Exploitation aurifère au Mali

L'exploitation de l'or au Mali remonte au moins au XIVe siècle. À cette époque, l'exploitation aurifère locale avait contribué à l'immense fortune de Mansa Moussa. Par la suite, comme dans la plupart des pays sahéliens, l'exploitation de l'or a véritablement recommencé au Mali dans les années 1990. En 2018, le secteur est crucial pour l'économie du pays, représentant plus d'un million d'emplois, 7% du PIB, un quart du budget de l'État et les trois quarts des exportations ; le Mali est à cette date le troisième producteur d'or africain, après l'Afrique du Sud et le Gabon.

Au XXIe siècle concerne principalement deux zones très éloignées géographiquement. D'une part, l'or est extrait dans les régions de Kayes, Koulikoro et Sikasso, à l'extrême sud-ouest, dans le Sahel, près des frontières du Sénégal, de la Guinée et de la Côte d'Ivoire. Y ont été ouvertes notamment les mines de Yatela, de Morila et de Sadiola. D'autre part, on en trouve également dans l'extrême nord-est du pays, dans la région de Kidal, en plein Sahara.

Les problèmes qui y sont liés concernent principalement le caractère illégal de la plus grande partie de la production, le travail forcé d'enfants, la pollution des cours d'eau par l'orpaillage clandestin, la très grande dépendance de l'économie du pays à cette ressource, ainsi que les appétits des puissances extérieures pour le minerai, en particulier les pays européens, la Chine, mais aussi les salafistes djihadistes.

Histoire

PIèce d'or malienne commémorant le souverain médiéval Mansa Moussa.

Au XIVe siècle, une partie de la renommée et du pouvoir de Mansa Moussa, empereur du Mali de 1312 à 1332 (ou 1337), repose sur ses immenses stocks d'or, extraits pour la plupart sur place. À cette époque, suivant des estimations récentes du British Museum, le stock d'or malien représente environ la moitié de l'or extrait dans le monde. Le souverain se fait connaître notamment en 1324, lors de son Hajj, en emmenant une escorte gigantesque comprenant entre autres quinze tonnes d'or pur convoyées par cent chameaux[1],[2].

Par la suite, durant des siècles, le potentiel aurifère du Mali est ignoré. La très faible espérance de vie, longtemps la plus basse au monde, et l'enclavement du pays, détournent les investisseurs de ce potentiel. Ce n'est qu'en 1984 que l'exploitation récente commence

Implantation géographique

Au XXIe siècle concerne principalement deux zones très éloignées géographiquement. D'une part, l'or est extrait dans les régions de Kayes, Koulikoro et Sikasso, à l'extrême sud-ouest, dans le Sahel, près des frontières du Sénégal, de la Guinée et de la Côte d'Ivoire[3]. En 2020, la région de Kayes constitue de loin la zone la plus fructueuse, avec 77% de la production nationale[4]. Dans ces régions ont été creusées notamment les mines de Yatela, de Morila et de Sadiola ; les deux dernières représentaient en 2015 les quatre cinquièmes de la production nationale[5].

D'autre part, on en trouve également dans l'extrême nord-est du pays, dans la région de Kidal, en plein Sahara[3].

Rôle économique

L'orpaillage légal et illégal occupait en 2015 plus d'un million de Maliens, pour la plupart sur des sites artisanaux. Environ trois cent cinquante sites sont répertoriés à cette date et produisent dix à quinze tonnes annuelles[6]. En 2016, le secteur minier emploie au total quatre cent cinquante mille mineurs, plus deux millions quatre cent mille autres travailleurs[3]. Les réserves estimées sont de huit cent tonnes. Le secteur représente en 2018 7% du PIB, 25% du budget de l'État et 75% des exportations maliennes[7].

En 2019, la production aurifère officielle annuelle s'élève à soixante-cinq tonnes. Les producteurs autorisés comprennent notamment les entreprises Hummingbird Resources, Randgold Resources et Cora Gold (britanniques), AngloGold Ashanti (sud-africaine), B2Gold (en), IamGold (canadiennes), Resolute Mining (australienne) et Endeavour Mining[8]. En 2020, la production officielle, effectuée dans treize mines, se maintient et croît même très légèrement à 65,2 tonnes. De surcroît, les exportations du pays pèsent 71 tonnes, ce qui montre que l'orpaillage illégal se maintient[9],[10].

Une très grande partie de l'exportation se fait illégalement, en direction des pays frontaliers. À la suite du coup d'État de 2012, de nombreuses personnalités ont cherché à s'enrichir en développant l'extraction et le commerce de l'or[3].

Le Mali n'applique les taxes à l'exportation que sur les cinquante premiers kilogrammes mensuels d'or, soit sur six cent kilogrammes par an, pour une exportation plus de cent fois supérieure. Le Mali est surtout une plaque tournante du trafic d'or depuis les pays riverains, notamment la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso. La quasi-totalité de l'or est exportée vers Dubaï et plus généralement les Émirats arabes unis. Les stocks aurifères reçus par ce dernier pays sont systématiquement supérieurs d'environ 25% aux quantités officiellement déclarées par les douanes maliennes : ainsi, en 2013, 50 tonnes reçues pour 40 déclarées ; l'année suivante, 60 reçues pour 45 déclarées[11]. De 2013 à 2015, le Mali est le premier fournisseur africain d'or aux Émirats Arabes Unis ; en 2016, la quantité exportée baisse fortement ; la Libye et le Soudan dépassent le Mali[3].

Aspects sociaux et écologiques

Travail des enfants

En 2011, un rapport estime qu'au moins vingt mille enfants sont employés dans des exploitations illégales d'orpaillage. Ils sont notamment soumis à la toxicité du mercure et travaillent dans des conditions très dures. Certains aident leurs parents à la tâche, mais d'autres s'emploient chez des étrangers[12],[13]. Le travail des enfants concerne environ à parts égales les deux sexes. Le gouvernement malien, mis en demeure d'empêcher le travail infantile par des ONG, n'y parvient pas[14].

Les enfants sont employés pour une bonne partie dans le terrassement, les tunnels creusés dépassant souvent trente mètres de profondeur. Les mesures de sécurité prises pour protéger les personnes chargées de l'excavation sont inexistantes[15]. Dans certaines exploitations, les enfants les plus jeunes ne sont pas envoyés au fond, mais sont chargés de remonter la terre à l'aide de seaux, ou bien de la transporter sur le lieu de lavage et du tri. Pour remédier aux douleurs physiques que ce travail occasionne, des remèdes traditionnels, généralement inefficaces, sont proposés aux enfants[16]. D'autres encore sont chargés du broyage du minerai, activité parfois mécanisée mais impliquant des produits chimiques dont les vapeurs sont toxiques[17]. Enfin, le lavage du minerai est plus particulièrement exécuté par les filles, souvent en présence de mercure, dont la dangerosité n'est pas toujours connue ni des enfants, ni de ceux qui les encadrent[18],[19].

La prostitution est une conséquence de l'exploitation aurifère et touche un pourcentage élevé de mineures[20].

Salafistes

Dans le nord-est, près de Tessalit, l'exploitation est totalement contrôlée par les salafistes djihadistes, qui prélèvent des taxes sur la vente d'or[21]. Les djihadistes sont également présents dans le sud-ouest, notamment près de Kayes, mais leur présence est plus récente, attestée surtout à partir de 2019 et 2020[22].

En 2020, les groupes terroristes deviennent plus entreprenants et n'hésitent plus à s'attaquer à des convois ou des sites des régions sahéliennes[4].

Chinois

De nombreuses entreprises chinoises exploitent en particulier les cours d'eau de l'ouest du pays, avec des techniques fortement mécanisées (dragues, engins de chantier, barrages), sans permis et en laissant les terrains excavés totalement défoncés[6].

Fausses accusations contre l'armée française

L'armée française a été accusée en 2019 de piller les ressources aurifères du Mali ; mais il s'agissait d'un montage reprenant des images d'archive plus anciennes, prises en Centrafrique, au Soudan et en Zambie, et qui n'inculpaient déjà pas à l'époque les militaires français[23].

Pollution

À l'ouest du pays, à partir de 2018, une partie de l'orpaillage est réalisée par des travailleurs chinois en toute illégalité, avec des moyens techniques importants, notamment des engins de terrassements, des dragues et des plates-formes mécaniques de lavage de minerai. Ils construisent également des barrages de rétention qui empêchent le bon écoulement de l'eau. Des orpailleurs locaux, principalement burkinabés et maliens, sont également présents, beaucoup moins outillés mais utilisant du cyanure et du mercure qui polluent durablement les cours d'eau. La population locale, qui pratique elle-même l'orpaillage, est impuissante et dénonce ces pratiques sur les réseaux sociaux, puis dans les médias[6].

Le nouveau code minier malien, adopté en novembre 2020, comporte des paragraphes plus restrictifs que l'ancien au regard de la protection de l’environnement. L'article 44 interdit ainsi « l’exploitation de substances minérales dans les lits des cours d’eau par dragage, ainsi que par toute autre méthode ». Des visites ministérielles impromptues permettent parfois la saisie de matériel illégal ; mais les orpailleurs reviennent après le départ des autorités[6].

Notes et références

  1. Éléonore Abou Ez, « Le roi de l'Empire du Mali reste l'homme le plus riche de l'Histoire », France Télévisions, (lire en ligne).
  2. Irène Mosalli, « Mansa Musa, l’homme le plus riche de tous les temps », L'Orient-Le Jour, (ISSN 1564-0280, lire en ligne).
  3. Alice Farina (trad. Amélie Depriester), « L’or du Mali », Le Grand Continent, (lire en ligne).
  4. (en) Fahiraman Rodrigue Koné et Nadia Adam, « West Africa: How Western Mali Could Become a Gold Mine for Terrorists », AllAfrica, (lire en ligne).
  5. (en) « Huge Undiscovered Gold Deposits in Mali, Africa », Rare Gold Nuggets, (lire en ligne).
  6. « Mali : des orpailleurs chinois accusés d’avoir exploité illégalement et pollué le fleuve Falémé », Yahoo! Actualités, (lire en ligne).
  7. « Les mines, médaille d'or de l'économie du Mali » (trad. Amélie Depriester), Le Nouvel Économiste, (ISSN 0395-6458, lire en ligne).
  8. Ristel Tchounand, « Mali : un précipice économique en perspective pour le troisième producteur d’or d’Afrique », La Tribune Afrique, (ISSN 1760-4869, lire en ligne).
  9. (en) Reuters, « Mali gold production hits fresh high in 2020 », Kitco, (lire en ligne).
  10. (en) Reuters, « Gold mining in Mali unaffected by military coup », Al Jazeera, (lire en ligne).
  11. Thierry Barbaud, « L’or, le Mali et son régime fiscal… », Info Afrique, (lire en ligne).
  12. Human Rights Watch 2011, I. Le contexte : L’exploitation aurifère au Mali — L’extraction minière artisanale ou orpaillage.
  13. Human Rights Watch 2011, I. Le contexte : L’exploitation aurifère au Mali — Le travail et la migration des enfants en Afrique de l’Ouest.
  14. Human Rights Watch 2011, Les travaux dangereux des enfants dans les mines d’or artisanales du Mali.
  15. Human Rights Watch 2011, Les travaux dangereux des enfants dans les mines d’or artisanales du Mali — Creuser des puits et travailler sous terre.
  16. Human Rights Watch 2011, Les travaux dangereux des enfants dans les mines d’or artisanales du Mali — « Tirer la corde » et transporter le minerai.
  17. Human Rights Watch 2011, Les travaux dangereux des enfants dans les mines d’or artisanales du Mali — Broyer le minerai.
  18. Human Rights Watch 2011, Les travaux dangereux des enfants dans les mines d’or artisanales du Mali — Procéder au panage.
  19. Human Rights Watch 2011, Les travaux dangereux des enfants dans les mines d’or artisanales du Mali — L’utilisation du mercure pour l’amalgamation.
  20. Human Rights Watch 2011, IV. L’exploitation et la violence sexuelles — L’exploitation sexuelle.
  21. Serge Daniel, « Mali : à Tessalit, une ruée vers l'or sous la coupe des jihadistes », RFI, (lire en ligne).
  22. Serge Daniel, « Kayes : Comment l’ouest du Mali pourrait devenir une mine d’or pour les extrémistes », Intellivoire, (lire en ligne).
  23. « Des images de l'armée française “pillant l'or” du Mali ? Attention intox ! », France 24, (lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • [Human Rights Watch 2011] Juliane Kippenberg, Clive Baldwin, Judit Costa, Katharina Theil et Roland Algrant, Un mélange toxique : Travail des enfants, mercure et mines d’or artisanales au Mali, Human Rights Watch, , 6 p. (lire en ligne). 
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