Gotique de Crimée

Le gotique de Crimée est un dialecte du gotique qui était parlé par les Goths de Crimée jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.

Gotique de Crimée
Période IXe siècle, survivance jusqu'au XVIIe siècle en Crimée
Région Crimée
Typologie flexionnelle, accentuelle
Écriture Runes
Classification par famille
Codes de langue
Linguasphere 52-ADA-a

Histoire

L'existence d’un dialecte germanique en Crimée est attestée par différentes sources du IXe au XVIIIe siècle[1]. La principale est un rapport de l'ambassadeur flamand Ogier Ghislain de Busbecq daté de 1572. Connu sous le nom de Quatrième courrier turc (der vierte türkische Brief), il a été publié en 1589[2]. Busbecq rapporte avoir appris l'existence d'« un peuple qui par sa langue, ses coutumes... montre son origine germanique ». Il précise que ses interprètes l'ont mis en contact avec deux émissaires du peuple en question. Son courrier fournit une liste de cent un mots ou expressions avec leur traduction en latin, ainsi qu'une chanson. Ces données lui ont été transmises par l'un de ses deux informateurs[3].

Il convient toutefois de faire preuve à ce sujet de circonspection, un des interlocuteurs de Busbecq étant un Grec qui parlait le gotique de Crimée, l’autre un Goth qui avait abandonné sa langue d'origine pour le grec. Par conséquent aucun des deux n'était un locuteur natif. En second lieu, les termes cités par l'ambassadeur ne sont pas représentatifs de la langue gotique telle que nous la connaissons par l'intermédiaire de Wulfila, de sorte qu'il est peu probable que le parler germanique de Crimée soit du gotique au sens où on l’entend en linguistique historique ; il s’agit vraisemblablement d’une autre langue germanique issue de migrations plus tardives. Par ailleurs, on ne saurait exclure que les transcriptions de Busbecq aient été influencées par la langue qu'il parlait lui-même, c'est-à-dire le flamand, autre idiome germanique, car il ne disposait pas d'un système de notation phonétique rigoureux. Enfin des erreurs de transcription ou des fautes d'impression ont pu se produire lors de la publication du courrier, dont l'original n'a pas été conservé.

Il subsiste donc une incertitude quant à l'appartenance du gotique de Crimée au groupe des langues gotiques. Rien ne prouvant que le peuplement germanique de la Crimée soit le résultat d’une seule migration originelle, il est possible qu’un peuplement ultérieur et progressif par d’autres migrants d’origine germanique soit à l’origine de cette langue. À ce sujet, Peter Heather et Michael Kulikowski supposent qu’avant le Ve siècle, le peuple ostrogoth n’existait pas en tant que tel, et qu'il se constitua dans l'actuelle Ukraine à partir d'autres groupes, goths et non-goths[4],[5].

Deux indices pourraient néanmoins plaider en faveur d'une langue gotique de Crimée : le premier est une inscription de nom propre Harfidel en caractères hébreux trouvé sur une tombe du Ve siècle, le second la présence, dans le tatar de Crimée, du mot razn « charpente de toit » (à rapprocher de l'allemand Haus « maison »), qui constituerait un emprunt au gotique.

Vocabulaire

Néanmoins, une grande partie du lexique mentionné par Busbecq semble bien relever d’une langue germanique, comme l’indiquent ces quelques exemples :

gotique de Crimée anglais gotique allemand néerlandais islandais suédois français
apelappleapls (m.)Apfelappelepli(vild-)apel, äpplepomme
handahandhandus (f.)Handhandhöndhandmain
schuuestersisterswistar (f.)Schwesterzus(ter)systirsystersœur
hushouse-hūs (n.)Haushuishúshusmaison
reghenrainrign (n.)Regenregenregnregnpluie
singhensingsiggwan (vb.)singenzingensyngjasjungachanter
geengogaggan (vb.)gehengaangangaaller

Plus précisément, Busbecq fournit dans son rapport épistolaire plusieurs dizaines de mots avec leur équivalent en latin (équivalents mentionnés ici avec leur signification en allemand moderne) dont ceux-ci :

gotique de Crimée latin allemand français
broepanisBrotpain
plutsanguisBlutsang
hoefcaputKopftête, chef
schietenmittere sagittamschießenlancer, tirer
knauen tagbonus diesguten Tagbonjour
reghenpluviaRegenpluie
bruderfraterBruderfrère
altsenexaltvieux
wintchventusWindvent
siluirargentumSilberargent (métal)
goltzaurumGoldor
fisctpiscisFischpoisson
thurnportaTürporte
sunesolSonnesoleil
minelunaMondlune
barsbarbaBartbarbe
bogaarcusBogenarc
brunnafonsBrunnenfontaine
waghencarrusWagenchar(ette)
schlipendormireschlafendormir
kommenvenirekommenvenir
lachenriderelachenrire
oegheneocculiAugenyeux
stulsedesStuhlchaise
saltsalSalzsel

Notes et références

(en)/(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Crimean_Gothic » (voir la liste des auteurs) et en allemand « Krimgotische_Sprache » (voir la liste des auteurs).
  1. Au XIIIe siècle, le franciscain flamand Guillaume de Rubrouck trouva en Crimée des Goths qui parlaient une langue teutonique (cf. Voyage dans l’Empire mongol, chap. I : « Notre départ de Constantinople, et notre arrivée à Soldaïa, première ville des Tartares ».
  2. Busbecq's account, in Latin
  3. Quellen für das Krimgotische : (Sources pour le gotique de Crimée), en allemand
  4. Heather, The Goths 52-55. Kulikowski 111.
  5. Heather, Goths in the Fourth Century 92 n. 87.

Voir aussi

Bibliographie

  • MacDonald Stearns, Crimean Gothic. Analysis and Etymology of the Corpus, Saratoga 1978. Comprend le texte latin du rapport de Busbecq et la traduction en anglais.
  • MacDonald Stearns, "Das Krimgotische". In: Heinrich Beck (ed.), Germanische Rest- und Trümmersprachen, Berlin/New York 1989, 175-194.
  • Ottar Grønvik, Die dialektgeographische Stellung des Krimgotischen und die krimgotische cantilena, Oslo 1983.

Liens externes

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