Fakoli Doumbia

Fakoli Doumbia, souvent dit Manden Fakoli (« Fakoli du Manden »), parfois Fakoli Koumba (« Fakoli à la grosse tête ») et Fakoli Dâ bâ (« Fakoli à la grande bouche »), est un général de l'empire mandingue au XIIIe siècle qui assiste Soundiata Keïta dans ses conquêtes. À ce titre, il apparaît dans l'épopée de Soundiata transmise par les traditions orales ouest-africaines. Il ne doit pas être confondu avec son ancêtre Fakoli, l'un des pères fondateurs de l'animisme ouest-africain, qui apporta en Afrique des idoles de l’Arabie préislamique[1]

HISTOIRE D’AFRIQUE: LES DOUMBIA

Nom de famille DOUMBIA OU DOUMBOUYA selon les cas.

Les DOUMBIA sont aussi appelés Kourouma. Chez les Malinké, Doumbouya et Kourouma, c’est la même chose. Se retrouve dans toute la sphère mandingue donc dans la région d’Odiénné. Dans cette dernière région, la région de Tienko et ses villages environnants abritent de nombreuses familles Doumbia.

Qui sont les Doumbia ?

I-ORIGINE DU PATRONYME DOUMBIA

Selon les griots, les Doumbia installés au Mandé sont originaires du village de Farakoba, site historique où se seraient séparées les familles blaw ou boula émigrées de Ouagadou , à savoir les Camara, Kamissoko, Doumbia, Danyogo, Bagayogo ou Sinayogo. Ce sont des Kagoros, c’est-à-dire l’une des doue 12 premières familles occupantes du Manding .

Les familles soninké relevant du clan Kagoro, implantées au Mandé, sont dites Blaw ou boula ; cinq d’entre elles avaient exercé le commandement sur la Kagoro au Ghana : Kamara, Kamissoko, Doumbia (ou Sissoko), Bagayogo (ou Sinayogo) et Danyogo. Comme tous les boulas, ils sont les descendants de Massan Kiran le premier habitant du Manding et en même temps le plus âgé du site occupé par les kakôrôs, jadis, c'est-à-dire l'ex Kagolotan et qui était appelé en bamanan ou en malinké" Fin la marala", celui qui garde les choses autrement et qui est finalement devenu KAH MAARA ( Garder) ; CAMARA. Ainsi , les Doumbia descendent de maghan Camara , donc des Camara.

Selon la légende, la première personne appelée Doumbia s’appelait en réalité Kourimaké ou encore Kourouma. Kourimaké ou encore Kourouma fût une personne connue et respectée en son temps. Ni les fétiches, ni les armes pouvaient l'atteindre. Pour lui parler les gens murmurauent dans ses oreilles: on appelait cela le dounbou dounbu kan. Petit à petit cela s'est mué par transformation dialectique en Doumbia .

Pourquoi on ajoute Fakoli sur le nom des doumbia ? Fakoli à la base est l'aigle royale. Les Camara sont venus avec l'aigle royale d'Égypte. L'aigle les accompagne à la chasse comme à la guerre. C'est l'emblème des boula. On dit qu'il a une grosse tête, une grande bouche et apporte victoire à celui qui sait le chérir. Au XIIIe siècle, lorsque Fakoli Kourouma alors général de Soundjata va avoir des victoires, les griots vont crier Fakoli, Fakoli, Fakoli. Cela pour lui rappeler que c'est un digne Boula, un digne guerrier et un digne descendant des Kagoros. Enfin contrairement à l'idée reçue, la majorité des Doumbia ne sont pas des forgerons. Il suffit d'aller dans le mandé profond ou même à Siby près de Bamako pour le savoir. Parmi les Boula, les Doumbia sont décrits comme sincères, droits, guerriers et têtus.

II- HISTOIRE DES DOUMBOUYA AVANT LE ROYAUME DU SOSSO

Selon les griots, les Doumbia installés au Mandé descendent pour la plupart de trois frères, originaires de Farakoba, site historique où se seraient séparées les familles blaw ou boula émigrées de Ouagadou. Ces trois frères (Koliyoro, Tamba et Fotigui) ont fondé Karatabougou, agglomération où se trouve le sanctuaire consacré au sɔda. À la suite de la prise de Ouagadou par les soninkés, les Doumbia comme beaucoup de boula vont dans le Mani, fonder des villages et devenir des maninkas.

Actuellement, cette famille occupe au Mandé sept villages dont les membres se groupent pour célébrer ensemble le rite annuel et le sacrifice offert au sɔda : ce sont Karatabougou, Touréla, Sonkoréla, Niènkènkoro, Sanankoro, Kori et Kandyan.

III-HISTOIRE DES DOUMBIA SOUS LA DOMINATION DES KANTE

Les guerriers Doumbia qui ont fait partie de la troupe de Soumaoro, puis de Soundiata, sont originaires du Nouga (derrière Kangaba) où ils s'étaient soumis aux Kanté du Sosso à travers des alliances de mariage avec les princesses Kanté. Les Doumbia furent sollicités par les rois Kanté et les Doumbia participèrent aux côtés des troupes du Sosso à la bataille de Karantande contre les guerriers Bambara des Bagayogo. Le champ de bataille de Karantande est au Mali actuel à la sortie ouest du village de Ouébabougou dans la commune de Bassofala dont la capitale est Neguela, sur la route de Kita. La relation entre Doumbia et Kanté se détériora sous le roi Domba Kanté de Sosso qui décida d'épouser la fiancée du principal chef des Doumbia, Fakoly. Mécontents de cet acte du roi Kanté, les Doumbia abandonnèrent le pays de Nouga pour s'établir dans la région de Baté, vers Kankan en Guinée. S'engageant aux côtés des troupes mandingues, Fakoly et sa troupe des Doumbia ou Doumbouya allèrent s'installer sur les ruines du village de Ouébabougou qui avait été détruit lors de la bataille de Karantande.

Dans l'épopée de Soundiata

Fakoli Doumbia est l'un des personnages importants de l'épopée de Soundiata, qui offre une version en partie légendaire des exploits et du règne de Soundiata et de l'histoire du Mandé à son époque. Fakoli est à la fois un chef de guerre et un prêtre du Komo, une société d'initiation de chasseurs[2].

Origines légendaires de Fakoli

Plusieurs versions existent sur la filiation de Fakoli Doumbia. Selon la version de l'épopée relatée par Wa Kamissoko, Fakoli Doumbia est le fils de Tamba Fotigui (Fotigui des monts de Tamba-Woura) et a pour arrière-grand-père Koliyoro Tamba Fotigui[3]. Selon le commentaire de Youssouf Tata Cissé à cette version[4], c'est en se prévalant de cet ancêtre, qui aurait été roi de Karatabougou, capitale du Solon, que Fakoli Doumbia s'octroie le titre de Manden Fakoli, « Fakoli du Manden ». Mais une autre version, comportant davantage de surnaturel, fait de Fakoli un neveu de Soumaoro Kanté. La sœur de Soumaoro, Kangouba (ou Kankoumba) Kanté, cherche un moyen de trouver une armée pour son frère et parcourt le monde ; elle finit par rencontrer un génie mâle, soit à Tankridi dans la Sierra Leone, soit à Toufinna près de Koulikoro au Mali ; après s'être unie à lui, elle tombe enceinte de Fakoli. Le génie fournit à Kangouba un fusil de cuivre rouge qui permettra à Soumaoro de faire surgir une armée par magie, mais il lui demande de prévenir Soumaoro que l'enfant issu de leur union est un dépôt sacré contre qui il ne devra jamais commettre d'injustice (Fakoli rappelle parfois cet engagement à Soumaoro lorsqu'il entre en conflit avec lui par la suite)[5].

L'écrivain malien Doumbi Fakoly relate ces deux versions et en donne son interprétation[1]. Fakoli est bien le fils du roi de Karatabougou duquel il hérite le nom de famille Doumbia. Il est aussi le fils de Kankoumba Kanté, la sœur de Soumaoro Kanté. Cependant les codes de la société ne permettaient pas une union légale entre le roi de Karatabougou, Tamba Fotigui Doumbia et Kakoumba Kanté. Cette dernière et son frère arrivent à Karatabougou pour demander l'aide du roi[1]. Ils y passent quelque temps avant que roi n'accepte la demande, un délai suffisant pour que Kankoumba tombe enceinte du roi. On est au début du XIIIe siècle : l'union entre le roi et cette forgeronne est interdite, inacceptable et inimaginable pour le peuple du Solon. Le roi accorde beaucoup d'aide (nourritures, chevaux, or) à Kankoumba pour retourner au Sosso. En plus des aides, le roi ajoute à la caravane de Kankoumba, le meilleur prêtre du Komo, des griots, des éducateurs qui se chargent de l'éducation royale de Fakoli dans sa famille maternelle[1]. À cause de l'aspect interdit de l'union entre le roi et Kankoumba, il y a eu plusieurs spéculations sur le père de Fakoli. D'où l'origine des théories mystiques qui font de son père un génie mâle ou qui font de Fakoli un enfant sans père.

Dans la version de Camara Laye dans Le Maître de la parole, adapté du récit de Babou Condé et paru en 1978, Fakoli est nommé Fakoli Koroma ("Fakoli à la grosse tête") et "Fakoli Dâ bâ" (Fakoli à la grande bouche). Son père est appelé Makata Djigui Koroma et sa mère, la sœur de Soumaoro, est nommée Kassia Diarrasso[6]. Son génie ou totem est un aigle[7].

Révolte contre Soumaoro

Fakoli Doumbia a pour seule épouse Kènda Nala Naniouma[3]. Pendant la guerre menée par Soundiata Keïta contre Soumaoro Kanté pour la reconquête du Mandé, Fakoli Doumbia est d'abord un allié de Soumaoro. Mais il entre en conflit avec Soumaoro à la suite de plusieurs désaccords.

Soumaoro avait soumis toute la région sous sa domination à l'exception de Karatabougou, le royaume paternel de Fakoli. quelques années auparavant, le roi de Karatabougou (le père de Fakoli) avait apporté son aide à Soumaoro et à sa sœur, Kankoumba Kanté[1]. Le royaume de Karatabougou, dirigé par les demi-frères de Fakoli, était le seul bastion épargné par la dictature de Soumaoro Kante[1]. Les rumeurs de la région disaient que Soumaoro avait épargné Karatabougou parce qu'il avait peur de son neveu Fakoli. D'autres membres proches de l'armée de Soumaoro se plaignaient de l’inégalité des faveurs faites au royaume de Karatabougou [1]. Après la mort de Kankoumba, Soumaoro, assez fier, décida de réparer l'injustice. Pour cela, il chercha à affronter Fakoli par tous les moyens[1]. Il l'humilia devant sa famille et s'en prit à sa femme, et, pour finir, il envoya Fakoli en une mission de conquête fictive loin du Mandé puis profita de son absence pour attaquer Karatabougou[1]. Fakoli, de retour, trouva le royaume de son père en ruines et décida de quitter l'armée de son oncle pour rejoindre l'armée de Soundiata, qui réunissait ainsi tout le Mandé, y compris le royaume de Karatabougou.

D'autres versions stipulent que Fakoli se révolte contre son oncle quand ce dernier tente de lui prendre son épouse. L'épopée prête à Soumaoro 333 épouses, qu'il propose à Fakoli d'échanger contre sa femme, Kènda Nala Naniouma. Kènda Nala Naniouma possède en effet des pouvoirs magiques qui lui permettent de cuisiner une quantité de nourriture prodigieuse, supérieure à ce que les 333 épouses de Soumaoro peuvent préparer toutes ensemble ; or cette nourriture pourrait permettre de nourrir facilement toute l'armée de Soumaoro. Mais Fakoli refuse l'offre et, devant les menaces de Soumaoro, finit par se rebeller contre son autorité[8].

Exploits de Fakoli au service de Soundiata

Fakoli Doumbia rejoint alors l'armée de Soundiata dont il devient l'un des principaux généraux. Il dirige une partie des troupes lors de la bataille de Kirina puis de la bataille de Nâréna[9]. Soumaoro était considéré comme invincible à cause de ses pouvoirs mystiques : Fakoli était le seul à connaître ses secrets et à être capable de venir à bout de son oncle qu'il connaissait profondément, car ils avaient battu l'empire du Sosso ensemble et dompté tout le voisinage y compris le Mandé. À la suite des désaccords avec son oncle, Fakoli accompagne ensuite Soundiata dans la guerre contre Soumaoro lorsque celui-ci prend la fuite en compagnie de son frère Sosso Bali puis va se réfugier à Koulikoro et dans les montagnes environnantes ; les hommes de Fakoli acculent Soumaoro dans une grotte où il est emmuré vivant ou disparaît, selon les versions[10]. La fin de Soumaoro reste mystérieuse : il a disparu dans les grottes de Niana Koulou à Koulikoro. A-t-il été liberé par son neveu Fakoli ? le mystère demeure. Par la suite, Soundiata charge Fakoli de mettre au pas le royaume du Sosso désormais vaincu[11].

Fakoli est, avec Tiramakhan Traore, l'un des principaux généraux de Soundiata chargés de soumettre les roitelets qui se rebellent contre Soundiata lorsque celui-ci revendique l'autorité sur la totalité du Mandé. Il vainc notamment Niani Massa Kara en l'assassinant grâce à la complicité de l'épouse de Niani Massa, Kènda Kala Niagalén Traore, la propre fille de Tiramakhan, qu'il corrompt pour s'assurer de sa complicité puis fait exécuter pour traîtrise[12]. il affronte les Maures du Sahel afin d'empêcher toute résurgence de l'esclavage que Soundiata a proclamé aboli[13]. Fakoli Doumbia était profondément contre l'esclavage, d'ailleurs avec Soumaro Kante, ils attachaient les esclavagistes arabes, peulhs et maures par 5, les aspergeaient de l'huile et les brûlaient puis ils laissaient le 6e annoncer l'atrocité aux autres esclavagistes[1]. C'est également lui qui se charge de repousser une armée Peuls venue du Bankassi pour assiéger Dakadjalan, alors capitale de l'empire du Mali : il recourt à la ruse pour les repousser en leur faisant croire que la ville est défendue par une armée d'esprits[14].

Fakoli a été l'homme des conquêtes de Soundiata Keita. Il dirige la quasi-totalité des guerres de l'empire à l'exception de celle menée contre l'empire Djolof et dirigée par Tiramakhan. Le roi du Djolof refusait de se soumettre à Soundiata. Ce dernier décide de lancer une guerre contre l'empire Djolof et chacun des généraux veut diriger la guerre. Tiramakhan estime qu'on a donné toutes les conquêtes à Fakoli, il creuse sa tombe et jure de mourir si ce n'est pas lui qui mène cette guerre. Soundiata lui accorde donc le commandement pour cette guerre.

Dans certaines versions de l'épopée, Fakoli Doumbia est dépeint comme un chef de guerre orgueilleux et remuant auquel Soundiata ne se fie qu'à moitié et auquel il préfère Tiramakhan[15] pour la conquête du Djolof.

Analyses

L'historien américain David C. Conrad a consacré une étude au personnage de Fakoli Doumbia où il tente de discerner, avec prudence, les événements historiques dont on peut retrouver la trace dans l'épopée[16].

Notes et références

  1. Fakoly (2005).
  2. Cissé et Kamissoko (2000), p. 173, note 34.
  3. Cissé et Kamissoko (2000), p. 169.
  4. Cissé et Kamissoko (2000), p. 169, note 30.
  5. Cissé et Kamissoko (2000), p. 153-155.
  6. Laye (1978), p. 190.
  7. Laye (1978), p. 217.
  8. Cissé et Kamissoko (2000), p. 169-173.
  9. Cissé et Kamissoko (2009), p. 16 et 19.
  10. Cissé et Kamissoo (2009), p. 19-23.
  11. Cissé et Kamissoko (2009), p. 30-31.
  12. Cissé et Kamissoko (2009), p. 68-83.
  13. Cissé et Kamissoko (2009), p. 46-47.
  14. Cissé et Kamissoko (2009), p. 176-178.
  15. Cissé et Kamissoko (2009), p. 97, note 14.
  16. Conrad (1992).

Bibliographie

  • Youssouf Tata Cissé, Wa Kamissoko, Le Grand Geste du Mali. Des origines à la fondation de l'Empire, Paris, Karthala, 1988, 2e édition 2000.
  • Youssouf Tata Cissé, Wa Kamissoko, Soundiata, la gloire du Mali. Le
  • Grand Geste du Mali, tome 2, Paris, Karthala, 1991, nouvelle édition 2009.
  • (en) David C. Conrad, « Searching for History in the Sunjata Epic: The Case of Fakoli », dans la revue History in Africa, no 19, 1992, p. 147–200.
  • Doumbi Fakoly Fakoli Prince du Mande, 2005, L'Harmattan, Paris
  • Camara Laye et Babou Condé, Le Maître de la parole, Paris, Plon, 1978 (édition consultée : réédition "Presses Pocket", 1980).
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