Empreinte écologique

L'empreinte écologique ou empreinte environnementale est un indicateur et un mode d'évaluation environnementale qui comptabilise la pression exercée par les hommes envers les ressources naturelles et les « services écologiques » fournis par la nature. Plus précisément, elle mesure les surfaces alimentaires productives de terres et d'eau nécessaires pour produire les ressources qu'un individu, une population ou une activité consomme et pour absorber les déchets générés, compte tenu des techniques et de la gestion des ressources en vigueur. Cette surface est exprimée en hectares globaux (hag), c'est-à-dire en hectares ayant une productivité égale à la productivité moyenne[2].

L'économie de subsistance, outre le fait qu'elle rend direct le calcul portant sur les surfaces agricoles employées, pèse peu vis-à-vis de l'empreinte écologique.
Excédent ou déficit écologique national (2013)[1].
  • x ≤ -9
  • -9 < x ≤ -8
  • -8 < x ≤ -7
  • -7 < x ≤ -6
  • -6 < x ≤ -5
  • -5 < x ≤ -4
  • -4 < x ≤ -3
  • -3 < x ≤ -2
  • -2 < x ≤ -1
  • -1 < x < 0
  • 0 ≤ x < 2
  • 2 ≤ x < 4
  • 4 ≤ x < 6
  • 6 ≤ x < 8
  • 8 ≤ x

Le calcul de l'empreinte écologique d'une entité ou d'un territoire répond à une question scientifique précise, et non à tous les aspects de la durabilité, ni à toutes les préoccupations environnementales. L'empreinte écologique aide à analyser l'état des pressions sur l'environnement sous un angle particulier, en partant de l'hypothèse que la capacité de régénération de la Terre pourrait être le facteur limitant pour l'économie humaine si elle continue à surexploiter ce que la biosphère est capable de renouveler[3]. Une métaphore souvent utilisée pour l'exprimer est le nombre de planètes nécessaires à une population donnée si son mode de vie et de consommation était appliqué à l'ensemble de la population mondiale.

La Journée internationale de l'empreinte écologique est célébrée le 3 mai.

Utilité

Méthode de comptabilité environnemental, l'empreinte écologique estime la pression exercée sur la nature par une population en déterminant la surface terrestre nécessaire pour subvenir à ses besoins[4]. Elle permet de comparer les populations en elles quant à la consommation des ressources naturelles.

Être en « dépassement écologique » signifie que l'on déprécie (localement, pour le présent ou le futur) du capital naturel (en puisant dans les stocks plutôt que dans le surplus généré annuellement par la nature) et/ou que l'on accumule des déchets dans l'environnement (en émettant plus de déchets que ce que la nature peut assimiler annuellement).

L'empreinte écologique peut aussi donner une mesure de la pression environnementale découlant de la production d'objets tels que, par exemple, voiture, ordinateur ou téléphone portable[5].

Éléments de définition

L'empreinte écologique est un indicateur et un mode d'évaluation environnementale qui comptabilise la pression exercée par les hommes sur les ressources naturelles et les « services écologiques » fournis par la nature.

Le professeur britannique Colin Fudge propose une définition simple : pour lui, l'empreinte écologique est « la superficie géographique nécessaire pour subvenir aux besoins d'une ville et absorber ses déchets »[6].

Pour William E. Rees, un des pères du concept d'« empreinte écologique », économiste environnemental à l'université de la Colombie-Britannique (Vancouver), l'empreinte écologique est la « surface correspondante de la terre productive et des écosystèmes aquatiques nécessaires à produire les ressources utilisées et à assimiler les déchets produits par une population définie à un niveau de vie matériel spécifié, là où cette terre se trouve sur la planète »[7].

Pour l'OCDE il s'agit de la « mesure en hectares de la superficie biologiquement productive nécessaire pour pourvoir subvenir aux besoins d’une population humaine de taille donnée »[8].

Par extension, on peut calculer l'empreinte d'un objet (un ordinateur, une voiture, un meuble en bois exotique) grâce à l'analyse du cycle de vie, en considérant la surface moyenne liée aux ressources nécessaire à l'extraction et au transport des matériaux, à sa fabrication, son fonctionnement et son élimination.

Par exemple, les empreintes en l'an 2000 étaient estimées respectivement à :

  • Téléphone portable : de 0,6 % (vieux modèles) à 0,4 % (modèles récents) de la surface terrestre bioproductive nécessaire par tête ;
  • Ordinateur portable : 9 % de la surface terrestre bioproductive.

Formule virtuelle

Cette « surface » métaphorique est virtuelle mais traduit une réalité très concrète ; dans un monde fini où la population croît, plus cette « empreinte » est large, plus on s’éloigne de l'idéal de soutenabilité et de durabilité du développement (autrement dit, métaphoriquement, plus l'entité est « lourde », plus son empreinte sera profonde et moins réversible sur la planète, surtout si la surface dont elle dispose est petite).

En d'autres termes :Empreinte écologique − biocapacité = dépassement écologique avecBiocapacité = surface × bioproductivité etEmpreinte écologique = population × consommation par personne × intensité en ressources et en déchets

Histoire et origine du concept

Le terme d'empreinte écologique s’inscrit dans la lignée du Club de Rome qui voit l'apparition de plusieurs indicateurs mesurant l'impact humain sur la nature, avec notamment l'I PAT (en)[9], et apparaît au moment de la Conférence de Rio Sommet de la Terre ») en 1992 dans le premier article académique intitulé Ecological Footprints and Appropriated Carrying Capacity: What Urban Economics Leaves Out[10] (empreintes écologiques et capacité de charge appropriée : ce que l'économie urbaine laisse de côté) écrit par le Professeur de planification urbaine William E. Rees de l'Université de la Colombie-Britannique. La méthode se développe comme thèse de doctorat de Mathis Wackernagel sous la direction de William Rees, entre 1990 et 1994. Le résultat de la thèse est publié en 1995 : constatant que les habitants d'une ville avaient besoin d'une certaine surface de terres biologiquement productives (surfaces agricoles, espaces forestiers), un indicateur peut mesurer cette pression humaine sur les ressources naturelles en comparant « l'offre » en ressources naturelles à la « demande » humaine sur ces ressources. Wackernagel et Rees publient alors un livre intitulé Our Ecological Footprint: Reducing Human Impact on the Earth dans lequel ils affinent le concept et la méthode de calcul, l'indicateur d'empreinte écologique étant étendu à l'ensemble de la planète. Ce livre est traduit en français en 1999 sous le titre Notre empreinte écologique[11].

Depuis 2003, le think tank « Global Footprint Network »[12], ONG cofondée par Mathis Wackernagel et Susan Burns, est chargé du perfectionnement de la méthodologie ainsi que de la mise à jour des résultats. Global Footprint Network publie ainsi chaque année un atlas détaillant l'empreinte écologique de chaque pays[13].

Des logiciels dits « calculateurs » ont été produits et affinés pour mesurer des empreintes écologiques à diverses échelles, sur la base de données publiées et comparables, par exemple le calculateur carbone personnel de l'ADEME[14].

L'empreinte écologique a connu un succès croissant à partir de la fin des années 1990. Le WWF a fortement contribué à le populariser, avec en France l'association 4D, puis Agora 21, quelques collectivités (Conseil Régional Nord pas de Calais, Ville de Paris, puis certains conseils généraux (Conseil Général du Nord), encouragés par la DATAR qui le cite en exemple de bonne pratique mais sans cependant l'utiliser. Il est publié tous les deux ans par l'association WWF, dans le Rapport Planète Vivante. La notion d'empreinte écologique a été diffusée au Sommet de Johannesburg par WWF en 2002. Cet indicateur est notamment considéré comme un moyen de communication puissant pour le grand public.

L’empreinte écologique tire aussi son inspiration des approches géobiophysiologiques de la biosphère et de l'écologie du XXe siècle qui ont contribué à la notion unifiante de sustainability (soutenabilité du développement) et au concept économique d'« internalisation des coûts externes (environnementaux et sociaux) ».

La boite à outil de l’empreinte écologique dérive aussi des approches « Étude d’impact » et « Mesures conservatoires et compensatoires » qu’elle contribue à grandement rénover, avec d’autres outils tels que le Bilan carbone ou le Profil environnemental. Le calcul de l'empreinte en lui-même est neutre : il ne fait qu'exposer des faits. On peut cependant interpréter le dépassement actuel (et l'augmentation de la dette écologique) comme une nécessité de développer des mesures compensatoires écologiquement efficientes et fonctionnelles.

Calcul de la biocapacité et de l’empreinte écologique

Selon le guide du Global Footprint Networks[15], le calcul actuel de l'empreinte se fonde sur les concepts et sous-calculs suivants :

Biocapacité

Sur l’ensemble de la surface terrestre (environ 51 milliards d’hectares), on estime qu’environ 12 milliards d’hectares (terrestres et aquatiques) sont bioproductifs au sens où ils créent chaque année une certaine quantité de matière organique grâce à la photosynthèse. Dans les déserts et la majeure partie des océans, la photosynthèse existe aussi mais est trop diffuse pour que ses produits soient exploités par l’homme.

On distingue cinq types de surfaces bioproductives (données 2009) :

  • les champs cultivés (environ 1,6 milliard d’ha) ;
  • les pâturages (environ 3,4 milliards d’ha) ;
  • les forêts (environ 3,9 milliards d’ha) ;
  • les pêcheries (environ 2,9 milliards d’ha) ;
  • les terrains construits (en effet, on fait l’hypothèse que les villes se sont le plus souvent construites sur des terres arables) (environ 0,2 milliard d’ha).

Afin de pouvoir agréger ces différentes surfaces, on les convertit en une nouvelle unité, l’hectare global (hag), qui représente un hectare de bioproductivité moyenne sur Terre une année donnée. Le poids de chaque type de surface est ainsi modifié ce qui s’explique par le fait qu’ils ne produisent pas tous la même quantité de services (un hectare de pâturages est par exemple moins productif qu’un hectare de cultures).

Au niveau national, le calcul de la biocapacité pour chaque type de surface prend en compte la productivité du pays par rapport à la moyenne mondiale. Cette productivité inférieure ou supérieure à la moyenne s’explique par les différences dans la technologie disponible, le climat, la qualité des sols…

On notera que des pratiques agricoles non durables peuvent faire augmenter la biocapacité du terrain considéré : l’empreinte écologique n’est pas un outil prédictif et constate donc les gains instantanés engendrés par ces pratiques. Cependant, l’empreinte pourra rendre compte d’une éventuelle détérioration dans le futur : les sols pollués verront leur productivité et donc leur biocapacité diminuer.

Empreinte écologique

Les activités humaines consomment des ressources et produisent des déchets. Aux cinq types de surfaces bioproductives correspondent six types d’empreintes (5 pour les ressources, un pour un type de déchet : le CO2)

  • champs cultivés
  • pâturages
  • forêts pour le bois
  • forêts pour la séquestration du carbone (ou empreinte carbone)
  • pêcheries
  • terrains construits

Les forêts offrent donc deux services différents et en compétition : fournir des produits à base de bois ou séquestrer une partie du carbone émis par l’homme. Les forêts ne peuvent fournir les deux services à la fois : si l'on souhaite qu'une partie des forêts séquestrent du CO2 sur le long terme, il faut accepter de ne jamais les couper.

L'exemple simplifié qui suit permet de comprendre le principe de calcul utilisé pour chacune des empreintes partielles : 10 tonnes de bois sont nécessaires à une activité donnée ; or la productivité moyenne des forêts dans le monde est de 2 tonnes de bois par hectare par an. L’activité mobilise donc 5 hectares de forêts. On peut encore par la suite transformer les 5 hectares de forêts en hectares globaux ce qui permettra d’agréger les différentes empreintes partielles.

Ordres de grandeur mondiaux et tendances

Avec une biocapacité d’environ 12,22 Ghag (milliards d'« hectares globaux »)[16] et une population de 7,3 milliards d'humains, la biocapacité disponible par personne en 2014 était de 1,68 hag hectares globaux »). Or, un Terrien moyen avait besoin en 2014 de 2,84 hag. Le dépassement a donc été de 69 %, autrement dit il aurait fallu 1,69 planète pour fournir la consommation humaine de façon durable en 2014[17].

L'empreinte écologique mondiale a en fait dépassé la capacité biologique de la Terre à produire nos ressources et absorber nos déchets depuis le milieu des années 1980, ce qui signifie que l'on surconsomme déjà les réserves, en réalité en surexploitant les milieux.

La tendance à l'augmentation n'a pas encore pu être inversée, en raison de la difficulté de changer les modes de consommation et de production, en dépit des engagements et objectifs de développement durable établis aux sommets de la Terre de Rio de Janeiro en 1992 et de Johannesburg en 2002.

Ordres de grandeur par grandes zones géographiques

Quelques repères pour l'année 2014[17] :

  • La moyenne mondiale de l'empreinte écologique est de 2,84 hag par personne alors que la biocapacité moyenne est de 1,68 hag par personne ; il faut donc 1,69 Terre pour couvrir la consommation de l'humanité ;
  • Un Français a besoin de 4,7 hag pour maintenir son niveau de vie. Si tous les humains consommaient autant qu'un Français, il faudrait disposer de 2,79 planètes ;
  • Un Américain a besoin de 8,37 hag pour sa consommation. Si tous les humains consommaient comme un Américain, il faudrait disposer de 4,97 planètes ;
  • Un Brésilien a une empreinte écologique de 3,08 hag (1,83 planète) ;
  • Un Chinois a une empreinte de 3,71 hag (2,21 planètes) ;
  • Un Indien a une empreinte de 1,12 hag (0,67 planète).
  • un Haïtien a une empreinte de 0,67 hag (0,4 planète).

Quelques exemples d'empreintes

D'après la base de données du Global Footprint Network[17], les empreintes écologiques (hag par personne) étaient en 2014 :

par continent
Amérique du Nord 8,33
Europe occidentale 5,15
Europe 4,69
Moyenne mondiale 2,84
Amérique Latine et Caraïbe 2,77
Asie 2,39
Biocapacité 1,68
Afrique 1,39
Asie du Sud 1,16
Afrique centrale 1,11
par pays (2016)[18]
1. Qatar 14,4
2. Luxembourg 12,9
3. Émirats arabes unis 9
4. Bahrein 8,6
5. Koweït 8,6
6. Trinidad et Tobago 8,4
7. États-Unis 8,1
8. Canada 7,7
9. Mongolie 7,7
10. Estonie 7,1
Australie 6,6
Allemagne 4,8
France 4,4
Chine 3,6
Turquie 3,4
Brésil 2,8
Algérie 2,4
Nigeria 1,1
Inde 1,2
Indonésie 1,7
Bangladesh 0,8
Burundi 0,7

En France

L'empreinte écologique française est pour plus de moitié due à l'empreinte carbone (i.e. aux émissions de CO2) : en 2014, l'empreinte écologique par habitant de la France s'élève à 4,7 hag, dont 2,59 hag d'empreinte carbone, soit 55 %. Au cours du dernier demi-siècle, la part de celle-ci a progressé de 50,8 % en 1961 à 55 % en 2014, devant l'agriculture[19].

Composantes de l'empreinte écologique française en 1961 et 2014[19]
Composante 1961 2014
Énergie 50,8 % 55 %
Cultures 19 % 20 %
Forêts 10,6 % 11 %
Pâturages 12,1 % 5,5 %
Artificialisation 1,4 % 3,4 %
Pêche 6,1 % 4,5 %

La branche française de l'ONG WWF annonce le 4 mai 2018 que le jour du dépassement français calculé par Global Fooprint Network tombe en 2018 le 5 mai, c'est-à-dire que si le monde entier émettait autant de carbone par ses activités, consommait autant de terres, utilisait autant de terrains bâtis que les Français, le Jour du dépassement planétaire (jour à partir duquel l’humanité a consommé l’ensemble du budget annuel mondial disponible en ressources naturelles) tomberait en 2018 le 5 Mai. Autrement dit, il faudrait 2,9 Terre si toute l'humanité vivait comme les Français[20]. Par ailleurs, si l'on compare l'empreinte écologique des Français à la biocapacité de la France (et non à la biocapacité de la planète ramenée à l'échelle de la France), on obtient un rapport de 1,8 : les Français demandent à leur pays 1,8 fois ce que sa capacité est capable de leur fournir[21].

Discussions et interprétations

Outil de citoyenneté

Dès lors que les données de bases sont disponibles, l’empreinte écologique permet à tous, de manière transparente de :

  • se servir de statistiques disponibles pour calculer le territoire qu'il accapare ;
  • mieux comprendre l'interdépendance des zones urbaines et rurales ;
  • mieux prendre en compte l'impact de la globalisation des économies, des délocalisations ;
  • mesurer le chemin parcouru ou à parcourir pour arriver au développement soutenable ou équitable ;
  • visualiser et hiérarchiser les enjeux (de manière très pédagogique) ;
  • traduire métaphoriquement les niveaux élémentaires d’offre et de demande en ressources naturelles ou fossiles ;
  • l'offre étant donnée à un instant « t » par les limites de la biosphère, elle diminue avec la surexploitation des ressources fossiles et vivantes, avec la dégradation des écosystèmes (déforestation, désertification, érosion et dégradation des sols, des nappes, des estuaires et écosystèmes marins qui réduisent la surface des écosystèmes productifs), et bientôt peut-être avec invasions marines ou aléas climatiques liés à l'effet de serre anthropique ;
  • la demande varie avec le niveau de vie, les préférences personnelles ou culturelles, mais aussi, et légitimement, avec le climat, les saisons, les besoins de réparation liés aux guerres et aux aléas climatiques.

Plus encore, l'empreinte écologique permet de visualiser précisément l'inégalité des conséquences du développement économique sur les différents territoires et populations. Son calcul pour différentes situations permet en effet plusieurs opérations éloquentes :

  • comparer la situation de différents territoires et leur évolution ;
  • montrer la dépendance d’un territoire par rapport à d’autres souvent plus pauvres, pour rétablir des rapports plus justes et équitables ;
  • montrer qu’avec nos modes de développement et déplacements gaspilleurs en ressources, ceux qui bénéficient d'un niveau de vie jugé simplement correct prélèvent déjà plus que leur part « légitime » et soutenable, même s'ils paient ce « privilège » à un prix jugé « normal » déterminé par le marché (les écotaxes pourraient aussi s’appuyer sur l’empreinte écologique).

L'empreinte écologique est ainsi un instrument pédagogique irremplaçable pour démontrer les liens du caractère plus ou moins soutenable du développement avec l'accroissement des inégalités.

Empreinte écologique et inégalités

Une empreinte écologique faible peut être choisie ou subie, plus ou moins facilement ou difficilement selon la productivité de l'environnement dans lequel on vit, et selon le nombre de personnes qui ont besoin d'y prélever les ressources nécessaires à leur vie. Les hommes ne sont pas égaux non plus face à la géographie des conséquences des dérèglements climatiques et écologiques. Les pays les plus pauvres ont encore une empreinte écologique par personne inférieure au niveau moyen qui serait supportable par la planète, mais aspirent à se développer et ont généralement une démographie élevée.

Certains évoquent une double dette écologique :

  1. des pays riches envers les pays pauvres ;
  2. et des générations actuelles envers les générations futures.

Les premiers « empruntent » (sans les payer ou en ne les payant pas au juste prix, tant qu’il n’y a pas de fortes taxes) d’énormes surfaces de ressources naturelles, terres arables, forêts, essentiellement situées dans les pays du Sud. Ils y exportent une partie de leurs pollutions (et notamment celles qui ne connaissent pas de frontière, dont les gaz à effet de serre).

L’inégalité mondiale face aux ressources bioproductives et à leur accès se retrouve aux niveaux national, régional et local. En toute première approximation, l’empreinte écologique des ménages est proportionnelle à leur consommation, et donc à leur revenu, si l’on raisonne à un moment donné du temps. Les personnes à très faible pouvoir d'achat ne prennent pas l’avion et n'achètent pas de 4×4 ou d'habitations de luxe, aux appareils basse-consommation ou au HQE.

Un autre aspect des relations entre questions écologiques et inégalités sociales transparaît dans l'importance que les organisations internationales accordent aux « objectifs du millénaire » des Nations unies, visant à réduire fortement la pauvreté. Il est rarement rappelé que ces objectifs ne pourront être atteints qu'en y intégrant les questions environnementales. Or l'évolution de l'empreinte écologique montre que ces buts impliquent une remise en cause du « dogme de la croissance économique et matérielle continue ».

Dans les cas des modifications climatiques, l'accroissement de l'empreinte écologique par personne associée à la croissance économique et démographique se traduit par d’autres signaux alarmants, attestés par de nombreux travaux scientifiques :

  1. accélération du réchauffement climatique dans la période récente, en grande partie liée aux émissions d’origine humaine de gaz à effet de serre, principalement le méthane et le CO2 ;
  2. au-delà d’un réchauffement de deux degrés par rapport à l’époque pré-industrielle (on est actuellement à un degré, et compte tenu des émissions passées et actuelles, on atteindra 1,5 degré d’ici peu), des catastrophes humaines mondiales sont prévisibles : sécheresses, inondations et tempêtes, incendies de forêts, élévation du niveau des mers, etc. ;
  3. au cours du XXIe siècle, sur la base des tendances actuelles, le réchauffement sera compris entre 2 degrés et 6 degrés, sans même évoquer des scénarios nettement plus pessimistes mais non dénués de fondements.

Or ces catastrophes toucheront d'abord les populations les plus pauvres de la planète qui dépendent le plus des « aléas » climatiques. Elles pourraient réduire à néant les objectifs du millénaire pour 2015, et provoquer des régressions au-delà. On estime que 90 % des personnes concernées par les désastres « naturels » liés au réchauffement habitent dans des pays ou régions pauvres. Selon la Croix-Rouge et le Croissant Rouge, le nombre de personnes gravement affectées par de telles catastrophes est passé de 740 millions dans les années 1970 à plus de 2 milliards dans les années 1990. Les pertes économiques correspondantes seraient passées de 131 milliards à 629 milliards, soit plus que dix ans d’aide publique au développement. Selon le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement), le coût du réchauffement climatique double tous les dix ans. La moitié de la population mondiale vit dans des zones côtières qui seraient submergées si le niveau des mers s’élevait d’un mètre, évaluation possible pour le siècle à venir si les tendances actuelles persistent. Ces nouvelles diminutions de la surface disponible se traduiraient dans un accroissement de la contrainte de l'empreinte écologique. Concrètement, il faudrait donc s’attendre dans les décennies à venir à des migrations massives de « réfugiés environnementaux » : vingt millions avant la fin du siècle rien que pour le Bangladesh, cent cinquante millions dans le monde dès 2050 selon des chercheurs d’Oxford.

Nous savons que la planète et la vie s’adapteront d’une façon ou d’une autre. Mais, si l’on réfléchit aux solutions qu’il faudra bien mettre en œuvre pour « sauver la planète » (qui s’en sortira d’une façon ou d’une autre; cette formule désigne la vie humaine et sociale, ainsi que sa qualité), le problème de l'accroissement des contraintes de l'empreinte écologique se traduit au premier plan dans l'accroissement des inégalités. Or l’acceptabilité sociale des perspectives de réduction drastique de la pression écologique des hommes ne va pas de soi. Deux conditions semblent nécessaires pour cela. La première concerne l’information sur les dégâts aujourd’hui et le débat sur les risques d’une poursuite dans la voie actuelle et sur les alternatives. Sans cette condition, la prise de conscience sera tardive et l’urgence imposera des décisions orchestrées autoritairement par les politiques et des spécialistes au nom des catastrophes majeures qu’ils n’auront su prévenir. C’est hélas ce qui semble aujourd’hui le plus probable. La seconde concerne la justice. Les efforts de reconversion économique et mentale et de transformation des modes de vie qui nous attendent dans tous les scénarios envisageables seront insupportables s’ils ne s’accompagnent pas d’une forte réduction des inégalités sociales, dans le monde et dans chaque pays.

Empreinte énergétique, ou empreinte écologique par type d'énergie utilisée

L'empreinte écologique est très liée à l'utilisation des énergies fossiles, mais pas seulement.

Pour évaluer l'empreinte écologique d'une énergie, il faut prendre en compte ses impacts sur l'ensemble de son cycle de vie, autrement dit son énergie grise ; la principale composante de leur empreinte écologique est constituée de leurs émissions de gaz à effet de serre ; les analyses de cycle de vie des diverses énergies permettent de calculer leur bilan carbone : la base carbone de l'ADEME donne les valeurs suivantes : 1 060 gCO2 eq/kWh pour l'électricité d'une centrale charbon, 730 gCO2 eq/kWh pour le fioul, 418 gCO2 eq/kWh pour le gaz, 12,7 gCO2 eq/kWh pour l'électricité éolienne, 55 gCO2 eq/kWh pour celle du solaire et gCO2 eq/kWh pour celle du nucléaire[22].

En ce qui concerne les agrocarburants, certains, notamment l'éthanol, ont une forte empreinte écologique, soit directe (déforestation au Brésil, déplacements de productions alimentaires dans d'autres pays) soit indirecte (forte consommation de dérivés pétroliers pour produire de l'éthanol dans les pays tempérés).

Pour agir

Pour réduire l'empreinte écologique d'une zone, il faut agir sur l'empreinte environnementale des organisations ou des produits dans cette zone.

Critiques

Certains partisans critiquent la méthode de calcul de l'empreinte écologique. Pour répondre à ces questions, Global Footprint Network a résumé les limites et les critiques méthodologiques dans un rapport détaillé disponible sur son site de web[23] et ont aussi apporté des clarifications dans une récente publication dans Nature Sustainability.[24]

Une source commune de la critique est que certains chercheurs ont confondu le système de comptabilité de l'empreinte écologique avec une théorie sociale ou une orientation politique, alors qu'en réalité, il s'agit simplement d'une mesure qui additionne les demandes humaines qui entrent en concurrence avec la capacité de régénération de la planète. Parmi les exemples de ces confusions, citons Grazi et al. (2007) qui ont effectué une comparaison systématique de la méthode de l'empreinte écologique avec l'analyse du bien-être spatial qui inclut les externalités environnementales, les effets d'agglomération et les avantages commerciaux. Ne reconnaissant pas que l'empreinte écologique n'est qu'une métrique, ils concluent que la méthode de l'empreinte ne conduit pas à un bien-être social maximal.[25] De même, Peter Newman (2006) a fait valoir que le concept d'empreinte écologique peut avoir un parti pris anti-urbain, car il ne tient pas compte des opportunités créées par la croissance urbaine.[26] Il fait valoir que le calcul de l'empreinte écologique pour des zones densément peuplées, comme une ville ou un petit pays avec une population comparativement importante - par exemple New York et Singapour respectivement - peut conduire à la perception de ces populations comme "parasites". Mais en réalité, les empreintes écologiques ne font que documenter la dépendance des villes à l'égard des ressources - comme une jauge de carburant documente la disponibilité du carburant d'une voiture.

D'après un article publié en 2013[27], la plupart des composantes de l'empreinte sont par définition proches de l'équilibre au niveau mondial. Autrement dit elles ne mesurent pas une possible surexploitation des ressources naturelles en question, seulement certains déséquilibres entre pays. À cause de ce problème, l'empreinte écologique mondiale est presque entièrement composée d'un seul élément : une estimation controversée de la surface de forêt supplémentaire qui serait nécessaire pour absorber le surplus de gaz à effet de serre que l'humanité injecte dans l'atmosphère en exploitant les énergies fossiles. Mais en réalité, comme le démontre l'empreinte écologique, le dépassement est la somme de toutes les demandes adressées à la nature, pour la nourriture, le bois, la séquestration du CO2. Tous ces éléments contribuent au dépassement, et pas seulement le CO2.

Pour la géographe et économiste Sylvie Brunel, « le concept d’empreinte écologique est une fumisterie ». Selon elle, l'empreinte écologique ne prendrait pas en compte « le progrès des techniques, qui permet de découpler la production de bien-être et la consommation de ressources »[28]. En réalité, l'empreinte écologique est recalculée chaque année, en tenant compte ainsi de tous les changements technologiques intervenus.[29]

Notes et références

  1. « Open Data Platform », sur data.footprintnetwork.org (consulté le )
  2. WWF, Rapport Planète Vivante 2008
  3. Une expertise de l'empreinte écologique - Revue Études et documents du Commissariat général au développement durable/Service de l'observation et des statistiques, no 16, janvier 2010 (« réponse du global Footprint network » pp. 18-19) [PDF] (voir archive)
  4. « Empreinte écologique », sur Futura-Sciences (consulté le )
  5. "Ecological Footprint Analysis Applied to Mobile Phones" in Journal of Industrial Ecology, Vol. 10, No. 1-2, Pages 199-216
  6. La ville de demain en Europe : Un projet à vivre - Colin Fudge, Europa (voir archive)
  7. Proposition de Loi tendant à réduire l'empreinte écologique de la France - Assemblée nationale française, no 1369, 9 janvier 2009
  8. (en) OECD Statistics Directorate, « OECD Glossary of Statistical Terms - Ecological footprint Definition », sur stats.oecd.org (consulté le )
  9. Lorsque le développement perd le Nord ! Courbes de Kuznets Environnementales
  10. Ecological Footprints and Appropriated Carrying Capacity: What Urban Economics Leaves Out
  11. Mathis Wackernagel et William Rees, Notre empreinte écologique, Les Éditions Écosociété, Montréal, 1999, (ISBN 2921561433)
  12. Global Footprint Network
  13. Ecological Footprint Atlas 2009
  14. Bilan Carbone™ Personnel, site Calculateur Carbone
  15. pour plus de détails, se référer au guide méthodologique 2008 : Calculation Methodology for the National Footprint Accounts, 2008 Edition
  16. également 12,22 milliards d'hectares puisque, par définition, il y a au niveau mondial le même nombre d'hectares que d'hectares globaux
  17. (en) Ecological Footprint Explorer open data platform, Global Footprint Network, 2018.
  18. (en) « Ecological Deficits and Reserves », sur Global Footprint Network (consulté le )
  19. (en)Country Trends - France, Global Footprint Network, 2018
  20. Le Jour du dépassement, WWF France, 4 mai 2018.
  21. L'autre déficit de la France, WWF France, 4 mai 2018.
  22. Quel bilan carbone des sources de production d’électricité en France ?, reseaudurable.com, 14 juin 2016.
  23. Global Footprint Network - Limitations and Criticism. https://www.footprintnetwork.org/our-work/ecological-footprint/limitations-and-criticisms/ Cette page renvoie également à un guide de 50 pages sur les critiques.
  24. (en) Mathis Wackernagel, Laurel Hanscom, Priyangi Jayasinghe et David Lin, « The importance of resource security for poverty eradication », Nature Sustainability, , p. 1–8 (ISSN 2398-9629, DOI 10.1038/s41893-021-00708-4, lire en ligne, consulté le )
  25. F. Grazi, J.C.J.M. van den Bergh et P. Rietveld, « Welfare economics versus ecological footprint: modeling agglomeration, externalities and trade », Environmental and Resource Economics, vol. 38, no 1, , p. 135-153 (DOI 10.1007/s10640-006-9067-2, hdl 1871/23693, COPY00)
  26. (en) Peter Newman, « The environmental impact of cities », Environment and Urbanization, vol. 18, no 2, , p. 275-295 (ISSN 0956-2478, DOI 10. 1177/0956247806069599)
  27. L. Blomqvist, B.W. Brook, E.C. Ellis, P.M. Kareiva, T. Nordhaus et M. Shellenberger, « Does the shoe fit? Real versus imagined ecological footprints », PLoS Biology, vol. 11, no 11, , e1001700 (PMID 24223517, PMCID 3818165, DOI 10.1371/journal.pbio.1001700)
  28. « Panique morale sur l’environnement : ces idées fausses qui polluent de plus en plus le débat politique », sur atlantico.fr, (consulté le )
  29. (en) David Lin, Laurel Hanscom, Adeline Murthy et Alessandro Galli, « Ecological Footprint Accounting for Countries: Updates and Results of the National Footprint Accounts, 2012–2018 », Resources, vol. 7, no 3, , p. 58 (DOI 10.3390/resources7030058, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Luc Girard, L'Empreinte écologique : concept et mode de calcul individuel, Passerelle Eco, numéro 10, juillet 2002, pages 10-19.
  • Florent Lamiot, L’empreinte écologique des villes, revue Études foncières, no 102 (mars avril 2003), pp. 8-15.
  • Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer, Éditions du Seuil (Collection Anthropocène)(2015)
  • Thierry Thouvenot, L’empreinte écologique de la France, L'Écologiste, no 8, octobre 2002, pp. 37-40.
  • Mathis Wackernagel, Le dépassement des limites de la planète, L'Ecologiste no 8, octobre 2002, pp. 31-36.
  • Ouvrage collectif, L'empreinte écologique, éditions Sap (2006).

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de l’environnement
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.