Haram

Le mot harām (arabe : حَرَام [ḥarām], illégal ; illicite ; interdit ; inviolable ; sacré) a deux sens en arabe et dans le monde musulman. D'un côté il signifie l'interdiction (harām). De l'autre il signifie sacré : le territoire autour des deux villes saintes de la Mecque et de Médine est sacré (arabe : البَلَد الحرام [al-balad al-ḥarām], « le territoire sacré ») donc interdit aux non-musulmans. La mosquée de la Mecque est appelée la « Mosquée Sacrée » (مَسجِد الحرام [masjid al-ḥarām]), la Kaaba est la « Maison sacrée » (arabe : بَيْت الحرام [bayt al-ḥarām]), l'esplanade des mosquées à Jérusalem est le Noble Sanctuaire (Haram ash Sharif).

  • En arabe, le terme harām est l'opposé de halal.
  • Le mot harem (حريم [ḥarīm]) vient de la même racine arabe : l'épouse est sacrée et interdite à tout autre que son époux, le harem est un lieu interdit où séjournent les épouses.

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El haram ou salle de prière de la Grande Mosquée de Kairouan, située dans la ville de Kairouan en Tunisie.

Dans une mosquée, la salle de prière est désignée sous le nom de el haram.

Interdits généraux

Le Coran énonce un certain nombre d'interdits dont les principaux sont regroupés dans ces deux versets :

« Dis : “Venez, je vais réciter ce que votre Seigneur vous a interdit : ne Lui associez rien ; et soyez bienfaisants envers vos père et mère. Ne tuez pas vos enfants pour cause de pauvreté. Nous vous nourrissons tout comme eux. N'approchez pas des turpitudes ouvertement, ou en cachette. Ne tuez qu'en toute justice la vie qu'Allah a fait sacrée. Voilà ce qu'Allah vous a recommandé de faire ; peut-être comprendrez-vous.
Et ne vous approchez des biens de l'orphelin que de la plus belle manière, jusqu'à ce qu'il ait atteint sa majorité. Et donnez la juste mesure et le bon poids, en toute justice. Nous n'imposons à une âme que selon sa capacité. Et quand vous parlez, soyez équitables même s'il s'agit d'un proche parent. Et remplissez votre engagement envers Allah. Voilà ce qu'Il vous enjoint. Peut-être vous rappellerez-vous”[1]. »

Le Coran rappelle que ʿĪsā avait levé des interdits alimentaires, mais l'islam va en conserver certains :

« , et je vous rends licite une partie de ce qui était interdit. Et j'ai certes apporté un signe de votre Seigneur. Craignez Dieu donc, et obéissez-moi.
Dieu est mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le donc : voilà le chemin droit[2]. »

L'interdit de l'alcool

Le mot alcool, (arabe : كحول [koḥôl], alcool) provient d'une même racine (كحل [kaḥala], avoir les yeux cernés, avoir mal dormi) que l'on retrouve dans le fard noir à paupières à base d'antimoine (كحل [koḥol], khôl ; fard noir à paupières), parce que les deux donnent des yeux cernés, le regard fatigué[réf. nécessaire].

Comme le miel, le lait et l'huile, le vin est au croisement de deux types d'industries: une industrie naturelle, qui fait croître le raisin jusqu'à sa cueillette, et une industrie humaine, qui le transforme pour en faire cette boisson enivrante. Les fruits de la vigne et du palmier sont permis, mais le vin qu'on en tire est interdit :

« Des fruits des palmiers et des vignes, vous retirez une boisson enivrante et un aliment excellent. Il y a vraiment là un signe pour des gens qui raisonnent[3]. »

Au début de la prédication le Coran se limite à dire aux musulmans de ne pas arriver ivres à la prière. Mais le vin comporte même une certaine utilité.

« Ils t'interrogent sur le vin et les jeux de hasard. Dis : « Dans les deux il y a un grand péché et quelques avantages pour les gens; mais dans les deux, le péché est plus grand que l'utilité ». Et ils t'interrogent : “Que doit-on dépenser (en charité) ?” Dis : “L'excédent de vos biens”[4]. »

Un peu plus tard, la consommation de vin (et plus généralement de boisson fermentées) n'est interdite qu'à cause des conséquences de l'ivresse, les conséquences de l'ivresse disparaissent au paradis et la consommation du vin y est permise.

« Ô les croyants ! N'approchez pas de la Salat alors que vous êtes ivres, jusqu'à ce que vous compreniez ce que vous dites, et aussi quand vous êtes en état d'impureté [pollués] – à moins que vous ne soyez en voyage – jusqu'à ce que vous ayez pris un bain rituel. Si vous êtes malades ou en voyage, ou si l'un de vous revient du lieu où il a fait ses besoins, ou si vous avez touché à des femmes et vous ne trouviez pas d'eau, alors recourez à une terre pure, et passez-vous-en sur vos visages et sur vos mains. Dieu, en vérité est Indulgent et Pardonneur[5]. »

Plus tard encore, ce verset est abrogé (La notion d'abrogation est contradictoire avec le verset 7 de la sourate 3, la notion de « soukara » ne veut pas dire ivre exemple « Sakrat al mout » on peut être dans cet état après une anesthésie par exemple) et l'interdiction se généralise et se durcit. Le verset suivant est un verset abrogeant le précédent ; il ne faut pas boire de boisson fermentée à cause des conséquences sur le comportement du buveur.

« Ô les croyants ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées, les flèches de divination ne sont qu'une abomination, œuvre du Diable. Ecartez-vous en, afin que vous réussissiez[6]. »

Ces trois versets font partie de sourates dites médinoises que la tradition place respectivement 87e, 92e et 112e dans l'ordre de la révélation.

Si dans les œuvres du poète perse Khayyâm (1048 - 1123), le vin n'est vraisemblablement pas une allégorie, d'autres poètes comme Hafez (1320-1389), ou Rûmi (1207-1273) tiennent l'ivresse et le vin pour une allégorie du Divin.

Pour certains hétérodoxes, l'ivresse est un moyen de parvenir à l'extase, à la connaissance suprême, elle permet une élévation de l'âme à la connaissance spirituelle.

Ainsi, le vin est l'accompagnateur des cérémonies hétérodoxes qui trouvent en lui tous les artifices de départ, d'élévation et d'émotion, conditions requises pour l'émergence de l'extase. Les métaphores qui associent le vin à l'extase mystique, voire à l'amour de Dieu, sont nombreuses[7].

Nourriture interdite

Certaines viandes sont haram, comme le porc, le chien, le chat, le singe, ou encore un animal non sacrifié selon le rituel.

Enclave sacrée

La spécification de la Mecque et de Taëf comme « enceintes sacrées » remonte à la période préislamique, à côté de celle d'autres cités sacralisées (liées à des divinités locales). Concrètement cela consistait en certains tabous comme l'interdiction de faire la guerre dans ces régions, d'y chasser et d'en arracher des plantes, autant d'usages qui étaient présents avant l'islam et du temps de Mahomet[8].

Suivant M. H. Benkheira, c'est quelques décennies après Mahomet que l'interdiction d'accès à Médine et à la Mecque aux non-musulmans a été entamée ; l'histoire de cette interdiction, difficile à cerner avec certitude, remonte probablement à l'époque du calife omeyyade Umar ibn Abd al-Aziz (682-720), dont la politique est caractérisée par une hostilité marquée à l'encontre des juifs, des chrétiens et des non-musulmans en général. C'est a posteriori que les exégètes musulmans ont justifié cette pratique à partir du Coran (9, 28), déclarant les non-musulmans « impurs par nature », et qualifiant leur présence au sein du haram de « souillure ». Néanmoins, jusqu'au VIIIe siècle, voire au-delà, de nombreux témoignages attestent de la présence de non-musulmans à Médine et à la Mecque[9].

Notes et références

  1. Le Coran (trad. Muhammad Hamidullah), « Les bestiaux (Al-Anam) », VI, 151-152, (ar) الأنعام
  2. Le Coran (trad. Muhammad Hamidullah), « La famille d'Imran (Al-Imran) », III, 50-51, (ar) آل عمران
  3. Le Coran (trad. Muhammad Hamidullah), « Les abeilles (An-Nahl) », XVI, 67, (ar) النحل
  4. Le Coran (trad. Muhammad Hamidullah), « La vache (Al-Baqarah) », II, 219, (ar) البقرة
  5. Le Coran (trad. Muhammad Hamidullah), « Les femmes (An-Nisa') », IV, 43, (ar) النساء
  6. Le Coran (trad. Muhammad Hamidullah), « La table servie (Al-Maidah) », V, 90, (ar) المائدة
  7. Malek Chebel, Dictionnaire des symboles musulmans, éditions Albin Michel.
  8. Ali Amir Moezzi, Dictionnaire du Coran, éditions Robert Laffont (2007). (ISBN 978-2-221-09956-8) ; (981 pages) p.252
  9. Mohammed Hocine Benkheira, article « Enceinte sacrée » in Ali Amir Moezzi (dir.), Dictionnaire du Coran, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins » 2007, p. 252.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Abu Hamid Muhammad b. Muhammad al-Tusi al-Gazali, Kitab al-halal wal haram, traduit par Régis Morelon, éd. Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1991

Lien externe

  • « Halal Haram. Ce n’est pas forcément ce que vous croyez », Telquel, Casablanca, no 515, (lire en ligne)
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