Héliopolis (Égypte)

Héliopolis (la « ville du Soleil », aujourd'hui en arabe Aîn-ech-Chams soit l'« Œil du Soleil ») est le nom donné par les Grecs à la ville antique de Onou (ou Iounou) dans le delta du Nil. Elle était la capitale du treizième nome de Basse-Égypte.

Pour les articles homonymes, voir Héliopolis.

Héliopolis
Ville d'Égypte antique
Noms
Nom égyptien ancien Iounou (Jwnw)
Nom actuel Aîn-ech-Chams
Administration
Pays Égypte
Région Basse-Égypte
Nome 13e : Nome du Sceptre intact (ḥqȝ-ˁnḏ)
Géographie
Coordonnées 30° 07′ 46″ nord, 31° 18′ 18″ est
Localisation
Géolocalisation sur la carte : Égypte
Héliopolis
Géolocalisation sur la carte : Égypte
Héliopolis
    Héliopolis
    (Iounou)

    Jwnw

    Les premières constructions datent du XXVIIe siècle avant notre ère.

    Métropole religieuse de l'Ancien Empire

    Pour des articles plus généraux, voir Mythe de la création héliopolitaine et triade d'Héliopolis.

    L'oiseau Bénou d'Héliopolis
    Relevé d'un des reliefs de Djéser découvert à Héliopolis

    Ville solaire, on y adorait des divinités liées au Soleil sous la forme d'une triade :

    • le dieu Khépri, représentant le Soleil renaissant ;
    • le dieu , le Soleil à son zénith ;
    • le dieu Atoum, le Soleil couchant.

    Ces trois divinités finissent par se confondre en une seule représentée par l'astre solaire dont les trois états principaux, l'aube, le zénith et le crépuscule sont symbolisés par ces trois dieux. Le dieu en constante transformation est à l'origine de la création du monde. Il renaît chaque jour pour disparaître chaque soir et continue ainsi son cycle éternel.

    Le dieu possédait deux principales hypostases :

    Si le premier reste à nos yeux légendaire, le second était bien réel et possédait son étable sacrée et sa nécropole au cœur même d'Héliopolis. Tous deux possédaient également la capacité de la renaissance à l'instar de l'astre qu'ils incarnaient.

    Enfin, c'est ici aussi qu'était vénérée la sainte ennéade, ou assemblée des neuf dieux issus de Rê qui symbolisaient la création du monde :

    De nombreuses mythologies découlèrent de cette cosmogonie dont celle d'Isis et Osiris, de Seth et Horus, de Sekhmet, l'Œil de Rê, etc.

    La ville était également le siège d'un culte d'Hathor, Dame du Sycomore, et c'est à Onou qu'au milieu d'un bois sacré se trouvait le légendaire perséa sacré sur les fruits duquel Thot inscrivait les noms de chaque souverain, héritier du trône d'Horus.

    Tous ces dieux devaient posséder leur temple, leur chapelle ou leur oratoire autour du temple principal qui dominait la ville.

    À l'Ancien Empire, le culte de Rê entra probablement en concurrence avec celui du dieu Ptah adoré dans la ville voisine de Memphis et dont le culte est attesté dès la période thinite. En effet les premières dynasties royales qui suivaient selon le mythe les ancêtres divins sur le trône d'Horus, choisirent pour nécropole le site de Saqqarah voisin de la cité du dieu Ptah et ce jusqu'à la IIIe dynastie, définissant du même coup l'emplacement de la résidence royale des premiers temps.

    Pour autant les temples de la cité du dieu solaire ne sont pas négligés. On y a retrouvé les restes de reliefs datant du règne de Djéser, représentant des divinités de la grande ennéade, ainsi que le roi accompagné de son épouse Hétephernebty et de deux de ses filles dont Initkaes. Ces reliefs devaient orner l'un des sanctuaires abrités dans l'enceinte primitive de la ville et sont l'un des rares témoignages de l'attention portée par pharaon aux cultes d'Héliopolis pour cette haute époque de l'histoire du pays.

    La IVe dynastie marque alors un tournant non seulement dans le choix des nécropoles royales (Gizeh est géographiquement en face d'Héliopolis) mais également dans l'aspect résolument solaire de l'architecture pyramidale. On a découvert récemment tout un quartier de la ville qui s'était édifiée à Gizeh, à partir de Khoufou - le Khéops des grecs - ainsi qu'un ensemble palatial attestant d'un mouvement de la cour plus au nord, à proximité de la ville du soleil. Une théorie confirmerait même que depuis le temple du dieu soleil on pouvait voir l'ensemble des pyramides de la IVe dynastie, celui-ci devenant du même coup un repère inévitable depuis les sites funéraires royaux.

    La Ve dynastie serait issue selon la légende de l'union de Rê et d'une des prêtresses du temple d'Onou. De fait les pharaons de la Ve dynastie édifièrent, en plus de leurs complexes funéraires d'Abousir au nord de Saqqarah, des temples solaires dont l'élément principal était le Benben, obélisque massif édifié sur une plateforme.

    Le plan général du grand temple de Rê serait à rapprocher de ceux des temples solaires des pharaons de cette dynastie retrouvés à Abou Ghorab et Abousir et dont ils se seraient inspirés. Une chaussée montante reliant deux temples dont le principal comportait un massif obélisque en maçonnerie qui domine une cour à ciel ouvert au centre de laquelle se trouvait un autel solaire formé d'un disque encadré de signes « hotep », destiné à recevoir des offrandes quotidiennes. Cette hypothèse n'a jamais été vérifiée sur le site de l'ancienne Onou.

    Obélisque de Sésostris Ier à Héliopolis - Le Caire

    C'est de la fin de cette époque également qu'apparaissent les premiers textes des pyramides qui connurent un grand développement dans les caveaux royaux de la VIe dynastie. Ces textes sacrés forment le premier corpus théologique dont nous ayons une trace aussi antique et sont certainement le fruit d'une longue étude et de patients travaux théologiques. Ils associent clairement la résurrection du roi avec la renaissance de l'astre solaire, liant encore davantage le personnage royal à son devenir divin y compris dans l'au-delà.

    Le temple de Rê

    De cette cité sacrée, la troisième ville du pays après Thèbes et Memphis (Égypte), décrite par Hérodote comme des plus savantes, avec son grand temple dédié au Soleil et ses quartiers pour les prêtres, il ne reste plus rien sauf une partie du tracé de l'enceinte du principal sanctuaire et un obélisque de Sésostris Ier de la XIIe dynastie du Moyen Empire qui marquait sans doute avec d'autres l'entrée d'un des principaux temples.

    La moitié de l'aire repérée et décrite au XIXe siècle par les différents premiers explorateurs, de la Campagne d'Égypte, aux sondages effectués par Joseph Hekekyan, est actuellement sous la ville moderne et le reste est aujourd'hui ceinturé de clôtures et de murs délimitant un espace plus considérable que celui de Karnak à Thèbes, et désormais protégé contre l'avancée inexorable de la ville du Caire.

    Il s'agissait ainsi de la plus vaste enceinte cultuelle d'Égypte avec près d'un kilomètre de longueur sur une largeur de plus de cinq cents mètres. Divisée par son milieu par un mur la séparant en deux parties d'inégale grandeur, elle s'ouvrait à l'Est par une grande porte dont les traces seraient à chercher sous les immeubles du quartier de Mataharya et dont il nous est bien difficile de restituer l'aspect, et à l'Ouest par un vaste « portail ».

    La partie sud de l'enceinte, celle qui est actuellement visible depuis le musée en plein air installé autour de l'obélisque de Sésostris Ier et qui rassemble les différents vestiges découverts dans les environs, devait certainement être l'enceinte contenant les temples dédiés aux trois formes du dieu soleil.

    le dieu Atoum
    Cette Triade divine d'Héliopolis est une œuvre en albâtre représentant trois divinités égyptiennes : Horus, Osiris et Isis-Hathor

    La stèle des victoires de Piânkhy, pharaon kouchite de la XXVe dynastie, relate le passage du roi à Héliopolis lors de sa conquête de l'Égypte et nous en donne un aperçu. Entré par l'est dans la « Maison du matin », il fit offrande à Khépri après avoir été purifié, puis pénétra dans le Château du Benben le « Hout Benben » pour voir son « Père » et enfin passa au temple d'Atoum[1].

    Cet ensemble de temples sans doute reliés entre eux et formant le plus grand temple d'Égypte, rythmé par des paires ou des groupes d'obélisques érigés par les générations de rois qui embellirent le sanctuaire, remonterait au début de l'histoire du pays. Des vestiges datant de Djéser de la IIIe dynastie y ont été en effet découverts représentant les dieux Geb et Seth, deux des neuf dieux de la Grande Ennéade qui était adorée à Héliopolis[2].

    Un autre document au nom d'un pharaon du nom de Néferkarê (VIe dynastie ?) donne une liste de statues et d'objets relatifs à la liturgie d'un temple consacré à Hathor dont une partie du plan est sur le revers du bloc, vestige d'un relief décrivant probablement les dons de Pharaon à la ville solaire.

    Un papyrus cette fois, datant d'Amenhotep II de la XVIIIe dynastie, nous décrit un temple avec ses obélisques et ses trois pylônes successifs qui donnaient accès à de grandes cours bordées de portiques.

    Obélisque de Thoutmôsis III dit Aiguille de Cléopâtre - Londres

    De nombreux obélisques ornaient donc ces monuments, mais ils furent systématiquement arrachés du sol pour orner les grandes villes grecques et romaines. On les a retrouvés et à nouveau érigés à Alexandrie, Rome, Constantinople, etc. En tout ce sont au moins six obélisques de grandes tailles qui ornent actuellement les places et parcs de l'Europe et d'ailleurs et qui viennent des temples solaires.

    Ainsi à Alexandrie, les « aiguilles de Cléopâtre » qui marquaient à l'époque romaine l'entrée du Cæsarium, étaient deux obélisques de Thoutmôsis III provenant d'Héliopolis. Ils sont aujourd'hui à Londres et à New York. Un autre obélisque d'une hauteur de plus de vingt-trois mètres, datant de Séthi Ier, est à Rome et se trouve actuellement sur la Piazza del Popolo.

    Description de l'Égypte : Aiguille de Cléopâtre - Alexandrie

    Ramsès II acheva la décoration de l'obélisque et fit ériger de nombreux monuments dans l'enceinte de Rê avec leurs obélisques dont au moins trois furent ramenés à Rome.

    L'un d'eux se trouve maintenant en face du Palazzo Pitti à Florence tandis que les deux autres sont encore à Rome (un premier sur la Piazza della Rotunda et le second sur la viale delle Terme) comme celui de Néferibrê Psammétique II de la XXVIe dynastie que l'on peut admirer sur la place du Palazzo Montecitorio.

    Une maquette a été trouvée au nord de la région à Tell el-Yahoudieh et date précisément de l'époque de Séthi Ier.

    Il s'agit d'une sorte de stèle ou base en pierre taillée, qui porte sur ses côtés et sa face principale un motif dédicatoire du roi le représentant agenouillé faisant différentes offrandes à Atoum, tandis que le dessus formant un plateau présente un dénivelé franchi par un escalier à double rampe et accédant à une terrasse dans laquelle sont dessinés et creusés des espaces pouvant recevoir des pièces rapportées.

    Au vu de la taille et du positionnement des espaces une restitution convaincante a été réalisée. L'ensemble nous présenterait le plan de l'entrée du temple d'Atoum, avec son pylône monumental, plus raide que les exemples thébains et a rapprocher de ceux amarniens, précédé de colosses, de sphinx et d'obélisques, auquel on accédait par un escalier non moins monumental.

    Obélisque de Séthi Ier - Piazza del Popolo Roma

    Si on la compare proportionnellement à l'obélisque actuellement à Rome, en admettant qu'il faisait partie de la paire d'obélisques indiquée sur la maquette, on peut alors se rendre compte des dimensions du pylône qui ouvrait à l'Ouest du Grand Temple de .

    Placé sur une haute terrasse il devait dominer la ville et son port, et accueillait le visiteur par l'éclat des pyramidions dorés de ses obélisques.

    Du même règne datent également les fragments d'obélisques découverts récemment au large de l'île de Pharos à Alexandrie et visibles aujourd'hui au musée en plein air installé à proximité de l'odéon romain de Kom el-Dik, et qui provenaient vraisemblablement des temples héliopolitains que le roi fit édifier et consacrer aux divinités de la cité du soleil.

    Enfin, quelques vestiges d'un naos en grès, érigé lui aussi par Séthi à Atoum, sont conservés au musée du Caire.

    Nous aurions ainsi des indications assez précises de ce que fut le temple d'Atoum à partir de la XIXe dynastie à l'Ouest d'Héliopolis tout au moins pour la partie visible par tous mais également celle plus intime du sanctuaire.

    L'extension septentrionale du site au Nouvel Empire

    Des temples consacrés au culte royal ?

    Séthi II offrant aux dieux d'Héliopolis (musée en plein air d'Héliopolis)

    C'est au Nouvel Empire, qu'est aménagée au nord du temple de , une nouvelle zone de sanctuaires dont les vestiges laissent supposer qu'ils étaient consacrés au culte royal. Aujourd'hui, une grande partie de cette zone est recouverte par les immeubles modernes de la ville du Caire empêchant les fouilles archéologiques de s'y déployer. Le site n'est fouillé que depuis la seconde moitié du XXe siècle et les connaissances sur ces sanctuaires sont encore très lacunaires.

    Ces temples « royaux » d'Héliopolis auraient été construits pour perpétuer le culte de chaque pharaon à l'image des temples dits funéraires consacrés à Amon sur la rive ouest de Louxor. Les temples royaux de Louxor sont appelés « temples des millions d'années dans le domaine d'Amon » ; il est possible que les pharaons du Nouvel Empire aient voulu édifier le même type de temple à Héliopolis pour associer leur culte au « domaine de Ré »[3].

    C'est en 1970 que fut retrouvée la « colonne des victoires » de Mérenptah (successeur de Ramsès II), vestige probable d'un temple qui donnait sur le nord de l'enceinte du temple de Ré. La colonne est en granite rouge et relate la victoire du pharaon sur les envahisseurs nomades en l'an 5 de son règne. Ce caractère commémoratif de la colonne en fait un monument unique dans l'architecture égyptienne[4].

    Les fouilles entreprises dans ce secteur, par l'université du Caire de 1976 à 1980 ont également permis de dégager une porte monumentale de Ramsès III, vestige probable d'un temple consacré au culte de ce pharaon. La porte est protégée par une forteresse qu'il est tentant de comparer au dispositif d'entrée de son temple jubilaire de Médinet Habou. Elle donnait accès à un espace dans lequel ont été retrouvés les vestiges d'un grand édifice.

    Ramsès III porte dans son nom de couronnement le qualificatif de Héka Iounou c'est-à-dire « Prince d'Héliopolis », affirmant ainsi son lien étroit avec la cité du soleil. Il fit également édifier un complexe palatial un peu plus au nord de la ville sur un site aujourd'hui appelé Tell el-Yahoudieh.

    Un peu plus au nord de la porte de Ramsès III, ont été découvertes et étudiées les ruines d'un petit temple bâti par Ramsès IV, fils et successeur de Ramsès III, puis un second édifice aux noms de Ramsès V[5].

    De même, nous savons que Ramsès IX concentra son activité de bâtisseur à Héliopolis, s'inscrivant davantage encore dans le choix de ses prédécesseurs de développer les sites et le rôle de la Basse-Égypte ; ce choix préfigure le déplacement définitif du pouvoir royal dans cette partie de l'Égypte à compter de la Troisième Période intermédiaire. C'est ainsi qu' un monument au nom de Neb-Maât-Rê, gouverneur d'Héliopolis et fils de Ramsès IX a également été mis au jour ; il comprend une porte avec le linteau décoré de représentations du prince agenouillé devant les cartouches de son père et une colonnade palmiforme qui précédait le sanctuaire[6].

    Actualités des fouilles

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    Récemment[Quand ?] une équipe de fouille du Deutsches Archäologisches Institut a découvert les vestiges d'un temple consacré par Ramsès II. L'équipe y a mis au jour des débris de toutes sortes, dont une tête colossale ainsi qu'une statue aux noms de Ramsès conservée sur sa moitié inférieure et le représentant en habit de prêtre. Comme beaucoup de monuments de cette époque, des remplois, dont certains datent de l'époque amarnienne et du Moyen Empire, y ont été également découverts.

    L'ensemble de ces découvertes démontrent clairement que le site regorge de vestiges enfouis et ce malgré l'avancée de la ville qui grignote peu à peu l'espace autrefois enclos par la formidable enceinte du grand temple de . Ainsi en 2005 dans le quartier de Mostorod, qui jouxte précisément cette partie du site qui livra les monuments de Ramsès III et de ses successeurs, à l'occasion d'un chantier immobilier, c'est toute une partie du parvis occidental de cet ensemble de temples qui a été retrouvée stoppant net les travaux et exigeant l'intervention du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes afin d'ordonner des fouilles d'urgence, des fouilles de sauvetage. Peu à peu sortent de terre des restes de colosses et de statues, des blocs de granites colossaux, des pans entiers de cette Héliopolis oubliée et dont ces vestiges nous livrent un aperçu laissant imaginer l'ampleur, le faste et l'étendue des monuments qu'elle contenait…

    Le domaine de Mnévis

    C'est également au Nord de l'enceinte du Temple de Rê, qu'il faut rechercher les tombes de Mnévis, le taureau sacré d'Héliopolis, le « héraut de Rê ». À l'instar du dieu Apis à Memphis, le taureau Mnévis, recevait à Héliopolis un culte dans un enclos sacré. On sait que[Quoi ?] le roi Thoutmôsis III lui avait fourni par décret des biens fonciers voués à la pâture de ses veaux[7].

    Sa nécropole se situe actuellement sous le faubourg moderne d'Arab-al-Tawil, à un ou deux kilomètres au nord du temple de Ré. Les restes archéologiques trouvés concernant l'époque ramesside permettent de savoir qu'à sa mort, le taureau était momifié, recouvert d'or et enterré en grande pompe. Aucun tombeau antérieur à la XIXe dynastie n'a pour l'instant été retrouvé, mais l'existence d'un « taureau d'Iounou » est attestée pour la fin l'Ancien Empire par sa mention dans le Textes des pyramides[8].

    Le temple disparu d'Aton

    Certains éléments d'architecture trouvés sur les temples de l'époque ramesside sont des remplois dont certains datent de l'époque amarnienne. Ils permettent de supposer la présence d'un temple consacré par les pharaons Amenhotep III et Akhenaton au dieu Aton, le disque solaire[3].

    C'est sous la XVIIIe dynastie que se développe le culte d'Aton, la forme visible du dieu Ré. Dans la continuité de son prédécesseur Thoutmôsis IV, Amenhotep III lui marqua sa préférence, en s'identifiant à lui comme son représentant terrestre. L'existence d'un clergé dédié par lui à Aton permet de supposer qu'Amenhotep III lui institue un culte à Héliopolis et qu'il lui fait construire un temple dont on ne connaît l'emplacement[9].

    Colonne papyriforme du Nouvel Empire. Héliopolis - Le Caire

    Héliopolis et ses temples influencèrent de tout temps la royauté et les cultes. Ne parlait-on pas de Thèbes comme de « l'Héliopolis du Sud » ? Son culte d'Amon fut associé à celui de Rê dès le Moyen Empire, et le développement oriental de son temple à partir du Nouvel Empire marquait un nouvel axe solaire par un obélisque unique d'une hauteur de trente-deux mètres, datant de Thoutmôsis III. Cela nous donne une idée de ce que furent les temples dédiés au dieu soleil sous sa forme d'obélisque, que l'on nommait alors Benben. Héliopolis en contenait certainement aussi, rappelant les temples solaires de l'Ancien Empire.

    C'est dans cet axe de Karnak, encore plus à l'est, en dehors de l'enceinte d'Amon-Rê que se trouve le Gem Paaton, le premier temple consacré à Aton par le jeune roi Amenhotep IV avant qu'il ne transfère la capitale à Akhetaton. Le plan caractéristique de ce temple constitué de pylônes et de cours à ciel ouvert garnies d'autels pour les offrandes semble ainsi confirmer un trait particulier des temples solaires égyptiens ou les offrandes étaient offertes directement aux ardeurs du soleil. Il est probable qu'Akhenaton fit édifier à Héliopolis un temple dédié à Aton, dans la continuité de qu'il fit édifier à Karnak.

    Akhenaton transféra son culte et sa nécropole dans sa nouvelle cité dédiée à Aton et finira par effacer les anciens cultes au profit d'un culte exclusif de l'astre solaire. On connaît la brièveté de l'expérience liée quasiment à la durée du règne d'Akhenaton et, dès la fin de la XVIIIe dynastie, ses successeurs rétablirent les cultes des dieux restaurant alors ce qui avait été changé. Il n'est donc pas étonnant que l'on retrouve autant de vestiges datant de la période ramesside qui consacra des efforts particuliers à rétablir la grandeur du sanctuaire et le rayonnement de son culte.

    Le déclin d'Héliopolis

    Statues colossales d'Arsinoé II et de Ptolémée II - Musées du Vatican

    Jusqu'à l'époque romaine, les rois et reines de la Basse époque puis de la période ptolémaïque ornèrent le sanctuaire alimentant et répondant au lien séculaire de la royauté avec le dieu Rê. Le nom royal lui-même était précédé depuis les origines du titre officiel de Fils de Rê, en égyptien antique : Sa Rê.

    Les monuments et sculptures des XXVIe et XXXe dynasties attestent de ce lien étroit qui sera réaffirmé par les derniers pharaons de souche locale, restaurant et reconstruisant là où les envahisseurs assyriens puis perses passèrent, pillant et détruisant ces lieux saints.

    Avec l'arrivée d'Alexandre le Grand puis par la suite la montée au pouvoir de la dynastie lagide, Héliopolis vit encore pour un temps au cœur de la royauté, même si l'activité de ces derniers souverains se concentra davantage sur leur nouvelle capitale au bord de la Méditerranée.

    C'est à Héliopolis que Manéthon, prêtre du culte de Rê, consulta les archives du temple afin de rédiger l'histoire du pays répondant ainsi à une commande de Ptolémée qui régnait alors sur le pays après la conquête d'Alexandre.

    De nombreuses statues, sphinx, stèles commémoratives, colosses, et bien sûr les obélisques attestent donc de la ferveur du culte solaire jusqu'à la prise de pouvoir d'Auguste. À dater de ce dernier en effet, la nature du pouvoir changea et la titulature même du roi se transforma signant l'éloignement définitif du lien entre le monarque et la terre des pharaons.

    Statue d'Horus protégeant Nectanébo II - Metropolitan Museum of Art - New York

    Strabon, au Ier siècle avant notre ère, visita la cité au début de la période romaine. Il nous décrit « son temple ancien et bâti à la manière égyptienne », précédé d'un dromos monumental, d'obélisques (il cite ceux qui ont déjà été transférés à Rome pour l'Empereur) et constitué d'au moins trois pylônes et cours successives. Et il ajoute qu'il n'y a vu « aucune statue à forme humaine, seulement celles d'animaux privés de parole[10] ».

    La ville était alors éclipsée depuis près de 300 ans par l'autre ville-lumière, Alexandrie devenue le nouveau phare de la civilisation. Mais c'est l'avènement des religions monothéistes, d'abord chrétienne, ensuite musulmane, qui se traduira par son abandon définitif.

    Livrée au pillage de ses monuments et statues, l'ancienne cité d'Héliopolis servit, à l'instar d'autres sites antiques, de carrière durant les époques postérieures, devenant peu à peu un vaste champ de ruines, négatif paradoxal de ce qui fut pendant trois millénaires le siège d'une activité spirituelle et intellectuelle intense.

    Lors de l'expédition de Bonaparte à la fin du XVIIIe siècle, les savants qui l'accompagnaient firent le relevé de l'enceinte gigantesque, encore conservée sur une bonne hauteur, avec son mur transversal ainsi que son obélisque, unique témoin de ce temple et de ses prêtres qui attirèrent tant d'intellectuels et de savants de l'antiquité.

    Strabon[11] bien sûr, mais également Diodore de Sicile, Hérodote d'Halicarnasse[12] et selon la tradition, Hécatée de Milet, Eudoxe de Cnide, Platon, Pythagore et bien d'autres y auraient séjourné durant de longues périodes pour puiser des connaissances et enrichir leurs travaux grâce au vieux fond de savoirs accumulés par les prêtres du dieu Rê.

    Ils sont pour nous des témoins irremplaçables et nous transmettent un peu de cette lumière qui rayonnait autrefois depuis Héliopolis sur les civilisations naissantes de l'occident et de l'orient gréco-romain.

    Époque moderne

    L'Héliopolis moderne, fut créée par la Heliopolis Oasis Company du baron Empain, industriel belge, à partir de 1905.

    Notes et références

    1. Cf. S. Quirke, ch. 3, Une visite du conquérant soudanais Piy au ~ VIIIe siècle, p. 127-129.
    2. Cf. C. Ziegler, p. 38 et catalogue 7 a, b et c, p. 153-154.
    3. Stephen Quirke, Le culte de Rê - L'adoration du soleil dans l'Égypte ancienne, Éd. du Rocher, 2004, p. 135.
    4. Stephen Quirke, Le culte de Rê - L'adoration du soleil dans l'Égypte ancienne, Éd. du Rocher, 2004, p. 136.
    5. Découvertes inédites, les monuments au nom de ces pharaons étant assez rares ; pour ces monuments on consultera A. Saleh, chap. II Temple of Ramesses IV, p. 43-57.
    6. Cf. M. Balboush, p. 27-33.
    7. Stephen Quirke, Le culte de Rê - L'adoration du soleil dans l'Égypte ancienne, Éd. du Rocher, 2004, p. 146.
    8. Stephen Quirke, Le culte de Rê - L'adoration du soleil dans l'Égypte ancienne, Éd. du Rocher, 2004, p. 146-47.
    9. Joann Fletcher, Le roi-soleil de l'Égypte : Amenhotep III, les mémoires du plus glorieux des pharaons, Acropole, 2000.
    10. Cf. Strabon, L. XVII, 1, § 27, 28.
    11. Cf. Strabon, L. XVII, 1, § 22, 27, 28, 29, 30.
    12. Cf. Hérodote, L. II, § 3, 7, 9, 59, 63, 73 et 111.

    Sources

    Bibliographie

    • Mutawa Balboush, « Preliminary Report on the New Discovery of the Temple of Ramesses II at Heliopolis (Seasons 1964-1967) in Mélanges Selim Hassan. II. », ASAE, Le Caire, no 63,  ;
    • Abdel-Aziz Saleh, Excavations at Heliopolis - Ancient egyptian Ounû - Vol. I, Cairo university - Faculty of archaeology,  ;
    • Jean Yoyotte & Pascal Charvet, Strabon, le voyage en Égypte - Un regard romain, Éd. du Nil,  ;
    • Christiane Ziegler, L'art égyptien au temps des pyramides, Réunion des musées nationaux,  ;
    • Stephen Quirke, Le culte de Rê - L'adoration du soleil dans l'Égypte ancienne, Éd. du Rocher,  ;
    • Anne Van Loo et Marie-Cécile Bruwier (éd.), Héliopolis, Bruxelles, Fonds Mercator, 2010 ;
    • Essam Salah el-Banna, Le voyage à Héliopolis, Descriptions des vestiges pharaoniques et des traditions associées depuis Hérodote jusqu’à l’expédition d’Égypte, IFAO, 2014.
    • Portail de l’Égypte antique
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