Hôtel de Hilbert

L'hôtel de Hilbert, ou hôtel infini de Hilbert, illustre une propriété paradoxale des ensembles infinis en mathématique, qui est que, contrairement à ce qui se passe pour les ensembles finis, une partie stricte peut avoir autant d'éléments que le tout.

Description

Supposons qu'un hôtel (fictif) possède un nombre infini de chambres toutes occupées. Malgré cela, l'hôtelier peut toujours accueillir un nouveau client.

En effet supposons que les chambres soient numérotées par tous les nombres entiers (à partir de 1). Il suffit que l'hôtelier demande à l'occupant de la première chambre de s'installer dans la seconde, à celui de la seconde de s'installer dans la troisième, et ainsi de suite. Les clients déjà logés le restent. La première chambre est libre et peut accueillir le nouveau client.

Mais l'hôtelier peut aussi accueillir une infinité de nouveaux clients. Pour ce faire il faut que le client occupant la chambre no 1 prenne la chambre no 2, l'occupant de la no 2 la no 4, celui de la no 3 la no 6, et ainsi de suite. Chacun occupe une chambre de numéro double de celui de sa chambre précédente, de telle sorte que toutes les chambres de numéro impair deviennent libres. Et puisqu'il existe une infinité de nombres impairs, l'infinité de nouveaux clients pourra occuper les chambres correspondantes.

Implicitement, tous les ensembles infinis dont il est question ont été supposés numérotés par les nombres entiers, c'est-à-dire qu'ils sont dénombrables. La première version illustre le fait que la fonction qui à un entier n associe son successeur n +1 établit une bijection de l'ensemble des entiers naturels (comptés à partir de 1), dans le sous-ensemble des entiers naturels (comptés à partir de 2), la seconde, d'une part que la fonction qui à un entier n associe son double 2n établit une bijection du même ensemble dans celui des entiers pairs (comptés à partir de 2), d'autre part que la fonction qui à n associe 2n-1 établit une bijection de ce même ensemble dans celui des entiers impairs (comptés à partir de 1).

La définition mathématique de la cardinalité (le nombre d'éléments dans le cas des ensembles finis) utilise les bijections : deux ensembles en bijection sont dits équipotents (ou parfois équivalents), ce qui capture l'idée intuitive d'avoir « autant d'éléments ». Le cardinal d'un ensemble, son nombre d'éléments dans le cas fini, est un représentant unique d'une classe d'ensembles tous équipotents entre eux. L'hôtel de Hilbert illustre que deux ensembles infinis tels que l'un est strictement inclus dans l'autre peuvent être équipotents, c'est-à-dire avoir même cardinal[1], ce qui est manifestement faux pour les ensembles finis (c'est essentiellement le principe des tiroirs de Dirichlet). C'est la raison pour laquelle cette propriété peut paraître paradoxale. Mais l'arithmétique des nombres cardinaux infinis est très différente de l'arithmétique ordinaire.

Tous les ensembles infinis en jeu ont le même cardinal, qui est celui du dénombrable, mais, comme l'a montré Georg Cantor, il existe des ensembles infinis qui ne sont pas dénombrables, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas même cardinal que les précédents.

Attribution à David Hilbert

Dans son livre One Two Three . . . Infinity (un, deux, trois, ... l'infini) paru en 1947, le physicien George Gamow raconte que, selon Richard Courant[2], David Hilbert utilisait cet exemple pour illustrer ses conférences sur l'infini[3].

Notes et références

  1. D'ailleurs c'est un point qui distingue exactement les ensembles infinis des ensembles finis : un ensemble est infini si et seulement si il a une partie stricte qui est bijectable avec lui, c'est-à-dire qui a autant d'éléments que lui.
  2. Ainsi que l'écrit Gamow « From the unpublished, and even never written, but widely circulating volume: "The Complete Collection of Hilbert Stories" by R. Courant ». Richard Courant avait été étudiant et proche collaborateur de David Hilbert à Göttingen, avant son départ en 1933 pour les États-Unis.
  3. One Two Three . . . Infinity: Facts and Speculations of Science, George Gamow, The Viking Press - New York, 2nd edition 1961, p 17.

Articles connexes

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