Grande Ourse

La Grande Ourse est la troisième constellation du ciel par son étendue. Elle contient la « grande casserole » (ou « grand chariot »), l'un des astérismes les plus connus de l'hémisphère nord. Faisant partie des 48 constellations identifiées par Ptolémée, elle est très facilement reconnaissable par la forme de casserole que composent ses sept plus brillantes étoiles. La Grande Ourse est une constellation circumpolaire pour les observateurs situés au-dessus de 41° de latitude Nord : elle ne semble jamais se coucher.

Pour les articles homonymes, voir Grande Ourse (homonymie) et Ursa Major.

Grande Ourse

Vue de la constellation
Désignation
Nom latin Ursa Major
Génitif Ursae Majoris
Abréviation UMa
Observation
(Époque J2000.0)
Ascension droite Entre 119,5°O et 216,25°
Déclinaison Entre 29° et 73,5°
Taille observable 1 280 deg2 (3e)
Visibilité Entre 90° N et 30° S
Méridien 20 avril, 21h00
Étoiles
Brillantes (m≤3,0) 6 (ε, α, η, ζ, β, γ)
À l’œil nu 216
Bayer / Flamsteed 92
Proches (d≤16 al) 3
La plus brillante Alioth (1,76)
La plus proche Lalande 21185 (8,29 al)
Objets
Objets de Messier 7 (M40, M81, M82, M97, M101, M108, M109)
Essaims météoritiques Alpha ursa majorides
Léonides-ursides
Constellations limitrophes Bouvier
Chevelure de Bérénice
Chiens de chasse
Dragon
Girafe
Lion
Lynx
Petit Lion

La constellation serait liée au mythe d'une chasse cosmique depuis le Paléolithique supérieur au moins, ce qui expliquerait la présence de cette représentation à la fois en Eurasie et en Amérique du Nord. Le proto-récit aurait pris la forme d'un cervidé poursuivi jusqu'au ciel par un chasseur, et s'y transformant en constellation[1].

En grec, le mot ours se dit arktos, qui a donné le nom d'Arctique.

Histoire

Mythologie gréco-romaine

Selon la mythologie grecque, cette constellation représenterait Callisto, une nymphe aimée de Zeus. Quand Héra, l'épouse de Zeus, découvrit leur relation, elle changea Callisto en Grande Ourse et son fils Arcas en Petite Ourse. Outrée par cette offense à son honneur, Héra demanda justice à l'Océan, et les ourses furent alors condamnées à tourner perpétuellement autour du pôle Nord, jamais autorisées à se reposer sous la mer.

Chez Ovide[2], Callisto était fille de Lycaon, roi d’Arcadie. Zeus aperçut la jeune vierge comme elle chassait en compagnie d’Artémis et s’en éprit ; il la séduisit en prenant l'apparence de Diane elle-même. Héra, jalouse, la changea en ourse après qu’elle eut donné naissance à un fils, Arcas. L’enfant grandit dans l'ignorance de sa mère, et un jour qu’il participait à une chasse, la déesse dirigea Callisto vers l’endroit où il se trouvait, dans l’espoir qu'elle soit transpercée de ses flèches. Mais Zeus enleva l’ourse et la plaça parmi les étoiles où Arcas la rejoignit, sous les noms de Grande Ourse et Petite Ourse.

La Grande Ourse est à l'origine du terme « septentrional » : les Romains appelaient cette constellation septem triones c'est-à-dire « les sept bœufs de labour » qui tournent toujours autour du nord. Au Royaume-Uni, on l'appelle the Plough (la charrue), en Scandinavie, Karlavagen (le wagon de Charles, probablement Charlemagne), en Bretagne Karr kamm (chariot tordu), Karr Arzhur (le chariot du roi Arthur) ou Lost-arar (le bout de la charrue).

L'ours se dit arctos en grec, d'où le nom de cercle arctique qu'on donnait au cercle des étoiles circumpolaires toujours visibles (l'astronome Geminos assignait comme limite à ce cercle, « le pied de devant de la Grande Ourse »), et le terme Arctique qui désigne la région entourant le pôle Nord de la Terre[3].

Moyen-Orient

Selon une légende arabe[4], la constellation représente le cercueil d'un père suivi par le cortège en pleurs de ses trois filles.

Elles le portent depuis la nuit des temps et essaient de rattraper son assassin (La Petite Ourse). Le jour où elles attraperont l'assassin, ce sera la fin du ikhan[Quoi ?].

Extrême-Orient (Inde, Chine, Japon)

Dans l'astronomie hindoue, on l'appelle aussi Sapta Rishi (les sept sages), et en persan, Haft Awrang (les Sept Trônes).

En Chine, les Prêtres taoïstes avaient pour habitude[réf. nécessaire] de prier les esprits et les divinités représentés par les constellations et les étoiles comme la Grande Ourse, et en astronomie chinoise, ses sept étoiles principales correspondent à l'astérisme Beidou (北斗, Běidǒu ou sept étoiles de Beidou 北斗七星, Běidǒu qī xīng[5]), un des plus anciens astérismes utilisés (hormis les loges lunaires, dont l'orientation était utilisée pour suivre le cycle des saisons.

Nom (trad./simpl.)Nom taoïste (trad./simpl.)nom correspondant en EuropeDésignation de Bayer
天樞/天枢貪狼/贪狼Dubheα UMa
天璇/天璇巨門/巨门Merakβ UMa
天璣/天玑祿存/禄存Phecdaγ UMa
天權/天权文曲/文曲Megrezδ UMa
玉衡/玉衡廉貞/廉贞Aliothε UMa
開陽/开阳武曲/武曲Mizarζ UMa
瑤光/瑶光破軍/破军Alkaidη UMa

Au Japon, la Grande Ourse reprend le terme chinois et est traduit par « Louche du Nord » 北斗 (hokutô), et dans le Japon médiéval, chacune des sept étoiles de la Grande Ourse portait un nom traditionnel, noms souvent hérités eux-mêmes de la Chine ancienne :

  • « Pivot » 樞 (sû) désigne Dubhe (Alpha Ursae Majoris)
  • « Superbe jade » 璇 (sen) désigne Merak (Beta Ursae Majoris)
  • « Perle » 璣 (ki) désigne Phecda (Gamma Ursae Majoris)
  • « Autorité » 權 (ken) désigne Megrez (Delta Ursae Majoris)
  • « Baguette de mesure en jade » 玉衡 (gyokkô) désigne Alioth (Epsilon Ursae Majoris)
  • « Ouverture du yang » 開陽 (kaiyô) désigne Mizar (Zeta Ursae Majoris).

Enfin, Alkaid (Eta Ursae Majoris) porte à elle seule plusieurs noms traditionnels : « Sabre » 劍 (ken) (forme abrégée de « Extrémité du sabre » 劍先 (ken saki)), « Lumière scintillante » 搖光 (yôkô), ou encore « Étoile de la défaite militaire » 破軍星 (hagun sei), car se diriger en direction de cette étoile était censé être de mauvais augure pour une armée[6].

Amérique du Nord

Certains Amérindiens d'Amérique du Nord (Algonquins, Micmacs, Narragansetts, Cherokees) considèrent aussi ce groupe d'étoiles comme une ourse poursuivie par trois chasseurs.

Aux États-Unis, son surnom actuel est the Big Dipper (la grande cuillère).

Observation des étoiles

Constellation de la Grande Ourse.
Visibilité nocturne de la constellation.

La Grande Ourse est une des constellations les plus connues, une de celles que l'on apprend généralement à reconnaître en premier dans l'hémisphère nord. Sept étoiles ressortent nettement parmi les autres et forment la Casserole (ou le Chariot). Cette formation en casserole est visible toute l'année dans les villes situées au-dessus de 40° de latitude nord ; à titre indicatif New York, Rome et Pékin sont très proches de cette latitude. Pour les villes situées plus au sud, la Casserole disparaît sous l'horizon pendant l'automne.

Repérage de la constellation

Guide pour déterminer l'étoile polaire et α Bootis (Arcturus) à partir de la Grande Ourse.

La « grande casserole » se repère par observation directe. Dubhe (α UMa), Merak (β UMa), Phecda (γ UMa), Megrez (δ UMa), Alioth (ε UMa), Mizar (ζ UMa) et Alkaid (η UMa) forment l'un des astérismes les plus connus : la « Casserole » (ou parfois, le « Chariot », ou encore la « Cuillère ») de la Grande Ourse. Cet astérisme est tellement caractéristique et brillant que Johann Bayer partit du bout (Dubhe) et le remonta (Alkaid) pour désigner les étoiles de la constellation, au lieu de les classer par magnitude comme il avait l'usage de le faire.

Forme de la constellation

Un autre astérisme provient de la culture arabe. Il s'agit des « sauts de la gazelle », une série de trois paires d'étoiles :

Ces étoiles se trouvent le long de la frontière sud-ouest de la constellation, les « orteils » de l'Ourse.

Mizar et Alcor

Mizar (ζ UMa) est l'étoile du milieu dans la série des trois qui forment le « manche » de la casserole. Elle est connue pour posséder un compagnon  Alcor (80 UMa)  qui est discernable à l'œil nu (on peut le deviner sur l'illustration). Pouvoir les distinguer était d'ailleurs un défi traditionnel d'acuité de vision dans plusieurs cultures, Gengis Khan en aurait fait l'un des critères de sélection de ses archers[7].

La Grande Ourse telle que dessinée par Johannes Hevelius au XVIIe siècle.

Repérages à partir de la constellation

Ces étoiles particulièrement visibles sont utiles pour trouver d'autres étoiles importantes, la grande casserole jouant le rôle d'un véritable poteau indicateur céleste.

  • Une méthode très connue permet de déterminer l'emplacement de l'étoile polaire Ursae Minoris) : en traçant la ligne des Gardes de la Grande Ourse, prolongée dans le sens Merak-Dubhe d'une distance égale environ à cinq fois la distance entre ces deux étoiles, on tombe sur l'Étoile polaire après une trentaine de degrés.
  • Dans l'autre sens, en prolongeant la ligne de Dubhe à Merac, cet alignement passe d'abord par ψ UMa après ~10°, puis par ν UMa (premier saut de la Gazelle, et patte avant de l'Ourse) après encore ~10°, et après un dernier saut de ~10° on tombe sur Zosma (δ Leo) (visible sur l'illustration). La paire d'étoiles qui forme la patte avant est pratiquement dans cet alignement, ce qui permet de confirmer son identification.
  • Si l'on part du bord intérieur de la casserole, on peut suivre l'alignement Megrez (δ UMa) Phecda (γ UMa). Cet alignement passe également par ψ UMa après ~10°, puis après ~15° sur une étoile plus faible entre les deux premiers sauts de gazelle, qui est Praecipua (46 Leonis Minoris). En continuant cet alignement on tombe dans le Lion), d'abord sur γ Leo (visible sur l'illustration) et dans son prolongement sur Régulus, après un parcours total de ~45°.
  • Dans l'autre sens, le même alignement Phecda (γ UMa) Megrez (δ UMa) traverse les gardiennes de la Petite Ourse, puis les pieds du Dragon, et arrive finalement dans l'axe des ailes du Cygne.
  • Une autre méthode de repérage très connue consiste à suivre la courbe de la queue de la casserole en tournant à gauche suivant un arc de cercle vers α Bootis (Arcturus), puis de continuer sur la même distance et avec la même courbure jusqu'à α Virginis (Spica).
  • Dans l'autre sens, la diagonale de la casserole qui passe par Megrez (δ UMa) et Merak (β UMa) se prolonge à travers θ UMa et la paire d'étoiles qui marque le troisième « saut de la Gazelle » (ι et κ UMa), et l'extrémité de la constellation. Au-delà, dans le même alignement, on tombe sur une petite étoile du Lynx (sans intérêt particulier), et après ~30° dans le même prolongement on tombe sur Castor et Pollux (un peu à droite de l'axe), des Gémeaux, et toujours dans le même alignement Rigel puis Bételgeuse de la constellation d'Orion.
  • Le « dos » de la Grande Ourse forme un alignement entre Megrez (δ UMa) et Dubhe (α UMa), qui se prolonge à travers 23 UMa et ο UMa (extrémité de la constellation, sur la « fesse » de l'Ourse). Cet alignement se prolonge à travers le Lynx sur une trentaine de degrés pour tomber sur Capella du Cocher.
  • Dans l'autre sens, l'alignement du « dos » de Dubhe (α UMa) à Megrez (δ UMa) passe par Alkaid (η UMa), le « nez » de l'Ourse, traverse la tête du Bouvier et permet de repérer Gemma dans la Couronne boréale.
  • Si l'on prolonge l'axe Phecda-Dubhe en reportant la même distance, on tombe juste en dessous des deux galaxies M81 et M82 (pas toujours facile à trouver autrement).

Étoiles principales

Étoiles de la Grande Ourse.

Alioth (ε Ursae Majoris)

Alioth UMa), vers le milieu de la queue de la « casserole », est l'étoile la plus brillante de la constellation de la Grande Ourse et la 34e de la voute céleste.

Alioth est une étoile blanche distante de 81 années-lumière, environ quatre fois plus grande que le Soleil et trois fois plus massive. Son type spectral indique qu'il s'agit d'une étoile particulière (A0p) : elle présente certaines régions de son atmosphère enrichies en certains éléments (oxygène, europium, chrome, etc.) tandis qu'ils sont en déficit dans d'autres zones. Alioth est classée dans la catégorie des étoiles variables de type α2 Canum Venaticorun, dont α2 Canum Venaticorum, ou Cor Caroli, en est en effet le prototype).

Dubhé (α Ursae Majoris)

Dubhé UMa), la deuxième étoile de la constellation, est une supergéante orange, environ 30 fois plus grande que le Soleil. C'est également une étoile double car elle possède un compagnon distant de vingt-trois ua qui orbite autour d'elle en quarante-quatre ans. Plus loin, à 9 000 ua, se trouve un autre système binaire.

Les Gardes de la Grande Ourse sont constituées des étoiles Dubhé et Mérak (α et β Ursae Majoris).

Mizar (ζ Ursae Majoris)

Mizar (sans Alcor) est un système stellaire complexe de quatre étoiles : deux couples d'étoiles (l'un orbitant en vingt jours et demi, l'autre en cent-quatre-vingts jours) tournent l'un autour de l'autre. Elle tient une place de tout premier rang dans l'histoire des étoiles doubles : Mizar avec son cavalier Alcor est une binaire visuelle connue depuis extrêmement longtemps [réf. nécessaire]. C'est aussi la première étoile double télescopique découverte, (Mizar A et B, découverte par Giovanni Riccioli en 1650), et la première double photographiée (par G. P. Bond en 1857), et Mizar Aa et Ab, la première binaire spectroscopique (annonce faite par Edward Charles Pickering en 1889).

Autres étoiles

Merak, Phecda, Megrez, Alioth et Mizar, toutes les cinq des étoiles chaudes de classe A, font partie d'un groupe d'étoiles distant d'environ quatre-vingt années-lumière et se déplacent de concert dans l'espace. Ce groupe d'étoiles s'appelle le courant d'étoiles de la Grande Ourse

Objets célestes

Plusieurs galaxies se trouvent dans la Grande Ourse, dont la paire M81 (l'une des plus brillantes galaxies du ciel) et M82 au-dessus de la « tête » de l'Ourse, M101, une belle galaxie spirale au nord-ouest d'Alkaid (η UMa) et les galaxies spirales M108 et M109. La constellation contient environ cinquante galaxies, dont la plupart ont une magnitude supérieure à 10, et ne sont donc pas visibles sans instrument.

On y trouve également la nébuleuse planétaire M97.

Notes et références

  1. d'Huy Julien, Un ours dans les étoiles: recherche phylogénétique sur un mythe préhistorique, Préhistoire du sud-ouest, 20 (1), 2012: 91-106; A Cosmic Hunt in the Berber sky : a phylogenetic reconstruction of Palaeolithic mythology, Les Cahiers de l'AARS, 15, 2012.
  2. Ovide, Métamorphoses, II, 409-530.
  3. Béatrice Bakhouche, Les textes latins d'astronomie: un maillon dans la chaîne du savoir, Éditions Peeters, , p. 129
  4. Camille Flammarion, Histoire du ciel, J. Hetzel, (lire en ligne), p. 100
  5. Voir zh:北斗七星, associé à grande casserole
  6. Le Bansenshūkai, écrit en 1676 par le maître ninja Fujibayashi Yasutake, consacre plusieurs passages à ces étoiles, et montre une représentation traditionnelle de la Grande Ourse au centre de la voûte céleste, dans son cahier 8, volume 17, consacré à l’astronomie et à la météorologie (traduction d’Axel Mazuer)
  7. Astrodéfis, Éditions Publibook, , p. 113

Voir aussi

Articles connexes

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