Enceinte de Lille

L'enceinte de Lille est un ancien ensemble de fortifications qui protégeait la ville de Lille entre le Moyen Âge et le XXe siècle.

La première enceinte médiévale (1054-1213)

Le castrum

Plan de Lille vers 1066

Une première enceinte est probablement débutée sous Baudouin IV et terminée sous son successeur, son existence est attestée en [1]. Ce castrum est construit au nord du forum et de la supposée motte castrale (place Gilleson). Il possède deux porte, l'une au nord appelée porte de Roez ou porte Saint-Pierre s'ouvrant sur la route de Bruges, Courtrai et Gand, et l'autre au sud dite porte du Châtelain s'ouvrant vers le forum.

Les premiers agrandissements

Au cours du XIIe siècle, l'enceinte est progressivement étendue au forum puis aux paroisses de Saint-Maurice et Saint-Sauveur, la nature de celle-ci est cependant inconnue[2]. C'est probablement à la suite de cette extension qu'apparaissent les portes suivantes (dans le sens horaire) :

  • la porte de Courtrai ;
  • la porte des Reignaux ;
  • la porte de Fives ;
  • la porte Saint-Sauveur ;
  • la porte des Malades ;
  • la porte du Molinel ;
  • la porte de Weppes.

La seconde enceinte médiévale (1230-1400)

Les sièges de 1213 et la reconstruction

En , le roi de France Philippe Auguste entre en guerre contre le comte de Flandre Ferrand, la ville de Lille est assiégée plusieurs fois au cours de l'année. La ville prise par Philippe Auguste en juin, celui-ci fait transformer une maison appartenant à la famille Dergnau ou Dérégnau située à proximité de l'église Saint-Maurice mais à l'extérieur de l'enceinte en maison forte par le renforcement des murs, la création d'un fossé et la création d'un passage la reliant à l'intérieur de la ville à travers l'enceinte[3]. Ces multiples sièges entrainent la destruction en grande majorité ou totale de l'ancienne enceinte. Ferrand fait prisonnier à Bouvines en et Philippe Auguste vainqueur, la comtesse de Flandre Jeanne de Constantinople obtient la paix à condition de ne pas relever les fortifications de Lille et celles de Flandre, de faire démolir celles d'Audernarde, Valenciennes et Ypres et de ne pas en élever de nouvelles.

Plan de la ville en 1304 et des types de courtine d'après les comptes de travaux jusqu'en 1338 : en rouge les parties attestées comme maçonnées en 1338 et en vert les parties attestées comme en terre ou admises comme telles.

Dix ans plus tard, Philippe Auguste mort en et son fils Louis VIII en , Blanche de Castille femme du dernier devenue régente du royaume de France consent à laisser la ville rétablir les portes et fossés. La ville procède alors à partir de à leur reconstruction en en gardant probablement le tracé à l'exception de l'enceinte séparant le castrum du reste de la ville (dont fait partie la porte du Châtelain) qui est probablement supprimée[note 1] mais également en agrandissant l'enceinte par l'incorporation de l'îlot Rihour, situé entre le canal des Poissonceaux et les deux bras de la Deûle (Haute-Deûle et Fourchon)[5]. La reconstruction de l'enceinte s'accompagne également de la réalisation de nouvelles tours maçonnées ainsi qu'à l'ajout de créneaux et au renforcement général de l'enceinte autorisés en 1284 par Philippe III le Hardi, dont la tour Ysembart (sous l'actuelle rue des Trois Molettes), datée du XIIIe siècle[4],[6]. À l'exception des portes et des nouvelles tours, la courtine est construite en terre[note 2],[7]. À la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle deux sections sont néanmoins réalisées en maçonnerie : la première entre les portes de Fives et Saint-Sauveur (attestée en 1318) et l'autre entre la porte du Molinel et la tour Rihour (construite au cours de l'année 1338)[note 3],[7]. Une autre section en maçonnerie est également probablement réalisée entre la porte Saint-Pierre et la tour Ysembart à cette époque[note 4].

Le château de Courtrai

Plan schématique du château.

À la fin du XIIe siècle, la Flandre est à nouveau en guerre contre la France, les fortifications de la ville sont réparées au début de l'année , Philippe le Bel assiège par la suite la ville et la prend le . En , il fait entreprendre la construction d'un château occupant l'ancien faubourg de Courtrai ce qui entraine diverses modifications sur l'enceinte dont la destruction de l'ancienne porte de Courtrai (voir Château de Courtrai).

L'agrandissement de 1370

Vers , le faubourg de Weppes (paroisse Sainte-Catherine) est englobé dans l'enceinte urbaine, une nouvelle enceinte est construite pour l'englober dont en la porte de la Barre qui vient remplacer la porte de Weppes[10]. Il est probable qu'une partie de cette nouvelle enceinte ait d'origine été réalisée en maçonnerie et non en terre comme c'était le cas pour les constructions du XIIIe siècle[note 5].

Les fortifications modernes (1400-1667)

Les fortifications de transition

Plan Deventer vers 1545 (centré sur la ville)
Idem (général)

En 1402, on commence la construction de la Noble Tour sur le front sud-est et des boulevards sont rajoutés.

À partir des années 1520, l'enceinte subit une vague de modernisation dans le cadre de la guerre entre Charles Quint et la France : en 1521, les portes de Fives, Saint-Sauveur, des Malades et du Molinel sont arasées afin de ne pas constituer une cible pour l'artillerie[note 6]. Une entrée est ajoutée à la Noble Tour qui est également arasée et une tour nouvelle est construite sur la courtine entre la porte des Malades et du Molinel[note 7]. En 1525, des travaux de remparement sont menés (élargissement du rempart) et la courtine à proximité de la collégiale Saint-Pierre est rénovée.

À nouveau en guerre avec la France à partir de 1537, divers modifications sont entreprises, il est interdit de bâtir dans un rayon de 1 400 pieds (427 mètres) autour de l'enceinte, des modifications sont faites aux portes Saint-Sauveur et de la Barre.

Plan du château avant le démantèlement de 1577.
Plan du château après le démantèlement du front côté ville en 1577.

En 1577, le démantèlement du château de Courtrai est décidé, le mur côté ville est démoli tandis que les trois fronts extérieurs sont intégrés à l'enceinte urbaine.

À la même époque, entre 1572 et 1599, des demi-lunes et ouvrages à cornes sont ajoutés à l'enceinte[note 8],[11],[8] :

Les agrandissements de 1603 et 1617

Plan de Lille en 1650

Pour faire face à l'accroissement de la population, divers projets d'agrandissements sont menés à partir de 1539 sans aboutir.

La nouvelle porte Notre-Dame.

Un nouveau projet est dressé en 1597 par l'ingénieur Mathieu Bollin qui propose d'annexer le faubourg du Molinel au sud-ouest. Ce projet est accepté en 1603 et les travaux sont menés à partir de cette date jusqu'en 1605. La nouvelle enceinte est construite entre le cours de la Haute-Deûle au nord et la tour de 1521 au sud. Elle comporte trois ouvrages en saillant (du nord au sud) : un ouvrage de forme rectangulaire dit du Calvaire (21), un bastion à flancs droits dit de la Piquerie (23) et un redent dit du Moulinet (26). Sur la courtine 23-26 entre ces deux derniers ouvrages est percée une nouvelle porte dite "Notre-Dame" du nom du faubourg qui remplace l'ancienne porte du Molinel. Cette nouvelle enceinte n'est reliée à l'ancienne qu'au sud, elle reste séparée au nord de l'ancienne par la Haute-Deûle.

En 1617, un second agrandissement est effectué au nord en annexant les faubourgs de Courtrai et des Reignaux. Une nouvelle enceinte est réalisée entre l'ouvrage à cornes devant l'îlot du Gard et la courtine au sud du faubourg des Reignaux, elle comporte cinq bastions à flancs droits perpendiculaires à la courtine et ligne fichante : de la Madeleine (55), du Meunier (ou des Carmélites, 51), des urbanistes (49), de Saint-Maurice (47), des buiges (46). Deux portes sont percées en remplacement des anciens ouvrages : la porte Saint-Maurice (de Roubaix) du nom du faubourg Saint-Maurice sur la courtine 47-49 en remplacement de la porte des Reignaux et la porte de la Madeleine (de Gand) sur la courtine 51-55 en remplacement de la porte de Courtrai. Cette nouvelle enceinte est détachée de l'ancienne et en est séparée par la Basse-Deûle (fossé des remparts).

L'ancienne enceinte est préservée malgré cela derrière les nouvelles et ne va être supprimée que dans la seconde moitié du XVIIe siècle[note 9].

Ajouts ultérieurs

Plan en 1668 (centré sur la ville)
Idem (général)

Diverses modifications sont par la suite effectuées.

L'enceinte nord ne subit que très peu de modifications hormis le rajout de demi-lunes devant l'ouvrage à cornes de la Barre, de leur côté, la courtine et la porte Saint-Pierre sont entourées d'un chemin couvert et glacis.

Sur le front nord-est du 5e agrandissement, l'ancien ouvrage à cornes devant l'îlot du Gard est supprimé et un bastion (58) similaire à ceux de ce front est ajouté sur la rive droite. Diverses demi-lunes sont ajoutées devant les courtines, doublées devant les deux portes de la Madeleine et Saint-Maurice, avec chemin couvert et glacis. L'enceinte médiévale et le château de Courtrai sont rasés.

Au sud-est le tracé de l'enceinte est régularisé renforcé de demi-lunes avec chemin couvert et glacis. Un demi bastion est créé au nord de la porte de Fives pour faire la liaison avec l'enceinte du 5e agrandissement, un autre bastion (n°41, probablement englobant l'ancienne demi-lune de la Noble Tour) est créé comportant un flanc gauche à orillons et l'autre droit englobant la Noble Tour dont il prend le nom.

Sur le front sud, l'enceinte est également régularisée et un bastion à flancs droits dit des Canonniers est créé à l'ouest (30), la portes des Malades est défendu par une ancienne demi-lune et un second ouvrage extérieur le tout comme pour les autres front entouré d'un chemin couvert et glacis.

À l'ouest, l'enceinte du 4e agrandissement est reliée au nord à l'ancienne enceinte avec la construction d'une nouvelle porte d'eau, le profil du redent du Moulinet (26) est légèrement modifié et l'ouvrage du Calvaire (21) est transformé en bastion par l'ajout de deux faces. Divers ouvrages extérieurs sont ajoutés dont des demi-lunes devant les courtines avec chemin couvert et glacis.

L'enceinte de 1858

Les fortifications après l'annexion des communes de Moulins, Wazemmes, Esquermes et Fives (1858-1930).

Vestiges

Une partie de l'enceinte est préservée comprenant :

Notes et sources

Notes

  1. Saint-Léger cite néanmoins dans les portes reconstruites en 1230 la porte du Châtelain[4].
  2. Blieck et Vanderstraeten listent d'après les comptes de travaux de à les parties suivantes de l'enceinte attestées comme étant construites en terre (dans le sens horaire) : à la porte de Saint-Pierre, derrière la collégiale Saint-Pierre, à la porte de Courtrai, près de la tour du Couvent des Frères Mineurs jusqu'à la porte des Reignaux, au niveau de la porte Saint-Sauveur, près de la porte du Molinel et à la porte de la Barre[7]. Toutes ces sections à l'exception de la porte de la Barre et celle de Courtrai sont attestées comme construites en terre sur un plan des fortifications de Lille fait en 1599 pour servir à des propositions d'agrandissement[8]. Dans le cas des porte de la Barre comme celle de Courtrai, la réalisation d'une courtine maçonnée semble ultérieur, dans le cas de la porte de Courtrai, il se peut cependant que les comptes de travaux se référent à l'ancienne porte de Courtrai qui est remplacée par une autre à la construction du château de Courtrai.
  3. La construction de ces sections peut être liée à l'autorisation de Philippe III le Hardi en de renforcer l'enceinte ou du fait que la Flandre est à nouveau en guerre et n'est plus soumise aux décisions du roi de France. La construction de la section maçonnée entre la porte du Molinel et la tour Rihour en 1338 peut-être liée à la demande faite en 1337 par le roi de France aux lillois de mettre en état les fortifications[9]
  4. La section entre la porte Saint-Pierre et approximativement la tour de Courtrai est attestée sur le plan des fortifications de Lille fait en 1599 pour servir à des propositions d'agrandissement, la section entre cette dernière tour et la tour Ysembart étant désaffectée lors de l'agrandissement du faubourg de Weppes[8].
  5. L'existence d'une enceinte maçonnée est attestée entre la tour Willaume Le Bay jusqu'à la tour de la Neuve Arque (par la porte de la Barre) sur le plan des fortifications de Lille fait en 1599 pour servir à des propositions d'agrandissement[8].
  6. Saint-Léger évoque également la condamnation de la porte Saint-Sauveur en 1521 et celle de Fives en 1522. Il s'agit là probablement d'une mesure temporaire, on sait que ces deux portes n'ont été condamnées définitivement que 100 ans plus tard.
  7. Saint-Léger évoque la construction de tours sans en préciser le nombre, le plan de 1599 et celui de Beaulieu en 1650 ne témoignent que d'une seule tour d'une taille plus importante que la Noble Tour, pouvant correspondre aux procédés utilisés dans la première moitié du XVIe siècle[8].
  8. On peut également dater les ouvrages à cornes et les demi-lunes à orillons à cette époque, l'usage de ces orillons s'étant démocratisé dans les Pays-Bas à partir des années 1540-1550. Il peut s'agir des ouvrages rajoutés en 1591 qu'évoque Saint-Léger sans en préciser la nature.
  9. Saint-Léger affirme que la courtine au sud-ouest est démolie en 1606 à la suite de la complétion de l'ancienne tandis qu'au nord-est l'ancien fossé du rempart est maintenu, cela est cependant contredit par la carte militaire de Sébastien Pontault de Beaulieu de 1650.

Références

  1. Saint-Léger 1942, Lille sous les Comtes de Flandre, Chapitre 1.
  2. Saint-Léger 1942, Lille sous les Comtes de Flandre, Chapitre 2.
  3. Saint-Léger 1942, Lille sous les Comtes de Flandre, Chapitre 3 : L'année terrible 1213.
  4. Saint-Léger 1942, Lille sous les Comtes de Flandre, Chapitre 5 : La vie à Lille au XVIIIe siècle.
  5. Saint-Léger 1942, Lille sous les Comtes de Flandre, Chapitre 4 : Lille sous les comtesses Jeanne et Marguerite de Constantinople et le comte Guy de Dampierre
  6. Blieck & Vanderstraeten 1988, p. 117-119
  7. Blieck & Vanderstraeten 1988, p. 108
  8. PLan de la ville comme elle est présentement anno 1599, plan des fortifications et canaux de Lille en 1599 avec des propositions de projets d'agrandissements, Bibliothèque municipale de Lille AG/10/10/; Ark:/74900/a0114289249877Yg2Cw
  9. Saint-Léger 1942, Lille sous les roies de France (1304-1369), Chapitre 1.
  10. Saint-Léger 1942, Lille sous les roies de France (1304-1369), Chapitre 2.
  11. Plan de Lille en 1572, Bibliothèque municipale de Lille AG/10/10bis; Ark:/74900/a011428911810vlEUjp

Bibliographie

Monographies

Articles

  • Gilles Blieck et Laurence Vanderstraeten, « Recherches sur les fortifications de Lille au Moyen Age », Revue du Nord, , p. 107-122 (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

  • Portail de l’histoire militaire
  • Portail de la métropole européenne de Lille
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