Géopolymère

Les géopolymères sont la réciproque des polymères organiques, soit des polymères inorganiques. À la place de dérivés du pétrole et de la chaîne carbonée, on utilise de la matière minérale par exemple composée de silice et d’alumine (voire des déchets industriels) et un liant minéral. Leur polymérisation peut s'effectuer à température ambiante ou peu élevée (20 à 120 °C selon Davidovits).

Cette géosynthèse produit des matériaux aux propriétés pour partie similaires aux plastiques (moulables, plus ou moins extrudables), mais sans utilisation de solvant dangereux, naturellement incombustibles, voire très résistant au feu[1], et ne dégagent pas de gaz ni fumées toxiques. Comme une pierre, ils résistent aux agressions chimiques, à l’érosion du temps et permettent une production non polluante. Comme les polymères organiques, ils peuvent être renforcés, par exemple par des fibres de carbone[2].

Les matières premières utilisées sont principalement des minéraux d'origine géologique, d'où le nom « géopolymère ». Joseph Davidovits a inventé le terme en 1978[3] dans le cadre de recherches qu'il a commencé en 1972 et qui ont notamment conduit à la création en France d'un « Institut Géopolymère » (association loi de 1901).

Classification

Selon Yen T.F.[4], les géopolymères peuvent être classés en deux grands groupes :

  • les géopolymères entièrement inorganiques ;
  • les géopolymères contenant une certaine quantité d'organique et qui sont les analogues synthétiques de macromolécules naturelles.

Dans l'exposé qui suit, un géopolymère est essentiellement un composé chimique minéral ou un mélange de composés constitués de motifs, par exemple silico-oxyde (-Si-O-Si-O-), silico-aluminate (-Si-O-Al-O-), le ferro-silico-aluminate (-Fe-O-Si-O-Al-O-) ou aluminophosphate (-Al-O-P-O-), créés par un processus de géopolymérisation[5]. Cette synthèse minérale (géosynthèse) fut présentée lors d'un symposium IUPAC en 1976[6]. Cependant, très souvent, les scientifiques prennent comme référence de départ la publication faite en 1991[7].

Microstructure

La microstructure des géopolymères est essentiellement dépendante de la température :

  • elle est amorphe aux rayons X à température ambiante ;
  • mais évolue en une matrice cristalline à des températures supérieures à 500 °C[8],[9],[10].

Voies de synthèse

On en distingue généralement deux  :

  1. en milieu alcalin : (Na+, K+, Li+, Ca++, Cs++, etc.);
  2. en milieu acide avec de l'acide phosphorique et les acides humiques.

La voie alcaline est la plus importante en termes d'applications R&D et commerciales et est décrite ci-dessous. Des détails sur la voie acide se trouvent dans les références[11],[12],[13],[14].

Définition scientifique

Parmi les géopolymères, ceux basés sur les aluminosilicates sont désignés sous le terme « poly(sialate) », qui est une abréviation de poly(silico-aluminate) ou (-Si-O-Al-O-)n (où n est le degré de polymérisation). La structure chimique de la Fig. 1 montre un géopolymère poly(sialate-siloxo) résultant d'une géosynthèse d'acide poly(silicique) (SiO2)n et d'aluminosilicate de potassium, en milieu alcalin (KOH, NaOH). Dans cette structure, le groupement sialate (Si-O-Al-O-) est un agent de réticulation.

  • Exemples de polycondensation vers un poly(sialate) et un poly(sialate-siloxo), à partir de métakaolin MK-750, voir Fig. 2[15].

On pense que le mécanisme de la synthèse géochimique se fait par l'intermédiaire d'oligomères (dimère, trimère) qui constituent les véritables groupements structuraux unitaires formant la structure macromoléculaire tridimensionnelle, selon les schémas de la Fig. 3.

Usages

Depuis le début du XXe siècle des mâchefers et cendres volantes (déchet industriel) étaient parfois introduits dans le ciment (procédé qui sera ensuite proposé pour des géopolymères[16]). Et en 1992 (année du Sommet de Rio) Davidovitz proposait de remplacer les procédés classiques de production du ciment au profit de la production de géopolymères moins énergivores, moins polluants et notamment beaucoup moins émetteurs de gaz à effet de serre[17].

Des zéolites ont été synthétisées, mais pour servir de catalyseur à la chimie organique[18], et non pour en faire un matériau de construction. Selon Davidovitz, une analyse des banques de données sur les brevets montrent que avant 1978 ce dernier usage semble avoir été négligé[19].

Des géopolymères (ciments géopolymèriques (K,Ca)-Poly(sialate-siloxo)) ont été proposés (1999) comme matrice minérale pour fixer des déchets toxiques boueux, dont potentiellement plusieurs types de déchets radioactifs afin de les stocker[20]. Des tests (Procédé GEOPOLYTEC) ont été faits avec des eaux provenant de mines d'uranium (plusieurs tonnes de boues radioactives provenant du traitement des eaux de la mine d'uranium de Schlema-Alberoda de la société Wismut ont ainsi été solidifiées en 1998) et des boues de bassin de décantation contaminées par des produits organiques et/ou des métaux lourds ont aussi été ainsi efficacement inerté, sans les énormes consommations d'énergies nécessaires à la vitrification. Selon un article de Hermann, E., Kunze, C., Gatzweiler, R., Kiebig, G., & Davidovits, J. (1999) le Procédé GEOPOLYTEC permet de « réduire les coûts de manutention, d’opération et de fermeture des décharges, le coût total de l’opération est identique à celui de la méthode conventionnelle au ciment Portland, mais en plus le procédé fournit des caractéristiques finales dont les performances sont identiques à la vitrification »[20].

Ces nanomatériaux géopolymères sont maintenant utilisés dans des céramiques, des matériaux composites de haute technicité pour l’industrie automobile, aéronautique et la défense, dans des peintures anti-feu, thermodurcissables, sans solvant organique pour le bois et le métal, des biomatériaux pour prothèses osseuses, des membranes de piles à combustible et des nouveaux ciments écologiques sans dégagement de gaz à effet de serre, aux caractéristiques proches d’une pierre naturelle.

Principales applications

  • Résines et liants géopolymères.
  • Ciments géopolymères.
  • Matériaux stables au feu et à haute température.
  • Art, archéologie et histoire des techniques.

Le rapport atomique Si:Al dans la structure poly(sialate) détermine les propriétés et le champ d'application.

  • Un ratio faible de Si:Al (1,2,3) instaure un réseau 3D qui est très rigide.
  • Un ratio élevé Si:Al, plus grand que 15, fournit un caractère polymère au matériau géopolymère.

Voir Fig. 4.

Notes et références

  1. Cheng T.W & Chiu J.P (2003) Fire-resistant geopolymer produced by granulated blast furnace slag. Minerals engineering, 16(3), 205-210.
  2. Lin T, Jia D, He P, Wang M & Liang D (2008) Effects of fiber length on mechanical properties and fracture behavior of short carbon fiber reinforced geopolymer matrix composites. Materials Science and Engineering: A, 497(1-2), 181-185 (résumé).
  3. J. Davidovits, The Need to Create a New Technical Language For the Transfer of Basic Scientific Information, in Transfer and Exploitation of Scientific and Technical Information, Proceedings of the symposium, Luxemburg, 10–, p. 316-320. It is available as a pdf-file and may be downloaded from the European Parliament Bookshop. Go to <http://bookshop.europa.eu/en/transfer-and-exploitation-of-scientific-and-technical-information-pbCD3381271/> and click on download.
  4. Kim D., Lai H.T., Chilingar G.V., Yen T.F. (2006), Geopolymer formation and its unique properties, Environ. Geol, 51[1], 103–111.
  5. Voir http://www.geopolymer.org/science/introduction
  6. [PDF] #20 Milestone paper IUPAC 76 à
  7. Davidovits, J., (1991), Geopolymers: Inorganic Polymeric New Materials, J. Thermal Analysis, 37, 1633–1656. Existe en [PDF] #12 en langue anglaise dans la Library, Geopolymer Institute,
  8. Zoulgami M., Lucas-Girot A., Michaud V., Briard P., Gaudé J. et Oudadesse H. (2002), Synthesis and physico-chemical characterization of a polysialate-hydroxyapatite composite for potential biomedical application, Eur. Phys. J. AP, 19, 173-179.
  9. Kriven W.M., Bell J., Gordon M. (2003), Microstructure and Microchemistry of Fully-Reacted Geopolymers and Geopolymer Matrix Composites, Ceramic Transactions, 153, 227–250
  10. Perera D.S. et Trautman R.L. (2005), Geopolymers with the Potential for Use as Refractory Castables, Advances in Technology of Materials and Materials Processing, 7[2], 187–190.
  11. Wagh, A.S. (2004), Chemically Bonded Phosphate Ceramics – A Novel Class of Geopolymers, Proceedings of the 106th Ann. Mtg. of the American Ceramic Society, Indianapolis.
  12. chap. 13, Phosphate-based Geopolymers, in J. Davidovits' book Geopolymer Chemistry and Applications
  13. Perera D.S., Hanna J.V., Davis J., Blackford M.G., Latella B.A., Sasaki Y. et Vance E.R. (2008), Relative strengths of phosphoric acid-reacted and alkali-reacted metakaolin materials, J. Mater. Sci., 43, 6562–6566.
  14. Cao D., Su D., Lu B. et Yang Y. (2005), Synthesis and structure characterization of geopolymeric material based on metakaolinite and phosphoric acid, Journal Chinese Ceramic Society, 33, 1385–89.
  15. Voir la réf. no 5
  16. Abdullah, M. M. A., Hussin, K., Bnhussain, M., Ismail, K. N., & Ibrahim, W. M. W. (2011). Mechanism and chemical reaction of fly ash geopolymer cement-A review. Int. J. Pure Appl. Sci. Technol, 6(1), 35-44.
  17. <Davidovits J (1993) Geopolymer cements to minimise carbon-dioxide greenhouse-warming. Ceram. Trans., 37, 165-182.
  18. Breck DW (1974), Zeolite Molecular Sieves, J Wiley & Sons ed, New-York
  19. Davidovits J (2008) Geopolymer: room-temperature ceramic matrix for composites. In Proceedings of the 12th Annual Conference on Composites and Advanced Ceramic Materials, Part (Vol. 1, pp. 835-41).
  20. Hermann, E., Kunze, C., Gatzweiler, R., Kiebig, G., & Davidovits, J. (1999). Solidification of various radioactive residues by geopolymere with special emphasis on long term stability. Proceedings of Géopolymère, 211-228.

Note : l'article sur Wikipédia (en) Geopolymer contient de nombreuses informations complémentaires.

Voir aussi

Bibliographie

Lien externe

  • Portail de la chimie
  • Portail des sciences des matériaux
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.