Globe terrestre

Un globe terrestre est une sphère sur laquelle est dessinée la surface de la Terre. Du fait de sa "ressemblance" avec la forme sphérique de la Terre, c'est la représentation la plus exacte de la planète (surtout si on lui a donné un relief sans exagération des altitudes). C'est une représentation à petite échelle.

La Terre vue de l'espace (image de synthèse)

Histoire

Antiquité et Moyen-Âge

La nature sphérique de la Terre est clairement connue des Grecs dès le IVe siècle av. J.-C. et des Romains comme le montre Pline l'Ancien qui écrivait[1] :

« Parmi les crimes de notre ingratitude je compterai aussi notre ignorance de la nature de la terre. (2) D'abord, quant à sa figure, le consentement unanime en décide : nous disons le globe de la terre, et nous convenons que la circonférence en est limitée par les pôles. Ce n'est pas, il est vrai, une sphère parfaite; il y a trop de montagnes élevées et de plaines étendues; mais si l'on fait passer une courbe par les extrémités des lignes, on décrira de cette façon une surface sphérique régulière. Les lois naturelles veulent qu'elle soit ronde, mais non en vertu des mêmes causes que celles que nous avons rapportées par le ciel (II, 2). (3) En effet, le ciel est une sphère creuse qui pèse de toutes parts sur son pivot, c'est-à-dire sur la Terre ; celle-ci, solide et condensée, s'arrondit comme par un mouvement de soulèvement, et se développe. Le monde tend vers le centre, la Terre tend hors du centre, et le globe immense qu'elle constitue prend la forme d'une sphère, par l'effet de la révolution perpétuelle du monde autour d'elle »

Aristote en fournit des preuves[2] dans son ouvrage Du ciel et le mentionne dans ses Météorologiques.

Les premières mentions d'une représentation de la Terre sous forme d'un globe proviennent de Strabon et Ptolémée. Strabon mentionne incidemment l'existence d'un globe terrestre construit par Cratès de Mallos au IIe siècle av. J.-C.[3] . Il y découpait le globe en 4 parties dont une représentait l'écoumène[4]. Ptolémée, dans son Almageste, indique comment fabriquer un globe terrestre[5].

On a également mention de globes terrestres construits durant l'âge d'or islamique sans qu'on puisse toutefois y distinguer la réalité de la légende[6],[7]. David Woodward signale, par exemple, l'existence d'une référence à un globe terrestre construit par Jamal ad-Din et ramené de Perse à Pékin en 1276[8].

En Europe, les mentions attestées de sphères terrestres, qui ne soient pas symboliques mais géographiques, semblent dater du début du XVe siècle, en France avec les globes de Jean Fusoris[9] et Guillaume Hobit[10], en Allemagne avec le globe du moine Fridericus[11]. Puis, dans le dernier tiers du XVe siècle, les témoignages sont de plus indiscutables sur la fabrication de globes[12], notamment chez Nicolaus Germanus (en)[13].

Premiers globes encore conservés

Le plus ancien globe terrestre parvenu jusqu'à nous est le globe de Martin Behaim, réalisé à Nuremberg en 1492 et appelé Erdapfel. L'Amérique et l'Australie ne figurent logiquement pas sur ce globe de 51 cm de diamètre.

Le cartographe Martin Waldseemüller adapte en 1507 l'imprimerie aux besoins des fabricants de globes en créant les fuseaux. Jusque-là, les globes étaient toujours peints et uniques. De plus, les cartes de Waldseemüller publiées à Saint-Dié des Vosges furent les premières à porter l'inscription « America ». Selon Monique Pelletier, il serait l'auteur en 1506 ou 1507 d'un globe manuscrit passé à la postérité sous le nom de Globe vert.

Le Globus Jagellonicus, exposé dans les locaux du Collegium Maius de l'université Jagellonne de Cracovie en Pologne, est daté de 1510 et serait le deuxième plus ancien globe montrant l'Amérique.

L'Allemand Johann Schöner publie en 1515 une carte du globe sur douze fuseaux avec un manuel de mode d'emploi pour monter son globe terrestre de 27 cm de diamètre. La demande fut telle que les fabricants de globes avaient du mal à fournir. Malgré le nombre important de globes commercialisés à cette période, surtout aux Pays-Bas, il n'en reste aucun exemplaire aujourd'hui. Les plus anciens globes terrestres imprimés parvenus jusqu'à nous sont les productions du néerlandais Gemma Frisius (vers 1536). Gerardus Mercator travailla notamment à la gravure des globes en 1536 et 1537. Ce dernier se mettra ensuite à son compte en produisant notamment un globe de 41 cm de diamètre.

Globes du XVIIe siècle

Globe terrestre de Coronelli sans son mobilier (1683), Bibliothèque nationale de France

Au début du XVIIe siècle, Amsterdam s'impose comme la capitale des globes où travaille notamment Jodocus Hondius. Il ne reste aujourd'hui aucun globe signé Hondius. Seul subsiste de nos jours une copie d'un globe de 21 cm du maître néerlandais réalisé en 1615 par l'Italien Giuseppe de Rossi à partir d'un modèle datant de 1601. Parmi les autres fabricants amsterdamois, citons également Willem Blaeu, qui réalisa des globes de 68 cm de diamètre en 1616. Ils étaient alors les plus volumineux jamais construits.

L'école d'Amsterdam essaime en Europe lors de la seconde partie du XVIIe siècle. En Angleterre, c'est Joseph Moxon, formé à Amsterdam chez Blaeuw, qui produit au milieu du siècle des globes de cinq dimensions[Quoi ?]. En Allemagne, citons Georg Christoph Eimmart (1638-1705).

C'est toutefois l'Italie qui abrite le plus prestigieux fabricant de globes du siècle : Vincenzo Coronelli. Coronelli produit les plus spectaculaires globes de l'histoire : les Globes de Marly. Offerte à Louis XIV en 1683, cette paire de globes terrestre et céleste mesurent 3,87 mètres de diamètre sans le mobilier. En ajoutant ce dernier, l'ensemble culmine à huit mètres de hauteur pour près de 5 mètres de diamètre. Les Globes de Marly, parfois également nommés Globes de Coronelli, ne sont pas les seuls produits par le cartographe italien. On citera ainsi pour l'exemple le globe terrestre de 108 cm de diamètre ornant la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris. Il existe plusieurs exemplaires de ce type de globes, surnommés les « 110 de Coronelli ».

Les globes du XVIIIe siècle

Globe de poche de Charles Price (1716)

Dès les toutes premières années du XVIIIe siècle, le marché anglais des globes se scinde en deux branches : les globes de poche et les globes classiques. Parmi les plus fameux fabricants de globes de poche, citons Charles Price, qui opère au début du siècle, et Nathaniel Hill, actif de 1746 à 1768. La grande mode des globes miniatures culmine toutefois entre la fin du XVIIIe siècle et le XIXe siècle.

Les Pays-Bas retrouvent en partie leur dynamisme au début du siècle sous l'impulsion de Gerard et Leonard Valk qui produisent entre 1701 et 1726 sept paires de globes terrestres et célestes de 7,75 cm à 62 cm de diamètre.

L'Allemagne produit un globe étonnant et qui fera date : le globe muet. Signé par Franz Ludwig Güssefeld, ce globe de 10,3 cm de diamètre ne comporte aucune légende. Il avait un usage pédagogique, notamment pour interroger les élèves.

En France, Guillaume Delisle (1675-1726), ancien élève de Jean-Dominique Cassini, signa un globe terrestre de 31 cm de diamètre vers 1700. Didier Robert de Vaugondy (1723-1786) réalise son premier globe terrestre en 1745. Il reçoit en 1751 une commande royale à destination de la marine avec des globes de 45,5 cm. Ces globes connurent plusieurs rééditions (1764 et 1773). Concernant les mises à jour liées aux nouvelles découvertes, les fabricants de globes assurent depuis l'origine une forme de service après-vente en fournissant à leurs clients des éléments de cartes à coller sur le globe.

Les globes du XIXe siècle à nos jours

L'Unisphere à New York (1964)
Globe terrestre vu de l'espace, Naturalis, Leiden (1998)

Les Anglais conservent toujours une solide école de fabricants de globes. La société Newton, Son & Berry produit ainsi de 1831 à 1841 des globes de poche tandis que James Wyld (1812-1887) fait sensation à l'occasion de l'exposition universelle de Londres en 1851 en construisant un globe unique de 12 mètres de diamètre. Les visiteurs pouvaient même pénétrer à l'intérieur du globe géant. Il s'agit évidemment d'une opération publicitaire pour présenter les produits de la maison Wyld.

Aussi à Londres (Angleterre), le constructeur John Mowlem produit en 1887 un grand globe de pierre de Portland qu'il transporta par bateau jusqu'à sa ville natale de Swanage. Mowlem érigea le globe au sud de la ville, à Durlston Head, sur le Jurassic Coast, où il peut être vu aujourd'hui. Son diamètre est 3 mètres.

Outre-Manche, le Français Charles François Delamarche (1740-1817) domine le marché, notamment avec ses globes de 32,5 cm de diamètre. Delamarche avait acheté le fonds documentaire de Robert de Vaugondy et exploita cette documentation. Ce fut le point de départ d'une dynastie de fabricants de globes de trois générations.

Parmi les fabricants de globes français du début du XXe siècle, citons Girard & Barrère et Joseph Forest (1865-19..). Ce dernier a notamment fourni les écoles françaises mais a également proposé à son catalogue un globe briquet. Ce type de globe fantaisie se déclina également dans des versions globe-bar par exemple.

Il n'existe aujourd'hui (2020) qu'une poignée de fabricants de globes à travers l’Europe[14],[15], réalisant encore le travail de manière artisanale et perpétuant ainsi un savoir-faire quasi-disparu tout en apportant une touche contemporaine. En France, le château royal d'Amboise a ainsi récemment acquis un globe fabriqué dans le dernier atelier du genre, installé à Besançon, reprenant les techniques et la cartographie du XVIe siècle[16]

Fabricants de globes

Les fabricants de globes sont de deux types : les cartographes qui éditent leurs travaux, et des éditeurs qui exploitent des travaux parfois anciens plus ou moins bien mis à jour. La fabrication de globes donna lieu à la mise en place de dynasties familiales sur plusieurs générations. On citera les Hondius, les Blaeu ou les Delamarche.


Symbolique du globe dans l'histoire

Savants de la Renaissance penchés sur un globe au temps des grandes découvertes, Die Gartenlaube, 1863

Dès le Ier siècle av. J.-C. l'empereur Auguste est représenté avec un globe, qui devient un attribut de la symbolique impériale[17].

Après le Moyen Âge, lorsqu’un roi s'attribue un globe, son image confère une dimension d’apothéose, de délégation sur terre d’un pouvoir divin.

Au XVIe siècle, époque où les guerres de religion font rage, le globe est associé à l’instabilité du monde, la boule renvoie à la folie du monde, d'où l’expression “ le monde à l’envers”.

A la Renaissance, le globe, vecteur et somme des nouvelles connaissances astronomiques et géographiques, devient parallèlement un symbole de savoir érudit. Le globe représente également la vanité du monde et des accomplissements humains, leurs caractères éphémères.[18]

Aujourd'hui, le globe connote l'universalité et la mondialisation, l’expansion mondiale de certaines grandes entreprises et la diffusion planétaire.

Les images de la Terre vue de l’espace rendent visible la beauté de la planète, mais aussi sa fragilité par rapport aux pressions écologiques ou politiques.

Globes remarquables

Notes et références

  1. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, livre II, Chapitre 64-66 [2,64] LXIV Lire le texte en latin et français
  2. Jean-René Roy, L'Astronomie et son histoire, Masson, , p. 96-97
  3. Patrick Gautier Dalché, « Avant Behaim : les globes terrestres au xve siècle », Médiévales, no 58, , p. 43-61 (lire en ligne), § 4
  4. Schéma du globe terrestre de Crates de Mallos dans l'exposition Le monde en sphères de la Bnf
  5. l'invention de la sphère - les trois sommes de Ptolémée dans l'exposition Le monde en sphères de la Bnf
  6. Medieval Islamic Civilization By Josef W. Meri, Jere L Bacharach, pages 138–139
  7. Voir par exemple le globe terrestre commandé par Al-Ma'mūn dont une réplique reconstituée par Fuat Sezgin est présentée à Francfort-sur-le-Main et Istambul ( Richard Covington, « The third dimension », Aramco World (en) - Arab and Islamic cultures and collection, vol. 58, no 3, (lire en ligne))
  8. David Woodward, « The Image of the Spherical Earth », Perspecta, vol. 25, , p. 3–15 [9] (JSTOR 1567135), p.9
  9. Gautier Dalché 2010, § 12.
  10. Gautier Dalché 2010, § 13.
  11. Gautier Dalché 2010, § 14.
  12. Gautier Dalché 2010, § 21.
  13. Gautier Dalché 2010, § 22.
  14. Camille Jourdan, « Alain Sauter, créateur de mappemondes », sur Le Zéphyr, (consulté le )
  15. societegeo, « Pour l’amour du globe. Entretien avec Alain Sauter, fabricant de globes terrestres et géographe », sur Société de Géographie, (consulté le )
  16. « https://www.lanouvellerepublique.fr/amboise/amboise-un-voyage-royal-de-deux-ans », sur lanouvellerepublique.fr (consulté le )
  17. (en) « Portait of the Emperor Augustus »
  18. Catherine Hofmann et François Nawrocki, Le Monde en sphères : [exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 16 avril-21 juillet 2019], Paris, BnF Éditions, , 272 p. (ISBN 978-2-7177-2798-2)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Catalogue de l’exposition Cartes et figures de la Terre, Paris, Centre Georges-Pompidou, 1980
  • Edward H. Dahl et Jean-François Gouvin (préf. Peter Van Der Krogt), Sphaerae Mundi : la collection de globes anciens du Musée Stewart, Sillery (Québec), Septentrion, , 206 p. (ISBN 2-89448-157-8 et 978-2-89448-157-8, OCLC 757915444)
    réédité en octobre 2001 par Privat à Toulouse sous le titre La Découverte du monde : la collection de globes anciens du Musée Stewart de Montréal (ISBN 2-7089-8164-1 et 978-2-7089-8164-5)
  • Peter van der Krogt, Old globes in the Netherlands, Utrecht, H&S, 1984
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