Haratins

Les Haratins, Haratines, Chouachins ou Chouachines (en arabe : حراطين ḥarâṭin, sing. حرطاني ḥârṭani ou شواشين šwašin, sing. شوشان šušan, en berbère isemghan, sing. asemgh), parfois appelés Maures Noirs[réf. nécessaire], désignent des habitants noirs du Sahara, de statuts divers selon les régions.

Dénominations

L'usage de l'appellation Haratins / Haratines est cantonné à l'ouest saharien[1] : au Maroc, au Sahara occidental, en Mauritanie, en Algérie et dans l’extrême-nord du Mali. Dans l’est saharien, en Tunisie et en Libye, ils sont appelés Chouachins / Chouachines[2].

Dans le dialecte berbère zénète parlé dans la région du Gourara, les Haratins sont appelés isemghan (sing. asemgh)[3].

Les appellations pour désigner les autres Noirs, au Sahara et ailleurs au Maghreb ou au Proche Orient sont très diverses en arabe et en berbère : ‘abid ou iklan (esclave Noir), khadem (serviteur noir), waṣif (valet), kahluš (mot hybride arabe et berbère), kafûr, ‘atrïya, akaouar (Ghât), šušan (chouchane) au Fezzan, aherdan (kabyle), et ḥirthan (ḥirṯan) au Hadramaout, akhdam dans tout le Yémen (population d’origine éthiopienne)[4].

Certains auteurs ont voulu faire dériver la racine ḤRṬ de l’arabe ḤRT “labourer” (tel E. Mercier, 1989 ou E.-E Gautier, 1946) ; d’où leur conclusion : ḥartâni = laboureur. Non seulement cette hypothèse ainsi formulée, n’a pas de fondement linguistique (voir F-J. Nicolas, 1977 et Ph. Marçais, 1951), mais comme l’a remarqué ce dernier auteur “le hartani ne laboure pas et n’emploie pas la charrue” (idem p. 13). Quant au calembour arabe de ḥorr tâni “noble de second rang”, il exprime seulement le mépris de l’aristocratie nomade à l’égard de ces Noirs[4].

Les Touaregs de l’Ahaggar emploient le mot azeggaγ, qui par ailleurs veut dire “rouge” (plur. izeggaγ en, fém. tazeggaq/tizeggâγin) pour désigner cette population en fonction de la couleur de leur peau et de leur statut social[4].

Les Touaregs emploient aussi d’autres mots pour nommer les Noirs situés au sud du Sahara : ésedîf (plur. isédîfen)  désigne un Noir en général concuremment avec aounnan (plur. iounnanen) parlant une langue soudanaise : la taounant  (langue songhai, voir J. Clauzel, 1962, pour plus de détail et Foucauld, Dict. touareg-français III, p. 1510) ou etîfen (plur. itîfenen), ébenher, éhati (plur. ihatan), Noir ne parlant ni l’arabe ni le berbère, alors que le mot akli (plur. iklân) désigne l’esclave asservi, bella l’esclave vivant librement et iderfan, ighawellan, les affranchis[4].

Origine

G. Camps qui s’est particulièrement penché sur l’origine des Noirs sahariens (voir G. Camps, 1960, 1970, 1985) classe “en simplifiant à l’extrême” les différentes opinions en deux séries : “pour les uns, les Haratin, actuels cultivateurs des oasis, seraient surtout les descendants d’esclaves soudanais amenés du sud par les marchands arabes, et c’est l’opinion la plus répandue. Pour les autres, le Sahara fut primitivement peuplé de Noirs occupant la totalité du désert et qui furent progressivement réduits à une sorte de servage par les conquérants blancs, nomades cavaliers puis chameliers ” (G. Camps, 1970, p. 35)[5].

La génétique et l’anthropologie modernes montrent que les Haratins se distinguent des Touaregs et des Africains subsahariens, tels que les Wolofs et les Peuls[6],[7]. .

Selon Rachid Bellil, la population du Sahara se composait durant l'Antiquité d'une part de Libyens (Gétules à l'ouest et de Garamantes au sud-est (ancêtres des Berbères), et d'autre part d'Éthiopiens, ancêtres des Haratins[8].

Histoire

Les plus vielles représentations artistiques humaines recensée au Sahara maghrébin sont dans les sites Tadrart Acacus et le Tassili dans la période de l'Épipaléolithique. Plus tard, apparaissent dans les représentations artistiques des chasseurs Bubalins mélanodermes et des chasseurs leucodermes. Entre le 7e et 2e millénaire du néolithique, lors de la venue d'un climat plus humide et du développent de l'élevage de bœufs, les représentations d'individus dits « mélanodermes », dénommées Bovidiens, sont majoritaires. Vers la fin du 2e millénaire avant notre ère, les Protoberbères venus du nord-est de l'Afrique prédominent le Sahara maghrébin grâce à l'introduction du cheval. Les populations dites « mélanodermes » commencent à disparaître du Tassili et à migrer vers le Sahel. Selon l'historienne algérienne Malika Hachid[6].

« Toutefois, une partie importante de ce peuplement noir s’est retrouvée peu à peu subjuguée par les Paléoberbères, nouveaux maîtres du Sahara... Ces groupes noirs que l’on retrouve çà et là en Afrique du Nord ce sont ces Tzzaggaren’ou ‘Harratines’ des oasis, une population préhistorique devenue résiduelle mais gonflée plus tard du flot de l’esclavage des temps modernes au point qu’on ne peut plus distinguer aujourd’hui les uns des autres. »

Ses membres étaient spécialisés dans l'agriculture mais exercent aujourd'hui divers métiers, comme forgerons, tanneurs, bijoutiers, menuisiers ou encore propriétaires de terrain.

Ils parlent arabe dialectal ou berbère selon la communauté linguistique dans laquelle ils vivent.

Au Maroc la communauté la plus important est située dans la vallée du Drâa.

Dans le Sahara algérien, les Haratins qui étaient marginalisés durant la colonisation, connaissent une promotion sociale et politique après l'indépendance du pays[9]. Cette intégration avait commencé durant la guerre de libération ; un discours d'émancipation et l'absence d'un racisme d'État, qui constitue une tradition du nationalisme algérien avaient réussi à mobiliser cette catégorie sociale[9]. La réussite sociale par l'enseignement a permis aux anciens Haratins d'être représentés dans les collectivités locales et d'accéder aux postes les plus influents modifiant ainsi la hiérarchie sociale existante[9].

Notes et références

  1. M. Gast, « Harṭâni », dans Encyclopédie berbère, vol.22, Aix-en-Provence, Edisud, 2000, p. 3414-3420
  2. Stéphanie Pouessel, Noirs au Maghreb: enjeux identitaires, (lire en ligne)
  3. Mirzai, B. A., Montana, I. M., & Lovejoy, P. E., Slavery, Islam and diaspora, Africa World Press., (lire en ligne)
  4. M. Gast, « Harṭâni », in Gabriel Camps (dir.), 22 | Hadrumetum – Hidjaba, Aix-en-Provence, Edisud (« Volumes », no 22) , 2000.
  5. M. Gast, « Harṭâni », dans Encyclopédie berbère, vol.22, Aix-en-Provence, Edisud, 2000, p. 3414-3420
  6. M. Gast, « Harṭâni », Encyclopédie berbère, (lire en ligne, consulté le ).
  7. (en) Georges Séraphin Colin, « ḤARĀṬĪN », dans Georges Séraphin Colin, Encyclopaedia of Islam, vol. 3, B. Lewis, V.L. Ménage, Ch. Pellat et J. Schacht, , 230-232 p. (lire en ligne).
  8. Rachid Bellil, Les oasis du Gourara, page 63)
  9. Badreddine Yousfi, « Les territoires sahariens en Algérie. Gouvernance, acteurs et recomposition territoriale », L’Année du Maghreb [Online], 16 | 2017, Online since 05 July 2017, connection on 22 December 2019. URL ; DOI : 10.4000/anneemaghreb.2951

Voir aussi

Bibliographie

  • Chouki El Hamel (trad. de l'anglais par Anne-Marie Teewissen, préf. Catherine Coquery-Vidrovitch), Le Maroc noir : Une histoire de l'esclavage, de la race et de l'islam [« Black Morocco: A History of Slavery, Race, and Islam »] [« Le Maroc noir, une histoire de l’esclavage, de la race et de l’islam »], La Croisée de Chemins., (ISBN 978-9920-769-04-4).
  • (en) Anthony G. Pazzanita, « Haratine », in Historical dictionary of Mauritania, Scarecrow Press, Lanham (Maryland) ; Toronto, Plymouth (Royaume-Uni), 2008 (3e éd.), p. 240-242 (ISBN 9780810855960)
  • Ould Saleck El Arby, Le paradoxe de l'abolition de l'esclavage et l'enjeu politique de la question haratine en Mauritanie, Université Paris 1, 2000, 312 p. (thèse de doctorat de Science politique)
  • Ould Saleck El Arby, Les Haratins : le paysage politique mauritanien, L'Harmattan, Paris ; Budapest ; Torino, 2003, 153 p. (ISBN 2-7475-4779-5)
  • M. Gast, « Harṭâni », Encyclopédie berbère, (lire en ligne, consulté le )

Articles connexes

Liens externes

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