Fonction d'onde

La fonction d'onde est un des concepts fondamentaux de la mécanique quantique. Elle correspond à la représentation de l'état quantique d'un système dans une base de dimension infinie[1], en général celle des positions . Dans ce dernier cas, elle est notée , qui par définition correspond à , si l'état quantique est normé.

Illustration de la notion de fonction d'onde dans le cas d'un oscillateur harmonique. Le comportement en mécanique classique est représenté sur les images A et B et celui en mécanique quantique sur les figures C à H. Les parties réelles et imaginaires des fonctions d'onde sont représentées respectivement en bleu et en rouge. Les images C à F correspondent à des états stationnaires de l'énergie, tandis que les figures G et H correspondent à des états non stationnaires.

Elle correspond à une amplitude de probabilité, en général à valeur complexe. La probabilité de trouver une particule au voisinage de la position à l'instant t est alors proportionnelle au carré du module de la fonction d'onde , densité de probabilité (volumique) de présence, et à la mesure du volume du voisinage de . Cette interprétation probabiliste de la notion de fonction d'onde a été développée dans les années 1925-1927 par Max Born, Werner Heisenberg et d'autres, et constitue l'interprétation de Copenhague de la mécanique quantique, laquelle interprète ce caractère probabiliste dans l'interaction entre le système de mesure (macroscopique, donc classique) et le système quantique, conduisant à la réduction du paquet d'onde. Si elle est la plus couramment admise en pratique, cette interprétation soulève divers problèmes épistémologiques (cf. Problème de la mesure quantique).

Si le système est dans un état stationnaire, cette densité de probabilité ne dépend pas du temps et il est possible d'utiliser la fonction d'onde stationnaire qui dans ce cas ne diffère de que par un facteur de phase purement complexe, sans intérêt physique[N 1].

La fonction d'onde est calculée à l'aide de l'équation de Schrödinger. Par exemple dans un puits de potentiel, la fonction d'onde d'une particule est une onde sinusoïdale stationnaire dont la longueur d'onde est un multiple de la largeur du puits.

Historiquement, la notion de fonction d'onde fut introduite de façon implicite par Louis de Broglie dans sa thèse en 1924. Son nom s'explique par le fait qu'elle revenait à donner à toute particule les propriétés d'interférence typiques d'une onde, généralisant la dualité onde-corpuscule introduite pour la lumière par Albert Einstein. C'est Erwin Schrödinger qui approfondit cette notion en proposant l'équation qui porte désormais son nom en 1926, et permet de déterminer celle-ci.

Rappel des notions de base de la mécanique quantique

Vecteur d'état et équation de Schrödinger

En mécanique quantique l'état d'un système donné, tant qu'il s'agit d'un état pur, est donné par son vecteur d'état . Ce vecteur appartient à l'espace des états du système [2], lequel possède les propriétés d'un espace de Hilbert. La désignation de « vecteur » ne doit pas entraîner de confusion avec ceux à trois coordonnées habituellement rencontrés en mécanique : il s'agit ici d'un vecteur au sens mathématique du terme, c'est-à-dire un élément d'un espace vectoriel qui, ici, est de dimension infinie.

Toute grandeur physique (notée A), telle que l'énergie, la position du système, etc. est alors représentée par un opérateur hermitien (noté ) agissant sur cet espace, appelé observable. Un cas particulier important d'observable est l'opérateur associé à l'énergie totale du système, le hamiltonien , lequel dépend en général du temps.

Le vecteur d'état obéit alors à une solution de l'équation de Schrödinger:

.

L'opérateur étant linéaire, l'équation de Schrödinger l'est également. Par suite si et sont deux vecteurs d'état solutions de l'équation de Schrödinger, toute combinaison linéaire de et est également une solution de cette équation. Cette propriété des solutions de l'équation de Schrödinger constitue le principe de superposition[3].

Mesure d'une grandeur physique

L'action sur le vecteur d'état de l'observable correspond à la mesure de la valeur de la grandeur physique représentée par cet observable à l'instant t: cette mesure ne peut donner qu'une valeur propre de cet opérateur, c'est-à-dire que , étant l'état propre de l'opérateur correspondant à l'équation aux valeurs propres (notées ) . Le caractère hermitien de l'opérateur associé à l'observable implique que toutes ses valeurs propres soient réelles, et donc possèdent un sens physique.

Immédiatement après la mesure, le vecteur d'état devient égal au vecteur propre , si la valeur propre correspondante est non-dégénérée, c'est-à-dire correspond à un unique état propre [N 2]. Ce processus particulier, spécifique à la mécanique quantique, au cours duquel la mesure d'une grandeur physique modifie l'état du système physique étudié, correspond à la réduction du paquet d'onde.

Les opérateurs associés aux diverses observables étant hermitiens, l'ensemble des états propres d'une observable quelconque constitue une base orthonormée de l'espace des états du système (ce résultat constitue le théorème spectral). Par suite, le vecteur d'état (qui sera également supposé normé) peut être décomposé sur cette base et s'écrire:

[N 3],

avec , qui possède l'interprétation physique suivante: est la probabilité (à l'instant t) d'obtenir comme résultat de la mesure de la grandeur physique A la valeur .

États stationnaires

Un cas particulier important est celui des systèmes pour lesquels le hamiltonien ne dépend pas explicitement du temps. Dans ce cas l'ensemble des états propres de cet opérateur est donné par l'équation , appelée souvent équation de Schrödinger stationnaire (ou indépendante du temps), pour lesquelles les valeurs propres correspondantes ne dépendent pas non plus du temps. Les états propres correspondants sont appelés états stationnaires du système.

En effet si le système est dans un tel état, soit [N 4], l'équation de Schrödinger s'écrit:

,

qui a pour solution évidente , où , indépendant de t. La dépendance temporelle des états propres est alors celle d'un facteur de phase purement complexe, sans signification physique particulière. En particulier, si le système est initialement dans un état stationnaire d'énergie donnée , il le demeure au cours de son évolution future.

Fonction d'onde de l'hydrogène : Probabilité de présence de l'électron pour les premières orbitales de l'hydrogène (vues en coupe; les échelles varient selon les orbitales représentées).

Notion de fonction d'onde

Représentations de l'espace des états d'un système

Animation de l'onde d'hydrogène

La description de l'état physique d'un système en termes de vecteur d'état appartenant à un espace de Hilbert, et celles des diverses grandeurs physiques en termes d'opérateurs agissant sur les éléments de cet espace des états a l'avantage de fournir une description élégante de l'état et de l'évolution d'un système quantique, applicable à une variété de situations, y compris dans le cas de particules possédant des degrés de liberté sans équivalent classique, tels que le spin. En revanche les notions utilisées sont très abstraites et il est nécessaire en pratique de pouvoir exprimer les différents opérateurs, notamment le hamiltonien , et le vecteur d'état sous une forme accessible au calcul, de façon à pouvoir résoudre l'équation de Schrödinger.

Pour ce faire, il est nécessaire de choisir une base dans laquelle vont pouvoir être exprimés les différents opérateurs et le vecteur d'état: un tel choix de base s'appelle une représentation de l'espace des états[2],[4]. La base choisie sera celle formée par les vecteurs propres d'un opérateur associé à une observable donnée. En particulier, il est possible d'utiliser les représentations associées aux opérateurs possédant un spectre continu de valeurs propres, dont les états propres constituent une "base continue" de l'espace des états, comme ceux associés aux opérateurs position et impulsion , dont les "bases" sont notées et [N 5]. Ces deux représentations correspondent respectivement à la représentation position et à la représentation impulsion.

  • En représentation position les vecteurs de base sont les états propres de l'opérateur position d'une particule . Cet opérateur est un exemple "d'opérateur vectoriel", constitué en fait de trois opérateurs "scalaires" , dont l'action sur un des états propres se résume à une simple multiplication:
(idem pour et .)
Dans une telle représentation, l'opérateur impulsion pour la particule s'écrit en l'absence de champ magnétique [N 6].
Les états ne sont pas de carré sommable ni normalisables au sens usuel du terme. Par suite, et bien que qualifiés de vecteurs de "base" pour l'espace des états du système, ils n'appartiennent donc pas à cet espace. Il est cependant possible de les normaliser "au sens des distributions"[2], en imposant la condition [N 7].
  • En représentation impulsion la base utilisée est celle, continue, des états propres de l'opérateur impulsion , lequel comme l'opérateur position est un opérateur vectoriel correspondant à l'ensemble des trois opérateurs , correspondant aux trois composantes de l'impulsion de la particule. De la même façon que précédemment l'action d'un de ces opérateurs sur un état propre se résume à la multiplication par la valeur de l'impulsion correspondante: par exemple .
Dans cette représentation l'opérateur position s'écrit , désignant l'opérateur gradient agissant sur les variables [N 6].
Comme pour la représentation position les états ne sont pas de carré sommable ni normalisables au sens usuel du terme, mais le sont cependant "au sens des distributions"[2], en imposant la condition .

Mise en évidence

En représentation position et pour une particule sans spin, le vecteur d'état peut alors être décomposé sur la base des , ce qui donne:

,

et correspond alors par définition à la fonction d'onde en représentation position du système. Celle-ci joue alors le même rôle que les coefficients introduits lors de la décomposition du vecteur d'état sur une base discrète des états propres d'une observable quelconque . Or dans ce dernier cas correspond à la probabilité que la mesure de l'observable donne pour résultat la valeur propre . De la même façon représentera la densité de probabilité que la mesure à l'instant t de la position donne pour résultat [N 8], à condition que le vecteur d'état soit normé à l'unité.

En effet puisque dans ce cas , il vient en introduisant la relation de fermeture sur les états propres :

,

soit finalement , cette dernière relation (condition de normalisation) est nécessaire pour que puisse être interprétée de façon probabiliste, la probabilité de trouver la particule dans tout l'espace étant égale à 1.

La fonction d'onde elle-même est en général à valeur complexe, et représente "l'amplitude de probabilité" de trouver la particule à une position donnée à l'instant t. Étant donné la fonction d'onde de la particule, la valeur moyenne d'une observable quelconque de la particule dans un état sera donnée par

Cas d'un état stationnaire

Lorsque le système est dans un état stationnaire, son vecteur d'état est de la forme , sa fonction d'onde correspondante s'écrit alors , où est une fonction d'onde purement spatiale, solution de l'équation de Schödinger stationnaire en représentation position:

.

Dans un état stationnaire il y a donc séparation entre les parties "spatiale" et "temporelle" de la fonction d'onde[N 9], cette dernière partie étant un facteur de phase purement imaginaire. Ce facteur de phase est sans intérêt physique dès lors que le système se trouve dans un tel état, puisqu'il s'élimine lors de l'évaluation des valeurs moyennes des différentes observables.

Toutefois, il est important de souligner que dans le cas général, et du fait de la linéarité de l'équation de Schrödinger, toute superposition d'états stationnaires sera également solution de cette équation[N 10], et que par suite à un instant donné le système se trouvera dans une superposition de tels états, chacun d'eux ayant un certain "poids", la fonction d'onde correspondante étant alors de la forme:

.

Dans un tel cas il est évident qu'il n'existe pas de facteur de phase global et il faudra tenir compte de la partie temporelle dans l'évaluation des valeurs moyennes d'une observable donnée, puisqu'alors:

,

est l'élément de matrice de l'opérateur entre les deux états stationnaires et , et sont les fréquences de Bohr du système considéré[2].

La valeur moyenne de l'observable est donc une somme de termes oscillants aux différentes fréquences de Bohr du système, sauf si le système est dans état stationnaire, ou si tous les éléments de matrice non diagonaux de l'observable sont nuls.

Mise en évidence

De la même façon qu'en représentation position, la base constituant une base complète, il est possible de décomposer le vecteur d'état de la particule sur celle-ci, ce qui donne:

,

et correspond alors par définition à la fonction d'onde en représentation impulsion du système. De la même façon que dans le cas de la représentation position, correspond à la densité de probabilité qu'une mesure de l'impulsion de la particule à l'instant t donne la valeur , à condition d'être normée à l'unité, c'est-à-dire de satisfaire la condition:

,

l'intégration étant entendue comme portant sur la totalité de "l'espace des impulsions".

Dans le cas d'un état stationnaire, il est possible de montrer de la même façon que précédemment que la fonction d'onde se met sous la forme , où est une fonction d'onde "purement dans l'espace des impulsions", solution de l'équation de Schödinger stationnaire en représentation impulsion:

.

Relation entre les fonctions d'onde dans les deux représentations

En utilisant la relation de fermeture sur la base , il vient:

,

or est la fonction d'onde normalisée, en représentation position, associée aux états propres de l'opérateur impulsion, laquelle est donnée par (cf. article quantité de mouvement) , par suite il vient :

,

autrement dit la fonction d'onde en représentation impulsion est la transformée de Fourier de la fonction d'onde en représentation position .

Il est immédiat que la réciproque est vraie, donc , transformée de Fourier inverse de .

Notes et références

Notes

  1. Il "s'élimine" en effet lors de l'évaluation du carré du module de la fonction d'onde.
  2. Si la valeur propre est dégénérée, le vecteur d'état juste après la mesure est une superposition des vecteurs propres (avec i = 1,..., g, g étant le degré de dégénérescence de la valeur propre considérée) du sous-espace propre associée à la valeur propre
  3. Cette possibilité de décomposer le vecteur d'état sur la base des états propres d'une observable est bien sûr étroitement associée à la linéarité de l'équation de Schrödinger.
  4. Il est important de souligner que si les valeurs propres de l'énergie ne dépendent pas du temps pour un état stationnaires, les états propres , éléments de l'espace des états du système, dépendent en général de t.
  5. En pratique, l'introduction de telles "bases continues" posent de sérieux problèmes mathématiques. Les états propres ne sont pas en effet de carré sommable, et doivent être orthogonalisés "au sens des distributions": .
  6. Ce résultat s'obtient en raison de la relation de commutation canonique , la notation désignant l'opérateur identité.
  7. La notation "δ" correspond à la distribution de Dirac, souvent appelée par abus de langage "fonction delta de Dirac", bien qu'elle ne soit pas stricto sensu une fonction. La propriété principale de cette "fonction" est que pour toute fonction f.
  8. C'est-à-dire que est la probabilité que la mesure de la position de la particule soit comprise dans le volume élémentaire autour de .
  9. Un état stationnaire est donc similaire à une onde stationnaire, elle aussi caractérisée par une séparation des parties spatiale et temporelle.
  10. Ceci résulte du "principe de superposition" rappelé plus haut.

Références

  1. Cf. Shankar, Principles of quantum mechanics, 2nd ed., Plenum, New York, 1994, (ISBN 0-306-44790-8), chapitre 4.
  2. Cf. Cohen-Tannoudji et al., Mécanique quantique, tome I, Herman, Paris, 1977, (ISBN 2-7056-6074-7).
  3. Cf. Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique [détail des éditions], § 2.
  4. Cf. Shankar, op. cit..

Voir aussi

Articles connexes

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