Engrais vert

Un engrais vert est une culture destinée à être enfouie, à l'état vert sur place par un labour[1], pour améliorer la structure du sol et sa fertilité[2]'[3]. Elle peut comporter une ou plusieurs espèces de plantes. C'est une technique agricole ancestrale, aux fonctions auxiliaires multiples, pratiquée par un agriculteur, un maraîcher ou un jardinier[1].

Le rôle du microbiote du sol est considérable et très varié : bactéries des légumineuses qui fixent l'azote atmosphérique, humification et minéralisation, mycorhization, défense des plantes par champignons endophytes

Rôle environnemental

En agriculture conventionnelle, l'engrais vert limite le recours aux intrants inorganiques. C'est une des pratiques de base de l’agriculture biologique où les engrais inorganiques de synthèse sont interdits et l'usage des fertilisants importés restreint[4]. Les engrais organiques permettent de protéger, stimuler ou améliorer la qualité du sol et sa fertilité[4].

En maraîchage

Il permet de réparer rapidement et de fertiliser le sol après l'exportation importante de biomasse produite en un temps réduit. Il permet aussi de stimuler l’activité biologique, de protéger les cultures en facilitant la maîtrise des adventices. C'est un élément important de la protection sanitaire des cultures[4].

Phacélie en fleur. Cet engais vert, un des plus utilisés en grande culture car gélif, est de plus une excellente plante mellifère

En grande culture

En culture de plein champs, en grande culture, il permet de limiter l'érosion, d'améliorer la structure du sol, d'augmenter parfois le taux d'humus et de réduire une éventuelle compaction. Dans le cas de compaction on utilise plutôt des plantes à enracinement profond (crucifères). Les légumineuses (trèfles, féverolle) laissent des reliquats azotés importants.

L'augmentation du taux d'humus contribue à limiter l'augmentation du taux de gaz carbonique dans l'atmosphère.

Engrais vert (mélange) dans une vigne bio.

En vignes et vergers

Des engrais verts sont souvent cultivés en interrang. D'une façon générale l'enherbement de l'interrang des plantations améliore la portance du sol et facilite le passage des machines.

Trois catégories

Les engrais verts peuvent être divisés en trois principales catégories :

Intercalaire de ray-grass dans un champ de maïs en Montérégie (Québec, Canada).

En culture intercalaire

Les engrais verts sont semées en même temps ou après la culture principale et entre les rangs de celle-ci.

En culture dérobée

Appelé aussi cultures de couverture ou culture intermédiaire, les engrais verts en culture dérobée poussent soit avant soit après la culture principale.

En culture de pleine saison

Les engrais verts de pleine saison remplacent la culture principale pendant toute une saison[5]. Toutefois ce positionnement entraîne un manque à gagner à court terme.

Trois techniques

Les engrais verts seront détruits soit par le gel au cours de l'hiver, soit par l'agriculteur par un travail mécanique (roulage, brûlage, fauchage, hachage, labour ou autres), soit par un traitement herbicide[6].

Origine et usage au fil du temps

C'est une technique attestée par les Anciens. Les Grecs (Théophraste) et les Romains, (Pline, Columelle) l'utilisent couramment, avec principalement le lupin pour améliorer leurs terres particulièrement en grande culture. Dans certains vignobles, il est enfoui au pied des ceps de vigne, formé des pampres coupés pendant l'ébourgeonnement associé aux feuilles tombées après la vendange. Cette technique immémorable parvient a maintenir la fertilité des vignes pendant une longue période de temps, sans le recours à d'autre engrais.

Au XIXe siècle, l'usage des engrais verts se pratique particulièrement en Italie ainsi qu'en France dans les départements méridionaux. En Allemagne, semé assez épais, le lupin est utilisé pour ses qualités de plante tolérante à l'altitude, aux froids et aux sols acides, et se substitue avantageusement au transport de fumier impossible sur les pentes de montagne. De plus, la forte amertume tannique de l'ensemble de la plante de lupin, sa protection naturelle limitant fortement l'appétence, éloigne d'autant les ravageurs potentiels et allège la surveillance. Aux États-Unis on utilise comme espèce unique le trèfle[1].

Utilités

Les engrais verts, tels que les CIPAN, peuvent entre autres servir à améliorer le cycle nutritif, en captant des éléments nutritifs. Ceux-ci seront emmagasinés dans la biomasse de l'engrais vert et éviteront ainsi d'être lessivés. Par exemple, un engrais vert de légumineuse pourra fixer l'azote de l'atmosphère terrestre. Le sarrasin est capable de rendre assimilable une partie du phosphore du sol grâce aux mycorhizes. Une fois la plante détruite, les minéraux contenus dans celle-ci sont libérés et pourront être utilisés par les cultures suivantes [7],[8].

La matière végétale facilement dégradable des engrais verts est une source de nourriture pour les micro-organismes et permet ainsi une augmentation de l'activité biologique du sol. Cette dégradation ne produira pas nécessairement une augmentation de l'humus, mais l'accroissement des activités biologiques par les micro-organismes entraînera une dégradation plus productive de l'humus stable et donc une augmentation des ressources minérales dans le sol. C'est pourquoi il faut qu'il y ait une certaine quantité de matière organique déjà présente dans le sol pour pouvoir observer ce phénomène[7].

Les racines des engrais verts, particulièrement celles des crucifères, vont créer des passages dans le sol et ainsi augmenter sa porosité. Ceci entraîne une meilleure aération, augmentant ainsi l’activité biologique des micro-organismes aérobiques[9].

De plus, certains passages créés par les racines des engrais verts peuvent être réutilisés par les racines des cultures suivantes qui pourront ainsi avoir accès plus facilement à l'eau ainsi qu'aux éléments nutritifs situés profondément. Un relais peut s'établir entre les racines des engrais verts et ceux des cultures principales et celles-ci pourront ainsi gagner en profondeur au fil des rotations, ce qui aura pour conséquence de leur donner accès à plus de ressources[9].

En plus de leur effet mécanique, les racines sont également une source de nourriture pour les vers de terre. Ceux-ci apportent plusieurs effets bénéfiques dans un champ comme, encore une fois, l'amélioration de son aération, mais également le brassage des éléments nutritifs[7].

La couverture végétale fournie par les engrais verts offre une protection du sol en servant d'interface entre celui-ci et l'atmosphère. Ainsi, le ruissellement et le lessivage occasionnés par la pluie sont considérablement restreints, ce qui réduit les pertes d'éléments nutritifs. Le sol est également protégé des rayonnements du soleil, ce qui réduit l'évaporation de ses réserves d'eau et lui permet d'avoir une température plus stable et donc plus propice pour les activités biologiques[9].

Les engrais verts peuvent également limiter l'établissement des mauvaises herbes en compétitionnant avec celles-ci pour les ressources ou en produisant des substances allélopathiques qui en limitent le développement[10].

Intérêt comparé de quelques engrais verts

Tableau permettant d'identifier l’intérêt de différents engrais verts représentatifs selon 5 caractères principaux en maraîchage[4].
Caractère Rapidité d'installation Développement racinaire Système racinaire profond Couvert végétal Équivalence au potager
Action Mécanique Biologique Mécanique Biologique Biologique Mécanique Physique Biologique Biologique
Fonction Désherbante Désherbante Structurante Désherbante Réorganisante Fracturante Structurante Ferilisant Désinfectante
Effet Concurrence directement et étouffe les adventices Inhibe la germination d’adventices Maintient et améliore la structure du sol et limite son érosion Concurrence l’effet nitrophile des adventices Ascenseur de nutriments, Limite le lessivage des nitrates Aide à la fissuration du sol et limite son érosion Limite le dessèchement l’érosion éolienne et la battance du sol Enrichissement du sol en nutriments NPK (N100U,P30U,K150U) Limite les maladies et ravageurs Légumes de la même famille
Brassicaceae (Crucifères)
Colza fourrager ++(+Ravenelle) +++ ++(+K,S) + +++ ++(+P) ++(+S)

Nématicide

Chou, navet, radis, raifort, rutabaga
Moutarde blanche ++(+Ravenelle) +++ ++(+Mouron,Ortie) ++(+P,K,S) + +++ ++(+P) ++(+S)

Nématicide

Navet ++(+Ravenelle) ++ ++(+P,K,S) ++ ++ ++(+P)
Radis chinois ++(+Ravenelle) +++ ++(+P,K,S) ++ ++ ++(+P) ++(+S)

Nématicide

Polygonacées
Sarrasin +(++Rumex,

Renouée)

+++ + ++(+Mouron,Ortie) +++(+P) ++ Rhubarbe
Fabaceae (Légumineuses)
Fenugrec +++ +++ ++(+N) Haricot, pois, fève, lentille, lupin
Luzerne +++ +++ ++ ++(+N)
Trèfle violet - ++ +++ ++(+N)
Vesce - ++ ++ ++(+N)
Hydrophyllacées
Phacélie - +++ ++ +++ Aucun
Poacées (Graminées)
Avoine +(++Chardon, Folle avoine) +++ +++ ++(-N,P) Maïs doux
Moha ++ +++ + ++ ++(-N,P)
Ray-grass d'Italie - ++ +++ + ++ ++(-N,P) ++(+Piège)

Hernie des crucifères

Seigle +(++Chiendent) +++ +++ +++ ++(-N,P)
Sorgho fourrager +++ ++(-N,P)
Légende : - Peu favorable + Favorable ++ Assez favorable +++ Très favorable (+ou- en particulier en Azote-N, Phosphore-P, Potassium-K, Soufre-S ou/et autres)

Guide

En 2017, L'Institut Technique de l'Agriculture Biologique Français (ITAB) a publié un guide de choix des couverts d'interculture (généralement traités en engrais verts mais parfois récoltés) en complément du cahier technique « Choisir et réussir son couvert végétal pendant l’interculture en AB », publié en juillet 2012, avec quarante fiches détaillant l'intérêt de chaque espèce[11].

Limites

Dans la plupart des cas, pour optimiser l’efficacité des engrais verts, il est conseillé d'éviter de remettre des plantes de la même famille au même endroit. De procéder à une rotation des cultures sur 4 ou 5 ans permet de laisser un intervalle de temps suffisant avant de cultiver la même espèce[réf. souhaitée].

Notes et références

  1. Joachim Isidore (1812-1881) Auteur du texte Pierre, Chimie agricole ou L'agriculture considérée dans ses rapports principaux avec la chimie (4e édition...) / par J. I. Pierre,..., (lire en ligne)
  2. Larousse agricole
  3. « Les engrais verts », sur Mon jardin en permaculture (consulté le )
  4. « Les engrais verts en maraîchage biologique » [PDF], sur itab.asso.fr, (consulté le )
  5. Sylvie Thibaudeau (2013) “Sylvie Thibaudeau, agr. M.Sc., communication personnelle” L'ABC du conseiller.
  6. James J. Hoorman, Nancy Malenfant, Sandrine Martin, Odette Ménard “Cultures de couverture-Les pratiques agricoles de conservation” Agriréseau 2011 .
  7. Pierre Jobin, Yvon Douville “Engrais verts et cultures intercalaires” Centre de développement d'agrobiologie .
  8. Andy Clark “Managing Cover Crops Profitably 3rd Edition” Sustainable Agriculture Research and Education (SARE) 2007.
  9. Frédéric Thomas, Matthieu Archambeaud “Les couverts végétaux-gestion pratique de l'interculture” Agri production 2013 Éditions France agricole.
  10. Jean Duval, Anne Weill Guide de gestion globale de la ferme maraîchère biologique et diversifié, Module 5, Rotation et engrais verts-Chapitre 9 Équiterre 2009
  11. « Couvert végétal pendant l'interculture en AB », sur ITAB, (consulté le )

Voir aussi

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