Enheduanna

Enheduanna (𒃶𒁺𒀭𒈾, en-he2-du7-an-na ou En-Hedu-Ana, qui signifie peut-être « Noble ornement du dieu Ciel ») est une des filles du roi Sargon d'Akkad, princesse, prêtresse et poétesse de langue sumérienne. Elle a vécu vers le XXIIIe siècle av. J.-C.. Elle est la première personne identifiée à avoir produit une œuvre littéraire et dont le nom ainsi qu'une part significative de l'œuvre nous soient parvenus, donc peut-être la plus ancienne écrivaine qui nous est aujourd'hui connue[1].

Elle est aussi la seule autrice connue parmi les grands auteurs de la littérature mésopotamienne.

Biographie

Enheduanna est vraisemblablement la fille d'une prêtresse sumérienne, concubine de Sargon d'Akkad et non pas de la reine Tašlutum. Pour tenter de mieux contrôler la plus importante des villes de Sumer, son père en fait la grande prêtresse du dieu tutélaire de la ville d'Ur : Nanna, le Dieu-Lune ; une des divinités majeures du panthéon mésopotamien. À sa suite, d'autres filles de rois dominant la Mésopotamie occuperont cette même fonction — comme Enmenanna, fille de Naram-Sin d'Akkad, jusqu'à la fille de Nabonide, roi de Babylone au VIIe siècle av. J.-C..

Elle continue à assumer sa charge après la mort de son père, avant d'être exilée pendant le règne de son demi-frère Rimush, peut-être pour des raisons politiques, puis réintégrée dans ses fonctions. Cet exil est évoqué dans son poème le plus fameux L'Exaltation d'Inanna[2]. Il est aussi possible qu'elle ait été divinisée après sa mort.

Œuvre littéraire

Enheduanna est célèbre dans la Mésopotamie antique pour avoir été à l'origine d'hymnes religieux restés en usage pendant les siècles qui suivirent. Principalement trois hymnes à la déesse Inanna, protectrice de la dynastie d'Akkad, déesse de la guerre (et de l'amour physique) :

  • in-nin-me-hus-a, (INM), La victoire d'Inanna sur l'Ebih (182 lignes)[3]
  • in-nin-sa-gur-ra, (INS), La déesse vaillante (225 lignes sur 274 donc incomplet)[4]
  • nin-me-sar-ra, (NMS), Déesse de tous les pouvoirs divins plus connu comme L'exaltation d'Inanna] (153 lignes)[2]

Lui sont également attribués une suite de 42 poèmes figurant sur 37 tablettes retrouvées à Ur et à Nippur datant essentiellement de la Troisième dynastie d'Ur, copies de tablettes plus anciennes.

Cette suite e-u-nir est connue comme Les Hymnes de temple sumériens[5]. Pour chacune des principales villes de l'empire de son père, Enheduanna écrit un court poème dédié au dieu tutélaire de la cité et au temple de ce dieu. Ces Hymnes de temple devaient constituer une nouveauté puisque, juste après sa signature Enheduanna ajoute : « Mon roi, a été créé ce qui n'avait jamais été créé auparavant ». Enfin, l'utilisation de la première personne du singulier dans certains hymnes religieux devait également marquer une première. Naturellement, comme souvent dans l'antiquité, une partie de cette œuvre est apocryphe, ce que confirment les anachronismes de certains des textes : mention de temples de construction postérieure à son époque ou emploi de tournures linguistiques qui ne sont pas décrites de son temps. A contrario, Joan Westenholz estime que deux hymnes connus au dieu Nanna devraient également lui être attribués [Westenholz, 1989].

Archéologie

Enheduanna est représentée au milieu de trois autres personnages sur un disque d’albâtre de 26 centimètres de diamètre trouvé en 1927 dans les fouilles du gipar (ou giparu = presbytère) du sanctuaire de Nanna à Ur dans un couche datée du XXe siècle av. J.-C. et actuellement visible au musée archéologique de l'université de Pennsylvanie à Philadelphie[6]. Au dos du disque figure l'inscription : « épouse de Nanna et fille de Sargon ». Également, deux sceaux portant son nom et datés de l'époque de Sargon ont été découverts au cimetière royal d'Ur.

Plus de 100 tablettes cunéiformes ont été retrouvées et traduites de poèmes attribués à Enheduanna[réf. nécessaire].

Hommages

Enheduanna est l'une des 1 038 femmes dont le nom figure sur le socle de l'œuvre contemporaine The Dinner Party de Judy Chicago. Elle y est associée à la déesse Ishtar, troisième convive de l'aile I de la table[7].

Depuis 2015, un cratère de la planète Mercure est nommé Enheduanna en son honneur[8].

Notes et références

Bibliographie

  • (en) Hallo, W. W. et J.J.A. Van Dijk, The Exaltation of Inanna, Yale University Press, 1968
  • Bottéro, Jean, La Victoire d’Inanna sur l’Ebih, lorsque les Dieux faisaient l’Homme, Paris Gallimard, 1989
  • (de) Zgoll, Annette, Der Rechtsfall der En-hedu-Ana in dem Lied nin-me-sar-ra, Ugarit Verlag, Munchen, 1997
  • J.-J. Glassner, « En-hedu-Ana, une femme auteure en pays de Sumer au IIIe millénaire ? », dans F. Briquel-Chatonnet, S. Farès, B. Lion et C. Michel (dir.) Femmes, cultures et sociétés dans les civilisations méditerranéennes et proche-orientales de l’Antiquité, Topoi supplément 10, 2009, p. 219–231
  • (en) Princess, Priestess, Poet: The Sumerian Temple Hymns of Enheduanna, Betty De Shong Meador (auteur), John Maier (avant-propos), 2009
  • (en), (es), (it) Inanna - Lady of Largest Heart traduit en espagnol par Susana Wald: Tres grandes poemas de Enjeduana dedicates a Inanna, Universidad Autonoma de la Ciudad de Mexico, 2009 et en italien sous le titre Inanna, Signora dal cuore immenso, Venexia, 2009.
  • (en) Gabriella Bernardi, « Enheduanna (XXIV BC) », dans Gabriella Bernardi, The Unforgotten Sisters : Female Astronomers and Scientists before Caroline Herschel, Springer, (ISBN 978-3-319-26125-6, DOI 10.1007/978-3-319-26127-0, lire en ligne), p. 3-8.
  • Denise Le Dantec, "Enhehuaduanna, La femme qui mange les mots" illustré par Liliane Giraudon, édité par l'Atelier de l'Agneau, 2021 (ISBN 978-2-37428-045-5)

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