Gamme de Shepard

Une gamme de Shepard, nommée d'après Roger Shepard qui l'a créée en 1964, est une gamme jouée avec des sons de Shepard, qui sont des sons complexes synthétiques constitués par l'addition de signaux sinusoïdaux de fréquences séparées par un intervalle d'octave.

« Gamme chromatique circulaire » redirige ici. Pour les autres significations, voir Gamme chromatique.
Sonagramme d'une gamme de Shepard ascendante (échelle des fréquences linéaire).

Son de Shepard

On combine par des moyens électroniques des signaux sinusoïdaux (sons purs) dont chacun est à une fréquence double du précédent. De la sorte, la note de Shepard correspondant à la fréquence fondamentale f dans l'octave −1 confond toutes les notes de même nom dans toutes les octaves.

Exemple d'un son de Shepard :

Le la−1 correspond à la fréquence 27,5 hertz.

Le son de Shepard correspondant est la somme à égalité de toutes les sinusoïdes correspondant à la fréquence fondamentale de tous les la audibles, 27,5, 55, 110, 220, 440, 880, 1 760, 3 520, 7 040 et 14 080 Hz.

Gamme de Shepard

Quand la fondamentale parcourt en boucle en descendant ou en montant toutes les valeurs de l'octave −1, cela crée l'illusion auditive d'une gamme qui descend (ou monte) indéfiniment. L'illusion est plus complète si chacune des notes est séparée par un bref silence[1].

La sensibilité de l'oreille varie avec la fréquence. Les sons aux extrémités du spectre sonore sont entendus avec une intensité moindre que des sons de la région centrale, vers 640 Hz. On peut réaliser une gamme de Shepard avec une étendue spectrale un peu plus réduite avec une pondération des fréquences, telle que les partiels les plus graves et les plus aigus de chaque note apparaissent progressivement.

Importance théorique des sons et gamme de Shepard

En dehors de leur aspect curieux ou ludique, les sons de Shepard servent pour les expériences sur la perception de la hauteur musicale des sons.

Comme nous ne pouvons pas admettre qu'un son monte sans fin tout en se reproduisant périodiquement égal à lui-même, nous sommes amenés à remettre en cause soit notre perception, comme lorsqu'un ventriloque donne l'illusion que la voix sort de la bouche de bois de sa marionnette, soit les règles dont nous croyions qu'elles les dirigent, comme quand, confrontés au paradoxe du barbier, nous concluons qu'un tel règlement ne peut s'appliquer[2]. « Ce qui est une illusion, c’est d’assimiler la hauteur, une expérience subjective, l’écoute, à la fréquence, paramètre objectif et mesurable », conclut Jean-Claude Risset[3].

Les études psychoacoustiques ont abouti à la conclusion que la perception de la hauteur peut se décomposer en hauteur spectrale, une sensation approximative du caractère grave ou aigu d'un son, indépendant de l'existence ou non d'une fréquence fondamentale, et hauteur fondamentale ou chroma, beaucoup plus précise, mais sujette à des erreurs d'octave. En demandant à des personnes d'évaluer les relations d'intervalle entre des sons de Shepard, les expérimentateurs s'adressent exclusivement à la perception de la hauteur fondamentale, puisque tous les sons de Shepard ont leur énergie répartie dans l'ensemble du spectre audible[4].

L'épreuve du triton

Diana Deutsch a ainsi présenté successivement à des sujets des sons de Shepard éloignés d'un intervalle de trois tons, soit une demi-octave[5]. Les sujets ont nettement désigné certaines notes comme plus aigües. Si les sensations de hauteur spectrale et de hauteur fondamentale étaient indépendantes, les auditeurs n'auraient pu choisir entre trois tons montants et trois tons descendants.

Il s'est avéré que le son de Shepard désigné comme le plus aigu varie d'une personne à l'autre, et se trouve corrélé avec le dialecte parlé par les sujets participants. L'expérience montre que le principe de l'équivalence perceptive d'une transposition n'est pas universel, et que les sujets ont en général une certaine forme d'oreille absolue[6].

Adaptation au continu

Jean-Claude Risset a créé une version continue de la gamme de Shepard, elle est nommée glissando de Shepard-Risset.

Risset a également créé un effet similaire avec un rythme dont le tempo semble indéfiniment accélérer (accelerando) ou décélérer[7].

Rapprochements visuels

Dans son article présentant sa séquence sonore, Shepard fait le rapprochement avec l'escalier de Penrose et en reproduit un dessin[1] ; cette comparaison est reprise dans de nombreux articles sur la gamme de Shepard, bien que d'autres fassent remarquer que la comparaison avec l'illusion de l'enseigne de barbier est plus pertinente, quoique imparfaite[8].

Notes et références

  1. (en) Roger N. Shepard, « Circularity in Judgments of Relative Pitch », The Journal of the Acoustical Society of America, vol. 36, no 12, , p. 2346–2353 (DOI 10.1121/1.1919362).
  2. (en) Carson 2007, p. 123-124.
  3. Jean-Claude Risset, « Quand la musique fait le grand huit », sur llx.fr.
  4. Laurent Demany, « Perception de la hauteur tonale », dans Marie-Claire Botte, Georges Canevet, Laurent Demany, Christel Sorin, Psychoacoustique et perception auditive, Paris, Tec & Doc, (1re éd. 1989).
  5. (en) Diana Deutsch, « A musical paradox », Music Perception, vol. 3, , p. 275–280. (DOI 10.2307/40285337, lire en ligne), (en) « PDF », sur philomel.com ; (en) Diana Deutsch, « An auditory paradox », Journal of the Acoustical Society of America, vol. 80, , s93 (DOI 10.1121/1.2024050) ; (en) Diana Deutsch, « The tritone paradox: Effects of spectral variables », Perception & Psychophysics, vol. 41, no 6, , p. 563–575 (PMID 3615152, DOI 10.3758/BF03210490, lire en ligne).
  6. Diana Deutsch, « La perception des structures musicales », dans Arlette Zenatti (dir.), Psychologie de la musique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Psychologie d'aujourd'hui », , 391 p. (ISBN 2-13-045588-3), p. 138-142.
  7. (en) « Risset rhythm - eternal accelerando », sur SuperCollider swiki.
  8. (en) Ben Carson, « Book Reviews : What Are Musical Paradox and Illusion? », American Journal of Psychology, vol. 120, no 1, , p. 123–140 (JSTOR 20445384, lire en ligne) « An often-cited metaphor for Shepard’s illusion is the Penrose staircasee (…) A more apt comparison, if not quite a perfect one, is the revolving "candy cane" barber's pole » (p. 132), voir aussi (en) David Rudd, « The Sonic Barber Pole: Shepard's Scale », sur cycleback.com (consulté le ).

Articles connexes

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