Ver du fumier

Eisenia fetida

Le nom vernaculaire ver du fumier,(Eisenia fetida, Eisenia foetida, Enterion fetida[1] ou Allolobophora foetida[2]), connu sous divers autres noms communs, tels que ver rouge ou ver tigré, est une espèce de ver de terre épigé vivant de la décomposition de matières organiques de surface.

Généralités

Le ver du fumier Eisenia fetida est une espèce épigée naturellement retrouvée dans les déchets organiques du sol en Europe. Il résiste à des températures comprises entre 0 et  35°C en milieu naturel spontané[3]. Cette espèce est particulièrement disponible dans le commerce, principalement pour le lombricompostage domestique en appartement et la lombriculture, en raison de sa remarquable capacité à transformer les matières organiques en lombricompost de qualité.

Le ver de fumier est présent dans les composteurs de jardin où il apparaît spontanément et reste surtout au fond du composteur lors de la maturation du compost, après ou sans la phase thermophile (>40°C)[4]. Il se cache à l'abri de la lumière pour dégrader les déchets verts peu ligneux ou les déchets de cuisine (épluchures, restes de repas, marc de café, sachet de thé, papier et carton, coquilles d'œufs, sciure)[5]. Il se cache de la lumière et surtout de la surface pour se protéger de la prédation par les oiseaux, merles, bécasses, mouettes en particulier très friands ainsi que les taupes, blaireaux et sangliers[4]. Sa longévité dépend des conditions ambiantes, en milieu artificiel optimal, il peut vivre de 2 à 3 ans[6],[7].

Description

Caractéristiques

Le ver du fumier mesure généralement de quatre à cinq centimètres de long et a pour habitude de se trouver dans les 20 premiers centimètres en dessous du niveau du sol, c'est un ver épigé (à l'inverse du lombric qui est un ver anécique) [8].
Son corps est composé de 105 segments constitués chacun d'un anneau pourpre. Son poids moyen est d'environ 300 mg[7].

Localisation

C'est une espèce originaire d'Europe, mais qui a été introduite de différentes façons sur tous les continents excepté l'Antarctique[9].

Alimentation

Il se nourrit de végétation en décomposition et contribue au compostage de la matière organique ou du fumier. Il ne sait pas consommer un aliment très frais. Il mangera des aliments déjà dégradés par les micro-organismes[10]. Il vit en milieu aéré[7] et respire par sa peau toujours humide et visqueuse qui permet le passage de l'air[8]. Le ver adulte mange l'équivalent de la moitié à une fois son poids par jour[10],[5]. Il peut être affecté par des teneurs élevées en métaux lourds ou ETM (éléments-traces métalliques)[11].

Milieu de vie

Rarement présent dans les sols normaux, il préfère, comme Lumbricus rubellus, des conditions où d'autres vers ne peuvent pas survivre. Il apprécie l'obscurité, l'humidité (entre 75 et 85%), une atmosphère bien ventilée et une température optimale de 15 à 25 °C[8],[12],[13]. La lumière, la sécheresse, les températures trop basses (en-dessous de 8 °C) ou trop hautes (au-delà de 33 °C) voueront le ver rouge à la mort. Le bruit et les vibrations le perturbent fortement[10].

Animal sensible au stress, lorsqu'il est manipulé brusquement, il dégage un liquide âcre, jaunâtre, visqueux et très fortement odorant, lié à un mécanisme de défense chimique[10]. L'odeur aurait tendance à faire fuir ses prédateurs.

Génétique

Il est étroitement lié à l'espèce Eisenia andrei, aussi appelée E. fetida andrei ver rouge de Californie »), qui est aussi utilisée pour le compostage ou le lombricompostage [7],[13].
Le seul moyen simple de faire la distinction entre ces deux espèces est qu'E. fetida est de couleur rouge, mais avec des anneaux clairs, presque jaunes, alors qu'E. andrei est de couleur rouge uniforme[7].
Des analyses génétiques ont confirmé qu'il s'agit bien d'espèces distinctes et des expériences ont prouvé qu'ils ne produisent pas d'hybrides[14].

Les deux vers rouges sont des espèces épigées, c'est-à-dire qu'elles se nourrissent de compost ou de matière organique présente en surface des sols, et sont peu fréquentes dans les sols minéraux.

Utilisation

Usages techniques généraux

Le vers de fumier est considéré comme l’espèce la plus efficace pour la réalisation de lombricompost, considéré comme un lisier et non comme un compost[15]. Il est particulièrement utilisée en lombricompostage domestique d’intérieur, lombriculture de vers comme protéine animale[4] et appât de pêche[12], lombricompostage de fèces associé aux toilettes sèches à séparation pour l'homme[16] et lombricompostage de déjections canines[3].

Usage biologique spécifique

Eisenia fetida et Eisenia andrei servent d'aide à la mesure de la qualité des sols pour la détermination de la toxicité aiguë (ISO 11268-1:2012)[17] et les effets sur leur reproduction (ISO/AWI 11268-2)[18]. Ils permettent d’analyser la pollution biologique des sols par leur absorption cutanée et ingestion de contaminants du sol et de produits chimiques.

Intérêts écologique et économique

Sa technique "basse-technologie" ne nécessite pas de mécanisation de retournement, moins de surveillance et bénéficie d'une flexibilité sur l'apport de matière carbonée pour l'équilibre C/N des matières organiques à valoriser. De plus, la population de vers génère une descendance nombreuse pour l'entretien du système et l’extension de zones de lombricompostage sans coût économique et écologique supplémentaires [19].

Reproduction

La reproduction du ver est sexuée. Il est hermaphrodite. Néanmoins, il ne peut se reproduire tout seul[8]. Deux vers à la fois mâle et femelle s'accouplent au niveau de leur clitellum (zone gonflée située au tiers antérieur du corps), en contact tête-bêche. Après l'échange de semence, le clitellum produit des cocons qui enferment les œufs et les spermatozoïdes[12]. C'est dans ces cocons que se produit la fécondation.

Potentiel de reproduction

Étant donné son milieu de vie localisé principalement dans la litière du sol, le ver rouge est la proie de nombreux prédateurs, oiseaux et animaux. Cette prédation forte lui donne une capacité à se reproduire très rapidement avec une moyenne, lors de bonne conditions, de 1,3 œufs par jours dès sa maturité atteinte, et permet de compenser par le nombre de descendants l'importante prédation naturelle[4],[10].

En conditions théoriques optimums, difficiles à attendre dans la pratique, les vers libèrent entre 90 et 120 cocons par an, qui arrivent à maturité après 3 semaines. Dans chaque cocon il y a entre 1 et 4 larves ou vermisseaux, au départ translucides[20]. Le ver rouge est donc très prolifère puisqu'il peut produire plusieurs centaines de larves par an (autour de 400 individus) et jusqu'à 4 générations, soit entre 500 et 1000 vers adultes par an[10]. La taille adulte est atteinte entre 4 et 8 semaines[20],[5].

Ce potentiel reproducteur est utilisé couramment dans la pratique en lombriculture où en conditions normales contrôlés permet une augmentation annuelle courante de 27,5 fois la population d'origine[21].

Lors de période de sécheresse estivale, les cocons où se trouve ses œufs restent en "dormance" dans la litière desséchée en attendant de nouvelles conditions propices à l'éclosion[4].

Contrôle de surpopulation et partage

En raison de sa multiplication très rapide dans de bonne conditions, un lombricomposteur peut se remplir d'une faune très abondante de vers rouges. Il est alors possible de contrôler la surpopulation en donnant des prélèvements partiels de population soit à des proches et des connaissances, soit de devenir donneur anonyme[22] et les proposer à un hôte anonyme par une mise en relation via une carte en ligne[23]. Cela concerne les hôtes dotés de composteur, de lombricomposteur voire de poules. Il est aussi possible d'en relâcher une partie au jardin en période humide (printemps ou automne).

Il est aussi recommandé de changer les vers tous les 2 ou 3 ans, à défaut d'ajouter une nouvelle population afin de combattre l'épuisement du patrimoine génétique par le brassage des populations adultes[10][source insuffisante].

Régénération et fausse croyance

Comme le pensent certains jardiniers dans une croyance populaire, couper un ver de terre en deux ne donne pas deux individus, mais un seul[10]. Cette croyance se base probablement sur les Annélidés aquatiques[4] ou certaines espèces de plathelminthe (Caenoplana variegata et Bipalium) qui ont cette aptitude pour leur mode de reproduction par scissiparité dont le corps se coupe en plusieurs morceaux et chacun donne un nouvel animal[24]. Le corps d'un ver de terre se met au repos et se régénère à la suite d'une traumatisme ; cette régénération se nome paradiapause et permet de régénérer la partie lésée, la tête ou la queue[4].

Références

  1. « Eisenia fetida (Savigny, 1826) | Fauna Europaea », sur fauna-eu.org (consulté le )
  2. Ondrej Zicha; ondrej.zicha(at)gmail.com, « BioLib: Biological library », sur www.biolib.cz (consulté le )
  3. « THESE - POLITIQUES URBAINES ET REPONSES AUXPROBLEMESDES DEJECTIONS CANINES EN VILLE.RETOUR D’EXPERIENCE DU LOMBRICOMPOSTAGE SUR 2 REFUGES CANINS » [PDF], sur VetAgro Sup (consulté le )
  4. Bouché, Marcel B. (19..- ... ; écologiste),, Des vers de terre et des hommes découvrir nos écosystèmes fonctionnant à l'énergie solaire, Actes Sud, impr. 2014, cop. 2014 (ISBN 978-2-330-02889-3 et 2-330-02889-X, OCLC 875543655, lire en ligne), p. 84, 94, 96, 277, 278, 282
  5. « Vers de Compost - Eisenia Foetida - Boutique Jardinitis », sur Boutique Jardinitis (consulté le )
  6. « Les vers de compost - blogverslaterre », blogverslaterre, (lire en ligne, consulté le )
  7. « Eisenia andrei et Eisenia fetida : Description, Elevage et vente de vers », sur lombritek.com (consulté le )
  8. « Le ver à compost, seigneur des anneaux – La Catoire Fantasque », La Catoire Fantasque, (lire en ligne, consulté le )
  9. « Eisenia fetida - (Savigny, 1826) - (Lumbricidae) - Ver du fumier, ver de terre, ver rouge, ver tigré », sur www.france-animaux.org (consulté le )
  10. « Eisenia foetida - Andartha », sur www.andartha.org (consulté le )
  11. (en) Spurgeon DJ, Weeks JM et van Gestel CAM, « A summary of eleven years progress in earthworm ecotoxicology », ., no 47, , p. 588-606 (lire en ligne).
  12. gwenola, « Lombric et Lombriculture », sur www.lombriculture.net (consulté le )
  13. « Les espèces de vers utilisées pour le lombricompostage », sur Plus 2 vers (consulté le )
  14. (en) Jorge Domı́nguez, Alberto Velando et Alfredo Ferreiro, « Are Eisenia fetida (Savigny, 1826) and Eisenia andrei Bouché (1972) (Oligochaeta, Lumbricidae) different biological species? », ., (lire en ligne [PDF]).
  15. « Fiche technique Articles 17 à 21 ‒ Compostage de proximité » [PDF], sur RCC (consulté le )
  16. « WC et toilettes sèches écologiques et bio à lombricompostage | Sanisphère », sur Sanisphère, au service du soulagement public, toilettes sèches à lombricompostage (consulté le )
  17. 14:00-17:00, « ISO 11268-1:2012 », sur ISO (consulté le )
  18. 14:00-17:00, « ISO/AWI 11268-2 », sur ISO (consulté le )
  19. (en) « Centrality of cattle solid wastes in vermicomposting technology – A cleaner resource recovery and biowaste recycling option for agricultural and environmental sustainability », Environmental Pollution, vol. 268, , p. 115688 (ISSN 0269-7491, DOI 10.1016/j.envpol.2020.115688, lire en ligne, consulté le )
  20. « Eisenia foetida foetida », sur verdeterre.fr (consulté le )
  21. (en) Miguel Schuldt, « Vermiculture, colonization of new environments and ecology. », sur www.cabi.org, (ISSN 1850-4639, consulté le )
  22. « Connexion », sur Plus 2 Vers (consulté le )
  23. « Trouvez des vers gratuitement près de chez vous », sur Plus 2 Vers (consulté le )
  24. « Caenoplana variegata | Reproduction: par scissiparité (le corps se coupe en plusieurs morceaux et chacun donne un nouvel animal) », sur sites.google.com (consulté le )


Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

  • Bouché, Marcel B. (19..- ... ; écologiste),, Des vers de terre et des hommes découvrir nos écosystèmes fonctionnant à l'énergie solaire, Actes Sud, impr. 2014, cop. 2014 (ISBN 978-2-330-02889-3 et 2-330-02889-X, OCLC 875543655, lire en ligne)
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