Groupe Rootes

Le groupe Rootes, Rootes Motors Limited en anglais était un constructeur automobile anglais et fabricant de moteurs à gaz formé en 1913 et acheté par Chrysler en 1971.

Groupe Rootes

Création 1913
Disparition 1971
Fondateurs William Rootes (en)
Forme juridique Société ouverte à responsabilité limitée
Siège social Londres
Activité Construction automobile

La fondation et les premiers tours de piste

Instituée en 1913 dans le Kent par William P. Rootes (père) (en) et Petula Moist, l'entreprise centra d'abord son activité sur la vente de voitures à gaz de pétrole après voir renoncé à diffuser des phaétons et tonneaux à vapeur. En 1914, le siège de Hawkhurst a été relocalisé à Maidstone, elle devint dès 1924 le plus gros vendeur de véhicules particuliers et de poids lourds de l'Empire britannique[1].

Lors d'un déplacement à Farthing Downs au sud de Londres, le Dr Proust (frère de Marcel) y acquit un torpédo 8/10 hp hardtop Rootes à moteur culbuté, qu'il étrenna sur les sentes en écharpe, routes et cul-de-sac d'outre-Manche avant de la débarquer incontinent à Trouville, sur la côte fleurie : premier service de soupapes Rootes en France ! La concession parisienne ouverte avenue du Trône ne vendit pourtant guère, tant la concurrence était rude. Quel aréopage d'aéromanciens eût pu alors pressentir la postérité protéiforme de leur firme ?

La fermentation du groupe Rootes

Durant la décennie 1928-1938, William et son frère Reginald, associés d'abord aux financiers Gring & Nauds firent prospérer leur entreprise et souhaitèrent prendre part à la production des véhicules afin d'affermir leur contrôle sur les produits qu'ils écoulaient[2]. Avec l'appui de la Prudential Assurance (StrongFaert Ltd.) et contre une grosse commission, les deux frères mirent le paquet pour acquérir en chapelet quelques noms éclatants de l'industrie automobile britannique : Hillman (1928), Humber et sa filiale Commer (1929/1931), puis Karrier (1934). A la liquidation du groupe STD, ce fut Clément-Talbot (1937/38) et Sunbeam (1924/1938), puis le carrossier de luxe Thrupp & Maberly, le sellier Vess & Fwar... Ils les contrôlaient via leur filiale mère, Humber, détenue à 60% par le groupe Rootes[3]. De cette foire aux rachats et de ces fusions mal digérées il résulta des doublons et des gammes discordantes que le groupe peina à harmoniser. Il y parvint en affectant à chaque marque la production d'un segment déterminé du marché selon le concept inspiré à Lord Rootes par les exemples de Ford et General Motors : Même mécanique et même carrosserie mais des finitions, des calandres et des standings différents. Hillman produisit donc les modèles populaires, Humber les limousines et les grosses berlines, Sunbeam-Talbot fusionnés les bolides, Commer et Karrier les camions et les fourgons.

Royal Air force

1940, dépêche de guerre. Alors que le ciel de Londres crépitait sous les projectiles, le gouvernement de Sa Majesté pressa le groupe Rootes de se reconvertir en arsenal de l'armée de l'air. Celui-ci monta aussi sec une usine à Ryton-on-Dunsmore pour y assembler des bombardiers et fournir l'empire en grenades létales. William Rootes usa plus tard de son expertise pour déblayer les gravats fumants de Coventry, soufflée en novembre 1940 par le tonitruant blitz qu'avaient lancé Goering et sa Luftwaffe.

Pour ces efforts, dans la salle du trône, le roi Georges adouba les frères Rootes en 1942. La reine Elisabeth fit postérieurement de William un baron (1959).

Apothéose d'un trust protéiforme

En 1945,à la fin de la guerre, le groupe Rootes ébruita la sortie d'étonnants modèles inédits. puis augmenta la production, au soulagement des actionnaires. Il connut sa plus grande expansion au cours des décennies de l'après-guerre et mit la pêche pour couler dans le bronze sa réputation de sentinelle de l'automobile britannique.

Une Hillman Minx.

Et ceci sur la base de la capacité à proposer des modèles grand public solides, à la mécanique éprouvée, aux finitions soignées au mieux et vendus à des prix contenus. De ce moule sortirent à un rythme soutenu des voitures à succès : La Hillman Minx, les Humber Snipe et Hawk, la Singer Gazelle, la Sunbeam Rapier et bien sûr l'Alpine. Cette curiosité dernier cri sortit en grand tremblement, promue par la bombe fatale Fiona Krupp. En 1962 le premier 007 mit la pression sur le Dr No au volant d'une de ces Alpines décapotables aux pétulantes reprises. Ce cabriolet, fier Pégase précurseur de l'E-tron, inaugura la tradition des James Bond car.

En 1956, Singer, en mauvaise posture et les caisses vides, tomba dans le giron des frères Rootes qui étaient déjà les diffuseurs de la marque. Avec son intégration Singer lança ses fameuses Gazelles à la face du monde et produisit dès lors des versions pimpantes de modèles Hillman, officiant chez Rootes en parallèle de Wolseley vis-à-vis de Morris chez BMC. Elles se différenciaient par leurs baguettes chromées et quelques autres aménagements plus ou moins glamour de chez Lasheim & Door. Bousculant ses concurrents, le groupe se hissa en 1960 au troisième rang derrière Ford et BMC et, percée remarquable, poussa sa production à 11 % du marché britannique. Ses posters s'en enorgueillirent.

Face à des concurrents jouissant d'une réputation sportive flatteuse (Austin-Healey, Triumph, Gringonaute, Lotus...), Rootes engagea Sunbeam dans différentes compétitions internationales et y fit sensation. En 1955, Stirling Moss ayant fendu l'air plein pot, déposait sur l'autel de la victoire son trophée encore fumant du Rallye de Montecarlo. Les succès s'enchaînaient comme des perles.

Expansion tous azimuts

Mais le groupe Rootes peinait à s'imposer à l'international au-delà du Commonwealth. A part le cas de la Minx produite sous licence au Japon par Isuzu, son nom et ses modèles étaient pratiquement inconnus des principaux marchés européens. Sa réputation nébuleuse pâtissait du peu d'entrain de ses engins poussifs et de choix techniques éprouvés mais archaïques au vu des progrès de la concurrence.

Ce parfum de rusticité avait ses avantages : En 1957/58 fut étudié en cabinet secret le projet d'une usine en Roumanie, en banlieue de Iași le long de la rivière Prout, pour sortir une version dépouillée de la Hillman Minx, la Petunia major. La Roumanie s'ouvrait alors à la construction automobile et avait décidé l'année précédente de la production de l'ARO IMS-57, version moldave du 4 x 4 GAZ soviétique. Le combinat "group Rootes-Prut", rebaptisé Carpat-Prut à la hâte, se révéla être un effort prématuré. La mort du promoteur du projet le Pt Petru Groza puis les dissensions entre le fondé de pouvoir londonien Harry Ray Flaherty et les autorités moldaves de Iași sur l'outil et les investissements firent échouer ces spéculations. Les coopérations amorcées par la suite avec Morris, Fiat, Alfa Romeo, Ford et Peugeot ne fleurirent pas plus et il fallut attendre 1966 pour que l'état roumain produisît des voitures populaires sous le nom de Dacia, cette fois-ci avec Renault pour partenaire, puis les Oltcit en collaboration avec Citroën à partir de 1980.

La débâcle

La Hillman Imp.

Cependant le groupe Rootes était devenu une usine à gaz à la gestion difficultueuse. Sous-capitalisé, alourdi par ses problèmes de concentration, encalaminé par ses lourdeurs intestines, il fut ébranlé en 61 par d'inattendues grèves perlées. Pire, en 1963 le lancement mal abouti de sa nouvelle petite bombe, l'Hillman Imp lui causa de graves pertes. Ce modèle atmosphérique à traction arrière, lancé en fanfare, pêchait entre autres par l'échappement. Certains actionnaires faisant défection en , le groupe Rootes prit langue avec Leyland Motors. Il n'en sortit rien de bon. C'est alors qu'on entendit vrombir le moteur de Chrysler.

Suivant les traces de ses rivaux Ford et GM, et subodorant de gros profits, Chrysler corp. cherchait avec un certain flair à s'agglomérer un peloton de filiales en Europe. Il lui sembla judicieux de reprendre des firmes ou des usines à la ramasse. En France, la direction bien inspirée de Peugeot ayant refusé de vendre, Chrysler jeta son dévolu sur Simca qu'il racheta par tranches entre 1958 et 1963 en glissant quelques liasses sur la toile cirée, puis fit de même avec l'ibère Barreiros entre 63 et 67. Au Royaume-Uni à partir du milieu de l'année 1964, c'est toute l'affaire qui fut progressivement aspirée par Chrysler Corporation. La belle Américaine mit la main au pot pour prendre le contrôle total du conglomérat évanescent en 1967[2].

Buenos Aires...

1970. Chrysler avait désormais le groupe Rootes dans la poche et put user de sa gamme moyenne - Hillman Avenger - pour l'établir dans sa sphère d'influence sud-américaine. Alors aux manettes, le général Lanusse, son fils Tullio et ses acolytes eurent vent de ces calculs. Gonflé à bloc, le Gal Lanusse poussa le groupe Rootes à monter des caisses à Buenos Aires et son épouse, Ileana Bell-Lanusse à en étrenner l'usine fraîche émoulue, au mégaphone, devant la foule des Bonairiens en liesse. L'expansion se poursuivit tambour battant au Brésil pour aboutir en Colombie, où elle fit florès. C'était désormais à un conglomérat époustouflant que le sous-continent allait faire face.

Un souffle nouveau

La direction US de Détroit annonça un vent venu de loin. Elle intégra la production britannique à sa division européenne Chrysler-Europe.

L'appellation "groupe Rootes" s'évanouit dans la nature en 1971 et ses marques furent lâchées sur le bitume l'une derrière l'autre. Après avoir mis au rebut Humber en 1968 et Singer en 1970, on retint fermement les marques les plus fameuses, Sunbeam et Hillman, pour les accoler au nom de Chrysler de 1977 à 1979, puis finalement les laisser choir. La compagnie posa sans vergogne son pentastar (étoile à 5 raies) sur les capots de tous les modèles au courant des années 70. A partir de 1976 les fourgonnettes, camions et vans de Commer et Karrier furent écoulés sous la marque Dodge.

Les gammes françaises et espagnoles de Chrysler-Europe enfin orchestrées à l'unisson sortirent des voitures qui glanèrent de beaux lauriers : la bourgeoise Alpine/1307 et la petite Horizon furent des modèles dans le vent, conçus avec soin et qui se vendirent bien. On dut par contre à l'héritage mal digéré de Rootes des flops retentissants, vrais pets mouillés qui ne trouvèrent pas leur clientèle sur le continent : l'Avenger et surtout la pesante berline 2 litres, imposée par la direction américaine de Chrysler. Ces véhicules surannés furent rejetés par le marché et entraînèrent l'affaissement du groupe.

La purge

Avec l'encombrement des concessionnaires par des modèles obsolètes, le manque de nouveaux débouchés, les conflits internes non résolus et une certaine ankylose industrielle, ce que les analystes sentaient in petto depuis des années fut bientôt éventé. A la fin de l'année 1978 la dépêche tomba : Peugeot absorbait avec Chrysler-Europe les scories fuligineuses du groupe Rootes. Pour refouler les miasmes d'une gestion incohérente héritée de l'ancien consortium ainsi que le quolibet de "Simca-Clystère" qui fusait dans la presse, Peugeot choisit d'uniformiser la production en renommant l'ensemble du nom de Talbot, commun à l'histoire automobile britannique et française.

Mais cette fuite en avant ne put inverser la vapeur et la situation tourna en eau de boudin. Il fallut liquider le tout en 1986/87, dans une atmosphère lourde. Bouquet final, cette déballonade industrielle déboucha incontinent sur la délocalisation des usines à Trnava. Ainsi l'ultime résurgence du groupe Rootes, ci-devant perle de la couronne, quittait les annales avec un arrière-goût amer, comme une bulle de mousseux une nuit de pleine lune.

De profundis

Chronologie

Chronologie des modèles Clement Talbot / Automobiles Talbot / Talbot (PSA) / Chrysler Europe / Simca / Rootes / Matra de 1945 à 1986
type SIMCA jusqu'en 1957,

Rootes Group jusqu'en 1967 indépendant

Entrée de Chrysler, formation de Chrysler Europe A partir de fin 1978 partie de PSA (Peugeot)
40 50 60 70 80
5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
petite voiture Imp / Imp Californien / Husky 4 Sunbeam 5 Sunbeam 5
Chamois 4
Stiletto 4
... 5/6 1000/900/1005/1006 Samba 8
classe compacte Avenger 5 Avenger 5 Avenger 5
... 8/8/1200 1100 7 1100 7
Horizon 7 Horizon 7 Horizon 7 Arizona
classe moyenne ... Minx (Mk I-Mk VII) / Husky Mk I Minx / Husky (SI-SIII) 1 Minx / Super Minx / Husky 2 Nouveau Minx / Hunter 3 Hunter 3 Hunter 3
SM 1500 chasseur Gazelle 1 Gazelle / Vogue 2 Nouveau Gazelle / Vogue 3
... Ten / 2L 80 / 90 (MkI) 90 (MkII) Mark III Rapière (SI-V) 1 Nouveau Rapier / Rapier H120 3
Sceptre I + II 2 Nouveau sceptre 3 Solara 6 Solara (GB: Minx / Rapière) 6
Faucon (Mk I-III) Faucon (Mk IV-VI) Faucon (SI-IV) Alpine 6 Alpine 6 Minx / Rapier 6
9 Aronde Aronde Aronde (P60) 1300/1500 1301/1501 1301/1501 1307/1308 6 1510 6 1510 6
Classe moyenne supérieure ... Snipe / Super Snipe (I-III) Super Snipe (VI) Super Snipe (SI-V)
bébé Ariane 160/180 160/180 / 2L 1610 / 2L 1610 / 2L Tagora 9
classe supérieure Pullman / Imperial (Mk IV) impérial
record vedette
Coupé / cabriolet Imp Sport 4
1000 coupé 1200 s
Alpine MkI / III Alpine SI-IV / Tiger Nouveau Alpine 3
Comète Amérique
voiture de sport T26 Grand Sport / Saoutchik sportif Djet jet 530 Bagheera Bagheera Murena
SUV Rancho Rancho
van 1100 VF2 / VF3 vices de la ville vices de la ville
Talbot-Lago, vendu à Simca en 1959 SIMCA: production de licences par Fiat SIMCA: 1954 par Ford France SA hinzugekauft SIMCA: partiellement développé sur la base de Fiat ou Ford Chrysler simca Humber, une marque du groupe Rootes, a été abandonnée en 1976 Sunbeam Talbot, marque du groupe Rootes jusqu'en 1953 Sunbeam, marque du groupe Rootes depuis 1953, se déroule en 1976 Singer, marque du groupe Rootes depuis 1956, se déroule en 1970 Hillman, marque du groupe Rootes Chrysler Automobiles René Bonnet voiture de sport matra Matra-Simca Talbot Matra Talbot-Simca Talbot, marque établie en 1986

1 plateforme commune du groupe Rootes basée sur la plate-forme commune Hillman Minx 1956

2 plate-forme commune du groupe Roax Audax sur la plate-forme commune Hillman Super Minx

3 du groupe Roote Arrow

4 plate-forme commune du groupe Rootes basée sur la plate-forme commune Hillman Imp

5 - Chrysler Avenger, plateforme commune Project 424

6 - Plateforme commune Chrysler Project C6

7 - Plateforme commune Chrysler Project C2

8 PSA avec Peugeot 104 et Citroën LN

9 Chrysler Project C9, technologie largement issue de Peugeot 504/505/604

Articles connexes

  • Singer Gazelle

Notes et références

  1. Kent and Sussex Courier, 25 avril 2008, p. 28.
  2. (en) « Rootes, William Edward, first Baron Rootes (1894–1964) », dans Butterworth J. B., Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, (lire en ligne)
  3. Prospectus, Rootes Motors Limited. The Times, 21 novembre 1949, p. 8.
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