Fait majoritaire

Le fait majoritaire, en droit constitutionnel français, est l'une des caractéristiques du régime de la Ve République qui tend à favoriser l'émergence d'une nette majorité. Le fait majoritaire se produit lorsqu'une majorité nette se dégage à l'Assemblée nationale. Le chef du gouvernement doit être issu de cette majorité. On distingue alors deux situations : en période normale, la majorité est également celle du président : c'est la congruence des majorités (on parle aussi de « primauté présidentielle »). En période de cohabitation, le fait majoritaire existe encore mais il est dit « imparfait ». Le régime parlementaire français tend en cas de congruence à un système présidentialiste dualiste, tandis qu'en période de cohabitation ou discordance le régime parlementaire tend vers un système parlementariste moniste.

Histoire

En France, le régime organise un franc renforcement du pouvoir exécutif, en partie en réaction contre les errements du tout parlementaire des IIIe et IVe Républiques (instabilité gouvernementale, quasi régime d'assemblée). De surcroit, le président de la république est, depuis la réforme constitutionnelle de 1962, élu au suffrage universel direct, faisant de son élection l'expression non équivoque d'une majorité claire de l'opinion, majorité qui conditionne la situation politique durant toute la durée de son mandat.

En effet, il n'est pas possible pour le président d'être élu s'il ne remporte pas, par le scrutin majoritaire à deux tours, la majorité absolue des suffrages exprimés. Il n'est donc pas le produit d'une coalition ou de tractations comme le chancelier allemand, il n'est pas élu par un collège d'électeurs comme aux États-Unis, il n'est pas non plus issu d'une majorité parlementaire, mais émane plutôt d'un regroupement politique sur son nom au deuxième tour qui peut être considéré, d'une certaine façon, comme un référendum sur la personne du président.

On dit parfois que le premier tour est l'équivalent d'une primaire américaine. Il peut, en effet, y avoir par exemple deux candidats prépondérants de droite et deux candidats prépondérants de gauche au premier tour. Dans chaque camp, c'est le mieux placé qui dispute le match final, qui ne retient que deux candidats. Le système français favorise ainsi ce que l'on appelle la bipolarisation, notion qu'il ne faut pas confondre avec le bipartisme, même si la France tend à s'en rapprocher.

La mise en place du scrutin uninominal à deux tours aux législatives écarte les partis aux scores trop faibles et favorise les grosses formations et donc la création de majorité à l'Assemblée nationale, d'où un phénomène de bipolarisation, propre à la Ve République, qui caractérise en partie le fait majoritaire avec une opposition droite gauche.

Ainsi, le président voit son autorité politique considérablement renforcée. La France est un régime dit semi-présidentiel.

Cette majorité politique qui découle de l'élection présidentielle doit donc ensuite se traduire par une nécessaire majorité à l'assemblée. L'article 12 de la Constitution française donne ainsi au président le pouvoir de dissolution, c'est-à-dire celui de provoquer des élections législatives, pouvoir que n'a pas le président américain. En dissolvant l'assemblée, si elle ne lui est pas favorable ou l'est insuffisamment, le président fait coïncider la majorité populaire qui l'a élu avec une majorité parlementaire attendue.

C'est exactement ce que fit François Mitterrand en 1981, par exemple, en dissolvant l'assemblée élue en 1978, qui avait été bien près de provoquer une première cohabitation avec le président Valéry Giscard d'Estaing. Mitterrand avait d'ailleurs averti qu'il dissoudrait l'Assemblée nationale s'il était élu, l'exécutif ne pouvant, tant selon lui que dans l'esprit de la Constitution, profiter pleinement de la force que lui donne la Constitution s'il n'est pas soutenu par une majorité homogène et sûre.

Pour le constituant de 1958, cette situation était la seule envisageable. Pourtant, cette Constitution prouvera sa flexibilité, en 1986, avec une première cohabitation, entre un président socialiste (François Mitterrand), et un Premier ministre issu du parti majoritaire à l'Assemblée, le RPR (Jacques Chirac). Si l'on considère que le fait majoritaire présidentiel correspond à la période normale, puisque c'est la plus courante, les pouvoirs confiés au chef de l'État évoluent beaucoup selon que le fait majoritaire soit de mise ou non.

Le fait majoritaire rend délicat la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement. L'Assemblée disposant d'une majorité et le premier ministre étant issu de cette majorité, la mise en jeu de la responsabilité politique s'avère quasiment impossible. Cette situation tend pour les assemblées législatives à les qualifier de chambre d'enregistrement par les détracteurs de la situation. Le fait majoritaire présidentiel étend, en partie, cela, à la nouvelle responsabilité du président de la République.

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