Gazogène

Le gazogène, inventé au XIXe siècle, est un appareil permettant de produire un gaz combustible par pyrolyse de matières solides et combustibles : bois (gaz de bois), charbon de bois, coke, anthracite, etc. et permettant d'alimenter des moteurs dits « à gaz pauvres », des moteurs à explosion classiques ou bien des chaudières[1].

Pour les articles homonymes, voir Gazogène (homonymie).

Voiture équipée d'un gazogène à Berlin en 1946.
Camion nord-coréen à gazogène (mars 2014).

Histoire

Ce système, sous la forme mise au point par Georges Imbert en 1920, fut utilisé en Europe, pour pallier l'absence de carburant automobile pendant la Seconde Guerre mondiale[2]. C'est en effet un appareil simple à fabriquer, ne demandant que des matériaux faciles à se procurer.

Fonctionnement du gazogène

Le principe du gazogène est de provoquer une combustion incomplète du bois ou du charbon, en contrôlant l'alimentation en air du foyer, de manière à produire des gaz combustibles tels que CO (monoxyde de carbone), H2 (dihydrogène), et CH4 (méthane) :

  • CO2 + C ⇌ 2CO - 38 000 cal par mole ;
  • 2C + O2 ⇌ 2CO + 58 000 cal par mole (44 g) ;

Cette combustion incomplète permet d'obtenir un gaz combustible CO, de la chaleur et du CO2 qui doit être converti en CO grâce à du charbon incandescent[3].

Dans le moteur l'utilisation du monoxyde de carbone permet la réaction :

  • 2CO + O2 ⇌ 2CO2 + 136 000 cal par mole

Permettant au moteur de fonctionner.

Production de gaz hydrogéné

Dans certains cas, on injecte en pulvérisation de faibles quantités d'eau dans l'air de combustion, pour qu'elle soit craquée à plus de 850 à 900 °C[alpha 1] et produire de plus grandes quantités d'hydrogène (obtention de gaz mixte), suivant les formules :

  • C + H2O ⇌ CO + H2 - 28 000 cal par mole ;
  • C + 2H2O ⇌ CO2 + 2H2 - 18 000 cal par mole
  • CO + H2O ⇌ CO2 + H2 + 9 400 cal par mole

Soit la production de combustible CO et H2 et d'un peu de chaleur, le CO2 devant être évacué le plus vite possible[Comment ?].

Gazogène à bois

Le gazogène à bois doit réunir dans un seul et même appareil une zone de carbonisation et une zone de gazéification.

Le type le plus courant est le gazogène à diabolo[4]. Le diabolo est un rétrécissement par lequel tous les gaz sont obligés de passer en traversant une zone incandescente, craquant ainsi la majeure partie des goudrons et acides qui abîmeraient le moteur. Le diabolo, par sa disposition, doit résister à de très fortes températures.

Gazogènes à charbon

Types de gazogènes à charbon

Schéma d'un gazogène Renault dans L'Illustration du 23 février 1924.

Il existe trois familles de gazogènes suivant le sens de la combustion, le choix dépend du combustible utilisé.

Gazogène à tirage par le haut
Le courant d'air et de gaz circule dans le sens inverse du combustible. Intéressant au niveau thermique mais nécessite des combustibles contenant peu de matière volatile pour éviter les goudrons à la sortie. Convient aux charbons de bois très purs pour éviter l'encombrement de la grille par les scories.
Gazogène à tirage par le bas
Le gaz et l'air circulent dans le même sens que le combustible, les gaz traversent la zone incandescente, les éventuels goudrons sont donc craqués. Ce dispositif limite aussi les poussières à la sortie.
Gazogène à tuyère, ou gazogène à tirage transversal
L'air est admis horizontalement par une tuyère au cœur de la zone de combustion, ce qui nécessite une tuyère en bronze massif, ou un refroidissement très puissant, pour éviter la fusion. On peut y brûler du charbon de bois, du coke, de l'anthracite, ou un mélange, ce qui permet de filtrer les impuretés des combustibles fossiles par le charbon de bois. Le principal intérêt de cette disposition est la simplicité de construction, une fois résolu le problème de la tuyère.

Dispositifs annexes

Refroidissement des gaz

Il peut être utile, dans le cas de gazogène alimentant un moteur, de refroidir les gaz avant leur admission afin d'augmenter leur densité et pallier les problèmes de rendement.
On agit en général par contact et par détente, dans des caissons en tôle avec des chicanes, ou par des faisceaux de tubes. L'eau de condensation récupérée peut servir à faire un barbotage du gaz, ce qui le débarrasse de certaines impuretés, mais nécessite de traiter les gaz pour retirer le maximum d'humidité, qui fait baisser le rendement.

Épuration des gaz

Épurateur sec
Il s'agit de faire passer les gaz dans du charbon de bois pulvérisé, de liège ou de coke. Surtout utilisé derrière les gazogènes à charbon.
Épurateur humide
Il sert à laver les gaz en les faisant barboter dans l'eau, de manière à retirer une bonne partie des impuretés, puis faire passer le gaz dans un filtre de liège qui retiendra l'humidité et les impuretés résiduelles.

Carburation des gaz

Elle est effectuée par un mélangeur à gaz pour introduire la bonne quantité d'air nécessaire à la combustion.

Utilisation d'un véhicule à gazogène

Camion Unic des années 1940 équipé d'un gazogène.

Mise en marche

Mise en marche au ventilateur
Elle consiste à créer un tirage pour permettre l'allumage de la charge de combustible. Le gazogène est alors isolé de l'admission moteur par une vanne. On enflamme les gaz à la sortie du ventilateur pour vérifier leur qualité ; lorsqu'elle est satisfaisante, que les gaz brûlent bien, on coupe le ventilateur, on ouvre la vanne d'isolement, on règle la richesse du mélangeur au maximum, et on actionne le démarreur. Tout ceci doit être effectué rapidement pour ne pas étouffer le gazogène. Une fois le moteur démarré, il faut constamment régler la richesse, parfois l'avance à l'allumage, et le ralenti.
Mise en marche au carburant de départ
Le moteur doit être équipé pour fonctionner avec un autre carburant (essence, alcool…), sur lequel on fait démarrer le moteur. On ouvre la vanne du mélangeur pour créer la dépression nécessaire à l'allumage du gazogène lorsque le moteur tourne.

Entretien du véhicule à gazogène

Quotidien
  • Remplissage de la trémie de combustible
  • Nettoyage du foyer et cendrier
  • Vidange des refroidisseurs et épurateurs (gazogène à bois)
  • Nettoyage de la tuyère et du foyer pour retirer le laitier et les scories (gazogène à charbon)
Hebdomadaire
  • Vidange et nettoyage des filtres secs et humides, des cendriers d'épurateur
  • Vérification de l'étanchéité de l'ensemble

Évolutions réglementaires en France

En 1940, les pouvoirs publics se penchent sur le problème des gazogènes et créent un service des gazogènes. Ce service dépend de la direction des industries mécaniques et électriques du secrétariat d'État à la production industrielle. Cette organisation est complétée par la création le d'une commission technique des gazogènes.

La fabrication et l'utilisation du gazogène qui, jusque-là, n'avaient pas été réglementées, va l'être par la loi du portant réglementation de la circulation automobile (J.O. du ) et par l'arrêté du , rectifié par celui du , réglementant les conditions de mise en circulation et équipement des véhicules automobiles à gazogène (J.O. des et ).

Le Gazauto

Gazauto est la marque déposée d'un gazogène au charbon de bois, breveté par M. Libault en 1936.

C’est pendant la guerre 1914-1918 que M. Libault voit pour la première fois un véhicule équipé de gazogène. Cela lui donne l’idée une fois rentré de s’intéresser au procédé et de l’améliorer. Il faut d’abord choisir quel combustible employer, les gazogènes pouvant fonctionner au bois, au charbon de bois, ou charbon. Son désir de trouver une source d’énergie vraiment locale le fait opter pour le bois et le charbon de bois. Près d’un tiers du sol de la Nièvre est en effet occupé par la forêt.

M. Libault effectue des essais comparatifs entre alimentation au bois et au charbon de bois qui l’amènent à choisir le charbon de bois. Il remarque en effet que le gazogène à bois nécessite une épuration parfaite de l’eau et des goudrons produits par la combustion, et que celle-ci ne peut se faire que dans un appareillage encombrant, lourd et coûteux. D’autre part, si le bois est relativement bon marché, la manutention, le sciage en petits morceaux, le stockage pour le sécher en font un combustible plus cher que le charbon de bois.

Le charbon de bois est plus facile à transporter, puisque pour remplacer 5 L d’essence, il faut utiliser 12 kg de bois mais seulement kg de charbon de bois[alpha 2].

Un gazogène à charbon de bois est donc progressivement mis au point avec les caractéristiques suivantes, qui sans cesse améliorées, vont en faire l’un des meilleurs gazogènes à charbon de bois :

  • Foyer en acier spécial supprimant les garnitures réfractaires
  • Tuyère infusible à refroidissement par air, résistant aux hautes températures du foyer, avec clapet d’aspiration d’air empêchant les retours de flamme à l’arrêt
  • Cendrier-grille assurant une marche parfaite pendant une longue distance, et ceci sans nettoyage du foyer. Ce dispositif supprime la perte de puissance provoquée par la dépression exagérée dans le générateur due à la formation des cendres et mâchefers au bout d’un certain kilométrage.
  • Épurateur à triple effet assurant : la déshumidification du gaz, la précipitation des grosses poussières, l’épuration définitive et absolue des gaz sur tissus spéciaux. Un dispositif de montage de ces tissus sur cadres élastiques permet un nettoyage presque automatique de ceux-ci.
  • Mélangeur à réglage d’air automatique, véritable carburateur à gaz, permettant la marche au gaz sans qu’il soit nécessaire de régler l’air à chaque instant.

Ce gazogène que M. Libault a intitulé « Le Gazauto » permet un allumage rapide, un départ instantané et un long parcours sans nettoyage du foyer ni de l’épuration. Quand ce travail est nécessaire, il s’accomplit facilement en quelques minutes. Enfin, le rechargement de la trémie se fait aussi rapidement que le remplissage d’un réservoir à essence et sans arrêt du moteur, par une porte de grand diamètre, dont la fermeture étanche s’opère automatiquement, par quelques tours de vis.

La mise au point du Gazauto est pratiquement terminée en 1936. Il est à noter que ce gazogène fut mis au point sans ingénieur et sans bureau d’études par des gens ayant un sens inné de la mécanique progressant par essais successifs. Ainsi c’est un véritable instinct de la solution idéale qui permit ainsi à M. Libault et à son équipe de trouver la forme et la composition de la tuyère infusible.

Notes et références

Notes

  1. Voir Craquage de l'eau
  2. Le bois contenant, entre autres, beaucoup d'eau, ce qui utilise beaucoup d’énergie pour la faire évaporer.

Références

  1. Définitions lexicographiques et étymologiques de « Gazogène » (sens II) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  2. (en) Kris De Decker, « Wood gas vehicles: firewood in the fuel tank », sur LOW-TECH MAGAZINE (consulté le )
  3. Voir : Fonctionnement d’un gazogène Imbert, econologie.com du 10 décembre 2004, consulté le 14 mai 2020
  4. Voir en milieu de page, sur chevrolet-gazogene-imbert.e-monsite.com, consulté le 15 avril 2017

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Lepoivre A & Septembre G (1938) Le gaz des forêts, carburants forestiers, gazogènes. Société nationale d'encouragement à l'utilisation des carburants forestiers.
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