britanniques qui envoient Sir Gilbert Elliot, accompagné de conseillers militaires, en janvier 1794. Bientôt, des forces britanniques assiègent et occupent Saint-Florent (février), Bastia (avril-mai), et Calvi (juin-août). Les patriotes et les députés, réunis en consulte à Corte le , proclament le Royaume Anglo-Corse, promulgue sa Constitution et élèvent Paoli au rang de Babbu di a Patria (« père de la Patrie »).

Pourtant, Sir Gilbert est désigné vice-roi, au mécontentement de Paoli. Ce dernier soulèvera alors une émeute en 1795 dirigée contre Sir Gilbert et Pozzo di Borgo. Mais il est rappelé en Grande-Bretagne où il s'exile le . En avril 1796, des émeutes provoquées par le parti républicain éclatent, Sir Gilbert reçoit l'ordre d'évacuer la Corse. Des troupes de l'armée napoléonienne d'Italie occupent par la suite l'île sans rencontrer d'opposition.

Premier Empire

Portrait de Napoléon Bonaparte (Ingres), il est né le 15 août 1769 à Ajaccio et deviendra empereur des Français en 1804.

En 1796, l'organisation des départements du Golo et du Liamone créés trois ans auparavant est confiée à Christophe Saliceti.

En 1798 les maladresses du Directoire et de ses envoyés, l'attitude des républicains locaux mais aussi l'influence contre-révolutionnaire du clergé déclenchent la Révolte de la Crocetta, soulèvement quasi général qui entraîne deux batailles rangées dans le nord de l'île. Les Corses sont défaits. Dans le sud en décembre, une coalition de Corses exilés, royalistes, paolistes et pro-britanniques, suscite un soulèvement analogue dans le Fiumorbu avec l'appui de la Sardaigne et de la Russie. Les répressions sont sévères. La crocetta est une petite croix en palme fixée sur la vêtement, notamment à Pâques.

En 1801, Napoléon suspend la Constitution en Corse. Il y envoie Miot de Melito comme administrateur général. Celui-ci mettra en place des concessions fiscales, les Arrêtés Miot. Ensuite, le général Morand gouverne l'île avec une dureté extrême. Le Décret impérial mis en place en 1810 permet de nouveaux dégrèvements fiscaux. Puis l'île est réunie en un seul département, avec Ajaccio pour le chef-lieu. Le général Morand est alors remplacé par le général César Berthier, frère du futur maréchal Louis-Alexandre Berthier.

L'exil de Napoléon à l'île d'Elbe provoquera des réjouissances à Ajaccio. Bastia accueillera alors des troupes britanniques commandées par le général Montrésor. En mars et avril 1815, des agents de Napoléon envoyés de l'île d'Elbe réussissent à s'imposer en Corse. Durant les Cent-Jours, l'île est administrée par le Duc de Padoue. En février 1816 a lieu un dernier soulèvement bonapartiste, la guerre du Fiumorbo, menée par le Commandant Poli. Malgré leur importance et leur résolution, et après une farouche résistance, les partisans de Napoléon, pourtant invaincus, mais assurés de l'amnistie générale, quittent la Corse.

Second Empire

Sous le Second Empire, la famille Abbatucci originaire de village de Zicavo obtient tous les pouvoirs de Napoléon III pour ce qui concerne le développement économique de la Corse.

Jacques Pierre Abbatucci, ancien député de la Corse puis du Loiret sous la Monarchie de Juillet et ancien magistrat à la cour de cassation, est un proche de l’Empereur. Le dix août 1849, il est chargé officiellement par Louis Napoléon Bonaparte, alors Président de la République, d’un rapport sur les besoins de la Corse, et du suivi des dossiers relatifs à l’île auprès des différents ministères concernés, ce qui en fait le premier « Monsieur Corse » de l’histoire. Après le coup d'État du 2 décembre 1851, il est nommé garde des sceaux puis élevé à la dignité de Sénateur lors du retour de l'Empire. Il gardera ces titres jusqu'à sa mort en 1857. Conseiller officiel de l’Empereur, il préside le Conseil des ministres lors de ses absences, la fonction de premier ministre n'existant pas sous le second Empire. Ses fils Charles et Séverin seront députés de la Corse de 1849 à 1881 (de 1849 à 1851, et de 1872 à 1881 pour Charles ; de 1852 à 1871 pour Séverin).

On peut donc associer le nom des Abbatucci à une grande partie des immenses progrès réalisés en Corse sous le second Empire : la création de plus de 2 000 km de routes et l'exploitation des forêts, l’interdiction du port d’armes, l’interdiction du libre parcours du bétail, l’installation du télégraphe et du premier courrier maritime postal, l’assèchement de marais, la délimitation des forets domaniales et communales, la construction des palais de justice de Bastia et d'Ajaccio, la création du canal de la Gravona, le développement de l'industrie minière et du thermalisme, la création des comices agricoles et des pénitenciers agricoles de Casabianda, Casteluccio et Coti-Chiavari, l'aménagement des ports de Bastia et d'Ajaccio, l’institution d’un vice-rectorat, la création de l’école normale d’institutrices, l’ouverture d’une Caisse d’Epargne à Ajaccio, etc.

Époque contemporaine

Première Guerre mondiale

48 000 hommes sont mobilisés en Corse, outre les 9 000 hommes déjà sous les drapeaux au moment où le conflit éclate. Ce chiffre relativement élevé s'explique par un décret spécial à la Corse qui mobilise les pères de familles de plus de 3 enfants, affectés à la défense passive de l'île[20].

C'est ainsi que, dans le Monde du 31 août 2000, Michel Rocard écrivit "Il faudrait tout de même se rappeler que, pendant la guerre de 1914-1918, on a mobilisé en Corse, ce qu'on n'a jamais osé faire sur le continent, jusqu'aux pères de six enfants"[21].

Dans les faits, l'île a le statut de « place forte », qui prévoit la mise sur le pied de guerre de l'armée territoriale et de sa réserve, qui comprennent des soldats plus âgés (37 ans au minimum et 48 ans au maximum) et les pères de familles nombreuses. La mission de l'infanterie territoriale comprend en effet notamment la protection des côtes et places fortes, ainsi que le soutien aux autres troupes, mais non l'engagement en première ligne. Toutefois, dans la confusion des premiers mois de guerre, plusieurs dizaines de soldats plus âgés sont engagés sur le front continental, ce qui engendre très tôt des protestations de la population et des élus insulaires. En tout, il semblerait d'après des recherches récentes,[22] qu'une vingtaine de ces réservistes aient été affectés au front et que deux d'entre eux y ont été tués avant d'avoir été rappelés à leur rôle initial.

Après la guerre, il sera longtemps affirmé que le nombre de tués aurait été de 30 000, voire 40 000. Ce chiffre élevé est tout à la fois dans l'intérêt des courants « jacobins », qui pensent ainsi démontrer l'engagement des Corses pour le drapeau français, et des courants « séparatistes », qui affirment quant à eux que la France aurait réservé un sort défavorable aux soldats corses, en les exposant en première ligne.

Jean-Paul Pellegrinetti et Georges Ravis-Giordani estiment que le nombre de corses morts au cours de cette guerre est compris entre 10 000 et 12 000 soldats insulaires[23]. Le nombre officiel de Corses nés dans l'île morts pour la France est de 9 751, d'après le site SGA-Mémoire des hommes qui recense les "morts pour la France". La proportion du nombre de morts par rapport à la population totale est de 3,6 %, chiffre qui place la Corse au 7e rang sur les 22 régions métropolitaines (Géographie économique des morts de 14-18 en France de H.Gilles, J-P Guironnet et A.Parent.)

Quoi qu'il en soit, en 1919, il n'y avait plus assez d'hommes valides pour faire tourner bon nombre d'exploitations agricoles.

Parmi les combattants corses de la Marne, de Verdun et des autres batailles meurtrières, se sont illustrés : le 173e régiment de ligne "Aio Zitelli", le général Grossetti et les aviateurs Jean Casale et Jean-Paul Ambrogi.

L'arrivée irrégulière des bateaux entraîne de graves problèmes de ravitaillement : le pain, le sucre, le pétrole sont rationnés. La pénurie est aggravée par l'hébergement de 2 000 prisonniers de guerre allemands, cantonnés dans les couvents et pénitenciers, puis utilisés comme main-d'œuvre dans les campagnes. De plus, la Corse devient une terre d'asile pour les réfugiés (4 000 Serbes et Syriens). Les corses ont parfois le sentiment que les ravitaillements sont prioritairement accordées au réfugiés, au détriment des populations locales. Pour subvenir aux besoins de la population, les terres abandonnées à la friche sont remises en culture suivant les pratiques traditionnelles. En septembre 1918, la grippe espagnole ravage certains villages et oblige le préfet à prendre des mesures pour limiter l'épidémie (cercueil plombé, ensevelissement profond).

Le torpillage du navire le Balkan, fit 417 victimes, dont un certain nombre de permissionnaires corses.

L'armistice de 1918 est accueilli dans l'allégresse et l'anxiété du retour des blessés. Des souscriptions locales permettront d'élever dans chaque village des monuments en l'honneur des morts. En 1933, la Borne de la Terre sacrée est inaugurée à Ajaccio. Ces pertes humaines affecteront durablement la vitalité de l'île, ce qui accentuera le déclin économique.

Seconde Guerre mondiale

Le , l'Italie fasciste prétend annexer Nice, la Savoie et la Corse. Le serment de Bastia du , prononcé par Jean Baptiste Ferracci devant 20 000 personnes lui répond en réaffirmant l’attachement de la Corse à la France et le rejet de l’irrédentisme mussolinien : « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir Français ». Dès le lendemain des comités antifascistes sont créés à Ajaccio et Bastia. À Paris les étudiants corses défilent aux cris de « La Corse contre le fascisme ! », « À mort Mussolini ! ». Après la défaite et l'armistice du , la Corse est rattachée à la zone libre jusqu’en 1942. L'autorité du Régime de Vichy se met en place et la propagande irrédentiste s'amplifie.

En Allemagne, les prisonniers de guerre corses sont réunis au Stalag V-B, confiés aux Italiens.

Deux réseaux de résistance s'organisent :

  • le réseau représenté par la mission secrète Pearl Harbour arrivé d'Alger le par le sous-marin Casabianca avec ses premiers agents, Toussaint et Pierre Griffi, Laurent Preziosi, et leur chef de mission Roger de Saule. Ils assureront la coordination politique des différents groupes de résistance qui se fonderont dans le Front national (avec notamment ses premiers responsables, Arthur Giovoni, Jean Nicoli, Jules Mandoloni, André Giusti, Dominique Luchini dit Ribellu).
  • le réseau R2 Corse, en liaison avec les Français libres du général de Gaulle et dirigé par Fred Scamaroni. Dans sa tentative vaine d'unification des mouvements à son arrivée en , il sera ensuite capturé, torturé et se suicidera le .

L'unification militaire sera menée à bien par le second chef de la mission Pearl Harbour, Paulin Colonna d'Istria.

À la suite du débarquement américain en Afrique du Nord, l'Allemagne occupe le la zone libre, rompant l'armistice de 1940. Le même jour, les troupes italiennes occupent la Corse, à raison de 85 000 soldats pour 220 000 habitants. En , s'y joindront 12 000 Allemands. Avec un occupant pour deux habitants, on réquisitionne, jusque dans le moindre village, des maisons et une partie du ravitaillement. Le , le préfet rappelle la souveraineté française et qualifie les troupes d'opération de troupes d'occupation.

Monument commémoratif sur la plage de Solaro (plaine orientale)

La contre-propagande active (tracts sur ronéo, journaux clandestins) apporte le soutien de la population, ce qui permet à certains patriotes de se cacher dans le maquis. À partir de , la résistance est aidée depuis Alger : de l'armement est acheminé par parachutage et par les missions du sous-marin Casabianca dirigé par le Commandant Jean l'Herminier. Attentats et coups de main contre les Italiens engendrent arrestations et exécutions (notamment Jules Mondoloni, Jean Nicoli, Pierre Griffi, etc.).

Le , l' Armistice de Cassibile, rendu public le 8, est signé entre l'Italie et les Anglo-Américains. Les Allemands se renforcent à Bastia pour assurer l'évacuation vers l'Italie de leurs troupes de Sardaigne, en remontant la Corse de Bonifacio à Bastia. Le , les Corses se soulèvent. Le commandant Colonna d'Istria envoie un ultimatum au général Magli commandant les troupes d'occupation italiennes en Corse, le sommant de choisir son camp. Ce dernier, après quelques hésitations, choisira définitivement le camp des Alliés à partir du 11. Le Comité de libération occupe la préfecture d'Ajaccio et contraint le préfet de Vichy à signer le ralliement de la Corse au Comité français de la Libération nationale (CFLN) sous la menace, un résistant lui ayant préalablement mis le canon de son arme dans la bouche. À Bastia, les Italiens ouvrent le feu contre des avions et des navires allemands. Le 9, les résistants corses, appuyés par les divisions italiennes Cremona et Friuli, neutralisent les éléments fascistes. À partir du 11, le général Giraud envoie de son propre chef des bataillons de choc commandés par Gambiez augmentés de renfort reposant sur plusieurs milliers de goumiers et tirailleurs marocains. Il en informe le CFLN qui est réservé sur cette initiative, craignant le noyautage de l'île par les communistes du mouvement Front national. Le 14 septembre, le nouveau préfet de Corse nommé par le CFLN, Charles Luizet, arrive sur l'île. Le 17, le général Henry Martin rencontre le général italien Magli à Corte afin de coordonner les mouvements des troupes alliées et italiennes. Le 21, Giraud arrive en Corse. Sartène est définitivement libérée le 22. Le 23, les troupes de choc et les patriotes atteignent Porto-Vecchio. Les troupes marocaines prennent le col de San Stefano le 30 septembre puis le col de Teghime le 3 octobre[24]. Ils rejoignent ensuite les patriotes pour harceler les troupes allemandes le long de la plaine orientale. Ces dernières détruisent ponts routiers et chemin de fer pour protéger leur retraite et, dans la nuit du 3 au , évacuent Bastia. À 5 heures du matin, le capitaine Then entre dans Bastia déjà libre, à la tête du 73e goum du 6e tabor.

Le , la Corse devient donc le premier département de France métropolitaine libéré, après le soulèvement de la population et par l'action conjointe des résistants corses, des Italiens et de quelques éléments de l'Armée d'Afrique, et sans intervention des Anglo-américains qui débarquent en Italie à la même époque. Le à Ajaccio, le général de Gaulle s'exclame : « La Corse a la fortune et l'honneur d'être le premier morceau libéré de la France ». L'île devient une base pour la poursuite des opérations en Italie puis pour le débarquement en Provence () et aura un surnom, l'USS Corsica.

Nul ne nie la prépondérance du débarquement en Normandie, dans l'optique de la victoire finale, mais la libération de la Corse (surtout grâce aux opérations de harcèlement, permettant d'empêcher le rapatriement des matériels et des hommes en temps voulu sur le port de Bastia, ce qui contraignit les Allemands à brûler la quasi-totalité des véhicules dans les rues allant du port de commerce à la gare, et dévasta un quartier de la ville) empêcha les troupes allemandes de prendre à revers les Alliés en Italie.

Années 1950

L'arrivée des campeurs dans la première commune à se lancer dans le tourisme, à Porto-Vecchio[25], est d'abord bien accueilli, au moment où le camping commence à se démocratiser à grande échelle en France. Les petites communes de l'île voient ainsi arriver au milieu des années 1950 des "villages de toile" au bord des plages, dès 1949 à Calvi puis en 1955 à Porto-Vecchio pour le Club Polynésie et Propriano pour le "Club Corsaire", sur le modèle des villages magiques fondés pour les lectrices du magazine Elle et qui font connaitre les paysages et le potentiel touristique de l'Italie du sud auprès de la clientèle des jeunes touristes français.

C'est respectivement en janvier et en février 1957 que sont créées les deux sociétés pour développer le tourisme et l'agriculture, même si cette innovation n'est publiée au journal officiel qu'en avril de la même année. En 1964, sept ans seulement après leur fondation, elles subiront leurs premiers attentats commis par les nationalistes.[26].

Guerre d'Algérie

Du 24 au 28 mai 1958, le 1er bataillon parachutiste de choc (basé à Calvi) enclenche la première phase de l'opération Résurrection, une des étapes du coup d'État du 13 mai 1958, qui consiste à s'emparer du pouvoir civil et militaire dans toute l'île.

Dans un mouvement qui a commencé dès 1957, 15 000 à 20 000 rapatriés venus d'Afrique du Nord se sont installés en Corse, soit environ 9 % de la population autochtone. Les événements d'Aléria sont en partie liés à la présence de pied-noirs dont certains, pas forcément les plus nombreux, surent se rendre insupportables auprès des Corses, par des paroles méprisantes. Ceux-là sont partis et il reste des pieds-noirs qui, sans oublier leurs racines, se sont intégrés à la société corse. Ce qui insupporta les insulaires fut de se voir refuser des prêts, en vue de l'acquisition de terres, et de constater que l'on prêtait pour l'achat de ces mêmes terres à cette population nouvellement débarquée et qui, de par son ampleur, fut perçue comme un envahissement, d'autant qu'ils sont aussi perçus comme les principaux bénéficiaires de l'intervention de l'Etat[27].

Environ 40 % s'installent en ville, Ajaccio et Bastia en accueillant la plus grande part, ou dans les pôles urbains secondaires[28]. La plupart s'implantent en plaine orientale, pour développer le secteur viticole [28]: sur les 18 lots de 30 à 40 hectares attribués par la SOMIVAC (Société pour la Mise en Valeur Agricole de la Corse), 16 revinrent à des rapatriés[28].

Dès le début septembre 1962, la Corse compte 12 000 rapatriés d'Afrique du Nord, soit environ le quinzième de la population effective, selon Marcel Turon, préfet de la Corse, s'exprimant au cours d'une conférence de presse[29], dont seulement 2500 à 3000, soit le cinquième, arrivées depuis la signature des accords d'Evian[29], mettant fin à la Guerre d'Algérie.

La Corse a alors accueilli également beaucoup de personnes originaires du Maroc et de Tunisie[29]. La presse observe alors que le resserrement des attaches familiales, même lointaines, a permis de trouver un point de chute pour une partie d'entre eux[29]. Une partie de ceux venus d'Algérie ont décidé de s'accorder deux mois de réflexion et choisir ensuite entre leur retour en Algérie et leur installation en Corse selon la tournure que prendraient les événements[29], qui parfois s'accélèrent.

Les dissensions qui ont éclaté au sein du FLN, ont en particulier convaincu de nombreux rapatriés[29] arrivés à la fin du printemps de se décider plus tôt que prévu: environ 300 nouveaux dossiers sont ainsi déposés entre le 15 août et le début septembre 1962[29]. Pourtant il semble qu'on

Officiellement, l'administration et la population corse souhaitent alors les voir se fixer dans les villages de montagne[29], zones les plus durement touchées depuis des décennies par l'exode[29]. Dans les centres urbains corses, leur relogement semble alors plus difficile[29].

Hausse de la fréquentation touristique

La fréquentation touristique augmenta à partir des années 1960[28], avec régularité : entre 1960 et 2010, le nombre de séjours est multiplié par 25 car il est passé de 120 000 à près de 3 millions[28], mais en ligne avec une évolution « naturelle »[28] d'autres pays ou îles ensoleillés de la Méditerranée. Cette forte croissance est selon les spécialistes plus spontanée que résultant d'une convergence entre politiques publiques et appétit des investisseurs privés[28], comme en Crète, selon une étude comparant les deux destinations[28]. La différence est d'autant plus spectaculaire que la Crète, où le tourisme va dès le départ être extrêmement inégalement répartis sur le territoire[28], s'est reposée sur une politique publique, à l'époque de la dictature des colonels, privilégiant le choix de grandes stations balnéaires[28], où une série d'hôtel-clubs drainent sur la côte nord des armées de touristes venus d’Europe du Nord en vols charters, dans le cadre de formules tout compris[28], alors que la Corse a souvent, de son côté[28], hérité par la suite du qualificatif de « cimetière des plans et schémas »[28], notamment en raison de l'action des mouvements régionalistes corses[28].

Un premier attentat se produit sur le cordon lagunaire de la Marana au Sud de Bastia le 19 mars 1970[28], quand le Transat Hôtel Club est soufflé par une explosion provoquée par les nationalistes afin selon eux de protéger le littoral de la bétonisation[28]. Un manifeste est publié peu après, en 1971 par le Front Régionaliste Corse[28], fondé Pascal Marchetti et Charles Santoni, qui met les pieds dans le plat et dénonce sans prendre des gants « l’expansion d’une industrie touristique monopoliste et coloniale, avec toutes les caractéristiques et les pratiques des entreprises coloniales »[30].

Après cinq décennies le nombre de lits marchands en Corse n'atteindra que 118 700 contre 217 360 en Crète[28], dont 44% en hôtel, résidences de tourisme et villages de vacances[28], cette dernière formule y étant particulièrement développée. Pour la Crète, les hôtels représentent à eux seuls 75% des lits marchands à environ 162 000[28].

Événements d’Aléria

Au cours du mois d'août 1975, lors du congrès de l'Action régionaliste corse (ARC) à Corte, le préfet de Corse prévient le 17 août sa hiérarchie d'une prochaine action d'éclat du mouvement, après les propos du leader de l'ARC Edmond Simeoni. Le choix des responsables politiques du mouvement se porte sur un site agricole, dans un contexte de soupçons d'escroquerie sur la fabrication et la commercialisation du vin par les rapatriés d'Algérie[31]. Edmond Simeoni l'a promis aux militants les plus radicaux, dont Pierre Poggioli, Léo Battesti ou Alain Orsoni, récemment exclus de l'ARC, mais invités au congrès : rendez-vous à Aléria le 21 août[32].

Le , une douzaine d'hommes occupent la ferme d'un viticulteur pied-noir d'Aléria, Henri Depeille. Sous la direction d'Edmond Simeoni et de son frère Max, ils entendent dénoncer le régime fiscal et financier dérogatoire dont bénéficieraient les producteurs récemment arrivés, au détriment des producteurs insulaires de souche. Ils dénoncent également l'attribution de terres agricoles insulaires à ces agriculteurs au détriment des producteurs locaux, ainsi expropriés de la terre de leurs ancêtres. La principale dénonciation est celle de la chaptalisation qui devenue excessive permet de faire des vins qui ne méritent plus ce nom. Les militants renvoient la famille Depeille, et prennent en otage quatre travailleurs immigrés (en leur versant tout de même leur salaire de la journée)[31]. La cave Depeille a été choisie plutôt que celle d'Infantes à Borgo, parce que l'une n'est pas gardée et l'autre oui. Le premier groupe, armé de fusils de chasse, est rejoint par d'autres militants au cours de la journée, accompagnés d'armes de poing[32] et aussi au moins d'un fusil mitrailleur[31]. Le responsable militaire est Marcel Lorenzoni[32].

Michel Poniatowski, ministre de l'Intérieur, alors premier représentant du gouvernement (le président Giscard d'Estaing et le premier ministre Chirac étant en vacances) annonce « un commando d’hommes armés de fusils mitrailleurs, et commandé par le docteur Edmond Simeoni, s’est emparé ce matin, avec des personnes à l’intérieur [...] ». Il mobilise en réaction 1 200 gendarmes mobiles, les CRS, des hélicoptères, une frégate de la marine nationale et même des blindés, principalement utilisés pour restreindre l'accès au site. La route nationale est barrée par les troupes des forces de l'ordre, qui empêchent d'autres militants de rejoindre les Simeoni. Seuls quelques dizaines d'hommes, gendarmes et CRS, cernent directement la cave, appuyés par des blindés de la gendarmerie[31].

De leur côté, les militants exhibent les otages. L'assaut est donné le 22 août : un militant a le pied arraché par une grenade lacrymogène, deux gendarmes sont tués dans des circonstances non déterminées officiellement à ce jour. Afin de gagner du temps, le commando déguise certains de ses membres pour les faire passer pour touristes retenus en otage[32]. Afin d'éviter un drame plus important, Edmond Simeoni se rend le même jour avec certains de ses camarades. D'autres militants, refusant la reddition, réussissent à prendre la fuite par les vignes ou par la route[32]. Simeoni et ses amis sont libres toutefois de rentrer chez eux. Durant la nuit, de violents affrontements éclatent dans Bastia. La ville est alors sous état de couvre-feu et occupée par les blindés et les gendarmes mobiles. L'ARC est dissoute le 27 août, par décision du conseil des ministres ; dans l'émeute qui suit à nouveau à Bastia, un CRS est tué par un militant nationaliste. Edmond Simeoni est condamné en 1976 à cinq ans de prison, dont trois avec sursis ; ses compagnons à des peines plus légères ; Depeille et d'autres viticulteurs sont poursuivis pour infractions aux lois sur les sociétés et banqueroute. En mai de la même année, quelques semaines après la condamnation de Simeoni, des indépendantistes, dont d'anciens membres du commando d'Aléria, annoncent la création du Front de libération nationale corse, en lançant la première Nuit bleue corse : cette crise a marqué le point de départ du durcissement du nationalisme corse[31], contrairement à ce qu'espérait Simeoni[32].

Notes et références

  1. Bonifay 1998, p. 37 - 38
  2. Enei 2014, p. 11-20
  3. Salotti 2008, p. 31
  4. Perrin 2017, p. 15-16
  5. Costa 2004, p. 215 – 216
  6. Broodbank 2006, p. 215
  7. Michel Pascal, Olivier Lorvelec, Jean-Denis Vigne, Philippe Keith et Philippe Clergeau, Évolution holocène de la faune de vertébrés de France : invasions et extinctions. Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages). Version définitive du 10 juillet 2003., Paris, INRA/CNRS/MNHN, , 381 p., annexe E
  8. Strabon, Géographie, livre V, chapitre II, 7.
  9. Xavier Poli in La Corse dans l'Antiquité et dans le Haut Moyen Âge Librairie Albert Fontemoing Paris 1907
  10. René Cagnat in Étude sur les cités romaines de la Tunisie, dans le Journal des Savants, année 1896, p. 406
  11. Bourg ou village qui était situé sur un cap qui porte son nom, capo di Casa Barbarica, à 9 lieues d'Ajaccio. Les Sarrazins s'étaient emparés du lieu et l'avaient fortifié. Ce lieu s'est appelée Domus Barbarica et Marianum ou promontorium Marianum.
  12. Philippe Pergola, Daniel Istria, S. P. P. Scalfati, Antoine-Marie Graziani, A. Venturini, 2013, Moyen-Âge, in Graziani A.-M. (dir.), Histoire de la Corse, volume 1 – Des origines à la veille des révolutions (occupations et adaptations), Éditions Alain Piazzola, Ajaccio, p. 213-491
  13. Colonna de Cesari Rocca in Histoire de Corse - Ancienne Librairie Furne - Boivin & Cie, Éditeurs Paris 1916 - p. 35
  14. Ex ossibus S. Caesarii, testi ed illustrazioni di Giovanni Guida, 2017
  15. Daniel Istria, « La maison de la première moitié du XIVe siècle dans les castra du nord de la Corse. », Bulletin Monumental, vol. 158, no 4, , p. 305-322 (lire en ligne).
  16. François G. Robiquet, Recherches historiques et statistiques sur la Corse, p. 124-126 (lire en ligne)
  17. Philippe Colombani, Les réseaux de défense de la Commune de Gênes en Ligurie et en Corse (XIVe – XVe siècle), dans sous la direction de Damien Coulon. Christophe Picard. Dominique Valérian, Espaces et réseaux en Méditerranée VIe – XVIe siècle, II - Formation des réseaux, Éditions Bouchene, Paris, 2010, p. 75-90, (ISBN 978-2-35676-013-5) (aprçu)
  18. Paul Louis Albertini, Joseph Marinetti, Corse, Éditions G. L. D., , p. 221
  19. https://www.monde-diplomatique.fr/2019/07/BERNARDINI/60019
  20. « Tribut de la Corse a la Grande Guerre », sur corsicatheque.com, (consulté le )
  21. « Corse jacobins ne tuez pas la paix », sur le Monde, (consulté le )
  22. « La Corse en premiere ligne a paye un lourd tribut a la grande guerre », sur corsematin.com, (consulté le )
  23. Jean-Paul Pellegrinetti et Georges Ravis-Giordani, "Les monuments aux morts de la première guerre mondiale en Corse", Cahiers de la Méditerranée, 81-2010, p. 239-251
  24. Domique Lormier, C'est nous les Africains, Calmann-Lévy, 2006, p. 171
  25. Porto-Vecchio : Du peuple montagnard à la cité balnéaire internationale, par Caroline Sauge.
  26. "Corse StoriaCorsa – 1957 – Création de la Somivac et de la Setco" sur Unità Naziunale
  27. "La question corse" par Xavier Crettiez, en 1999
  28. Mathilde Woillez, "Construction d’une gouvernance partagée pour une gestion durable du tourisme dans les territoires insulaires" thèse de doctorat d'État en géographie, le 17 décembre 2014
  29. "La Corse a accueilli trois mille repliés qui ont facilement trouvé des emplois" par Paul Silvani le 8 septembre 1962 dans Le Monde
  30. "Main basse sur une ile" ? par Pascal Marchetti et Charles Santoni, en 1971 aux Éditions Jérôme Martineau
  31. Philippe Boggio, « Comment l'occupation d'Aléria en 1975 a mené à la création du FLNC », Slate, (lire en ligne).
  32. Christophe Forcari et Marc Pivois, « Aléria, mémoire violente de la Corse », Libération, (lire en ligne).

Annexes

Synthèses sur l'Histoire de la Corse

  • Pierre Antonetti, Histoire de la Corse, Robert Laffont, Paris, 1990, (ISBN 978-2-22106862-5)
  • Jean-Marie-Arrighi et Olivier Jehasse, Histoire de la Corse et des Corses, Colonna édition et Perrin, 2008, (ISBN 978-2-26204254-7).
  • Paul Arrighi, Francis Pomponi, Histoire de la Corse, Collection « Que sais-je ? », PUF, 2000, (ISBN 978-2-13044821-1)
  • Colonna de Cesari-Rocca et Louis Villat, Histoire de Corse - Ancienne Librairie Furne Paris Boivin & Cie Éd. 1916 (lire en ligne)
  • Robert Colonna d'Istria, Histoire de la Corse, 1995
  • Jean-Ange Galetti, Histoire illustrée de la Corse, Jeanne Lafitte, 1972
  • Antoine-Marie Graziani, Histoire de la Corse, Éditions Alain Piazzola, Ajaccio, 2013, tome 1, Des origines à la veille des Révolutions. Occupations et adaptations, (ISBN 978-2-364790-14-8).
  • Antoine-Marie Graziani, Histoire de la Corse, Éditions Alain Piazzola, Ajaccio, 2019, tome 2, Des Révolutions à nos jours. Permanences et évolutions.
  • Francis Pomponi (dir.), Le Mémorial des Corses, 7 volumes, Le Mémorial des Corses, Ajaccio, 1981.
  • Janine Renucci, La Corse, Collection « Que sais je ? », PUF, Paris, 2001 (6e édition)
  • Antoine Laurent Serpentini (dir.), "Dictionnaire historique de la Corse", Ajaccio, Albiana, 2006.
  • Francis Pomponi (dir.), Le Mémorial des Corses, 7 volumes, Le Mémorial des Corses, Ajaccio, 1981.
  • Michel Vergé-Franceschi, Histoire de Corse. Le pays de la grandeur, Éditions du Félin, Paris, 2013, (ISBN 978-2-86645798-3)

Préhistoire et proto-histoire de la Corse

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Epoque moderne

  • (en) Julia Gasper, Theodore von Neuhoff, king of Corsica. The man behind the legend. University of Delaware Press, novembre 2012.
  • Antoine-Marie Graziani, Histoire de Gênes, Fayard, mars 2009.
  • Antoine-Marie Graziani, Pascal Paoli, père de la patrie corse, Tallandier, mai 2004.
  • Antoine-Marie Graziani, Le Roi Thédodore, Tallandier, juin 2005.
  • Charles de Peretti, La Corse face à Gênes, entre féodalité et modernité, Colonna édition, 2008.
  • Desideriu Ramelet, Stuart of Corsica, l'origine dévoilée, éditions stuart of corsica, 2010.
  • Michel Vergé-Franceschi, Pasquale Paoli, un corse des Lumières, Fayard, juin 2005.

Epoque contemporaine

  • Toussaint Griffi et Laurent Preziosi, 1re mission en Corse occupée : avec le sous-marin Casabianca, Éditions L'Harmattan 1988.
  • René Santoni, Jacques Pierre Charles Abbatucci, de Zicavo aux arcanes du pouvoir sous le second Empire.

Essais contemporains sur la Corse

  • Jean-Victoir Angelini, Histoire secrète de la Corse, Albin Michel.
  • Daniel Arnaud, La Corse et l'idée républicaine, L'Harmattan, 2006.
  • Marc de Cursay, Corse, la fin des mythes, éditions Lharmattan, 2008, 306 p.
  • Stéphane Massiani (préf. Vice-Amiral d’Escadre (2e S) de Lachadenede, Membre de l’Académie du Var), La Corse … et ses merveilles, Ollioules, Grand Large Ėditions, , 200 p..

Sources de l'Histoire de la Corse

Articles connexes

Préhistoire

Antiquité romaine

Liens externes

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