Guillaume Ier d'Orange-Nassau

Guillaume de Nassau, prince d'Orange (en néerlandais : Willem van Oranje), comte de Nassau, dit également Guillaume le Taciturne (Willem de Zwijger) est né le à Dillenburg et mort au Prinsenhof de Delft le , assassiné par Balthazar Gérard. Sa dépouille repose dans la Nieuwe Kerk de Delft. Il fut prince d'Orange, comte de Nassau à partir de 1544, puis de Katzenelbogen, de Vianden, burgrave d'Anvers, stathouder de Hollande, de Voorne, de Zélande, de Frise occidentale et d'Utrecht à partir de 1559, gouvernant un territoire partagé actuellement entre la Belgique et les Pays-Bas.

Pour les articles homonymes, voir Guillaume Ier et Guillaume d'Orange.

Guillaume Ier d'Orange-Nassau

Portrait de Guillaume d'Orange en 1579, musée Thyssen-Bornemisza.
Titre
Stathouder de Hollande, de Zélande, d'Utrecht et de Frise

(2 ans, 11 mois et 14 jours)
Successeur Maurice de Nassau (Hollande, Zélande, Utrecht)
Guillaume-Louis de Nassau-Dillenbourg (Frise)
Biographie
Titre complet Prince d'Orange
Baron de Bréda
Dynastie Maison d'Orange-Nassau
Nom de naissance Willem van Oranje-Nassau
Surnom Le Taciturne
Date de naissance
Lieu de naissance Dillenburg
Comté de Nassau-Dillenbourg
Date de décès
Lieu de décès Delft
Provinces-Unies
Sépulture Nouvelle église de Delft
Père Guillaume de Nassau-Dillenbourg
Mère Julienne de Stolberg
Conjoint Anne d'Egmont
Charlotte de Montpensier
Anne de Saxe
Louise de Coligny
Enfants Marie d'Orange-Nassau
Philippe-Guillaume d'Orange
Marie d'Orange-Nassau
Anne d'Orange-Nassau
Maurice de Nassau
Émilie de Nassau
Louise-Juliana d'Orange-Nassau
Élisabeth Flandrika d'Orange-Nassau
Catherine-Belgique d'Orange-Nassau
Charlotte Flandrina d'Orange-Nassau
Émilie Antwerpiana d'Orange-Nassau
Charlotte-Brabantine d'Orange-Nassau
Frédéric-Henri d'Orange-Nassau
Justin de Nassau
Religion Calvinisme

Stathouder de Hollande

À l'origine membre de l'entourage de Charles Quint et fidèle partisan des Habsbourg, Guillaume d'Orange est surtout connu pour avoir été l'initiateur et le chef de la révolte des Pays-Bas espagnols contre le roi d'Espagne Philippe II, fils de Charles Quint. Cette révolte entraîna une volonté d'émancipation des États généraux (gouvernement) qui conduisit à l'indépendance des Pays-Bas du Nord, Provinces-Unies, alors que les Pays-Bas du Sud, la Belgica Regia, retombaient sous la domination espagnole après la guerre de Quatre-Vingts Ans.

Les avis sur le prince sont partagés, mais, considéré par l'historien Jan Romein (en) comme le « fondateur de la civilisation néerlandaise », honoré du titre de « vader des vaderlands » (« père de la patrie »), et inscrit au canon historique des Pays-Bas, c'est l'un des personnages clefs de la fondation de la nation néerlandaise, bien qu'il ait en fait espéré libérer la totalité des Pays-Bas, Belgique comprise, du joug de l'Espagne. À l'époque, on appelle parfois ces territoires Belgica Foederata pour le nord et Belgica Regia pour le sud, ou encore la Généralité que l'empereur germanique et roi d'Espagne Charles Quint, héritier des ducs de Bourgogne, avait constituée en un tout indissociable par la Pragmatique Sanction de 1549.

L'hymne national hollandais « Het Wilhelmus » sera écrit en l'honneur du prince d'Orange par le baron de Sainte-Aldegonde, gentilhomme de famille savoyarde, mais né à Bruxelles, qui soutint le prince et la révolte depuis ses origines. Élevé à Bruxelles, le prince d'Orange parlait l'allemand, langue de sa famille de Nassau, le français, langue de la cour de Bruxelles depuis les ducs de Bourgogne et sous Charles Quint, et le néerlandais. Sa devise est toujours celle des Pays-Bas au XXIe siècle : « Je maintiendrai. »

Biographie

Un notable des Pays-Bas espagnols à la cour de Charles-Quint

Guillaume d'Orange naît le jeudi à Dillenburg de Guillaume de Nassau-Dillenbourg et Julienne de Stolberg[1], dans une famille luthérienne[2]. Il est baptisé le dans une cérémonie hybride : après une messe catholique le matin, le baptême, la lecture de l'évangile et le sermon se font à la façon luthérienne[3].

Son éducation débute à cinq ans et demi, et comprend le latin, le français, l'italien, le calcul et l'histoire sainte[4].

Guillaume quitte Dillenburg pour la cour de Charles Quint à Bruxelles le , peu après le décès de son cousin René de Chalon, prince d'Orange (dont le père était le frère aîné de Guillaume de Nassau-Dillenbourg), mort sans descendance lors du siège de Saint-Dizier ; il hérite de la principauté d'Orange, à la condition d'être élevé dans la foi catholique. À Bruxelles, il apprend plusieurs langues sous la protection de l'archiduchesse-reine Marie de Hongrie, sœur de l'empereur et gouvernante en son nom de ce que l'on nomme les Pays-Bas, dénomination qui confond les territoires de Hollande, Zélande et autres principautés, mais aussi la Belgique et le nord de la France. Au château de Bréda, son éducation est supervisée par Claude Bouton de Corbaron, il apprend l'histoire, le droit, la théologie, l'art, les sciences, mais surtout les langues[5]. Il prend de l'importance à la cour de Charles Quint, qui prévoyait sans doute de lui confier un jour la gestion des Dix-Sept Provinces[6].

La question du mariage du prince se pose alors. Maximilien d'Egmont avait souhaité sur son lit de mort qu'il épouse sa fille, la comtesse Anne d'Egmont de Buren[7]. L'empereur y consent à la fin de l'année 1550 après deux ans de négociations ; les deux familles signent le contrat le , et le mariage a lieu le 8 juillet suivant[8]. Il y gagne une rente de 30 000 guldens, ainsi que de nombreuses seigneuries et châteaux dans les Dix-Sept Provinces[8].

La guerre avec la France reprend en 1551, et le Guillaume d'Orange est nommé à la tête d'une compagnie de cavalerie et est chargé de lever des troupes[9]. Il reçoit l'hommage de la ville de Bréda le , et devient colonel dans l'armée de Charles Quint le [10]. Il doit alors former 10 compagnies, ce qui lui cause des soucis financiers. Il ne rencontre pas les troupes d'Henri II, étant chargé de missions secondaires alors que Lamoral d'Egmont est le général en chef des troupes impériales[11].

En préparation de la onzième guerre d'Italie, il est nommé capitaine général de l'armée de la Meuse le [12]. Ses armées d'origine très diverse sont frappées par la peste, manquent d'approvisionnement, sont mal payées et manquent régulièrement de se mutiner[13]. Il prend la ville de Fagnolle qui se rend dès la première sommation le , puis Couvin qu'il fait raser, dans le but d'isoler la ville assiégée de Mariembourg[14]. Il est ensuite rappelé à Bruxelles pour l'abdication de Charles Quint. Lors de l'abdication, l'empereur s'appuie sur l'épaule de Guillaume d'Orange[15]. Le prince doit ensuite repartir sur les champs de bataille, où il parvient à licencier une bonne partie des troupes à la fin de la campagne, alors qu'il ne dispose quasiment pas d'argent[16]. Guillaume est, jusqu'à la mort de son épouse en 1558, un catholique fidèle à la couronne espagnole, membre de la cour de Marguerite de Parme, fille naturelle de l'empereur et gouvernante des Pays-Bas Espagnols.

Au service de Philippe II

Guillaume d'Orange entre ensuite au Conseil des finances[17], où il présente des remontrances sur le mauvais état des finances du pays, et demande que les Pays-Bas ne participent pas seuls aux dépenses militaires[18]. Appuyé par Emmanuel-Philibert de Savoie et tout le Conseil d'État, il obtient des financements espagnols et des troupes anglaises[19]. Cependant, le roi Philippe II prend conscience que l'opposition contre lui est incarnée par le prince d'Orange. Les 29 et , il joue un rôle important lors de la cérémonie funéraire de Charles Quint[20]. C'est pendant cette période que sa femme Anne d'Egmont meurt, le [21].

Sous la régence de Marguerite de Parme

Marguerite de Parme.

Avec la paix de Cateau-Cambrésis, la France des Valois et l'Empire des Habsbourg signent une paix durable et s'accordent pour lutter contre la montée du protestantisme[22]. À l'été 1559, les discussions sont notamment menées par Ferdinand Alvare de Tolède, duc d'Albe, qui propose l'introduction de l'Inquisition et jusqu'à l'extermination des protestants[23]. Guillaume d'Orange cache ses ressentiments face à ces propositions. Philippe II, qui doit retourner en Espagne, refusant à nommer Egmont ou Orange car trop indépendants de ses volontés, préfère nommer Marguerite de Parme au gouvernement général des Pays-Bas[24]. Cette nomination est mal accueillie par les nobles, car la princesse est bâtarde[25]. Afin d'apaiser les critiques, Philippe II donne des biens aux nobles, Guillaume d'Orange reçoit ainsi 40 000 écus et les gouvernements de Hollande, Zélande, Frise occidentale et Utrecht[25].

Lors de la dernière séance des états généraux avant le départ de Philippe II pour l'Espagne, le à Gand, les représentants des États demandent le départ des troupes « étrangères » espagnoles, ce qui rend furieux l'empereur[26]. Lors des adieux de Guillaume à Philippe II quelques jours plus tard, ce dernier est glacial[27]. Le , son père Guillaume de Nassau-Dillenbourg meurt, il devient officiellement chef de la maison de Nassau-Dillenbourg[28].

Si l'administration des Pays-Bas se fait officiellement en passant par le Conseil d’État, composé des stadhouders et de la haute noblesse, un conseil secret créé par Philippe II et composé de Charles de Berlaymont, Antoine Perrenot de Granvelle et Viglius van Aytta est chargé de prendre les décisions les plus importantes, concernant notamment la fiscalité, l'ordre, l'administration et la religion, et de ce fait transforme le Conseil d'État en simple chambre consultative[29]. Trois contentieux sont rapidement soulevés : la présence de troupes espagnoles dans les Dix-Sept Provinces, l'érection des nouveaux diocèses aux Pays-Bas espagnols, et la lutte contre le protestantisme[30]. Des troupes espagnoles restant des guerres d'Italie et fortes d'environ 3 000 hommes ne sont en effet pas payées et pillent le pays[30]. Après de nombreuses tergiversations de Philippe II, et sous la menace de la démission simultanée d'Orange et d'Egmont, les troupes partent finalement en [31]. La création des nouveaux évêchés, si elle était réclamée depuis longtemps et d'une utilité incontestable, se fait, à travers la bulle Super Universas, sans consulter les instances temporelles ou spirituelles des Dix-Sept Provinces[32]. Le Conseil d'État marque son inquiétude par rapport à cette réforme, alors que la noblesse craint de ne plus pouvoir nommer aux postes importants du clergé ses cadets, et que le reste de la population s'inquiète d'une montée de l'intolérance et de l'arrivée de l'Inquisition[33]. Celle-ci, officiellement mise en place en 1524[34] par Charles Quint, n'était en réalité que peu appliquée[35]. Philippe II, lui, est bien plus attaché au respect de la foi catholique. Dès avant 1560, il insiste sur le besoin d'une répression contre les protestants[35], et introduit la compagnie de Jésus dans les Pays-Bas[36].

Entrée en dissidence de Guillaume le Taciturne et deuxième mariage

Anne de Saxe.

Guillaume cherche ensuite à se remarier, et le parti d'Anne de Saxe se présente à lui. Cependant, elle est luthérienne et la maison de Saxe est historiquement opposée aux intérêts des Habsbourg[37]. Après avoir demandé à Philippe II son autorisation, c'est Granvelle qui traite l'affaire, et s'oppose tout d'abord au mariage d'un catholique avec une hérétique ; de même la maison de Saxe, si elle voit un appui potentiel, est réticente à cette union inter-religieuse[37]. Guillaume s'engage alors simultanément devant Philippe II que sa femme se convertira au catholicisme, et devant le duc de Saxe qu'elle gardera le droit de pratiquer le luthéranisme et que les enfants à venir seront éduqués selon cette confession[38]. Le mariage a lieu à Leipzig le , mais en l'absence des grands seigneurs néerlandais auxquels Philippe II a donné l'interdiction de participer[39]. De retour à Bruxelles, Anne assiste à la messe catholique quotidienne et donne des gages suffisants pour rassurer Marguerite de Parme[40]. De plus, lors d'une révolte calviniste dans la principauté d'Orange, Guillaume expulse les protestants et interdit tout culte non catholique, ce qui est apprécié par Philippe II[41]. Le mariage donnera un fils, Maurice de Nassau, et des filles, mais ne sera pas fort heureux, d'autant qu'Anne de Saxe présente certains signes de folie[42].

Alors que la première guerre de religion éclate en France, le roi d'Espagne souhaite aider la France et le camp catholique, en demandant aux Pays-Bas de financer la guerre[43]. La plupart des nobles font remarquer que les provinces ne sont pas en état de supporter financièrement une guerre, mais Guillaume d'Orange s'oppose frontalement à l'envoi de troupes à l'extérieur sans approbation des états généraux[44]. Les Dix-Sept Provinces opposent une forte résistance à la volonté d'intervention en France, et à l'installation des nouveaux évêques prévus par la réforme des diocèses, montrant ainsi leur mécontentement face aux autorités du roi Philippe II[45].

Les comtes de Hornes et d'Egmont.

Le , il rédige avec Philippe de Montmorency, comte de Hornes, et Lamoral, comte d'Egmont, une lettre virulente destinée à Philippe II[46], dans laquelle il demande notamment le départ de Granvelle, contre lequel des pamphlets circulent et cible d'une forte animosité, tout en assurant le roi de leur fidélité et leur foi catholique. Le , ils envoient une lettre exigeant de nouveau le rappel de Granvelle, et menacent cette fois d'un refus de siéger au Conseil d'État s'ils n'obtiennent pas satisfaction[47]. Une nouvelle aide financière dont Philippe II aurait grand besoin devait en effet être votée, rendant lourde de conséquences cette menace. Le , le cardinal de Granvelle quitte Bruxelles[47], et les nobles participent de nouveau au Conseil d'État le [48]. Si le départ du cardinal provoque la joie des nobles, ce n'est en fait qu'une étape de leurs revendications qu'ils continuent d'adresser vers Marguerite de Parme ou Philippe II.

À la suite du concile de Trente qui se termine le , Philippe II souhaite montrer qu'il est un des grands souverains catholiques d'Europe, et ordonne son application dans les Pays-Bas dès , ce qui provoque le mécontentement de l'ensemble de la population, car les États n'ont pas pris part à cette décision[49]. Orange, Hoorn et Egmont demandent à Philippe II de suspendre l'application des nouvelles mesures[50], et souhaitent également que le roi revienne aux Pays-Bas. Celui-ci s'engage à revenir bientôt, mais exige l'application des décrets conciliaires[51]. Le Conseil d'État propose au roi un texte intermédiaire, comportant un adoucissement des persécutions contre les protestants, plus d'argent pour les provinces et de pouvoir au Conseil d'État ; Egmont est chargé de cette proposition et part pour l'Espagne en [52]. Bien accueilli en Espagne, il rentre à Bruxelles le , accompagné d'Alexandre Farnèse[53]. Cependant, une semaine après, un ordre de Philippe II exige l'application intégrale des décrets conciliaires, et l'interdiction de la convocation des états généraux tant que les affaires religieuses ne sont pas ordonnées[54]. Le , Guillaume d'Orange écrit à Marguerite de Parme qu'il refuse d'exécuter le renforcement des peines contre les hérétiques[55].

L'été 1565 est particulièrement sec, ce qui a des conséquences désastreuses pour l'agriculture. De plus, à la suite de la guerre nordique de Sept Ans, le Sund est fermé par le Danemark, ce qui ferme aux ports néerlandais l'accès à la Baltique[56]. L'hiver qui suit arrive particulièrement tôt, les prix du blé s'envolent, une situation de disette s'installe[57].

Au comte d'Egmont, porte-parole, dès 1565, auprès de Philippe II pour lui demander moins de rigueur, le roi d'Espagne répond qu'il répliquera à la violence par la violence[réf. nécessaire]. Cela entraîne une nouvelle démission de Guillaume d'Orange, avec Egmont et Montmorency soutenus par le marquis de Berghes et le comte de Meghem qui démissionnent aussi du stathoudérat[Quand ?].

Tentative de conciliation : le compromis des nobles et la furie iconoclaste

Emblème des gueux.

En mars 1566, 9 membres de la haute noblesse se réunissent à Bréda pour écrire un manifeste afin de protester contre l'arrivée de l'Inquisition[58]. Le texte est intitulé Traité des grands et des nobles des Pays-Bas contre l'Inquisition d'Espagne qu'on veut introduire dans ces provinces, appelé aussi le « Compromis des Nobles ». Dans celui-ci les nobles demandent le départ de l'Inquisition et s'engagent à se porter mutuellement secours s'ils sont menacés par elle[58]. Le texte réunit 2 000 signatures de la petite noblesse, la haute noblesse ne s'avançant pas sur un tel texte[58]. Elle est remise par 400 membres de la noblesse à la gouvernante Marguerite de Parme lors d'une séance dans l'Aula Magna du palais des ducs de Bourgogne à Bruxelles le . Qualifiée de « compromis des gueux » (en néerlandais Geuzen) par un conseiller de la régente, le comte de Berlaymont, cette pétition est sans effet. Mais les signataires persistent et organisent un banquet, dit banquet des Gueux, en la résidence d'une grande famille bruxelloise, l'hôtel de Culembourg. Ils y apparaissent vêtus à la façon des pauvres gens, proclamant une devise « gueux jusqu'à la besace », revendiquant par défi ce nom de gueux qui devient alors représentatif de l'ensemble des révoltés. C'est le début d'un affrontement direct avec le pouvoir espagnol représenté à Bruxelles par Marguerite de Parme. Guillaume d'Orange, devant l'importance que prend le banquet des Gueux, préfère quitter quelque temps Bruxelles[59]. Il assiste et communie à une messe catholique pour Pâques 1566[60]. Il est convoqué à Anvers pour calmer l'agitation qui y règne, causée notamment par les prêches de 40 000 protestants dans la ville[61]. Il demande à Brederode de quitter la ville[62]. Le , il convoque le conseil de la ville, qui le nomme son gouverneur ; il interdit alors les prêches calvinistes et se rend indispensable à Marguerite de Parme : il est le seul à savoir contrôler pacifiquement la ville[63]. Il lance des travaux d'entretien fluviaux afin de donner un travail à nombre de chômeurs, et encourage à une modération des réunions qui se tenaient en dehors de la ville[64].

Les événements se précipitent ensuite : alors que quelques centaines de soldats catholiques se dirigent vers Anvers, et qu'on apprend que des recrutements sont également en cours en Allemagne, les « gueux » alors présents à Saint-Trond depuis le se sentent menacés et se promettent mutuellement la protection du protestantisme ; ils lèvent alors des fonds pour se préparer à la répression[65]. Marguerite de Parme prend peur et croit à un début de rébellion. Le à Duffel, Orange et Egmont rencontrent Louis de Nassau et 12 « gueux ». Orange recommande la modération à son cadet, lequel envoie une lettre de réclamations à la régente, proposant en outre la gestion des Pays-Bas par Orange, Hoorn et Egmont[65]. Marguerite de Parme comprend le danger que représenterait une alliance de la haute et de la petite noblesse. Elle envoie une lettre à Madrid pour prévenir la gravité des événements et convoque les chevaliers de la Toison d'or le . Il passe le , jour de l'Assomption, à Anvers, où a lieu une procession traditionnelle de la Vierge noire, malgré les menaces des calvinistes iconoclastes[66].

Étendue de la furie iconoclaste en bleu.

Dès le lendemain a lieu la Beeldenstorm, ou furie iconoclaste : alors que la plupart des stadhouders quittent leurs provinces pour assister au conseil de la Toison d'or, les églises et abbayes sont saccagées[67]. Le mouvement débute en Flandre occidentale le  : aux cris de « Vivent les gueux », les statues et ornements sont vandalisés ou détruits, les espèces eucharistiques profanées. Le mouvement s'étend aux autres provinces à l'exception de l'Artois, de Namur, Luxembourg et une partie du Hainaut où les protestants sont extrêmement minoritaires[67].

L'ordre de la Toison d'or propose alors un accord aux « gueux » le  : ceux-ci doivent calmer le peuple, protéger le catholicisme, empêcher l'implantation de lieux de culte protestants, et dissoudre leur groupement rebelle, en échange de quoi Marguerite de Parme leur concède la suspension de l'Inquisition et l'autorisation dans certains lieux délimités du prêche protestant[68]. La régente est en désaccord, et dénonce dans une lettre à Philippe II la rébellion des seigneurs. Celui-ci ordonne la levée de 13 000 hommes en Allemagne en réaction à la furie iconoclaste, dans le but de répression[68].

Guillaume d'Orange, de retour à Anvers le , fait pendre 3 émeutiers étrangers et interdit sous peine de mort de s'en prendre au culte ou au clergé catholique[68]. La cathédrale est rendue à son culte, mais il autorise les protestants à se réunir à l'intérieur de la ville.

Orange rencontre à Termonde Egmont, Hoorn, Hogstraeten, Louis de Nassau et d'autres nobles le . Ils apprennent que l'Espagne, choquée par la furie iconoclaste, a décidé de châtier sévèrement les Dix-Sept Provinces[69]. Des discussions s'engagent sur la façon d'y parer et Louis de Nassau propose de prendre les armes, mais Egmont, suivi par Hoorn, refuse de s'opposer à son souverain[70].

Guillaume d'Orange part ensuite visiter les provinces dont il est stadhouder (Zélande, Hollande et Utrecht) pendant la fin de l'année 1566[71].

Le peuple, hostile au roi d'Espagne, se range derrière sa noblesse. Les catholiques encore majoritaires participent au mouvement parce qu'ils pressentent que la politique autoritaire du roi d'Espagne menace les libertés octroyées, au cours des âges, par les ducs de Brabant et les ducs de Bourgogne. C'est alors que les calvinistes, qui voient dans cette situation conflictuelle l'occasion d'aggraver le conflit, provoquent des émeutes iconoclastes en . Guillaume d'Orange condamne cette violence, mais comprend que l'Espagne n'acceptera plus de compromis.

Répression et exécution d'Egmont et de Hornes

Ferdinand Alvare de Tolède, duc d'Albe, envoyé aux Pays-Bas pour mater la rébellion.

Dès 1566, à la suite de la furie iconoclaste, Marguerite de Parme commence à réprimer les protestants. Elle fait bloquer Valenciennes à partir du , et Philippe de Noircarmes met en déroute les renforts calvinistes à la bataille de Lannoy (nl)[72]. Le , le Conseil d'État vote, sur demande de la régente, l'interdiction totale des prêches protestants. Les places-fortes protestantes de Valenciennes, Tournai, Maastricht et Bois-le-Duc sont prises au début de 1567[72]. La bataille d'Oosterweel qui voit une armée calviniste être vaincue par les tercios espagnols est ainsi considérée comme la première bataille de la guerre de Quatre-Vingts Ans. Orange se rend à Anvers, ville puissante, assez indépendante de Bruxelles et plus tolérante[73], et invente des prétextes pour ne pas s'expliquer devant la régente et le conseil de la Toison d'or[74]. Après quelques mois, il décide de quitter les Pays-Bas et de partir en Allemagne ; il remet sa démission à Philippe II le [75]. Il quitte Anvers le lendemain, et traverse la frontière le 25, alors qu'un espion lui révèle que le roi vient d'ordonner son arrestation et son jugement[76]. Il arrive à Dillembourg le .

Des milliers de protestants quittent également les Dix-Sept Provinces pour l'Angleterre, les pays allemands ou scandinaves, alors que toutes les villes et troupes protestantes ou rebelles sont prises ou vaincues[77].

En 1567, le roi d'Espagne envoie le duc d'Albe dans les provinces des Pays-Bas ; ce dernier arrive à Bruxelles le avec une armée de 25 000 hommes pour y organiser une dure répression[78]. Il remplace la régente qui démissionne le .

Le duc d'Albe préside le Conseil des troubles.

Le , il met en place un tribunal secret, le Conseil des troubles, surnommé Bloedraad Conseil du Sang »)[79], chargé de juger les hérétiques, les anciens « gueux » ou les tièdes dans la foi. La torture y est pratiquée[80]. De nombreuses exécutions ont lieu à partir de , une quarantaine à une cinquantaine par jour en moyenne[81], pour un total estimé à entre quatre et huit mille morts[82].

En conséquence, l'activité économique des ports diminue, nombre de marins scandinaves ou allemands étant protestants, et tant d'exécutions tournent défavorablement l'opinion publique[82].

Orange est convoqué à comparaître, mais refuse de s'y rendre, et publie les Justifications[83], livre dans lequel il explique avoir été toujours loyal à Philippe II, et dénonce l'illégalité du Conseil des troubles[84]. Orange avait conseillé au comte d'Egmont et au comte de Hornes de le rejoindre à l'étranger. Mais ceux-ci restent, et bien que catholiques sont arrêtés traîtreusement à l'issue d'un conseil d'état-major auquel les avait conviés le duc d'Albe le , ainsi que le bourgmestre d'Anvers Antoine van Straelen, et d'autres notables[85].

Guillaume d'Orange, chef militaire de la révolte

La campagne de 1568.

La paix de Longjumeau, signée le , met fin à la deuxième guerre de religion en France ; Guillaume d'Orange prévoit alors de s'appuyer sur des huguenots français, de lever des troupes dans les États allemands protestants qui lui sont favorables et d'entrer en guerre aux Pays-Bas pour y chasser le duc d'Albe[86]. Il parvient à lever plusieurs milliers d'hommes en , qu'il répartit en 3 armées : les protestants français, dirigés par François de Coqueville au sud, son frère Louis de Nassau, calviniste convaincu, au nord, et Jean de Montmorency entre le Rhin et la Meuse. Coqueville est rapidement défait par l'armée française, Montmorency est vaincu le à la bataille de Rheindalen, seul Louis de Nassau parvient à remporter la victoire à la bataille de Heiligerlee le [87].

Devant le choc que cause cette première victoire rebelle, le duc d'Albe répond par la force : Egmont et Hornes sont jugés et décapités sur la Grand-Place de Bruxelles, le . Les biens de Guillaume d'Orange sont confisqués le et il est condamné au bannissement perpétuel[84]. Il envoie une armée qui écrase celle de Louis de Nassau à la bataille de Jemmingen le [88]. Guillaume d'Orange intervient alors à son tour avec une armée d'une dizaine de milliers d'hommes, mais ne rencontre pas l'ennemi, ne dispute que des escarmouches et doit licencier ses troupes faute d'argent[89]. Assistant ensuite les huguenots lors de la troisième guerre de religion, il se réfugie fin 1569 à Dillembourg[90].

C'est le début de la guerre de Quatre-Vingts Ans, qui permit aux Provinces du Nord (les Pays-Bas actuels) d'accéder à l'indépendance.

Si la victoire semble acquise pour le duc d'Albe[91], la cruauté des persécutions choque même parmi les catholiques et les Espagnols[92]. L'émigration des protestants a cependant des conséquences négatives, et une amnistie est proclamée le , même si le pays reste surveillé[93].

Le coût de la guerre se fait cependant sentir chez les Espagnols, la reine Élisabeth Ire ayant saisi les biens espagnols en Angleterre et ayant réussi à capturer un galion transportant des métaux précieux[93]. Les forces présentes dans les Dix-Sept Provinces coûtaient 4,2 millions de guldens à l'année, et, étant mal payées, pillaient le pays[94]. Le duc d'Albe commence par faire quelques ajustements fiscaux, mais ceux-ci se révèlent insuffisants et il doit convoquer les états généraux. Ceux-ci se réunissent le et acceptent de voter un nouvel impôt exceptionnel, mais refusent l'introduction d'une nouvelle taxe à 5 ou 10 % sur les transactions (selon qu'elles soient mobilières ou immobilières), sur le modèle de l'alcabala[94]. Pendant deux ans, les finances sont équilibrées grâce à l'impôt exceptionnel, mais en , le besoin d'argent se fait de nouveau sentir, et Albe souhaite mettre en place la taxe sur les transactions. Il reçoit l'opposition unanime du clergé catholique, de la noblesse, des villes et des guildes[95], mais passe en force contre l'avis des États généraux (parlement) et du Conseil d'État. Une grève de trois mois éclate, et les évêques de Bruges, Gand et Ypres écrivent directement à Philippe II le pour s'opposer à cette taxation[95].

Prise de La Brielle et lutte contre le duc d'Albe

Carte du front en 1572.

Cependant Guillaume d'Orange, s'il est déchu de ses titres aux Pays-Bas, reste toujours prince d'Orange, un État souverain. Il accorde à nombre de pirates sur les côtes néerlandaises des lettres de marque, les légitimant ainsi en tant que corsaires qui portent le Drapeau du prince[96]. Ces « gueux de mer », issus de tous les milieux et pays, deviennent dès l'automne 1570 une force importante sur mer[97], menaçant le commerce espagnol[98] et apportant de l'argent précieux à Guillaume d'Orange. En , le duc d'Albe obtient de la reine Élisabeth d'Angleterre qu'elle chasse les gueux de mer de ses ports. Ceux-ci, comportant un millier d'hommes sur vingt-cinq navires, traversent la mer et débarquent dans la ville de Brielle, que la garnison espagnole vient de quitter pour Utrecht. La ville ouvre ses portes et les accueille ; les gueux décident de rester et de se défendre dans cette ville[99] : la prise de La Brielle marque un tournant dans la guerre. D'autres villes se soulèvent en effet : en mai, les partisans de Guillaume d'Orange, alors resté à Dillembourg, tiennent les bouches de la Meuse, du Rhin et de l'Escaut[100]. S'il ne croyait pas au début à ce soulèvement, il envoie une proclamation aux habitants des Pays-Bas, leur enjoignant de se révolter contre la tyrannie, et est officieusement soutenu par Élisabeth d'Angleterre, Charles IX de France et les princes protestants allemands[101]. De plus, des huguenots français, menés par François de La Noue, Jean de Hangest ou Louis de Nassau pénètrent aux Pays-Bas et prennent Valenciennes et Mons[101].

Devant des ennemis présents sur deux fronts, le duc d'Albe décide de se concentrer sur les huguenots au sud, dégarnissant Hollande et Zélande où les gueux de mer dominent la marine espagnole[102]. En juillet, Guillaume d'Orange quitte Dillembourg et pénètre aux Pays-Bas avec 2 000 cavaliers et 24 000 fantassins, promettant le rétablissement des anciens privilèges et la liberté religieuse pour catholiques et protestants[102]. Réunis à Dordrecht en , les insurgés reconnaissent Guillaume d'Orange comme stadhouder et s'engagent à le soutenir financièrement[102].

Il choisit d'affermir en priorité son emprise dans les provinces du nord, et de ne pas venir en secours aux huguenots lors du siège de Mons, considéré comme une diversion[103]. Il congédie Guillaume II de La Marck, gueux de mer trop violent envers les catholiques, puis reprend la campagne le . Il s'empare de nombreuses villes de Limbourg, Flandre et Brabant, et compte sur les huguenots de Gaspard II de Coligny pour aller secourir Mons.

Le massacre de la Saint-Barthélemy, le , ruine les plans de secours des huguenots français, rendant la situation beaucoup plus difficile pour les Orangistes[104]. Guillaume le Taciturne tergiverse avant d'avancer vers Mons ; le duc d'Albe reprend ses tactiques d'escarmouche, et parvient à briser l'élan de la campagne. Après la chute de Mons, le duc d'Albe se dirige vers le nord, et reprend les villes du Brabant. Le sac de Malines, en , dure trois jours et les soldats espagnols font montre d'une grande cruauté[105]. Ces violences suscitent l'indignation, et Philippe II demande au duc d'Albe de ne pas faire subir le même sort à Louvain[106]. Précédées de leur réputation de cruauté envers ceux qui leur résistent, comme ce fut le cas lors du massacre de Naarden, les armées espagnoles reconquièrent sans combat bon nombre de villes[107].

Pendant l'hiver 1572-1573 qui interrompt les combats, Guillaume d'Orange organise l'administration des territoires sous son contrôle[104]. Le , il affiche sa conversion au calvinisme[108].

Bataille de Zuiderzee.

Au début de 1573, Élisabeth d'Angleterre décide d'aider les rebelles néerlandais, et les gueux de mer parviennent à intercepter les vaisseaux chargés de la solde des troupes espagnoles qui se mutinent. Le duc d'Albe parvient cependant à calmer ses troupes et décide de se lancer à l'assaut d'Alkmaar le [109]. Les assauts frontaux échouent, et en face c'est toute la population qui défend la ville avec tous les moyens à sa disposition. Les digues sont rompues, ce qui force les troupes espagnoles à se retirer. Le siège d'Alkmaar est la première victoire militaire des rebelles ; un dicton dit que « la victoire commence à Alkmaar »[110]. Quelques jours plus tard, le à la bataille de Zuiderzee, la flotte des gueux remporte une victoire écrasante sur Maximilien de Hénin-Liétard qui est capturé[110]. Un captif de cette importance permet à Guillaume d'Orange de négocier avec les Espagnols le respect de la vie des prisonniers, qui sera désormais globalement respectée pendant la suite des hostilités[111].

Départ du duc d'Albe et arrivée de Requesens

Remplacé par Luis de Zúñiga y Requesens, le duc d'Albe quitte les Pays-Bas pour l'Espagne le [112], alors qu'il est critiqué même parmi les catholiques pour sa cruauté. Le nouveau gouverneur trouve une situation financière difficile : ses soldats sont de plus en plus composés de mercenaires, qui sont mal payés, l'économie rencontre de fortes difficultés et est paralysée par la guerre[108].

1574 voit la bataille de Reimerswaal confirmer la domination des mers par la flotte orangiste, et la fin du siège de Middelbourg leur donner le contrôle des bouches de l'Escaut[113]. Louis de Nassau a levé 15 000 hommes en Allemagne, mais il est défait et trouve la mort à la bataille de Mook le [114]. C'est un coup dur pour Guillaume d'Orange qui perd son frère dont il était très proche, ainsi qu'un émissaire et recruteur efficace. Cependant, cette victoire n'est pas exploitée par les Espagnols, qui ne sont pas payés depuis 8 mois et se mutinent[115]. Requesens les calme avec difficulté en empruntant de l'argent[116].

Louis de Nassau, frère cadet de Guillaume, meurt à la bataille de Mook.

Alors que ses efforts sont concentrés sur le siège de Leyde, Guillaume tombe gravement malade le  ; il est frappé de fortes fièvres pendant trois semaines[117]. Après la victoires des rebelles à Leyde, et alors que ses troupes désertent ou se rebellent faute d'argent, Requesens cherche une solution, et propose des tractations à Guillaume d'Orange. Les négociations s'ouvrent le à Bréda. Les émissaires d'Orange exigent notamment le maintien des privilèges et la liberté religieuse[118], mais surtout le départ des troupes espagnoles[119]. De leur côté, les délégués espagnols proposent l'amnistie, et six mois pour que les protestants quittent le pays. Guillaume d'Orange se voit proposer la restitution de ses biens et terres ainsi que les faveurs royales s'il se rallie à Philippe II. Les négociations échouent définitivement le [120].

Son mariage avec Anne de Saxe étant dissous pour raison d'infidélité, le prince d'Orange se marie une troisième fois le avec Charlotte de Montpensier, selon le rite calviniste[121]. Ce mariage est délicat, car la mariée est une ancienne religieuse, ce qui est choquant, elle n'apporte pas de dot qui serait fort utile à la cause des rebelles, et le remariage de Guillaume alors qu'Anne de Saxe n'est pas encore morte passe difficilement auprès des catholiques comme des protestants[122].

La campagne reprend en  : Philippe II apporte un million d'écus à Requesens, enfin en mesure de lancer une opération d'envergure en Hollande du Sud. Il prend et réduit en cendres Oudewater et Schoonhoven, et s'avance en Zélande où seul le fort de Zierikzee lui résiste[123]. La situation devient dangereuse pour les rebelles, qui sont délivrés par la banqueroute de 1575 : l'Espagne décide d'annuler ses dettes accumulées, ce qui rend quasi-impossible pour Requesens de recevoir des subsides lui permettant de payer ses troupes[124]. Il meurt d'une fièvre le [124]. Philippe II n'ayant pas prévu de successeur, les États sous contrôles espagnol, Brabant, Hainaut, Flandre et Gueldre, demandent l'ouverture de négociations avec Guillaume d'Orange, le retour de leurs privilèges, et la fin des Espagnols aux charges publiques[125].

Union de Delft et pacification de Gand

Pendant ce temps, Guillaume d'Orange unit Zélande et Hollande, jusque là disposant de deux assemblées distinctes, par l'Union de Delft (es) en [126].

Le sac d'Anvers provoque le soulèvement des dernières provinces loyales à l'Espagne.

D'un point de vue militaire, le siège de Zierikzee se conclut par une victoire militaire espagnole. Cependant, les troupes espagnoles, toujours mal payées, pillent Alost. En réaction, la population bruxelloise se soulève contre les Espagnols. Les États décident de faire arrêter les nobles espagnols et de lever des troupes parmi la population locale[127]. Devant les événements et sans directive de Madrid, les états-généraux sont convoqués par les députés le [128]. On assiste alors à un mouvement général contre le pouvoir espagnol et l'on voit se joindre au Brabant des représentants des Dix-Sept Provinces. À Bruxelles affluent des délégations de Flandre et du Hainaut auxquels sont appelés à se joindre l'Artois, Lille, Douai et Orchies, Malines, le Limbourg et les pays d'Outre-Meuse, la Hollande, la Zélande, le Luxembourg, et même de plus loin, la Gueldre, la Frise, Overijssel, Groningue, Utrecht. Et le prince-évêque de Liège Gérard de Groesbeek reçoit une délégation qui le rassure sur le respect que les insurgés vouent au principe de la liberté religieuse. Seul le Luxembourg n'envoie personne. Les représentants s'accordent vite sur la nécessité du départ des troupes espagnoles, mais la question de la liberté religieuse, notamment en Zélande et en Hollande, divise les représentants. Un accord est approuvé le [129], mais c'est la nouvelle du sac d'Anvers qui lève finalement les réticences des catholiques, et la pacification de Gand est approuvée le [130]. Si en théorie cette pacification est une victoire de Guillaume d'Orange, il ne prévoyait pas de suite à l'expulsion des soldats espagnols : les catholiques souhaitaient le retour à leur religion des protestants, et les calvinistes le droit de prêcher dans toutes les provinces, ainsi que l'exclusivité de leur religion en Hollande et Zélande[130].

Des ambassadeurs sont envoyés à la reine Élisabeth Ire d'Angleterre, au roi Henri III de France et à l'empereur Maximilien pour annoncer que les États généraux entreprennent eux-mêmes la pacification du pays. Philippe II d'Espagne en est prévenu sans ambages. Mais pour rétablir l'unité des Dix-Sept Provinces, un accord solennel est nécessaire.

C'est à Gand que le prince d'Orange rencontre les délégués, alors que la citadelle de cette ville est toujours aux mains des Espagnols. Un accord est pris difficilement car, au sein de l'union politique, les différends religieux subsistent entre protestants et catholiques. Il est prévu de suspendre les peines proclamées par les « placards » espagnols, de libérer les prisonniers, d'abolir les séquestres et les confiscations et de rétablir la libre communication entre toutes les provinces.

Enfin, un accord se fait et, le , le texte en est proclamé sous le nom de Pacification de Gand, suivi par la deuxième Union de Bruxelles qui en établit les modalités. À Bruxelles, un comité composé de dix-huit membres prend d'autorité le pouvoir à l'instigation du baron de Sainte-Aldegonde, aristocrate d'origine savoyarde, fidèle du prince d'Orange qui n'a cessé, depuis le début de l'intervention espagnole de se multiplier sur tous les fronts, tant par ses actions que par ses pamphlets. Dès juillet, le comité a invité Guillaume d'Orange à revenir à Bruxelles qu'il a dû fuir au début de la répression et où sa résidence a été confisquée.

Le , Guillaume arrive à Anvers. Après des réjouissances, il part pour Bruxelles par la voie des eaux. Son cortège de coches d'eau remonte par le Démer et entre dans le canal qui mène à Bruxelles. Un coche porte le prince, sur un autre sont exécutés des tableaux vivants de nature allégorique. Sur les rives, la foule acclame et, à partir de Willebroeck, les milices bruxelloises se joignent aux trois cents bourgeois anversois en armes qui veillent sur le cortège. Des barques d'habitants et de milices locales complètent la fête jusqu'à Bruxelles. À l'entrée de la ville, à la porte d'Anvers, Orange monte à cheval avec, à sa droite, un ambassadeur anglais, car la reine Élisabeth, ennemie de l'Espagne, soutient ce qui paraît devenir un véritable triomphe révolutionnaire. C'est au milieu d'une foule énorme qui lance des acclamations que le prince entre dans la demeure familiale qu'il avait quittée dix ans plus tôt. Le soir, on tire un feu d'artifice, le premier, dit-on, en Europe où ce genre de spectacle était jusque-là inconnu.

Depuis le début des troubles, les provinces des Pays-Bas n'ont cessé d'affirmer leur fidélité au roi Philippe II et à leurs libertés traditionnelles. C'est pour défendre ces dernières — rognées par l'affirmation de l’État monarchique — que les révoltés avaient pris les armes. Pour autant, la légitimité du roi n'était pas mise en cause. Ce consensus liait l'ensemble des provinces, même si les tensions religieuses, attisées par les théologiens, les prêcheurs et les pamphlétaires des deux bords menaçait régulièrement l'union. En 1579, Philippe II repasse à l'offensive grâce à l'or des Indes. Son but est de rétablir ses sujets dans l’obéissance qu'il estime lui être due.

Arrivée de don Juan d'Autriche et entrée dans Bruxelles

Don Juan d'Autriche.

Le , le nouveau gouverneur désigné par Philippe II, Juan d'Autriche, fils illégitime de Charles Quint, arrive à Luxembourg[131]. Le roi l'autorise à de nombreuses concessions : remplacement des Espagnols dans l'administration, départ des troupes espagnoles, rétablissement des privilèges traditionnels et amnistie générale[132]. C'est ce qu'il propose aux États avec l'Édit perpétuel de 1577, signé par toutes les provinces sauf la Zélande et la Hollande[133]. Malgré les concessions, c'est une victoire pour Juan d'Autriche dans sa volonté de faire revenir à lui les Pays-Bas, et un échec pour Guillaume d'Orange qui voulait les unir. Les dernières troupes espagnoles quittent le pays le [134]. Guillaume d'Orange prévoit toujours la reprises des hostilités, alors que des discussions sont en cours avec Juan d'Autriche. Les troupes orangistes passent à l'offensive, prennent Haarlem, Utrecht, et entreprennent le siège d'Amsterdam[135]. Se voyant joué, Juan d'Autriche se réfugie à Namur et rappelle les troupes espagnoles[135]. La population se soulève alors contre le nouveau gouverneur, et les états généraux envoient une invitation à Guillaume d'Orange[136]. Ils écrivent également le à Philippe II pour lui demander le rappel du gouverneur, qui se retire à Luxembourg le [137].

Guillaume d'Orange arrive à Bruxelles le , accueilli par toute la haute noblesse et acclamé par la foule, Aerschot à sa gauche, l'ambassadeur d'Angleterre à droite[138]. Dès le lendemain, il siège aux états généraux, alors qu'il a appris que les troupes espagnols sont sur le retour. Ceux-ci demandent le départ de Juan d'Autriche, et son remplacement par « un prince extrait légitimement de la maison d'Autriche », c'est-à-dire l'archiduc Matthias[139]. Celui-ci quitte Vienne le pour les Pays-Bas, et Orange comprend que cette manœuvre est dirigée contre lui[140]. Dans le même temps, il est proclamé « ruwaert » (régent) du Brabant[140]. Le , Juan d'Autriche est déchu de ses droits de gouverneur et déclaré « ennemi de la patrie » par les états généraux[141]. Un accord est trouvé le suivant, qui donne à Guillaume d'Orange le titre de lieutenant général, second après l'archiduc et gouverneur Matthias[142]. De facto, Orange devient ainsi le dirigeant des Pays-Bas.

Retour de Juan d'Autriche et introduction du duc d'Anjou

Cependant, Juan d'Autriche reçoit en des renforts envoyés par Alexandre Farnèse, et se trouve à la tête d'une vingtaine de milliers d'hommes[143]. Il attaque par surprise et écrase le à la bataille de Gembloux l'armée des États[143], en l'absence de leur général, le comte de Lalaing. Accusé de trahison par les États, il rejoint d'ailleurs l'armée royale peu après. Les souverains étrangers, voyant la situation bien moins favorables aux Dix-Sept provinces, retirent leur soutien officiel. Désormais presque dépourvus d'armée, les États se désunissent, et se replient sur leurs villes pour se défendre[144]. Juan d'Autriche reprend nombre de villes du Brabant, mais ne pénètre pas dans Bruxelles, pourtant fort peu défendue[144]. Guillaume d'Orange perd partout de la popularité, et le camp pro-espagnol reprend l'ascendant[145].

Le duc d'Anjou, choisi initialement par Guillaume pour gouverner les Pays-Bas.

François de France, duc d'Anjou, frère du roi de France Henri III, est proposé comme protecteur des Pays-Bas, afin de se défaire de la tutelle espagnole[146]. Par le traité de Plessis-lès-Tours, il promet de respecter l'autorité du prince d'Orange ainsi que les libertés religieuses. Le duc d'Anjou paraît finalement plus fiable que l'Autrichien Matthias, neveu et beau-frère de Philippe II. Le prince d'Orange et les États proclament le duc d'Anjou « Défenseur de la liberté des Pays-Bas contre la tyrannie des Espagnols et de leurs adhérents ». Cette allusion à ceux qui, tout en combattant les troupes espagnoles, paraissent vouloir trouver un accommodement avec le roi d'Espagne, est un avertissement.

Le , Guillaume d'Orange propose la religionsvrede, ou accord de religion, qui prévoit la liberté du culte privé, et la mise en place d'un lieu de culte si cent familles présentes depuis au moins un an en font la demande[147]. La proposition est cependant repoussée aussi bien par les calvinistes que par les catholiques[148].

Pour Orange, les Pays-Bas forment toujours un tout : comme nombre de ses compatriotes, il a parfaitement intégré l'identité bourguignonne héritée des anciens ducs et consacrée par Pragmatique Sanction du . Conformément à l'esprit de l'empereur qu'il avait servi dans sa jeunesse, le prince entend que les provinces demeurent un bloc indivisible et perpétuellement uni. Il nomme d'ailleurs une fille qui vient de lui naître du nom de Catherine-Belgique[149], d'après la mode humaniste qui désignait l'ensemble de la région sous le nom de Gaule belgique.

Les excès des agitateurs calvinistes provoquent chez les catholiques l'apparition des « malcontents », dirigés par Emmanuel de Lalaing, qui vainquent les troupes calvinistes au sud des Pays-Bas[150]. Une guerre civile semble alors se poindre, et Guillaume d'Orange doit se rendre à Gand le pour calmer difficilement les esprits des protestants[151]. C'est vers la même période qu'il apprend la mort de Juan d'Autriche[152].

Union d'Arras, union d'Utrecht et mise au ban de Guillaume d'Orange

Portrait d'Alexandre Farnèse.

Après la mort de Juan d'Autriche, Alexandre Farnèse lui succède. Il applique une stratégie de division du camp adverse, là où Orange tente au contraire de concilier les provinces et les religions[153]. De plus, le , le duc d'Anjou rentre en France, ce qui incite nombre de catholiques à devenir pro-espagnols[154].

Mais entre-temps, l'Artois, le Hainaut, Lille, Douai et Orchies ont formé l'Union d'Arras, le . Ce traité, signé à l'abbaye de Saint-Waast[154], entérine les promesses de l'archiduc Matthias et réaffirme les grands principes de la Pacification de Gand et de l'Union de Bruxelles. L'Union vise à maintenir la religion catholique et à se réconcilier avec Philippe II en conservant les privilèges des provinces[154].

Le , sans que Guillaume d'Orange soit présent, mais sous l'inspiration de son frère, Jean de Nassau, est votée en réponse à l'Union d'Arras l'Union d'Utrecht qui fédère les États de Hollande, Zélande, d'Utrecht, de Gueldre et la province de Groningue avec de grandes villes du sud comme Bruges, Gand, Bruxelles et Anvers[154]. Cette union réaffirme l'alliance contre l'Espagne et pose la base d'un nouvel État confédéral[155].

Le , le traité d'Arras conclut la paix des États du sud avec le roi d'Espagne : Farnèse accepte ainsi le retour des privilèges traditionnels et le respect des décisions prises par les états généraux, en échange du passage sous son autorité des provinces du sud[156]. Le roi d'Espagne, mécontent de tant de concessions, signe cependant l'accord le [157].

Farnèse reprend ensuite la campagne militaire dans les terres de l'Union d'Utrecht, et met le siège à Maastricht. Après la chute de la ville, une grande partie des catholiques se rallient à lui, et plusieurs villes rejoignent la paix d'Arras[158].

Guillaume d'Orange cherche alors à nouveau l'appui du duc d'Anjou[159]. La constitution proposée donne une part importante aux états généraux et aux provinces[160]. Le traité est signé à Bordeaux le [161].

Philippe II lui-même y met fin en proclamant, en , la mise au ban de Guillaume d'Orange, et offre 25 000 écus et l'anoblissement à qui parvient à le tuer[162]. En réponse, Guillaume publie son Apologie où il se justifie[163]. Même si les états généraux continuent de lui apporter leur soutien[164],une telle lettre de réponse à son souverain est mal perçue à l'étranger comme dans les Pays-Bas[165].

Déchéance de Philippe II, stadhouder de Hollande, Zélande et Frise, mariage et assassinat

Représentation des Actes de La Haye.

Le , Guillaume d'Orange est proclamé chef du gouvernement, et le , les états généraux rédigent l'Acte de La Haye, décidant de la déchéance du roi Philippe II[166].

La voie est libre, en apparence, pour François d'Anjou. En , il retourne aux Pays-Bas à la tête de troupes qui parviennent à mettre en échec Alexandre Farnèse. Pourtant, faute de moyens, il doit rapidement les licencier, et décide de partir peu après en Angleterre[167]. Farnèse reprend l'offensive, et ne massacre pas la population des villes prises, ce qui lui facilite la conquête[168].

Le , Guillaume d'Orange est victime d'une tentative d'assassinat[169]. Une balle entre près de l'oreille droite et ressort par la joue gauche, lui brisant deux dents et touchant la veine jugulaire[170]. Le tireur, Jean de Jauregui, est rapidement tué par les hallebardiers de la garde. Comme il est habillé à la française, la ville d'Anvers pense que le duc d'Anjou est derrière cette tentative d'assassinat[171]. Cependant, une rapide enquête permet de conclure à une motivation financière, du fait d'Espagnols[172]. Les membres du complot sont écartelés le , mais Orange demande à ce qu'ils meurent rapidement, et ils sont préalablement étranglés[173]. Alors qu'il était en voie de guérison, la jugulaire du prince recommence à saigner, et il est soigné par le chirurgien Skon Thomas[174],[175] qui parvient à arrêter le saignement en plaçant une boulette de plomb sur la blessure[173]. Pendant 17 jours, toute sa famille et des domestiques se relaient pour maintenir la boulette, et le , la plaie est enfin cicatrisée. Le , il se présente de nouveau au public[176]. Épuisée par les veilles, Charlotte de Bourbon tombe malade et meurt le [176].

Farnèse décide au début de 1582 de recruter une dizaine de milliers d'hommes d'Espagne et d'Italie, prenant ainsi l'ascendant militaire[177].

Le duc d'Anjou a de plus en plus de mal à tolérer les entraves que les États mettent à son futur pouvoir, et est assez impopulaire, notamment parmi les provinces calvinistes. Il prévoit au début de 1583 un coup de main qui lui permettrait de s'emparer des villes flamandes et brabançonnes[178], dans l'intention de détenir un pouvoir absolu, et d'interdire le protestantisme. Le , ses hommes parviennent à s'emparer d'Ostende, Dixmude, Termonde, Alost et Vilvorde[179]. À Anvers où il réside, il attend le lendemain vers midi pour faire rentrer par traîtrise 3 000 fantassins et 600 cavaliers qui commencent à piller la ville[180]. Cependant, les bourgeois de la ville se soulèvent contre les assaillants, et réussissent à les chasser de la ville[181]. En une heure, l'attaque d'Anvers, appelée aussi « furie française » échoue.

Louise de Coligny.

Orange sait cependant qu'il a besoin de l'appui d'une puissance étrangère pour continuer la guerre contre l'Espagne[182]. Il obtient une réconciliation avec le duc d'Anjou à Termonde le , par laquelle il accepte de se retirer à Dunkerque, et laisse ses troupes à la disposition des États[183].

Guillaume prend alors pour quatrième épouse, le , Louise de Coligny, de la famille de l'amiral huguenot français[184].

La campagne de 1583 voit Farnèse, dont les troupes sont mieux approvisionnées, l'emporter au sud, et prendre Dunkerque[185]. Guillaume d'Orange quitte Anvers pour Delft, en Hollande[186], constatant son échec à réunir les États et remporter la victoire. En 1584, Ypres et Bruges sont conquises par Farnèse[187].

Représentation de l'assassinat de Guillaume le Taciturne.

Guillaume le Taciturne échappe à de nombreuses tentatives d'assassinat[188] motivées par la forte somme promise par le roi d'Espagne. Un royaliste comtois, Balthazar Gérard, parvient cependant à l'assassiner, le , dans son refuge de Delft en le blessant mortellement d'un coup de pistolet. Le prince est enterré le 3 août dans l'église de Delft. Son fils ainé Philippe-Guillaume, demeuré catholique et au service du roi, hérite de ses biens en France et dans la Principauté d'Orange. Son cadet, Maurice de Nassau, garde cependant le contrôle effectif des fiefs allemands et néerlandais, et prend la place de son père à la tête de la révolte.

Titres

Famille

Ascendance

Mariages et enfants

Le , Guillaume épouse la comtesse Anne d'Egmont (1533 – 1558), fille et héritière du comte Maximilien d'Egmont, comte de Buren et de Leerdam (nl).

Trois enfants sont nés de cette union :

Veuf, Guillaume épouse le Anne de Saxe (1544 – 1577), fille de l'électeur Maurice de Saxe. Ils divorcent en 1574.

Cinq enfants sont nés de cette union :

Le ou , Guillaume épouse Charlotte de Bourbon-Vendôme (1547 – 1582), fille du duc Louis III de Montpensier.

Six enfants sont nés de cette union :

En 1583, Guillaume épouse Louise de Châtillon-Coligny (1555 – 1620), fille de l'amiral de Coligny et veuve de Charles, seigneur de Téligny, dont il a un fils :

Citations

Statue équestre de Guillaume Ier d'Orange-Nassau, devant le Palais Noordeinde

On prête au prince d'Orange d'avoir transformé le proverbe Audaces fortuna juvat en affichant sa nature pessimiste et taciturne [189] :

« Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer »

 Guillaume d'Orange

Une des phrases les plus célèbres de Guillaume d'Orange est :

« Je ne peux pas admettre que les souverains veuillent régner sur la conscience de leurs sujets et qu'ils leur enlèvent la liberté de croyance et de religion. »

 Guillaume d'Orange

Cette déclaration, prononcée le au Conseil d'État (gouvernement), exprimait l'essence du conflit avec Philippe II.

Dans cette déclaration, comme en beaucoup d'autres circonstances, Guillaume d'Orange, qui parlait plusieurs langues, choisit le français. Ce n'est pas du mépris pour la langue flamande ou pour l'allemand, mais c'est que le français est généralement compris dans toutes les cours importantes d'Europe, sauf dans celle d'Espagne. Et, de plus, il est hors de question pour les révolutionnaires de parler en espagnol, alors que la cour d'Espagne affiche un refus prononcé de parler les diverses langues des États qui dépendent de Philippe II.

D'ailleurs, la devise du prince était — en français — : Je maintiendrai. À la fin de sa vie, il la compléta ainsi : Je maintiendrai l'honneur, la foy, la loi de Dieu, du Roy, de mes amis et moy. Toujours en français, cette profession de foi avait été inspirée par le baron de Sainte-Aldegonde, noble protestant d'une famille originaire de Savoie, mais né à Bruxelles. Souvent porte-plume des révolutionnaires, ce polyglotte a écrit divers ouvrages de polémique, un traité d'éducation dans lequel il prône la connaissance de plusieurs langues et un pamphlet contre l'Église catholique, De Bijenkorf, la « ruche » de Rome qui décrit et raille les mœurs dissolues de l'Église catholique.

Drapeau néerlandais

Le drapeau du Prince d'Orange dans sa version originale

Selon la tradition, c'est à Guillaume d'Orange qu'on doit le précurseur du drapeau tricolore des Pays-Bas : le « drapeau du Prince » avait les couleurs orange, blanc, bleu. L'orange aurait été remplacé par le rouge au fil du temps[190]. Les raisons de ce changement ne sont pas établies et diverses théories circulent.

La recherche historique a démontré l'existence du drapeau rouge-blanc-bleu, peut-être dès en 1409-1410 sous le règne de Guillaume VI. Ce drapeau, utilisé par les navires, n'était toutefois pas un drapeau officiel et ne le deviendra qu'en 1664 sous le nom de drapeau des États (statenvlag). L'usage du "drapeau des princes" (Prinsenvlag, orange-blanc-bleu) s'est substitué au drapeau hollandais rouge-blanc-bleu dans la marine militaire en l'honneur de la maison d'Orange de 1572 à 1653 ; les raisons exactes de cette décision prise par les États sous la présidence du grand-pensionnaire Johan de Witt restent controversées[191]. La marine marchande néerlandaise n'a quant à elle jamais fait usage du Prinsenvlag — voir par exemple le pavillon de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales dont il n'existe que des versions rouge-blanc-bleu, frappées du monogramme de la compagnie (VOC)[192].

Notes et références

  1. Quilliet 1994, p. 47
  2. Quilliet 1994, p. 51
  3. Quilliet 1994, p. 52
  4. Quilliet 1994, p. 60
  5. Quilliet 1994, p. 112
  6. Quilliet 1994, p. 126
  7. Quilliet 1994, p. 129
  8. Quilliet 1994, p. 130
  9. Quilliet 1994, p. 134
  10. Quilliet 1994, p. 136
  11. Quilliet 1994, p. 138
  12. Quilliet 1994, p. 150
  13. Quilliet 1994, p. 151
  14. Quilliet 1994, p. 152
  15. Quilliet 1994, p. 155
  16. Quilliet 1994, p. 160
  17. Quilliet 1994, p. 166
  18. Quilliet 1994, p. 167
  19. Quilliet 1994, p. 168
  20. Quilliet 1994, p. 178
  21. Quilliet 1994, p. 226
  22. Quilliet 1994, p. 180
  23. Quilliet 1994, p. 183
  24. Quilliet 1994, p. 185
  25. Quilliet 1994, p. 186
  26. Quilliet 1994, p. 187
  27. Quilliet 1994, p. 191
  28. Quilliet 1994, p. 208
  29. Quilliet 1994, p. 211
  30. Quilliet 1994, p. 216
  31. Quilliet 1994, p. 218
  32. Quilliet 1994, p. 221
  33. Quilliet 1994, p. 222
  34. Quilliet 1994, p. 223
  35. Quilliet 1994, p. 224
  36. Quilliet 1994, p. 225
  37. Quilliet 1994, p. 228
  38. Quilliet 1994, p. 232
  39. Quilliet 1994, p. 233
  40. Quilliet 1994, p. 234
  41. Quilliet 1994, p. 235
  42. Quilliet 1994, p. 236
  43. Quilliet 1994, p. 249
  44. Quilliet 1994, p. 250
  45. Quilliet 1994, p. 252
  46. Quilliet 1994, p. 258
  47. Quilliet 1994, p. 262
  48. Quilliet 1994, p. 267
  49. Quilliet 1994, p. 271
  50. Quilliet 1994, p. 272
  51. Quilliet 1994, p. 273
  52. Quilliet 1994, p. 274
  53. Quilliet 1994, p. 276
  54. Quilliet 1994, p. 277
  55. Quilliet 1994, p. 283
  56. Quilliet 1994, p. 280
  57. Quilliet 1994, p. 284
  58. Quilliet 1994, p. 285
  59. Quilliet 1994, p. 289
  60. Quilliet 1994, p. 290
  61. Quilliet 1994, p. 292
  62. Quilliet 1994, p. 294
  63. Quilliet 1994, p. 295
  64. Quilliet 1994, p. 296
  65. Quilliet 1994, p. 297
  66. Quilliet 1994, p. 299
  67. Quilliet 1994, p. 300
  68. Quilliet 1994, p. 305
  69. Quilliet 1994, p. 307
  70. Quilliet 1994, p. 309
  71. Quilliet 1994, p. 310
  72. Quilliet 1994, p. 311
  73. Quilliet 1994, p. 313
  74. Quilliet 1994, p. 314
  75. Quilliet 1994, p. 318
  76. Quilliet 1994, p. 319
  77. Quilliet 1994, p. 320
  78. Quilliet 1994, p. 323
  79. Quilliet 1994, p. 327
  80. Quilliet 1994, p. 328
  81. Quilliet 1994, p. 331
  82. Quilliet 1994, p. 332
  83. Quilliet 1994, p. 329
  84. Quilliet 1994, p. 330
  85. Quilliet 1994, p. 326
  86. Quilliet 1994, p. 335
  87. Quilliet 1994, p. 336
  88. Quilliet 1994, p. 337
  89. Quilliet 1994, p. 338
  90. Quilliet 1994, p. 342
  91. Quilliet 1994, p. 344
  92. Quilliet 1994, p. 345
  93. Quilliet 1994, p. 346
  94. Quilliet 1994, p. 347
  95. Quilliet 1994, p. 348
  96. Quilliet 1994, p. 350
  97. Quilliet 1994, p. 351
  98. Quilliet 1994, p. 352
  99. Quilliet 1994, p. 353
  100. Quilliet 1994, p. 354
  101. Quilliet 1994, p. 355
  102. Quilliet 1994, p. 356
  103. Quilliet 1994, p. 358
  104. Quilliet 1994, p. 360
  105. Quilliet 1994, p. 361
  106. Quilliet 1994, p. 362
  107. Quilliet 1994, p. 365
  108. Quilliet 1994, p. 373
  109. Quilliet 1994, p. 368
  110. Quilliet 1994, p. 369
  111. Quilliet 1994, p. 370
  112. Quilliet 1994, p. 371
  113. Quilliet 1994, p. 374
  114. Quilliet 1994, p. 376
  115. Quilliet 1994, p. 377
  116. Quilliet 1994, p. 378
  117. Quilliet 1994, p. 380
  118. Quilliet 1994, p. 384
  119. Quilliet 1994, p. 385
  120. Quilliet 1994, p. 386
  121. Quilliet 1994, p. 387
  122. Quilliet 1994, p. 389
  123. Quilliet 1994, p. 392
  124. Quilliet 1994, p. 393
  125. Quilliet 1994, p. 394
  126. Quilliet 1994, p. 396
  127. Quilliet 1994, p. 399
  128. Quilliet 1994, p. 401
  129. Quilliet 1994, p. 403
  130. Quilliet 1994, p. 405
  131. Quilliet 1994, p. 409
  132. Quilliet 1994, p. 412
  133. Quilliet 1994, p. 417
  134. Quilliet 1994, p. 418
  135. Quilliet 1994, p. 420
  136. Quilliet 1994, p. 421
  137. Quilliet 1994, p. 422
  138. Quilliet 1994, p. 423
  139. Quilliet 1994, p. 426
  140. Quilliet 1994, p. 427
  141. Quilliet 1994, p. 432
  142. Quilliet 1994, p. 434
  143. Quilliet 1994, p. 435
  144. Quilliet 1994, p. 436
  145. Quilliet 1994, p. 438
  146. Quilliet 1994, p. 440
  147. Quilliet 1994, p. 441
  148. Quilliet 1994, p. 442
  149. Quilliet 1994, p. 443
  150. Quilliet 1994, p. 444
  151. Quilliet 1994, p. 445
  152. Quilliet 1994, p. 446
  153. Quilliet 1994, p. 449
  154. Quilliet 1994, p. 450
  155. Quilliet 1994, p. 451
  156. Quilliet 1994, p. 453
  157. Quilliet 1994, p. 454
  158. Quilliet 1994, p. 456
  159. Quilliet 1994, p. 460
  160. Quilliet 1994, p. 462
  161. Quilliet 1994, p. 463
  162. Quilliet 1994, p. 466
  163. Quilliet 1994, p. 467
  164. Quilliet 1994, p. 473
  165. Quilliet 1994, p. 474
  166. quilliet 1994, p. 476
  167. quilliet 1994, p. 478
  168. quilliet 1994, p. 481
  169. quilliet 1994, p. 485
  170. quilliet 1994, p. 486
  171. quilliet 1994, p. 487
  172. quilliet 1994, p. 489
  173. quilliet 1994, p. 490
  174. Louis Prospère Gachard, Assassinat de Guillaume le Taciturne, par Juan Jaureguy, plaquette sans date, extrait des Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 3e série, tome 3, no 12, (compte-rendu détaillé de l’attentat, documenté de notes citant des lettres de témoins), p.10. lire en ligne.
  175. Le linguiste flamand Marcus Zuer Van Boxhorn est donc dans l'erreur quand il écrit : [Paschasius Justus Ecloviensis, archiater Marchionis Bergobzomani] ad Guilielmum, Arausiæ principem, Antwerpia sclopeto graviter læsum, evocaretur ac sanginem e jugularibus ingenti copia profluentem inhiberet, « [Paschase Juste d'Eeklo, médecin principal du marquis de Berg-op-Zoom] fut appelé auprès de Guillaume, prince d’Orange, gravement blessé par une arme à feu à Anvers ; il parvint à arrêter le flot de sang qui sortait de sa gorge »(Paschasius Justus Ecloviensis, De Alea, libri duo, « Vita autoris », Elzevir, Amsterdam, 1642).
  176. quilliet 1994, p. 491
  177. quilliet 1994, p. 495
  178. quilliet 1994, p. 497
  179. quilliet 1994, p. 499
  180. quilliet 1994, p. 501
  181. quilliet 1994, p. 502
  182. quilliet 1994, p. 506
  183. quilliet 1994, p. 507
  184. quilliet 1994, p. 509
  185. quilliet 1994, p. 511
  186. quilliet 1994, p. 513
  187. quilliet 1994, p. 519
  188. quilliet 1994, p. 521
  189. Lucien Jerphagnon, Le petit livre des citations latines, Tallandier Éditions, Paris, 2004. Commentaire de l'adage "La fortune sourit aux audacieux", qui provient du vers virgilien de l'Énéide X, 284 Audentes fortuna juvat.
  190. « Le drapeau et les armoiries des Pays-Bas », Royaume des Pays-Bas au Canada.
  191. (nl) J.C. de Jonge, Geschiedenis van het Nederlandse zeewesen, vol. 1, La Haye, (lire en ligne), p. 242-247]
  192. (nl) Dirk Gerhardus Muller, De oorsprong der Nederlandsche vlag, op nieuw geschiedkundig onderzocht en nagespoord, Amsterdam, Weduwe G. Hulst van Keulen, (lire en ligne), p. 27.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

  • Portail des Pays-Bas
  • Portail de la Renaissance
  • Portail du protestantisme
  • Portail de la monarchie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.