Guilhem Peyre

Guilhem Peyre (ou Guillaume V Pierre de Brens ou Guilhem Peire ou Guilelmus Petri), mort en 1230, est un ecclésiastique catholique français. Il est évêque d'Albi entre 1185 et 1227.

Guilhem Peyre
Biographie
Nom de naissance Guillaume Pierre de Brens
Décès
Albi
Évêque de l’Église catholique
Évêque d'Albi

En poste durant la période mouvementée du catharisme et de la Croisade contre les Albigeois, il a su habilement manœuvrer pour préserver Albi des combats tout en accroissant l'autonomie de la ville en récupérant à son profit le pouvoir des vicomtes de Trencavel.

Biographie

Famille et formation

Guilhem Peyre fait partie d'une famille de l'aristocratie locale. Son cousin, Guilhem Peyre de Brens, est seigneur de Lavaur et sénéchal de l'Albigeois pour le vicomte Roger II Trencavel.

Chanoine de la collégiale Saint-Salvi après son ordination, il est ensuite promu prévôt de la cathédrale Sainte-Cécile. En 1185, il est élu par le chapitre cathédral évêque d'Albi[1].

Administration du diocèse

Une des ses premières actions en tant qu'évêque est de restaurer l'autonomie et le statut de la collégiale Saint-Salvi où il a fait ses débuts. En effet, cette dernière est punie depuis 1132 en raison du soutien de l'évêque Humbert au schisme du pape Anaclet. Guilhem Peyre obtient que la collégiale retrouve son ancienne autonomie en étant gouvernée par un prévôt élu par ses membres[1].

Concernant la sécurité dans la ville, il convoque et préside en 1188 une assemblée de 288 prud'hommes qui alourdit fortement le code pénal[2] : suppression du droit d'asile dans les sanctuaires pour les meurtriers, peine de mort possible pour coups et blessures, les proches parents peuvent répondre pour les criminels fuyards et assimilation des vols par effraction à des homicides. Ce faisant, il s'arroge le pouvoir de fixer seul avec les prud'hommes la coutume en matière pénale, au détriment du vicomte Roger II Trencavel dont dépend Albi.

Concernant la sécurité du diocèse, il relance l'ancienne institution de la Paix et de la Trêve de Dieu. Il réunit en 1191 la noblesse, la bourgeoisie, le clergé et la paysannerie à Albi où les vicomtes d'Albi et de Lautrec s'alignent sur le comte de Toulouse qui est leur suzerain. Les participants s'engagent pour 5 ans à refuser de tirer les armes pour des motifs privés et de surcroît à faire front contre celui qui abuserait de la force. Pour financer cette police, un nouvel impôt appelé « pesace » sera levé dont la moitié reviendra au comte et l'autre moitié à l'évêque[3]. Cette paix entérine les gains de pouvoir de l'évêque face au vicomte, comme la possibilité de fixer le droit pénal[4].

En 1194, peu avant le décès du vicomte Roger II Trencavel, un nouveau règlement précise l'étendue des pouvoirs de Guilhem Peyre : le vicomte conserve le Castelviel - quartier historique des seigneurs de la ville -, le «barri» du Puech Amadenc et les revenus du pont alors que l'évêque récupère l'ensemble des fiefs des chevaliers dont il est le seigneur direct.. Après la mort du vicomte, Guilhem profite de la minorité de son fils Raimond-Roger Trencavel pour accroître encore ses pouvoirs sur Albi[5].

En 1220, en guise de remerciements pour les prud'hommes de la ville avec lesquels il a toujours œuvré pour détacher la ville de l'influence des comtes de Toulouse et des vicomtes de Trencavel, il accorde une charte de franchise aux Albigeois, qui attribue à la cité de nouvelles libertés et un sceau. La charte consacre les droits acquis jusqu'alors, dont la liberté de corps et la liberté de biens, la fixation du tarif des peines ou la disparition des droits seigneuriaux, réduisant fortement les possibilités de décision arbitraires[6]. Après une lente formation entre 1213 et 1220, un consulat dirige la ville dès 1220.[5]

Attitude face au catharisme et lors de la Croisade contre les Albigeois

Face au développement du catharisme dans l'Albigeois - son propre cousin sénéchal de l'Albigeois tout comme Roger II Trencavel sont cathares - Guilhem adopte un rôle de pasteur, essayant de faire revenir ses fidèles dans le droit chemin de l'orthodoxie plutôt que d'inquisiteur, rôle que le pape Lucius III attendait de ses prélats[7]. Pour illustrer son attitude face aux cathares, Guillaume de Puylaurens raconte cette rencontre entre Guilhem Peyre et un hérétique[8] :

Un jour que l'Évêque se trouvait dans ce château [à Lombers], un groupe de gens-d'armes et de bourgeois le pria d'engager une discussion avec l'hérétique. [...]

- Sicard, dit-il, vous êtes mon paroissien, puisque vous résidez dans mon diocèse, et vous devez me rendre compte de votre foi. Quand je vous aurais interrogé, faites moi le plaisir de répondre simplement à mes questions, ou de ne pas répondre du tout.

Celui-ci ayant dit qu'il le ferait :

- Croyez-vous, ajouta l'Evêque, qu'Abel, tué par son frère Caïn, que Noé sauvé du déluge, qu'Abraham, que Moïse, David, les prophètes avant la venue du Messie aient été sauvés?

L'hérétique répondant franchement qu'aucun n'était sauvé. L'évêque, continuant son interrogatoire, lui demanda :

- Et Guillaume Pierre de Brens [son cousin, cathare], est-il sauvé?

- Oui, répondit Sicard, car il est mort hérétique.

- Je vous le déclare, reprit le prélat, Nous voyons se renouveler entre nous, Sicard, ce qu'il s'est passé au bourg de Saint-Marcel. Il y était arrivé un nouveau médecin de Salerne, à qui l'on présenta 2 malades. Quand il les eut examinés, il jugea d'après les symptômes qu'il crut fondés, que l'un mourrait au milieu de la nuit et que l'autre guérirait. Or il arriva tout le contraire : celui qui devait mourir vécut, et l'autre trépassa. «Je comprends, dit le médecin, que j'ai étudié tout de travers : je vais me remettre au travail et lire comme il faut tout ce que j'ai lu à rebours». Il en est de même pour vous Sicard, vous avez lu les livres saints tout de travers puisque vous damnez des personnages qui ont pour eux Dieu et l'Écriture, et que vous sauvez un homme, qui n'a pour toute œuvre de sa vie que la rapine et les mauvaises actions. Il est donc bon que vous relisiez comme il faut, ce que vous avez lu à rebours jusqu'à présent.

Dès 1208, lors de la première partie de la Croisade contre les Albigeois, les deux diocésains d'Albi sont engagés dans deux camps opposés. Alors que le comte de Toulouse Raymond VI soutient la croisade, le vicomte Raimond-Roger Trencavel la combat. Ce dernier est battu par Simon de Montfort à Béziers puis à Carcassonne où il meurt en 1209. Guilhem accueille alors à Albi, Simon de Montfort victorieux et possédant désormais les titres des Trencavel, vicomte d'Albi et de Béziers.

En 1209, alors que plusieurs villes se rebellent contre Simon de Montfort, il maintient la ville dans l'allégeance à la croisade et envoie régulièrement des hommes aider les croisés (par exemple en 1211 lors du siège de Lavaur, du premier siège de Toulouse et du siège de Castelnaudary)[9]. Albi ravitaille les croisés durant le siège de Saint-Marcel au printemps 1212 et Guilhem accueille les croisés et Simon de Montfort pour les célébrations des Pâcques cette même année à Albi[10].

Il assiste en 1213 au concile de Lavaur qui condamne Raimond VI tout comme au concile de Latran en 1215 qui proclame Simon de Montfort comte de Toulouse et déchoit Raymond VI[11].

En échange de son soutien, Simon de Montfort lui accorde le fief de Marssac-Rouffiac et le pouvoir du vicomte sur la ville qu'il avait récupéré au Trencavel - lui-même ne conservant que ses droits sur le Castelvieil, quartier historique des seigneurs de la ville. Guilhem Peyre cumule alors les pouvoirs spirituels et temporels sur Albi[11],[10].

Alors que la croisade s'essouffle après la mort de Simon de Montfort lors du deuxième siège de Toulouse et que son fils Amaury est fragilisé, Guilhem Peyre change son fusil d'épaule à partir de 1216. Ainsi, en 1224, il se rallie au nouveau comte de Toulouse Raymond VII auquel les prud'hommes albigeois jurent fidélité[6]. Les milices d'Albi vont aider le nouveau vicomte Raimond II Trencavel, fils du défunt Raimond-Roger, lors du siège de Lombers où des croisés se sont retranchés. En retour, le vicomte de Carcassonne reconnait la seigneurie d'Albi, tous les avantages préalablement accordés à Guilhem Peyre et accorde une exemption totale de «tailles, toltes, quêtes, péages et leudes»[12], entérinant tous les acquis de l'évêque depuis plus de 15 ans.

Guilhem Peyre assiste au printemps 1225 au concile de Bourges réuni par le légat du pape pour préparer la croisade du roi de France Louis VIII contre Trencavel et le Comte de Toulouse. Il rend alors l'hommage d'Albi à l'archevêque de Bourges, Simon de Sully, dont dépend Albi, soutenant de nouveau la croisade[6]. Au printemps 1226, après l'entrée pour la deuxième croisade de Louis VIII, et alors que toutes les villes du Midi apportent leur soumission, Guilhem Peyre apporte celle d'Albi au souverain qui charge les prélats de dispenser ses pardons. Sur la route du retour en France, le roi s'arrête à l'automne à Albi où il est l'hôte de Guilhem[12].

Démission et décès

Son attitude et ses changements d'alliance lors de cette croisade ont fragilisé Guilhem Peyre à Rome. Ainsi, dès la mort de Simon de Montfort en 1218, alors que les fidèles du comte de Toulouse ont reconquis le bourg de Lescure confié à Guilhem Peyre, le pape Honorius III confie à son légat le 16 novembre 1218[13] :

Tant de rumeurs nous parviennent touchant les comportements sinistres de notre vénérable frère Guilhem, évêque d'Albi, que nous ne pouvons pas les céder plus longtemps. Eu égard à son grand âge, usant de ménagements paternels, nous nous arrêtons à ce parti...Qu'il dépose spontanément son fardeau et qu'il passe les jours qui lui restent à s'offrir au Seigneur en sacrifice du soir. Ainsi son Église, qui a tant langui et qui languit encore au spirituel comme au temporel à son ombre, pourra respirer. Sinon, qu'il ne mette pas un instant en doute que Nous abattrons dans la vigne du Seigneur cet arbre stérile.

Après s'être excusé auprès du Vatican de ne pas pouvoir suivre toutes leurs instructions, il est maintenu à son poste.

En 1224, Rome l'envoie à Cahors pour aider à la résolution d'une querelle entre l'évêque, comte de la ville, et les consuls, preuve que son sens politique est encore reconnu[14].

Il remet sa démission au cardinal légat en 1227 après plus de 42 années d'épiscopat. Alors que son successeur, l'archidiacre de Sancerre, Durand de Beaucaire, entre dans Albi en juillet 1228. Guilhem Peyre se retire dans la ville où il décède en 1230. Il est inhumé dans la cathédrale Sainte-Cécile, et non pas dans la cathédrale Saint-Salvi, comme c'était la norme pour les évêques[14].

Bibliographie

  • Chanoine Louis de Lacger, Histoire religieuse de l'Albigeois, Albi, Imprimerie coopérative du Sud-Ouest, , 375 p.
  • Jean-Louis Biget, Histoire d'Albi, Privat, , 360 p. (ISBN 9782708982161)

Notes et références

  1. Chanoine Louis de Lacger 1962, p. 91.
  2. Chanoine Louis de Lacger 1962, p. 93.
  3. Chanoine Louis de Lacger 1962, p. 94.
  4. Jean-Louis Biget 1983, p. 55.
  5. Jean-Louis Biget 1983, p. 58.
  6. Jean-Louis Biget 1983, p. 59.
  7. Chanoine Louis de Lacger 1962, p. 92.
  8. 1202-1272 Guillaume de Puylaurens, Chronique de maître Guillaume de Puylaurens sur la guerre des Albigeois (1202-1272) traduite du latin avec une introduction et des notes par Charles Lagarde, Béziers : Librairie de Bénézech-Roque, (lire en ligne)
  9. Chanoine Louis de Lacger 1962, p. 96.
  10. Jean-Louis Biget 1983, p. 57.
  11. Chanoine Louis de Lacger 1962, p. 97.
  12. Chanoine Louis de Lacger 1962, p. 98.
  13. (la) Pietro Pressutti, Regesta Honorii papae III iussu et munificentia Leonis XIII ex Vaticanis archetypis aliisque fontibus edidit sac. Petrus Pressutti I. V. D, Italie, Roma. Typographia Vaticana, 1888-1895
  14. Chanoine Louis de Lacger 1962, p. 100.
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