Frédéric Bastiat

Frédéric Bastiat, né le à Bayonne et mort le à Rome, est un économiste, homme politique et magistrat Français. Rattaché à l'école libérale française, il est entré tardivement dans le débat public, il marque la France du milieu du XIXe siècle en prenant part aux débats économiques : il collabore régulièrement au Journal des économistes et entretient une polémique virulente avec Proudhon. Élu à l'Assemblée, il participe à la vie politique française en votant tantôt avec la gauche, tantôt avec la droite.

Il développe une pensée libérale, caractérisée par la défense du libre-échange ou de la concurrence et l'opposition au socialisme et au colonialisme. Il est considéré comme un précurseur de l'école autrichienne d'économie et de l'école des choix publics[1]. Au XXe siècle, il est abondamment cité par le courant minarchiste.

Tombé dans un oubli relatif en France, il bénéficie en revanche d'une renommée internationale, en particulier grâce à ses Harmonies économiques.

Biographie

D’une famille originaire de Mugron, où il vit la plus grande partie de sa vie, il est le fils de Pierre Bastiat, un négociant aisé, qui faisait le commerce avec l’Espagne[2], qui meurt alors qu’il avait 9 ans. Sa mère étant morte deux ans plus tôt, il vit alors chez ses grands-parents paternels. Sa tante Justine le retire du collège de Saint-Sever, où elle l’avait d’abord placé, pour l’envoyer, en 1814, à la prestigieuse école de Sorèze qui, jouissant alors d’une réputation datant du milieu du XVIIIe siècle, recevait, chaque année, près de quatre cents élèves d’Espagne, d’Italie, d’Angleterre, de Hollande, de Pologne, de Grèce, des États-Unis[3].

Il quitte l'école à 17 ans pour s’essayer, sans grand succès, au commerce, d’abord dans la maison de son oncle, puis à l’agriculture dans le domaine de Mugron, dont la mort de son grand-père l’avait rendu propriétaire, en 1825[2]. Selon Thomas DiLorenzo, cette expérience lui permettra de bien connaître les mécanismes essentiels de l’économie de marché[4]. Sheldon Richman constate également qu'il grandit dans le contexte des guerres napoléoniennes marquées par un fort interventionnisme étatique[5]. Dans les années 1820, il entre dans la franc-maçonnerie, à la loge La Zélée, dont il devient le garde des sceaux, en 1822, et l'orateur, en 1823[6].

Dans sa jeunesse, il lit le Censeur européen, journal créé par Charles Dunoyer, qui donne, selon ses propres termes, la direction de ses études et de son esprit[Note 1].

Économiste et pamphlétaire, sa carrière publique dure à peine six ans : galvanisé par les succès de la ligue libre-échangiste de Manchester, il suit leur exemple et envoie au Journal des économistes un premier article, intitulé « De l’influence des tarifs français et anglais sur l’avenir des deux peuples ». Cet article, paru en 1844, ayant fait sensation, on lui en a réclamé d’autres, et ainsi est né la série d’articles publiée, par la suite, sous le nom de Sophismes économiques. En même temps, il publie son premier ouvrage, intitulé Cobden et la Ligue et monte à Paris pour se faire imprimer[2]. En 1846, il est élu membre correspondant de l'Institut de France.

Dans la capitale, il devient bientôt l’adversaire le plus actif et le plus redouté de la politique protectionniste. Il devient secrétaire général de l’Association pour la liberté des échanges, créée à Paris en 1816[Note 2], qui a pour organe le Libre-Échange, qu’il a créé et dont il est le rédacteur en chef. La révolution de février obligea les économistes français, en général, et Bastiat en particulier à s’opposer au socialisme, Bastiat a été de ceux qui l’ont combattu, il tenta de réfuter tour à tour Louis Blanc, Victor Considerant, Pierre Leroux, Proudhon, etc. dans plusieurs ouvrages dans lesquels il combat à la fois le socialisme et le système prohibitif[2].

Buste de Bastiat à Mugron.

Élu député des Landes en 1848 à l'Assemblée constituante, il est réélu en 1849. Soutien du pouvoir en place, il se range aux côtés de Cavaignac[7]. Il goûte peu aux questions de politique pure pour ne s'intéresser qu'à l'économie : à l'Assemblée, il devient vice-président de la commission des finances. Siégeant à gauche, il vote, selon le projet de loi discuté, pour les conservateurs ou pour les socialistes[7]. Cela ne voulait pas dire qu’il était centriste ou social-démocrate, cela signifiait que son seul critère de jugement était la liberté naturelle. Il s'en justifie notamment dans une profession de foi électorale de 1849 : « On a rapproché mes votes de ceux de l'extrême gauche. Pourquoi n'a-t-on pas signalé aussi les occasions où j'ai voté avec la droite[Note 3] ? »

À l'Assemblée et en dehors, il n'a de cesse de combattre le protectionnisme et le socialisme, ainsi que de promouvoir le libre-échange et les droits de l'individu. Il est en particulier l'un des plus fervents défenseurs des idées de Richard Cobden et les ligues anti Corn Laws. Sa première contribution au Journal des économistes est d'ailleurs en défense du libre-échange, fustigeant les politiques colonialistes[Note 4]. Il créa l'Association pour la liberté des échanges et écrit un livre sur Richard Cobden.

Il avait été également conseiller général à partir de 1831 et juge de paix du au . Durant le tour de France qu'il avait entrepris pour promouvoir les idées libérales, il contracte la tuberculose[8].

Ne pouvant plus siéger régulièrement à l'Assemblée, il part en Italie pour tenter de se rétablir et meurt à Rome en 1850, déclarant sur son lit de mort que son ami Gustave de Molinari est son fils spirituel. Il est inhumé en l'église Saint-Louis-des-Français de Rome. Un monument lui a été érigé dans sa ville natale, le . Il avait fait un mariage malheureux, le .

Pensée

La pensée de Bastiat est une pensée fondamentalement individualiste et libérale qui défend de manière constante la liberté de l'individu face à toute autorité :

« Il y a trop de grands hommes dans le monde ; il y a trop de législateurs, organisateurs, instituteurs de sociétés, conducteurs de peuples, pères des nations, etc. Trop de gens se placent au-dessus de l'humanité pour la régenter, trop de gens font métier de s'occuper d'elle. »

 Frédéric Bastiat, La Loi (1850)

Dans une lettre à Alphonse de Lamartine[Note 5], il se range sous la bannière de l'école économiste ou libérale, aux côtés d'Adam Smith, David Ricardo, Thomas Malthus, John Stuart Mill, Thomas Jefferson, Jeremy Bentham, Nassau William Senior, Richard Cobden, George Thompson, William Huskisson, Robert Peel, Destutt de Tracy, Jean-Baptiste Say, Charles Comte, Charles Dunoyer, Joseph Droz.

Frédéric Bastiat mentionne d'ailleurs régulièrement Adam Smith et Jean-Baptiste Say, comme les économistes qui ont nourri sa pensée, bien qu'il soit très critique à l'égard de leurs théories de la valeur et des conséquences qui en découlent. Plus proches de lui, il cite également, à maintes reprises, Charles Comte et Charles Dunoyer (les fondateurs du journal le Censeur) sur lesquels il ne tarit pas d'éloges.

Frédéric Bastiat sera également influencé par Henry Charles Carey sur les questions de rente foncière. Carey accusera l'auteur des Harmonies économiques, d'avoir plagié son ouvrage Harmonies des intérêts, accusation dont Bastiat se défend dans une lettre adressée au Journal des Économistes[Note 6]. À l'instar de Carey, Bastiat se montrera critique envers la théorie de la rente foncière de David Ricardo qui procède, selon Bastiat, de sa théorie erronée de la valeur.

D'une forte indépendance d'esprit, Bastiat déplore l'absence d'esprit critique de ses contemporains face aux « grands » auteurs. Il n'hésite d'ailleurs pas à mettre en cause des autorités reconnues tel que Platon, Montaigne, Montesquieu, Jean-Jacques Rousseau, Fénelon ou Thomas More. il déplore également  probablement sous l'influence de Charles Comte  la trop grande admiration envers les sociétés antiques (Grèce et Rome) dont l'économie était en grande partie basée sur le pillage et l'esclavage.

Frédéric Bastiat rédige de nombreux textes qui sont en fait des réponses aux doctrines de ses contemporains. Dans ses Sophismes économiques, il répond aux idées protectionnistes du comte d'Argout, de Bugeaud, Saint-Cricq, Dupin, Dombasle ou Lestiboudois.

Il s'attaque aux théories de Louis Blanc avec Individualisme et Fraternité et Propriété et Loi, de Victor Considerant avec Propriété et Spoliation, de Pierre Leroux avec Justice et Fraternité, de Pierre-Joseph Proudhon avec Capital et Rente, de Auguste Mimerel avec Protectionnisme et Communisme ou des montagnards avec l'État.

Sophismes économiques

L'œuvre de Bastiat, et notamment son ouvrage Sophismes économiques[9], dénonce précisément les sophismes économiques, c’est-à-dire les raisonnements économiques erronés, qui sont vecteurs de préjugés répandus, pour les réfuter par une analyse et un plaidoyer libéral.

Défense du libre-échange

Dans un style très direct, ses écrits (articles ou pamphlets) manient les comparaisons pédagogiques et les fables satiriques. Ils débusquent les principaux mythes ou sophismes entretenus autour de l'État (« cette grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde »), du socialisme (« la spoliation légale »), de la richesse (« le profit de l'un est le profit de l'autre »), de la solidarité (« il m'est tout à fait impossible de concevoir la Fraternité légalement forcée, sans que la Liberté soit légalement détruite, et la Justice légalement foulée aux pieds »), de l'impôt, de l'interventionnisme, etc. Il sait également rédiger des pamphlets ou conduire la polémique, en particulier contre Proudhon avec lequel il entretient une controverse durant 13 semaines dans le journal La voix du peuple.

La satire la plus célèbre de Bastiat (qui vise le protectionnisme) est sa Pétition des fabricants de chandelles[10], qui demandent à être protégés « de la compétition ruineuse d'un rival étranger », qui leur livre une « concurrence déloyale en fournissant sa lumière à des prix trop bas » (ce fournisseur est… le Soleil !) Cette pétition s'achève par la demande d'une « loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, […] par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons. »

Concernant le libre-échange, il défend le libre-échange réciproquement choisi et montre également comment il est plus intéressant de pratiquer le libre-échange, même face à des pays protectionnistes. Toute protection est spoliatrice pour Bastiat, alors qu'à l'inverse le libre-échange permet un effet multiplicateur de richesses.

Le consommateur au cœur de l'économie

Il se place du côté de l'individu consommateur et non du producteur (théorie de l'abondance contre théorie de la disette). Selon Jacques Garello, c'est le seul économiste du XIXe siècle avec Richard Cobden à préfigurer les théories du consommateur développées au XXe siècle par Ludwig von Mises, Friedrich Hayek ou Pascal Salin[11].

L'action de l'État

  1. Bastiat a une vision minimaliste de l’État, qui doit seulement assurer la justice et la sécurité et laisser les individus interagir librement : « Veiller à la sécurité publique, administrer le domaine commun, percevoir les contributions, tel est, je crois, le cercle rationnel dans lequel doivent être circonscrites ou ramenées les attributions gouvernementales… Quoi dira-t-on, vous voulez réduire le gouvernement au rôle de juge ou de gendarme[Note 7] ? » ; « n’attendre de l’État que deux choses : liberté, sécurité. Et bien voir que l’on ne saurait, au risque de les perdre toutes deux, en demander une troisième ».
  2. Il se positionne également pour une armée privée régie par des règles publiques[12].
  3. Il développe à d'autres reprises cette thèse selon laquelle l’action étatique est le résultat des demandes des groupes de pression. On lui doit ainsi la citation célèbre à propos de l’État[13]: « L’État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ».
  4. En matière économique, il insiste souvent sur la distinction entre « ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas » (on parlerait aujourd'hui des coûts cachés, des coûts d’opportunité ou des effets pervers). Ce thème, élargi pour critiquer l'activité interventionniste de l’État, est développé à l'origine dans sa parabole du Sophisme de la vitre cassée[14].

« L’argent dépensé pour réparer une fenêtre cassée apportera du travail au réparateur ; ce dernier pourra augmenter ses dépenses, ce qui produira plus d’affaires pour d'autres. Ce qu’on ne voit pas ici, c'est que l’argent aurait aussi été dépensé, et simplement autrement, si la fenêtre n'avait pas été cassée. La fenêtre cassée a seulement détourné de l’argent vers d’autres dépenses. »

Selon Bastiat, un État peut agir parfois de la sorte en prenant aux plus actifs pour subventionner des groupes d’intérêt, des associations corporatistes ou assister les inactifs. Il souligne que cela ne créera jamais de richesses pour la société, et même que cela en détruira probablement.

Conception subjective de la valeur

Il a développé une conception subjective de la valeur dans la lignée de Jean-Baptiste Say et de Turgot et en opposition aux travaux d’Adam Smith ou de David Ricardo, qui recherchaient un fondement objectif de la valeur à travers la valeur-travail. L’École autrichienne d'économie reprendra cette veine subjective dans ses travaux. À de nombreux égards, Bastiat préfigure d’ailleurs cette école de pensée économique : théorie du capital, théorie subjective de la valeur, praxéologie, etc[15].

Frédéric Bastiat.

Sécurité sociale

Fervent défenseur des caisses de secours mutuel, il s'oppose avec force à toute nationalisation de ce système. Il est un des premiers à dénoncer les dérives possibles de la nationalisation des systèmes d'assurance maladie, déclarant, par exemple, dans ses Harmonies économiques :

« Supposez que le gouvernement intervienne. Il est aisé de deviner le rôle qu’il s’attribuera. Son premier soin sera de s’emparer de toutes ces caisses sous prétexte de les centraliser et, pour colorer cette entreprise, il promettra de les grossir avec des ressources prises sur le contribuable.
Mais, je le demande, que sera devenue la moralité de l’institution quand sa caisse sera alimentée par l’impôt ; quand nul, si ce n’est quelque bureaucrate, n’aura intérêt à défendre le fonds commun ; quand chacun, au lieu de se faire un devoir de prévenir les abus, se fera un plaisir de les favoriser ; quand aura cessé toute surveillance mutuelle et que feindre une maladie ce ne sera autre chose que de jouer un bon tour au gouvernement ? […]
Il nommera des vérificateurs, des contrôleurs, des inspecteurs, on verra des formalités sans nombre s’interposer entre le besoin et le secours. Bref, une admirable institution sera, dès sa naissance, transformée en une branche de police.
Les ouvriers ne verront plus dans la caisse commune une propriété qu’ils administrent, qu’ils alimentent, et dont les limites bornent leurs droits. Peu à peu, ils s’accoutumeront à regarder le secours, en cas de maladie ou de chômage, non comme provenant d’un fonds limité préparé par leur propre prévoyance, mais comme une dette de la société.
L’État se verra contraint de demander sans cesse des subventions au budget. Là, rencontrant l’opposition des commissions de finances, il se trouvera engagé dans des difficultés inextricables. Les abus iront toujours croissant, et on en reculera le redressement d’année en année, comme c’est l’usage, jusqu’à ce que vienne le jour d’une explosion.
Mais alors on s’apercevra qu’on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du droit, de la propriété, de la liberté et de la justice […][16]. »

Défenseur des droits

Il prend également part dans le débat d'idées en combattant la peine de mort, l'esclavage et en défendant le droit syndical. Ainsi, dans un discours sur la répression syndicale à l'Assemblée du , il déclare à propos de la législation interdisant le droit de grève :

« Vous avouez vous-mêmes que, sous l’empire de votre législation, l’offre et la demande ne sont plus à deux de jeu, puisque la coalition des patrons ne peut pas être saisie, et c’est évident : deux, trois patrons déjeunent ensemble, font une coalition, personne n’en sait rien. Celle des ouvriers sera toujours saisie puisqu’elle se fait au grand jour […][17]. »

Activité parlementaire

En tant que député, Frédéric Bastiat vota :

  • Pour le bannissement de la famille d'Orléans (26 mai 1848).
  • Contre le rétablissement du cautionnement de la presse (9 août 1848).
  • Contre les poursuites intentées à Louis Blanc (son adversaire sur le plan idéologique) (26 août 1848).
  • Contre le rétablissement de la contrainte par corps (prison pour dettes) (1er septembre 1848).
  • Pour l'abolition de la peine de mort (18 septembre 1848).
  • Contre l'abolition du remplacement militaire (à partir de 1804, les familles pouvaient négocier une somme devant notaire pour payer un remplaçant qui effectuait son service à la place de leur fils) (21 octobre 1848).
  • Pour l'ordre du jour en l'honneur de Cavaignac (25 novembre 1848).
  • Contre la réduction de l'impôt du sel (28 décembre 1848).
  • Pour l'interdiction des clubs politiques (21 mars 1849).
  • Contre la proposition Rateau (12 janvier 1849).
  • Contre les crédits de l'expédition de Rome (16 avril 1849).
  • Contre l'amnistie des transportés (2 mai 1849).

Influence et postérité

Il acquiert une importante notoriété en son temps, tant en France qu'à l'étranger. Ainsi, Gustave Flaubert d'écrire à George Sand le  : « Dans trois ans tous les Français peuvent savoir lire. Croyez-vous que nous en serons plus avancés ? Imaginez au contraire que, dans chaque commune, il y ait un bourgeois, un seul, ayant lu Bastiat, et que ce bourgeois-là soit respecté, les choses changeraient ! » Dans les mêmes années, le Cardinal Pecci, futur Léon XIII, dira de lui : « Un célèbre économiste français (Frédéric Bastiat) a exposé comme en un tableau les bienfaits multiples que l'homme trouve dans la société et c'est une merveille digne d'être admirée […][18],[19] ».

Actuellement, sa renommée et son influence sont plus importantes à l'étranger qu'en France, où il est relativement méconnu. Ainsi, jusqu’à récemment, on ne trouvait certaines de ses œuvres, pourtant écrites en français, que sur Internet et en anglais, dont La Loi, pourtant tiré à plus d'un million d'exemplaires et dont 15 000 exemplaires se vendent chaque année aux États-Unis[20]. Il est réputé avoir inspiré Margaret Thatcher et Ronald Reagan[21],[22]. Ce dernier dit même de lui qu'il est un de ses économistes préférés[23]. Margaret Thatcher cite Bastiat comme l'un des économistes l'ayant le plus influencée : « En me replongeant dans les écrits de Bastiat, j'ai découvert une défense de la liberté et de l'autonomie individuelle à la fois élégante et puissante », ou bien « Bastiat nous a rappelé que le sens du pouvoir va des individus vers le haut, et non de l'État vers le bas. C'est un message de tous les temps ». De même, Alain Madelin lui reconnaît une influence majeure : « Fondamentalement, Bastiat nous rappelle que la pensée libérale, avant d'être une pensée économique, est aussi et surtout une pensée philosophique, juridique et politique de la libération de l'homme […][24] ».

Nombre d'économistes se sont aussi construits dans la continuité ou en réaction à ses idées : dans ses réponses à Keynes, Friedrich Hayek cite régulièrement Bastiat tandis que Karl Marx critique les théories de l'économiste notamment dans la postface de la deuxième édition du Capital (1872) et dans les Théories sur la plus-value[25]. Aujourd'hui, la droite américaine, se disant opposée au tout État, s'y réfère volontiers[26].

Bastiat eut une influence sur l'économiste Francesco Ferrara que l'on surnomme le « Bastiat italien ». Le sociologue et économiste Vilfredo Pareto admira également le Français à ses débuts. Mais plus tard, dans Les Systèmes socialistes, il qualifiera le principe des intérêts harmoniques décrit par Bastiat dans les Harmonies économiques comme fort obscur. Pareto voulait alors développer une œuvre à prétention scientifique et mathématique, loin de toute opinion personnelle. Plus tard, l'économiste et historien Joseph Schumpeter rejoint son point de vue et écrit : « C’était un libre-échangiste musclé et un enthousiaste du laisser-faire, il connut une gloire soudaine grâce à un article brillant […] son nom aurait pu passer à la postérité comme celui d’un journaliste économique […] Mais les deux dernières années de sa vie […] il s’embarqua sur un travail de nature différente, dont un premier volume, les Harmonies économiques, fut publié en 1850 […]. Les déficiences de sa capacité de raisonnement, ou en tout cas de son pouvoir de manier l’appareil analytique de l’économie, le mettent hors de cour. Je ne soutiens pas que Bastiat était un mauvais théoricien, je soutiens que ce n’était pas un théoricien […] Je ne peux voir aucun mérite scientifique dans les Harmonies ». Karl Marx faisait en quelque sorte le même reproche à Bastiat quand il le qualifiait d'être « le représentant le plus plat […] de l’économie apologétique ». En effet l'œuvre de Bastiat est loin des méthodes scientifiques traditionnelles. Usant d'historiettes et d'exemples simplifiés, sa pédagogie est, en un sens, plus proche de celle d'un philosophe. Selon l'économiste américain Joseph Salerno (en), l’absence de scientificité reprochée par Pareto puis par Schumpeter à Bastiat est, en réalité, l’absence de scientisme ou de positivisme.

Dans les années 1970, le courant du minarchisme, aux États-Unis et au Canada, développe des thèses libérales et fait référence à la pensée de Bastiat (dans ses aspects les plus polémiques).

Un prix annuel[27], le prix Bastiat, est décerné en sa mémoire par le International Policy Network, récompensant un article de presse illustrant et défendant les libertés économiques et sociales.

Publications

Parmi ses ouvrages principaux, on trouve :

Il a également écrit un certain nombre de pamphlets, parmi lesquels :

Il a également laissé une importante correspondance, notamment avec F.C. Chevé, rédacteur pour La Voix du Peuple et avec Pierre Joseph Proudhon. Restent également des « mélanges », des essais épars et des ébauches diverses.

L'ensemble de ses écrits a été compilé en 1862-1864 par l'éditeur Guillaumin, dans une édition en 7 tomes :

  • Frédéric Bastiat, Œuvres complètes, 7 vol., Paris, Guillaumin et Cie, 1862-1864 (lire en ligne)
    • Tome premier : Correspondance et mélanges.
    • Tome deuxième : Le Libre-échange.
    • Tome troisième : Cobden et la Ligue ou L'agitation anglaise pour la liberté des échanges.
    • Tome quatrième : Sophismes économiques. Petits pamphlets. Contient : Sophismes économiques ; Propriété et loi ; Justice et fraternité ; L'État ; La Loi ; Propriété et spoliation ; Baccalauréat et socialisme ; Protectionnisme et communisme.
    • Tome cinquième : Sophismes économiques. Petits pamphlets. Contient : Spoliation et loi ; Guerre aux chaires d'économie politique ; correspondance avec F. C. Chevé et avec Pierre Joseph Proudhon ; Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas ; Abondance ; Balance du commerce ; Paix et liberté ou le budget républicain ; Discours sur l'impôt des boissons ; Discours sur la répression des coalitions industrielles ; Réflexions sur l'amendement de M. Mortimer-Ternaux ; Incompatibilités parlementaires.
    • Tome sixième : Harmonies économiques.
    • Tome septième : Essais, ébauches, correspondance.
  • Frédéric Bastiat, Œuvres économiques, Paris, PUF, coll. « Libre échange », , 217 p. (ISBN 2-13-037861-7)
  • Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas : Choix de sophismes et de pamphlets économiques (préf. Jacques Garello), Paris, Romillat, , 268 p., 18 cm (ISBN 978-2-87894-004-6, OCLC 491144169).
  • Frédéric Bastiat (préf. Michel Leter), Sophismes économiques, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque classique de la liberté », , 290 p. (ISBN 978-2-251-39038-3, présentation en ligne)
  • Frédéric Bastiat (préf. Michel Leter), Pamphlets, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque classique de la liberté », , 412 p. (ISBN 978-2-251-39049-9, présentation en ligne).
  • « Propriété et loi », Journal des économistes, avril-juillet 1848, t. 20, p. 177-191 lire en ligne sur Gallica.
  • « Justice et fraternité », Journal des économistes, avril-juillet 1848, t. 20, p. 310-327 lire en ligne sur Gallica.

Notes et références

Notes

  1. Voir la lettre à M. Dunoyer, consultable sur Wikisource.
  2. La première de ces associations s’était constituée à Bordeaux en février 1816.
  3. Voir la profession de foi électorale de 1849, consultable sur Wikisource.
  4. Son titre était De l'influence des tarifs français et anglais sur l'avenir des deux peuples. Il y explique pourquoi l'Angleterre, grâce à la liberté du commerce, dépassera bientôt la France, retardée par son protectionnisme.
  5. Voir la lettre à M. de Lamartine, consultable sur Wikisource.
  6. Voir la lettre au Journal des Économistes, consultable sur Wikisource.
  7. Voir les Harmonies économiques, consultable sur Wikisource.

Références

  1. Maurice Baslé, Histoire des pensées économiques, Paris, Sirey, coll. « Synthèse + », (notice BnF no FRBNF34341296), p. 108.
  2. Alfred de Foville, Léon Say (dir.) et Joseph Chailley (dir.), Nouveau Dictionnaire de l’économie politique, t. 1 : A — H, Paris, Guillaumin et Cie, , 2e éd. (lire en ligne), « Bastiat », p. 170-172.
  3. Pierre Ronce, Frédéric Bastiat : sa vie, son œuvre, Paris, Guillaumin, , iv-316 p., 18 cm (lire en ligne), p. 6.
  4. (en) Thomas J. DiLorenzo, « Frédéric Bastiat », sur le site du Mises Institute, (consulté le ).
  5. (en) Sheldon Richman, « Biographie de Frédéric Bastiat », sur econlib.org, (consulté le ).
  6. Marianne Payot, « Interview de Jean Crouzet, historien, auteur d'ouvrages sur la maçonnerie bayonnaise », sur l’Express, (consulté le ).
  7. « Dictionnaires des Parlementaires français de 1789 à 1889 », sur Assemblée nationale (consulté le ).
  8. (en) Bill Bonner (trad. Dean Russell), « Bastiat the prophet », The Law, Paris, Laissez Faire Books, (ISBN 978-0-98354-149-3, lire en ligne).
  9. « Sophismes économiques », sur un site de François-René Rideau (consulté le ).
  10. Sophismes économiques : Première série des Sophismes économiques (1re éd. 1845) (présentation en ligne, lire en ligne), chap. VII (« Pétition »).
  11. Jacques Garello, « Connaissez-vous Frédéric Bastiat ? », sur Les Échos, (consulté le ).
  12. Frédéric Bastiat, L'État : maudit argent, , 64 p. (lire en ligne)
  13. L’État, Journal des Débats, numéro du 25 septembre 1848.
  14. Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, Romillat, (1re éd. 1845), 286 pages p. (ISBN 978-2-87894-088-6), chap. I,Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas : L'économie politique en une leçon (5e édition), Guillaumin (Paris), (1re éd. 1845), 1 vol. (63 p.) ; in-32 (présentation en ligne, lire en ligne), chap. I (« La vitre cassée. »).
  15. (en) Frederic Bastiat (1801-1850): Between the French and Marginalist Revolutions, Thomas DiLorenzo, Ludwig von Mises Institute.
  16. Bastiat et la sécurité sociale.
  17. Frédéric Bastiat, Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, t. 5e tome (lire en ligne), « Discours sur la répression des coalitions », p. 501.
  18. Clément Favarel, Théorie du crédit, volume 3, 1879, p. 408. Voir aussi : Chanoine Ant. Ricard, Le pape Léon XIII : sa vie, son élection, son couronnement, 1878, p. 44.
  19. Citations reprises par Jacques Garello dans Aimez-vous Bastiat ?, Romillat, 2004.
  20. Ceci a changé avec la floraison de sites en langue française qui, désormais, permettent d'accéder en version originale aux textes et discours de Frédéric Bastiat;
  21. https://www.monde-diplomatique.fr/mav/141/BASTIAT/53014
  22. https://www.economie.gouv.fr/facileco/frederic-bastiat
  23. (en) Inside Ronald Reagan.
  24. Aimez-vous Bastiat ? de Jacques Garello, chapitre 2, Le succès de Bastiat : en son temps, aujourd'hui.
  25. Lettre à Kugelmann, Karl Marx.
  26. Michael C. Behrent, « Bastiat, repère intellectuel de la droite américaine », La Vie des idées, 16 juin 2010.
  27. (en) « Bastiat prize winners ».

Bibliographie

  • Louis Bruel, Bastiat et le libre-échange, Paris, Rousseau et Cie, 1931, 160 p.
  • Un libéral : Frédéric Bastiat, Toulouse, Presses de l'Institut d'Études Politiques de Toulouse, , 194 p. (OCLC 165521386)
  • Jacques Garello, Aimez-vous Bastiat ?, Paris, Romillat, (ISBN 978-2-87894-066-4)
  • Gérard Minart, Frédéric Bastiat (1801 - 1850) : le croisé du libre-échange, Paris, L'Harmattan, , 190 p. (ISBN 2-7475-6030-9, lire en ligne)
  • Robert Leroux, Lire Bastiat : science sociale et libéralisme, Paris, Hermann, , 237 p. (ISBN 978-2-7056-6715-3, OCLC 254556582).
  • (en) George Roche III (en), Frederic Bastiat : A Man Alone, New Rochelle, Arlington House, coll. « Architects of Freedom Series », .
  • Pierre Ronce, Frédéric Bastiat : sa vie, son œuvre, Paris, Guillaumin, , iv-316 p., 18 cm (lire en ligne).
  • Pascal Salin, Frédéric Bastiat, père de la science économique moderne, Institut Charles Coquelin, 2016 (ISBN 978-2-91590-931-9)
  • « Portrait : Bastiat (1801-1850) », La Nouvelle Lettre, no 1067, , p. 8 (lire en ligne)
  • Vincent Valentin, « Sur les fondements du libéralisme : évolutionnisme et droit naturel chez Bastiat et Hayek », Revue Française d'Histoire des Idées Politiques, no 17, , p. 49-71 (lire en ligne).
  • Ambroise Clément, Bibliographie : « Nouveaux pamphlets de M. Frédéric Bastiat : I- Gratuité du crédit, II- Baccalauréat et socialisme, III- Spoliation et loi, IV- La loi, V- Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas », Journal des économistes, août-novembre 1850, t. 27, p. 289-292, lire en ligne sur Gallica.
  • « Inauguration du monument de Frédéric Bastiat à Mugron (Landes). Discours de Léon Say, Lalande, L. Micé », avril-juin 1878, 37e année, Journal des économistes, p. 282-296, lire en ligne sur Gallica
  • Alphonse Courtois, « Notice sur la vie et les travaux de Frédéric Bastiat », Journal des économistes, janvier-mars 1888, t. 41, p. 272-293, lire en ligne sur Gallica.

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