Gagaouzie

La Gagaouzie (en gagaouze : Gagauziya ; en roumain : Găgăuzia ; en russe : Гагаузия (Gagaouzia), ou Гагауз-Йери (Gagaouz-Ïeri)), officiellement l'Unité territoriale autonome de Gagaouzie (en gagaouze : Avtonom Territorial Bölümlüü Gagauziya ; en roumain : Unitatea Teritorială Autonomă Găgăuzia ; en russe : Автономное территориальное образование Гагаузия (Avtonomnoïe territorial'noïe obrazovanie Gagaouzia)), est une région autonome du sud de la Moldavie, près de la frontière avec l'Ukraine.

Unité territoriale autonome de Gagaouzie

Avtonom Territorial Bölümlüü Gagauziya (gag)
Unitatea Teritorială Autonomă Găgăuzia (ro)
Автономное территориальное образование Гагаузия (ru)


Armoiries

Drapeau
Administration
Statut politique Région autonome de la Moldavie
Capitale Comrat
46° 19′ N, 28° 40′ E
Gouvernement
- Gouverneur

Irina Vlah (depuis le 15 avril 2015)
Démographie
Population 134 535 hab.[1] (2014)
Densité 73 hab./km2
Langue(s) Gagaouze, roumain, russe
Géographie
Coordonnées 46° 18′ 59″ nord, 28° 39′ 59″ est
Superficie 1 832 km2

    Géographie

    Le territoire gagaouze, qui s'étend sur 1 830 kilomètres carrés répartis sur quatre territoires non contigus, regroupe une quinzaine de communes regroupées en trois districts (dolay) : Comrat, Ceadîr-Lunga et Vulcănești.

    Population

    Évolution de la population
    AnnéePop.±%
    1959104 449    
    1970142 979+36.9%
    1979152 850+6.9%
    1989163 533+7.0%
    2004155 646−4.8%
    2014134 535−13.6%
    Source : Recensements[1]

    En 2014, la Gagaouzie compte 134 535 habitants dont 83,8 % de Gagaouzes, 4,9 % de Bulgares, 4,7 % de Moldaves, 3,2 % de Russes, 2,5 % d'Ukrainiens et 0,9 % de personnes d'une autre ethnie[1].

    Par ailleurs, 80,4 % de la population se déclare de langue maternelle gagaouze, 9,9 % de langue russe, 4,1 % de langue bulgare, 3,8 % de langue moldave/roumaine, 1,3 % de langue ukrainienne et 0,5 % d'une autre langue maternelle[1]. Le russe est, officiellement, « langue de communication interethnique » et une des langues d'enseignement[2].

    Les Gagaouzes (en turc : Gök-Oğuz « Oghouzes bleus/célestes ») sont une population initialement turcophone, largement russifiée durant les XIXe et XXe siècles et culturellement distincte des Turcs : elle est chrétienne orthodoxe et sa langue est très proche de la langue turque parlée en Anatolie, mais imprégnée de mots bulgares et roumains.

    La ville de Comrat est la capitale de la région autonome, avec près de 15 % de la population de la région (20 113 habitants en 2014)[3].

    Histoire

    Carte de la Gagaouzie avec les trois dolay de Comrat, Ceadîr-Lunga et Vulcănești ; les noms figurent en roumain, gök-oğuz, et russe translittéré en caractères latins.
    Panneau marquant l'entrée dans le territoire autonome de Gagaouzie.

    Jusqu'en 1812, les Gökoğuz (« Oghouzes du ciel bleu » en turc), Гаговцъ (Gagovtsy) en bulgare (et russe), Găgăuți en roumain, vivaient dans la région de Dobroudja au Sud des bouches du Danube, dépendaient religieusement de l'exarchat de Brăila du Patriarcat de Constantinople et utilisaient l'alphabet grec pour transcrire leur langue. Cette année-là, à la suite de l'annexion par l'Empire russe du Boudjak situé au nord des bouches du Danube (au traité de Bucarest), un échange de populations eut lieu : les Tatars et les Turcs du Boudjak, musulmans, furent expulsés vers la Dobroudja restée ottomane (aujourd'hui partagée entre la Roumanie et la Bulgarie) tandis que des Gagaouzes et des Bulgares de Dobroudja, orthodoxes, vinrent s'installer à leur place dans le Boudjak, dans la nouvelle province russe de Bessarabie (aujourd'hui partagée entre la Moldavie et l'Ukraine)[4].

    Là, les Gagaouzes relevaient désormais (et jusqu'à nos jours) du Patriarcat de Moscou. Des écoles en langue russe furent ouvertes pour eux et en 1895, une variante de l'alphabet cyrillique fut créée par Mihail Çakir pour leur langue. Petit à petit, la langue turque gök-oğuze a reculé face au russe et au bulgare, sans disparaître pour autant. C'est pourquoi le nombre de Gagaouzes, dans les recensements russes et roumains des XIXe et XXe siècles, fluctue souvent, les Gagaouzes étant parfois comptés comme Bulgares ou comme Russes. En 1918, lorsque la république démocratique moldave nouvellement proclamée s'unit à la Roumanie, les Gagaouzes passèrent à l'alphabet roumain, puis à l'alphabet Çakir latin, pour finalement repasser, après l'annexion de la région par l'URSS en 1940, à l'alphabet cyrillique (sous divers formes, russe ou moldave). Aujourd'hui, ils utilisent l'alphabet gagaouze moderne, proche de celui utilisé par le turc.

    Revendications gagaouzes sur le territoire moldave, formulées par Stepan Topal en 1991.

    En 1990, alors que les roumanophones moldaves revendiquent la réunification avec la Roumanie et la fin du communisme soviétique, des émissaires des cercles conservateurs soviétiques convainquent Stepan Topal, le leader de la communauté, de proclamer unilatéralement une République de Gagaouzie dont la revendication essentielle est de rester membre de l'URSS au cas où la Moldavie s'en détacherait (la République gagaouze ne s'étend qu'en Moldavie, alors qu'il y a également des villages à majorité gagaouze en Ukraine, juste de l'autre côté de la frontière). Effectivement, lorsque le 19 août 1990[5] , la Moldavie proclame son indépendance, Stepan Topal et l'assemblée des soviets ruraux à majorité gagaouze proclament également la leur. Mais entre-temps les dirigeants ex-soviétiques ont renoncé à l'idée de maintenir l'URSS, et alors que la Moldavie est internationalement reconnue, même par la Russie, la République de Gagaouzie n'est reconnue par personne, et se retrouve isolée. Or, contrairement à la Transnistrie (qui avait suivi la même politique), la Gagaouzie ne disposait d'aucun atout industriel ou stratégique : ni centrale hydroélectrique, ni usines d'armement, ni contrôle des voies de communication vers Odessa. Son seul atout économique était l'exportation de tabac. Aussi, Stepan Topal, contrairement à son homologue transnistrien Igor Smirnov, dut-il renoncer à l'indépendance et accepter un statut d'autonomie au sein de la Moldavie[6].

    Les négociations ont abouti et le Parlement moldave a officiellement reconnu l'autonomie de la Gagaouzie en décembre 1994. Les dénominations Gagovtsy (Гаговцъ) devenue péjorative et Gökoğuz jugée trop proche du nationalisme turc, ont alors été remplacées par celles de Гагау́зы ou Găgăuzi et de Гагау́зия ou Găgăuzia désormais politiquement correctes. Le 25 juillet 2003, la loi no 344-XV a modifié l'article 111 de la Constitution moldave, en élargissant l'autonomie de l'UTAG.

    Toutefois, ce compromis reste fragile car chaque tentative de la Moldavie de se rapprocher de l'Union européenne suscite des réactions du Kremlin à travers les dirigeants transnistriens et gagaouzes qui déclarent alors vouloir se rattacher à la Russie ou s'en rapprocher, et organisent des référendums ad hoc donnant toujours les mêmes résultats anti-européens[7]. Le par exemple, en réponse aux négociations de la Moldavie avec l’Union européenne en vue de signer un accord d'association, une forte majorité de Gagaouzes se sont une fois de plus prononcés par référendum contre l'intégration de leur région dans cet accord et pour une adhésion à l'Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan afin de séparer la Gagaouzie de la Moldavie[8],[9], ce qui n'a pas empêché plus tard la Gagaouzie d'adhérer, plus discrètement, non seulement à l'accord d'association, mais aussi à l'Eurorégion Siret-Prut-Nistre à cheval sur la Moldavie et la Roumanie. Depuis, son développement économique en fait une région des plus actives en Moldavie, avec des cultures diversifiées et des échanges commerciaux internationaux intenses, dans l'augmentation desquels les capitaux turcs, via l'Organisation de coopération économique de la mer Noire, jouent un rôle important.

    Chronologie

    Dates clés dans l'histoire de la Gagaouzie

    • 1812 : venus de Dobrogée des Gök-Oğuz et des Bulgares s'installent dans le sud de la Bessarabie après son annexion par la Russie : ils y remplacent les Tatars partis s'installer en Dobrogée.
    • 1856 : à la suite de la défaite russe lors de la guerre de Crimée, la région repasse sous administration de la principauté de Moldavie (qui s'unit en 1859 à la principauté de Valachie pour former la Roumanie).
    • 1878 : la Russie regagne les zones perdues en 1856 à la suite du Congrès de Berlin[10].
    • 1906 : insurrection paysanne liée à la révolution de 1905 ; République de Comrat.
    • 1907 : premiers livres en langue gagaouze publiés sous l'impulsion de Mihail Çakir.
    • 1917 : les députés Gagaouzes au Sfatul Țării de Bessarabie votent l'indépendance de la première République démocratique moldave, et quelques mois après, son rattachement à la Roumanie.
    • Seconde Guerre mondiale : le territoire de la Gagaouzie est annexé par l'URSS en juin 1940 et divisé entre les républiques socialiste soviétiques moldave et ukrainienne. Le clergé et les lettrés gagaouzes sont déportés sous l'accusation de « collusion avec le pouvoir monarchique et fasciste roumain ».
    • 1946-1947 : La famine soviétique de 1946-1947 voit la moitié de la population gagaouze disparaître. Les survivants, en Moldavie comme en Ukraine, prennent désormais soin d'être des citoyens soviétiques modèles. Des kolkhozes tabatiers et viticoles voient le jour. La région y trouve une relative prospérité.
    • 1988 : dans le contexte de la glasnost et de la perestroïka, les moldaves commencent à revendiquer leur auto-détermination : les Gagaouzes, alors dirigés par Stepan Topal, en font autant.
    • 1989 : le roumain devient langue officielle de la Moldavie, ce qui est perçu comme discriminatoire par les partisans de Stepan Topal (d'autres, plus âgés, s'y rallient).
    • 1991 : la République de Gagaouzie indépendante est proclamée par Stepan Topal dans les communes moldaves où les Gagaouzes sont majoritaires (le mouvement ne touche pas les villages gagaouzes d'Ukraine).
    • 1994 : la Moldavie renonce à revendiquer sa roumanophonie, la langue est officiellement appelée moldave et la Gagauz Yeri devient une région autonome de Moldavie. Le gouvernement turc propose à Stepan Topal de se rattacher à l'Église orthodoxe turque du patriarche Eftim III (qui serait ainsi passé d’une quarantaine de fidèles à près de 120 000). Stepan Topal lui rend visite aux frais du gouvernement turc. Mais lorsqu'Eftim III demande l’envoi de 100 familles gagaouzes et de 4 prêtres à Istanbul afin de constituer une vraie communauté, Stepan Topal ne peut accepter, compte tenu des obligations héritées de son passé soviétique : maintenir la pression russe sur le gouvernement nouvellement indépendant de la Moldavie, afin que le nouvel État moldave ne quitte pas la sphère d’influence de Moscou ou, s’il la quittait, que ce soit sans la Gagaouzie (et sans la Transnistrie)[11]. C’est pourquoi, même si leur rattachement au Patriarcat orthodoxe turc est régulièrement évoqué par la presse nationaliste turque, les Gagaouzes sont tous restés fidèles au Patriarcat de Moscou.
    • 1995 : les élections de l'assemblée nationale de la région de Gagaouzie se tiennent. Le conflit de cinq années entre la Moldavie et la Gagaouzie se termine officiellement.
    • Depuis lors, toutes les élections donnent une majorité de plus 90% aux partis pro-russes communiste et socialiste. Après Stepan Topal, les başkans (gouverneurs) de la Gagaouzie ont été Mihail Formuzal puis Irina Vlah issus de ces partis.

    Politique

    Depuis l'autonomie acquise en 1994 et les premières élections de l'année suivante dans la nouvelle région autonome, la Gagaouzie est dotée d'un chef de l'exécutif et d'une assemblée législative propre en la personne d'un gouverneur de Gagaouzie (Başkan) élu au scrutin universel direct pour un mandat de quatre ans[12] et d'une Assemblée populaire de Gagaouzie de 35 sièges, renouvelée tous les quatre ans au scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans autant de circonscriptions uninominales[13].

    Notes et références

    1. (ro) « Caracteristici - Populație 1 (populația pe raioane, sexe, vârste, etnie, limba maternă, limba vorbită) », sur statistica.md.
    2. (ro) « Municipiul Comrat, UTA Găgăuzia », sur recensamint.statistica.md (consulté le ).
    3. (ro) Gidó Attila, Cronologia minorităţilor naţionale din România : Vol. II Macedoneni, polonezi, ruşi lipoveni, ruteni, sârbi, tătari şi turci, Editura Institutului Pentru Studierea Problemelor Minoritatilor Nationale, , 376 p. (ISBN 978-606-8377-21-6, lire en ligne).
    4. « Gagaouzie », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le )
    5. Jean-Baptiste Naudet : URSS, le rêve turc des Gagaouzes, Le Monde, 28 mars 1991.
    6. Béranger Dominici, « Moldavie : la Transnistrie fait un pas de plus vers l'union avec la Russie », sur Le courrier des Balkans, (consulté le ).
    7. (en) « Gagaouzie : Gagauzia Voters Reject Closer EU Ties For Moldova », sur Radio Free Europe avec ITAR-TASS, Pan.md, and Interfax, (consulté le ).
    8. « Référendums en Gagaouzie (Moldavie) », sur Elections en Europe, (consulté le ).
    9. Florent Parmentier, « La Gagaouzie et les Gagaouzes : portrait d’une minorité turcophone », sur Portail francophone de la Moldavie (consulté le ).
    10. Jean-Baptiste Naudet, « URSS, le rêve turc des Gagaouzes », Le Monde, 28 mars 1991
    11. (en) « Elections of the Governor (Bashkan) of Gagauzia (Gagauz Yeri) », sur E-democracy.
    12. (en) « Elections to the People’s Assembly (Halk Toplusu) of Gagauzia (Gagauz Yeri) », sur E-democracy.

    Voir aussi

    Bibliographie

    • Marianne Paul-Boncour et Patrick de Sinety, Voyage au pays des Gagaouzes, Paris, éd. Cartouche, coll. « Voyage au pays des... », , 143 p. (ISBN 978-2-915842-18-0).

    Articles connexes

    Liens externes

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