Hilma af Klint

Hilma af Klint (née le au château de Karlberg à Stockholm et morte le ) est une artiste suédoise, théosophe et pionnière dans l'art abstrait.

Biographie

Jeunesse

Hilma af Klint est issue d'une famille comptant plusieurs générations d'officiers de la marine, d'ingénieurs marins et de cartographes. La famille de Hilma af Klint passe ses étés dans son manoir de Hammora sur l’île Adelsö du lac Mälar près de Stockholm. Cet univers idyllique, au contact de la nature, marque Hilma af Klint qui s’en inspirera dans sa création artistique. Plus tard, elle viendra s’installer de manière permanente à Munsö, l’île voisine de Adelsö, fief de la famille af Klint.

De sa famille, Hilma af Klint hérite d'un intérêt marqué pour les mathématiques et la botanique, mais c’est dans le monde artistique qu’elle trouvera sa voie. Très douée, elle prend, très jeune, des cours de peinture, notamment de portrait. À 18 ans, elle entre à l’École Technique Artistique de Stockholm (Tekniska Skolan, appelée aujourd’hui Konstfack), et poursuit ses études à l’Académie des Beaux Arts de Stockholm (Konstakademien)[1]. Ce choix est très controversé en ce début du XXe siècle: il n’y a, à l’époque, qu’une poignée de femmes poursuivant des études supérieures.

Une peintre naturaliste et non figurative

Eftersommar (Fin de l'été) 1903. Un exemple de peinture naturaliste dont vivait Hilma af Klint.

Sa peinture conformiste (portraits, paysages, illustrations botaniques) lui servira de prétexte, et de modeste source de revenus, tout au long de sa vie.

Sa véritable œuvre, à ses propres yeux et celle pour laquelle elle est aujourd’hui reconnue, est d’un tout autre genre : dans son atelier à Stockholm, c'est la peinture abstraite que Hilma af Klint invente[2].

En 1906, après vingt ans de vie d’artiste et à l’âge de 44 ans, Hilma af Klint peint sa première série de peintures abstraites[1]. Ce tournant vers l’abstraction et la symbolique lui vient de son intérêt pour le spiritisme, très en vogue en Europe à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Hilma af Klint s'intéresse à la théosophie[3] de Madame Blavatsky et à la philosophie de Christian Rosencreutz. En 1908, elle fait connaissance de Rudolf Steiner, fondateur de la Société Anthroposophique, de passage à Stockholm. Rudolf Steiner, qui l'initie à ses propres théories sur l'art, aura une certaine influence sur sa peinture tardive[1]. Plusieurs années plus tard, en 1920, elle le retrouve au Goetheanum à Dornach en Suisse, siège de la Société Anthroposophique. Entre 1921 et 1930 elle y passe de longues périodes, marquant ainsi une pause dans sa création artistique.

Si l'on retrouve cet attrait pour la spiritualité chez d’autres artistes contemporains comme Wassily Kandinsky, Piet Mondrian ou les Nabis[4], la transition artistique de Hilma af Klint vers l’art abstrait et la peinture non figurative s'effectue cependant sans contact avec les mouvements modernistes de l'époque. Le travail de Hilma af Klint est tout d’abord spirituel, et son œuvre artistique en est la conséquence.

Grand œuvre : le Temple

Autoportrait non daté.

Hilma af Klint peint la série de peintures consacrées au Temple entre 1906 et 1915, réalisées en deux phases avec une interruption entre 1908 et 1912. Cette œuvre compte au total cent quatre-vingt-treize tableaux, regroupés en plusieurs sous-séries. Les pièces maîtresses, peintes en 1907, sont de taille imposante : chaque tableau mesure environ 2,40 x 3,20 m. Cette série, intitulée Les dix plus grands, décrit les différents stades de la vie depuis la petite enfance jusqu'à la vieillesse.

Après l’achèvement de ce grand œuvre, Hilma af Klint continue à peindre dans l’abstrait. Alors que les tableaux du Temple sont pour la plupart des peintures à l'huile, elle se consacre par la suite surtout à la peinture à l'aquarelle, avec des œuvres aux dimensions plus modestes. Elle peint entre autres une série d'études sur les différentes religions, ainsi que des représentations de la dualité entre l'être physique et son équivalent sur le plan ésotérique. Hilma af Klint poursuit ses recherches artistiques ésotériques, et, à partir des années 1920, il est possible d'y percevoir une inspiration des théories artistiques développées par la Société Anthroposophique.

Fin de vie

Tout au long de sa vie, Hilma af Klint cherche à comprendre les mystères qu'elle a entrevus dans son travail, laissant derrière elle cent cinquante cahiers de notes de réflexions et d'étude.

Son œuvre majeure - le Temple - ayant été incomprise et rejetée par Rudolf Steiner, Hilma af Klint n’ose jamais montrer sa peinture abstraite à ses contemporains, estimant que le monde et l'époque dans laquelle elle vit ne sont pas mûrs pour les recevoir. Plus de mille deux cents tableaux sont ainsi soigneusement roulés et l'ensemble stocké dans son atelier.

Hilma af Klint meurt en 1944, à l'âge de 81 ans, à la suite d'un accident de la route.

Influence du spiritisme

Pendant ses études, Hilma af Klint fait la connaissance de Anna Cassel, qui l’introduit dans le groupe Les Cinq (de Fem). Ce groupe de femmes artistes s’intéresse au paranormal et organise régulièrement des séances de spiritisme. Elles se sentent entrer en contact avec « Les Maîtres » (Höga Mästare), esprits d'une autre dimension, qui les incitent à s'initier à l'écriture et la peinture automatiques. Hilma af Klint se sent guidée par une force qui lui dicte littéralement sa création. Selon Les Maîtres, elle aurait été désignée pour créer les tableaux du Temple - mais elle ne saura jamais vraiment ce que les esprits entendent précisément par ce terme. Ses premières œuvres abstraites sont réalisées en peinture automatique, et la première partie des grandes peintures vouées au Temple prennent forme dans un état de quasi-transe. Hilma af Klint écrit dans ses carnets de notes :

« Les peintures se sont peintes directement à travers moi, sans esquisse préliminaire et avec grande force. Je n'avais aucune idée de ce que ces images allaient représenter, néanmoins je travaillais vite et avec assurance, sans changer aucun trait de pinceau »[5],[6]

Cahier de dessins et d'études, 2-11 juillet 1919.

Au fur et à mesure que Hilma af Klint découvre cette nouvelle forme d'expression visuelle, elle en développe le langage artistique, et son travail devient plus autonome et plus intentionnel. L'influence spirituelle reste toute sa vie la source créatrice de sa peinture.

Le monde artistique de Hilma af Klint est rempli de symboles, de lettres et de mots. Les tableaux expriment souvent une dualité ou une réciprocité symétrique : entre haut et bas, intérieur et extérieur, terrestre et spirituel, masculin et féminin, bien et mal. Le choix des couleurs est également métaphorique, avec comme thèmes récurrents le bleu pour l'esprit féminin, le jaune pour l'esprit masculin et le rose ou le rouge pour l'amour. Le Cygne et le Pigeon, titres de deux séries des tableaux du Temple, sont également des animaux symboliques, représentant respectivement la transcendance et l'amour. Tels des portails vers d'autres dimensions, ses peintures appellent à une interprétation narrative et ésotérique autant qu'artistique.

Postérité

Dans son testament, Hilma af Klint lègue l'ensemble de sa peinture abstraite à son neveu, Erik af Klint, vice-amiral de la marine royale suédoise. Hilma af Klint précise que l'œuvre doit rester scellée au minimum vingt ans après sa mort. Lorsque les caisses seront ouvertes à la fin des années 1960, rares sont donc les personnes ayant connaissance de ce qui allait leur être dévoilé. Il faudra attendre encore vingt années supplémentaires avant que la première exposition n'ait lieu : l’œuvre abstraite de Hilma af Klint sera montrée au grand public pour la première fois lors de l’exposition The Spiritual in Art, Abstract Painting 1890-1985, tenue à Los Angeles en 1986. Cette exposition marquera le début de sa renommée internationale.

La collection de peintures abstraites de Hilma af Klint compte plus de mille deux cents peintures. Elle est gérée par la Fondation Hilma af Klint à Stockholm[7].


Hilma af Klint et son œuvre sont présentées dans le film Personal Shopper (2016) réalisé par Olivier Assayas[8]. L'art de Hilma af Klint inspire Acne Studios à sa collection d'été de vêtements en 2014 [9],[10]

Expositions posthumes

Exposition itinérante : Musée d'art contemporain de Chicago. -  ; Gemeentemuseum, la Haye Pays-Bas. 1er septembre -

  • Hilma af Klints hemliga bilder, Nordic Art Association, Sveaborg Helsinki Finlande 1988-1989
  • Ockult målarinna och abstrakt pionjär, Musée d'art moderne de Stockholm 1989-1991
Exposition itinérante :

Exposition itinérante : Kunsthaus Graz Autriche ; Musée d'art moderne de Passau Allemagne

  • Målningarna till templet (Les tableaux du temple), Liljevalchs konsthall, Stockholm 1999-2000
  • The Paradise, The Douglas Hyde Gallery, Dublin 2004–2005
  • 3 x Abstraction: New Methods of Drawing, Drawing Center, New York, 2005-2006[12]

Exposition itinérante : Santa Monica Museum of Art[13] ; Musée irlandais d'art moderne, Dublin

  • An Atom in the Universe, Camden Arts Centre, 2006
  • The Alpine Cathedral and The City-Crown, Josiah McElheny, Musée d'art moderne de Stockholm, (représentée par 14 tableaux)
  • The Message. The Medium as artist - Das Medium als Künstler, Bochum Allemagne, (représentée par 4 tableaux)
  • Traces du sacré, Centre Georges Pompidou, Paris, (représentée par 7 tableaux) [14].

Exposition itinérante : Haus der Kunst, Munich

  • Hilma af Klint – Une modernité révélée, Centre culturel suédois, Paris, (représentée par 59 tableaux)
  • De geheime schilderijen van Hilma af Klint, Museum voor Moderne Kunst, Arnhem Pays-Bas, -
  • Beyond Colour, See! Colour! Quatre expositions individuelles au Kulturforum à Järna, Suède. Avec entre autres James Turrell, Rudolf Steiner, au
  • Hilma af Klint - A Pioneer of Abstraction, Musée d'art moderne de Stockholm - [15],[16]

Exposition itinérante : Hamburger Bahnhof - Museum für Gegenwart, Berlin 2013[17],[18] ; Musée Picasso, Malaga Espagne, 2013-2014 [19] ; Musée d'art moderne Louisiana, Copenhague Danemark 2014 [20]; Henie Onstad Kunstsenter, Oslo Norvège 2015 ; Kumu, Tallinn, Estonie 2015

Notes et références

  1. Claire Gilly, « Au Centre Pompidou, les femmes redéfinissent la notion de l’art abstrait », Le Monde, (lire en ligne)
  2. Emmanuelle Lequeux, « La secrète invention de l’abstraction par Hilma af Klint », Le Monde, (lire en ligne)
  3. (en) « Theosophy and the Society in the Public Eye », sur theosophyforward.com
  4. (en) Liam Taft, « Invisible art: rediscovering the work of Hilma af Klint », National Student, (lire en ligne)
  5. (en) Åke Fant - Secret Pictures by Hilma af Klint, 1988 (ISBN 951-96051-6-9)
  6. (en) Iris Müller-Westermann, Hilma af Klint Painting for the Temple, Musée d'art moderne de Stockholm
  7. (sv)(en) Stiftelsen Hilma af Klints Verk
  8. (en) Hilma af Klint sur l’Internet Movie Database.
  9. (en) Acne Studios - Projects - Hilma af Klint
  10. Quand Acne Studios rencontre Hilma af Klint, Madame Figaro 14 mars 2014 (lu 06 avril 2017)
  11. (en) Art view; How the spiritual infused the abstract, New York Times - Publié le 21 décembre, 1986
  12. (en) 3 x Abstraction - The Drawing Center
  13. (en) 3 x Abstraction - Santa Monica Museum of Art
  14. Traces du sacré, Hilma af Klint - Centre Pompidou
  15. (en) Hilma af Klint - A Pioneer of Abstraction, Musée d'art moderne de Stockholm
  16. « Hilma af Klint - Nouvelle icône de l'abstraction », sur Connaissance des Arts (consulté le )
  17. (en) Hilma af Klint - A Pioneer of Abstraction, Hamburger Bahnhof, Belin
  18. Video Euronews du 28 juin 2013 présentant Hilma af Klint (En français, 1:38 Min.)
  19. (en) Hilma af Klint - A Pioneer of Abstraction, Musée Picasso, Malaga
  20. (en) Hilma af Klint - A Pioneer of Abstraction, Musée d'art moderne Louisiana, Danemark
  21. Cosa mentale - Les imaginaires de la télépathie dans l'art du XXe siècle , Centre Pompidou – Metz (consulté le 08-04-2017)
  22. (en) Hilma af Klint : Painting the Unseen, Serpentine Gallery
  23. (en)The Keeper, New Museum of Contemporary Art
  24. Jardin infini. De Giverny à l’Amazonie, Centre Pompidou Metz
  25. Au-delà des étoiles - Le Paysage Mystique, Musée d'Orsay (consulté le 21-01-2017)
  26. (en)L’emozione dei COLORI nell’arte
  27. (en)As Above, So Below
  28. (en)Aidan Dunne -An alternative history of art of the last century Irish Times, 18 avril 2017
  29. (en)Intuition, Axel Vervoordt Foundation
  30. (en)Intuition, Palazzo Fortuny
  31. (en)GIBCA 2017
  32. (en)Hilma af Klint, Guggenheim

Annexes

Bibliographie

  • (sv) Hilma af Klint, Raster Förlag, Stockholm. Texte en suédois, environ 100 images. (ISBN 9187214083)
  • (sv) Vägen till templet, Rosengårdens Förlag. Texte en suédois, 30 esquisses. Description de la période d'apprentissage pour devenir médium. (ISBN 91-972883-0-6)
  • (sv) Enheten bortom mångfalden, Rosengårdens Förlag. Texte en suédois, 32 images. Œuvre en deux parties : une partie philosophique et l'autre artistico-scientifique. (ISBN 91-972883-4-9)
  • (en) I describe the way and meanwhile I am proceeding along it, Rosengårdens Förlag. Une brève introduction en anglais avec 3 images. (ISBN 91-972883-2-2)
  • (en) The Spiritual in Art, Abstract Painting 1890-1985, publ. Los Angeles County Museum of Art, 1986 (ISBN 0-89659-669-9), (ISBN 0-87587-130-5) LACMA : pbk.
  • (de) Okkultismus und Abstraktion, die Malerin Hilma af Klint, Åke Fant, Albertina, Vienne 1992. (ISBN 3-900656-17-7)
  • (en) Hilma af Klint, The greatness of things, Anna Maria Svensson, The Douglas Hyde Gallery, Dublin, 2005. Texte en anglais, 23 images. (ISBN 0-907660-99-1)
  • (en) 3 X Abstraction, Catherine de Zegher et Hendel Teicher (eds.), Yale University Press et The Drawing Center, NY, 2005 (ISBN 978-0300108262) (ISBN 0300108265)
  • (en) The Message. Art and Occultism. With an Essay by [André Breton], Hrsg. v. Claudia Dichter, Hans Günter Golinski, Michael Krajewski, Susanne Zander. Kunstmuseum Bochum. Maison d'édition: Verlag der Buchhandlung Walther Konig 25.03.2013. (ISBN 978-3-86560-342-5)
  • (en) Swedish Women Artists: Sigrid Hjertén, Hilma AF Klint, Nathalie Djurberg, Signe Hammarsten-Jansson, Aleksandra Mir, Ulrika Pasch, Books LCC, 2010. (ISBN 978-1155646084)
  • (en)(de) The Legacy of Hilma Af Klint: Nine Contemporary Responses (anglais / allemand), Ann-Sofi Norin, Daniel Birnbaum, Verlag Der Buchhandlung Walther Konig, 2013. (ISBN 3863353439), (ISBN 978-3863353438)
  • (en) Hilma af Klint. The Art of Seeing the Invisible, de Kurt Belfrage, Louise Almqvist (eds.), édition Axel and Margaret Ax:son Johnson Foundation; première édition 2015 (ISBN 9189672712), (ISBN 978-9189672710)
  • (en) Hilma af Klint - A Pioneer of Abstraction, édition de Iris Müller-Westermann avec Jo Widoff, contributions de David Lomas, Pascal Rousseau et Helmut Zander. (ISBN 978-91-8624-348-7)
  • (sv) Hilma – en roman om gåtan Hilma af Klint (Hilma - un roman sur l'énigme Hilma af Klint), Anna Laestadius Larsson, édition Piratförlaget, 24.05.2017 (ISBN 978-91-642-0489-9)
  • (en) Hilma af Klint – Seeing is Believing (Hilma af Klint - de voir est de croire), Kurt Almqvist et Louise Belfrage, König Books, 07.10.2017 (ISBN 9783960981183)
  • Ni vues, Ni connues pages 42-44, Collectif Georgette Sand, Edition Hugo Doc collection Les Simone, 05.10.2017 (ISBN 9782755635393)

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