Elsie de Wolfe

Ella, dite Elsie, Anderson de Wolfe, par son mariage Lady Mendl, née le à New York (États-Unis) et morte le à Versailles (France), est une actrice et décoratrice américaine.

Née dans une famille new-yorkaise fortunée, éduquée par des précepteurs à New York et dans sa famille maternelle à Édimbourg (Écosse), Elsie de Wolfe fut présentée à la reine Victoria en 1883 et fit ses débuts dans la bonne société londonienne.

Le théâtre

Elle naît dans une famille stricte et riche. Adolescente, alors qu'elle se trouve laide, elle commence une pratique de la gymnastique à laquelle elle se tient durant toute sa vie. Elle suit également régimes, programmes nutritionnistes et est l'une des premières femmes à faire de la chirurgie faciale dans les années 1940[1].

En 1884, elle retourna à New York où elle s'adonna au théâtre amateur, qui était alors populaire comme manifestation de charité.

En 1890, la mort de son père, riche médecin mais joueur invétéré, laissa la famille dans la gêne, confrontée à des dettes énormes[1].

Plutôt que de chercher à épouser un riche parti, Elsie devint une actrice professionnelle, et se fit remarquer davantage par ses costumes extravagants que par son jeu. Elle devint l'amante d'Elisabeth Marbury (dite « Bessie »), qui exerçait la profession d'agent théâtral et encouragea sa carrière. Leur couple était un objet de scandale à New York, qui bruissait de rumeurs d'« orgies saphiques » organisées à Sutton Place chez leur amie Anne Morgan, fille du richissime banquier John Pierpont Morgan ; elles patronnèrent les débuts au théâtre de plusieurs jeunes lesbiennes dont Katharine Cornell, Eva Le Gallienne et Mercedes de Acosta.

Elsie de Wolfe fit ses débuts en 1891 dans Thermidor de Victorien Sardou mis en scène par Charles Frohman, et passa deux ans en tournée (notamment à Paris[1]) avec la production.

En 1901, elle forma sa propre compagnie et monta The Way of the World de Clyde Fitch à Broadway avant de faire tourner le spectacle pendant deux ans. Elle abandonna la scène en 1905.

La décoration

Elsie de Wolfe avait acquis une certaine réputation comme décoratrice de théâtre. En outre, la manière dont elle avait décoré la maison qu'elle habitait avec Elisabeth Marbury avait été largement applaudie. Sur la suggestion de Bessie et de Sara Cooper Hewitt, elle se lança dans la décoration, qui était alors exclusivement réservée aux hommes.

L'architecte Stanford White lui fit obtenir une commande pour la décoration intérieure du Colony Club, premier club de femmes à New York[1], où elle put mettre en pratique ses principes : simplicité, légèreté (grâce à l'utilisation de miroirs et de couleurs légères de peintures et de tissus, particulièrement le beige ; on affirme que, découvrant le Parthénon, elle s'était exclamé : « Beige ! Ma couleur ! ») et unité visuelle plutôt que purement stylistique.

Ses relations mondaines lui permirent d'obtenir un succès rapide : elle travailla pour les Morgan, les Frick, les Vanderbilt, les Conde Nast[1]. Loin de se laisser impressionner par ses célèbres clients, elle détestait qu'ils prétendent interférer avec son travail. À un client qui insistait pour donner des instructions sur la manière de décorer une pièce, elle dit : « Voyons, décidons qui est le décorateur. Si c'est vous, voici vos honoraires. Si c'est moi, veuillez déguerpir jusqu'à ce que j'aie terminé. »

Son rejet de l'esthétique victorienne et conventionnelle, pour un style plus épuré, influença profondément toute une génération[1]. En 1913, elle réunit les articles qu'elle avait publiés dans Good Housekeeping et dans The Delineator en un volume, The House in Good Taste, qui eut un grand succès et popularisa ses conceptions auprès des classes moyennes américaines.

Elle fait venir du mobilier de France et s'aide de personnalités comme Serge Roche ou Tony Duquette[1].

En vérité, ce fut elle qui créa la profession de décorateur professionnel.

Les années françaises

Infirmière en 1917.

Son succès auprès d'une clientèle fortunée lui apporta la richesse.

Elle acquit en 1903 la villa Trianon à Versailles et entreprit de la restaurer, y vécut avec Elisabeth Marbury et Anne Morgan et y donna des fêtes brillantes jusqu'en 1939. La maison, qui avait appartenu au duc de Nemours, fils de Louis-Philippe Ier, était d'aspect plutôt quelconque mais elle comportait un vaste jardin adjacent au parc de Versailles, de larges vérandas où Elsie pouvait donner des déjeuners-buffets, une belle galerie décorée de fresques par le peintre Drian et une vaste salle de bal construite spécialement pour son Circus Ball, égayé par des artistes de cirque et où elle fit une entrée remarquée, les cheveux teints en bleu électrique, juchée sur un éléphant blanc.

Témoignage :

« Son nom est resté célèbre, mais qui se souvient aujourd'hui pourquoi ? Cette Américaine avait en fait révolutionné la décoration au début du siècle. Elle avait vidé les intérieurs de tout le bric-à-brac tant apprécié au dix-neuvième siècle [...], s'était débarrassée des tentures épaisses et des meubles sombres et avait introduit le chintz, les couleurs claires et les meubles peints [...]. Je fus invité souvent dans cette ravissante maison [...]. Dans le jardin, des buis avaient été taillés en forme d'éléphants. À l'intérieur, tout était clair, luxueux, charmant. Sur un des plafonds Drian avait représenté la maîtresse de maison franchissant d'un seul pas l'océan Atlantique. Aux murs n'étaient accrochés que des tableaux purement décoratifs. Elsie ne s'intéressait pas à la peinture [...]. À Salvador Dali, qui lui fut présenté, elle demanda : « Que faites-vous dans la vie ? » [...] J'ai toujours regretté de ne pouvoir acquérir un des portraits de Carmontelle qu'elle possédait. " Lady Mendl, à la fin de sa vie, avec son visage réduit par la chirurgie esthétique et sa fine chevelure bleu-pâle, avait fini par leur ressembler ». Pierre Le-Tan[2].

Elle s'investit durant la Première Guerre mondiale, recueillant de l'argent aux États-Unis pour mettre en place des ambulances en France, s'investissant dans la Croix-Rouge comme infirmière et soignant des blessés. Elle est décorée de la Légion d'honneur et de la Croix de guerre avec deux citations[1].

En mars 1926, à 60 ans, elle épousa un diplomate britannique en poste en France, Sir Charles Mendl. Le mariage fut tout à fait platonique et ses relations avec Bessie se poursuivirent jusqu'à la mort de celle-ci en 1933. Par ailleurs, ce statut de femme de diplomate la dispense de payer des impôts[1].

« [...] à soixante ans Elsie fit un mariage blanc avec un obscur diplomate britannique récemment anobli (...) Elle obtint ainsi la seule chose qui lui manquait : un titre. » Pierre Le-Tan, op. cit..

À Paris, Sir Charles et Lady Mendl disposèrent à partir de 1929 d'un appartement dans l'hôtel du prince Roland Bonaparte, 10, avenue d'Iéna. « Elle y fit montre, écrit André Becq de Fouquières, évidemment, de son goût et de son esprit de recherche en matière de décoration... sans pour autant avoir tout à fait oublié les principes de la vie pratique qui lui venaient de son éducation américaine. C'est ainsi que, si les boiseries du salon Louis XIII provenaient du château de Courcelles, dans le Maine, la porte de chaque chambre à coucher comportait à l'extérieur un cadran aux aiguilles mobiles par quoi les hôtes indiquaient l'heure à laquelle ils désiraient être réveillés ! »

« Mince, svelte, avec d'admirables yeux noirs, lady Mendl, note encore Fouquières, avait, à l'époque, une belle chevelure d'argent, chevelure qu'il lui arrivait de teindre, autrefois, en vert, en bleu, en rose ! » En 1935, elle publia son autobiographie, intitulée After all.

Jusque 1937, elle fait des aller-retour entre la France et les États-Unis, arrêtant de travailler après avoir gagné beaucoup d'argent. Mais faisant face à de nombreuses dépense, elle doit vendre discrètement la villa Trianon, après que Bessy et Ann Morgan lui aient légué leurs parts.

Le , elle donne une fête à la villa Trianon sur le thème du cirque, où l'on croise Coco Chanel, Douglas Fairbanks, Mona von Bismarck, Jean-Louis de Faucigny-Lucinge, Marlene Dietrich, Cecil Beaton ou encore Elsa Maxwell[1].

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, elle s'installa New York (au St. Regis Hotel (en), où elle recédore des chambres, ce qui lui coûte moins cher en facture[1]) puis à Hollywood (Californie) et fut rétablie dans la citoyenneté américaine qu'elle avait perdue au moment de son mariage. Après la guerre, elle revint vivre dans sa villa Trianon, en , qu'elle retrouve dévastée[1]. Elle y donna des fêtes superbes où l'on rencontrait le duc de Windsor dont elle était l'amie. L'âge et une arthrite qui la cloua dans un fauteuil roulant eurent finalement raison de son énergie.

Elle mourut en 1950 à la villa Trianon que, en 1933, elle avait vendue avec son contenu sous réserve d'usufruit au milliardaire collectionneur Paul-Louis Weiller, qui laissa les lieux intacts jusqu'à sa propre mort en 1993[1]. Dans son testament daté d', elle demandait à être incinérée. Le mobilier de la villa fut dispersé en 1981.

La villa subit des dégâts durant la tempête de 1999 et est tombée en ruines, même si subsistent les tombes de ses chiens dans le jardin[1].

On lui prête l'invention du cocktail appelé « Pink Lady » (gin, grenadine, blancs d'œufs et crème), ainsi que la mise à la mode du rinçage à reflets bleutés utilisé jadis par les vieilles dames pour donner de l'éclat à leurs cheveux blancs.

Ouvrages et bibliographie

  • (en) The House in Good Taste, New York, The Century Company,
  • (en) The House in Good Taste, Rizzoli, (1re éd. 1913), 235 p. (ISBN 0-8478-2631-7) (Reprint)
  • (en) Elsie de Wolfe's Recipes for Successful Dining, New York, D. Appleton-Century Company,
  • (en) After All, New York, Harper and Brothers,
  • (en) Flynn Kuhnert et Hutton Wilkinson, The Walk To Elsie's, Londres, Cecil Court Press, (ISBN 978-0-9908858-0-1)
  • (en) Charlie Scheips, Elsie de Wolfe's Paris : Frivolity Before the Storm, New York, Abrams, , 159 p. (ISBN 978-1-4197-1389-7)

Notes et références

  1. Dominique Paulvé, « La revanche d'une laide », Vanity Fair n°20, février 2015, pages 150-159.
  2. Pierre Le-Tan, Rencontres d'une vie : 1945-1984, Aubier, 1986, pp. 15 à 17. Illustré d'un portrait par l'auteur de lady Mendl dans son salon de la villa,.

Voir aussi

Articles connexes

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