Guerre des Huit Saints

La guerre des Huit saints (1375-1378) est le conflit armé qui opposa le pape Grégoire XI à une coalition des communes italiennes conduite par la République florentine, conflit qui aboutit au Grand Schisme d'Occident et à la fin de la papauté d'Avignon.

Causes

John Hawkwood, condottiere papal dans les guerres qui opposent Grégoire XI à Milan

Le conflit s'inscrit dans un faisceau de causes distinctes : d'une part l'opposition florentine à l'expansion territoriale des États pontificaux en Italie centrale – une des conditions du retour de la papauté avignonnaise – et d'autre part le sentiment d'antipathie qui se développe dans le gouvernement à l'encontre des capitaines de la Parte Guelfa florentine[1]. De façon plus circonstanciée, Florence redoute à l'automne 1372 une incursion papale sur le proche contado de Lunigiana, dont la cité a fait l'acquisition aux dépens de Barnabé Visconti et que l'opulente famille Ubaldini veut arracher à l'allégeance papale[2].

Grégoire XI fait grief à la cité de Florence de ne pas l'avoir soutenu directement dans la guerre qui l'opposait aux Visconti[2]. En 1375, à la fin du conflit entre le pape et les seigneurs de Milan, nombre de Florentins craignent que le pape ne détourne sa violence sur la Toscane ; ainsi, Florence achète les services du premier capitaine de Grégoire XI, le condottiere anglais John Hawkwood, pour la somme de 130 000 florins, tirés des revenus des paroisses, des évêchés et d'autres institutions ecclésiastiques. Une commission – balia – de huit membres est désignée par la Signoria de Florence le  : les otto dei preti (les « huit prêtres ») sont chargés de la négociation et de l'entretien de l'homme de guerre[3]. Hawkwood reçut de plus une solde annuelle de 600 florins sur les cinq années à venir ainsi qu'un subside annuel de 1 200 florins[4].

L'inaction des mercenaires transalpins au service de Grégoire XI, désormais débauchés, fut une continuelle source de heurts et de tensions au sein des cités pontificales[5].

Le conflit

Coluccio Salutati, chancelier de la Commune de Florence lors du conflit

En , immédiatement avant le déclenchement du conflit, Florence forme une alliance avec Milan, et la suite du conflit fut totalement déléguée à un comité de huit membres nommé par la seigneurie de Florence : les otto della guerra[3].

En 1375, Florence suscita une révolte dans les États pontificaux. Des agents florentins furent envoyés dans plus de quarante villes des États pontificaux (y compris Bologne, Pérouse, Orvieto, et Viterbe) pour fomenter des révoltes. Beaucoup de ces villes avaient été resoumises à l'autorité papale grâce aux efforts du cardinal Gil Álvarez Carrillo de Albornoz[3]. Coluccio Salutati, chancelier humaniste florentin, diffusa des lettres publiques encourageant les villes à se rebeller contre la tyrannie et la corruption du gouvernement papal, empressant un retour au républicanisme all'antica[3].

Grégoire XI excommunia tous les membres du gouvernement de Florence et plaça la ville sous interdit le [6], interdisant les services religieux dans Florence et légalisant l'arrestation et l'asservissement[7] des Florentins ainsi que la confiscation de leurs propriétés à travers toute l'Europe[3]. Plutôt que de tenter de désobéir à l'interdit, les Florentins organisèrent des processions extra-ecclésiastiques (notamment les flagellants) et des confraternités, dont la résurgence de groupes tels que les Fraticelli, qui avaient été précédemment considérés hérétiques[3]. L'édifice de l'inquisition florentine fut détruit et la Seigneurie revint sur les restrictions légales sur l'usure et d'autres pratiques désapprouvées par les (maintenant défuntes) cours ecclésiastiques[8].

Cependant, en , le gouvernement de Florence força le clergé à reprendre les services religieux causant la fuite du territoire florentin d'Angelo Ricasoli, évêque de Florence, et de Neri Corsini, évêque de Fiesole[3]. Les lourdes amendes et les confiscations appliquées par la Signoria aux prélats qui quittaient leur poste[3], la « liquidation la plus importante d'un patrimoine ecclésiastique n'importe où en Europe avant la réforme protestante », auraient pu avoir pour motivation le coût en augmentation constante du conflit[1]. Le coût total de la guerre pour Florence atteignit approximativement 2,5 millions de florins[9].

En conséquence des sanctions économiques prises par Grégoire XI, les marchands florentins furent touchés à travers toute l'Europe, notamment la famille Alberti, banquiers d'Avignon, bien que l'interdit fut ignoré par beaucoup, et notamment par le roi Charles V[3].

Hawkwood honora son accord avec les Florentins de ne pas porter la guerre en Toscane, se limitant à mater les diverses rébellions qui éclataient à l'intérieur des États pontificaux. En 1377, il abandonna même entièrement la cause de Grégoire XI et rejoignit la coalition dirigée contre lui[3]. Les autres condottieres au service de Grégoire XI limitèrent leurs activités à la Romagne, mettant notamment Cesena à sac en [3]. Au printemps 1377, les mercenaires au service du pape reprirent Bologne, qui avait été jusqu'alors une alliée décisive de Florence[3].

En 1377, le cardinal Robert de Genève mena l'armée papale dans une tentative pour réprimer la révolte, tandis que Grégoire XI mettait fin de facto à la papauté d'Avignon en retournant en Italie pour préserver ses possessions romaines. Arrivé à Rome le 17 janvier 1377 après un voyage difficile incluant le naufrage de son navire, il devait mourir le 27 mars 1378[réf. nécessaire].

Fin du conflit

Robert de Genève, futur antipape Clément VII, commandant des forces papales à partir de 1377.

La guerre prit fin avec le traité de paix signé à Tivoli en et négocié avec le pape Urbain VI, à la suite de la mort de Grégoire XI et au début du Grand Schisme d'Occident[1]. Selon les termes de ce traité, Florence devait payer au pape la somme de 200 000 florins (alors que l'indemnité originelle avait été fixée par Grégoire XI à 1 million de florins[3]), abroger toutes les lois anti-ecclésiastiques édictées durant la guerre et restituer tous les biens confisqués au clergé. En retour, le pape devait lever l'interdit placé sur Florence et remettre en faveur la communauté ecclésiastique de Florence[10].

Les Huit Saints

Les Huit Saints se réfèrent à l'une ou aux deux des commissions de huit membres nommées par la Signoria de Florence pendant la guerre[6]. Quand la ville conclut un pacte de non-agression avec John Hawkwood pour la somme de 130 000 florins, une commission spéciale de huit citoyens fut créée le pour prélever un emprunt forcé sur le clergé de Florence et de Fiesole, afin de couvrir cette somme. Un second conseil de huit membres fut créé le afin de prendre les arrangements militaires et diplomatiques nécessaires à la guerre contre la papauté[3].

Lequel de ces deux groupes était connu sous le nom de Huit Saints demeure un sujet de controverse. La majorité des spécialistes du sujet acceptent généralement le premier comité, mais certains pensent que ce terme se réfère au conseil de guerre[6]. La première référence historique au conseil de guerre comme étant les Huit Saints apparaît en 1445 dans le récit de l'historien florentin Domenico Buoninsegni, mais cette mention n'apparaît pas dans les récits contemporains de la guerre, tels que celui de Leonardo Bruni[6].

Notes et références

  1. (en) David S. Peterson, "The War of the Eight Saints in Florentine Memory and Oblivion, " in Society and Individual in Renaissance Florence, éd. William J. Connell, 2002.
  2. (en) Alison Williams Lewin, Negotiating Survival : Florence and the Great Schism, 1378-1417. Fairleigh Dickinson University Press, 2003, p. 39-56 (ISBN 0-8386-3940-2).
  3. (en) John M. Najemy, A History of Florence, 1200-1575, Blackwell Publishing, 2006, p. 151-155 (ISBN 1-4051-1954-3) ; (en) Richard C. Trexler, « Who Were the Eight Saints ? », Renaissance News, vol. 16, no 2, 1963, p. 89-94.
  4. (en) Caferro, 2006, p. 175.
  5. (en) George Holmes, Europe : Hierarchy and Revolt, 1320-1450, Blackwell Publishing, p. 131, 2000 (ISBN 0-631-21382-1).
  6. R.C. Trexler, "Who were the Eight Saints?" Renaissance News. 16, 2, 1963, p. 89-94.
  7. Alison Williams Lewin, Negotiating Survival: Florence and the Great Schism, 1378-1417 (Fairleigh Dickinson UP, 2003), p. 45, citing Gene A. Brucker, Florentine Politics and Society, 1343-1378 (Princeton UP, 1962), p. 310.
  8. Becker, Marvin B. 1959. "Florentine Politics and the Diffusion of Heresy in the Trecento: A Socioeconomic Inquiry." Speculum. 34, 1: 60-75.
  9. Giuliano Procacci, History of the Italian People. Weidenfeld & Nicolson, 1970, p. 48.
  10. Francis A. Hyett. Florence: her history and art, to the fall of the Republic, Methuen & Co., Trinity Hall, Cambridge, 1903, p. 182.

Articles connexes

  • Portail de l’histoire militaire
  • Portail du Moyen Âge
  • Portail du catholicisme
  • Portail de Florence
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.