Edmond-Charles Genêt

Edmond-Charles Genêt (), appelé aussi « citoyen Genêt », est le premier ambassadeur de France aux États-Unis durant la Révolution française, envoyé par les Girondins en 1793. Il est à l'origine du développement aux États-Unis d'une mouvance appelée parti français à Washington et de l'affaire Genêt qui a entraîné des tensions diplomatiques entre les deux pays. Rappelé en France par les Jacobins à la suite de l'émission d'un mandat d'arrêt, il demande et reçoit l'asile politique aux États-Unis où il se marie et acquiert la nationalité américaine.

Il est le frère de Jeanne Louise Henriette Campan.

Avant les États-Unis

Genêt est né à Versailles en 1763. Il était le neuvième enfant et unique garçon d'Edme-Jacques Genet, premier commis au ministère des Affaires étrangères. Genet père analysa la puissance navale britannique durant la guerre de Sept Ans et suivit les progrès de la guerre d'indépendance américaine. Son fils savait lire le français, l'anglais, l'italien, le latin, le suédois et l'allemand dès l'âge de 12 ans.

À 18 ans, il fut nommé traducteur à la cour, et envoyé à l'ambassade française à Saint-Pétersbourg. Avec le temps, Genet fut désenchanté par l'Ancien régime, pas seulement par la monarchie française mais également par tous les systèmes monarchiques, dont la Russie tsariste de Catherine la Grande. En 1792, celle-ci déclara Genêt persona non grata, nommant sa présence « non seulement superflue mais même intolérable. » La même année, les Girondins arrivèrent au pouvoir en France et nommèrent Genêt au poste d'ambassadeur aux États-Unis pour succéder à Jean-Baptiste de Ternant.

Affaire Genêt

Physionotrace d'Edmond-Charles Genêt, dessiné par Jean Fouquet et gravé par Gilles-Louis Chrétien, 1793.

Il y fut envoyé pour rechercher le soutien de la jeune république dans les guerres que livraient alors la France contre l'Espagne et la Grande-Bretagne.

Il arriva le à Charleston en Caroline du Sud sur le navire de guerre Embuscade. Au lieu de se rendre à Philadelphie comme prévu, alors capitale provisoire des États-Unis, pour présenter ses lettres de créance au président américain George Washington, Genêt resta en Caroline du Sud. Il y avait été accueilli avec enthousiasme par la population de Charleston, qui organisa une série de réceptions en son honneur. Il n'arrive dans la capitale américaine que le soit un mois et demi plus tard, après avoir remonté toute la côte à la recherche de corsaires et acquis une grande popularité, en créant des « sociétés de citoyens ».

Le but de Genêt en Caroline du Sud était de recruter des corsaires américains qui rejoindraient les expéditions françaises contre les Britanniques. Il mandata ainsi quatre navires, La Républicaine, L'Anti-George, le Sans-Culotte et le Citizen Genêt. Travaillant avec le consul français Michel Ange Mangourit, Genêt organisa aussi des volontaires américains pour combattre les alliés espagnols des Anglais en Floride. Après avoir levé une milice, Genêt navigua vers Philadelphie, s'arrêtant en chemin pour mobiliser le soutien à la cause française et n'arrivant que le dans la capitale américaine. Il encouragea les sociétés démocrates-républicaines mais le président Washington les dénonça et elles s'étiolèrent rapidement.

Les actions de Genêt mettaient en péril la neutralité américaine dans la guerre entre la France et la Grande-Bretagne, que Washington avait ostensiblement déclarée dans sa Déclaration de neutralité du . Quand Genêt rencontra George Washington, il demanda ce qui s'opposait à une levée de la neutralité américaine. Quand il fut contré par le secrétaire d'État Thomas Jefferson et informé que ses actions étaient inacceptables, Genêt protesta. Cependant, les corsaires de Genêts capturèrent des navires britanniques et sa milice se préparait à aller combattre les Espagnols.

Genêt continua de défier la volonté du gouvernement américain, capturant des navires britanniques et les réarmant en navire corsaire. Washington envoya à Genêt une lettre longue de 8 000 mots pour se plaindre, sur les conseils de Jefferson et d'Hamilton – l'une des rares fois où le fédéraliste Alexander Hamilton et le démocrate-républicain Jefferson furent d'accord. Genêt répondit en s'obstinant.

Chargé d'entraîner les Américains dans la guerre que la France venait de déclarer à l'Angleterre, il est allé trop loin dans cette voie, selon son biographe Claude Moisy et se heurta à la « relation spéciale » entre les Anglo-saxons[1].

Genet « croyait pouvoir entraîner l'Amérique dans la guerre au secours de sa patrie » et « s'était mis aussitôt en devoir de distribuer à grand bruit des lettres de marque, d'armer des corsaires, d'ordonner des recrutements, de condamner des prises, de préparer des conquêtes » a raconté en 1862 l'historien et député centriste Cornélis Henri de Witt, avant d'ajouter, que « dans ses efforts pour réchauffer la haine des masses contre l'Angleterre », il « fit tout ce qu'il fallait pour les détacher complètement de la France et du parti français »[2]. En , son accréditation de diplomate lui est retirée.

L'un de ses collègues, F. Moissoniez, diplomate à Baltimore, écrit une lettre très ferme aussi à l'administration américaine, pour réclamer la mise en activité des forts de la Chesapeake, et indique qu'il va rassembler des forces maritimes[3] pour lutter contre les « ennemis communs »[3].

Deux mois après l'abolition de l'esclavage en France le , F. Moissoniez écrit le une lettre à Paris, via Brest, accompagnée de 90 noms de contre-révolutionnaires esclavagistes de Saint-Domingue en estimant qu'il faut les arrêter et les empêcher de revenir dans la colonie[4], dès qu'ils auront démasqué leurs sentiments de « haine ». Cette lettre fut à l'origine de la création d'une « commission des colonies » à Brest par les députés en mission, Prieur de la Marne et Jeanbon Saint-André, les 13, 14 et , afin d'enquêter sur le sujet[5].

Les Jacobins qui avaient pris le pouvoir en France depuis l'été 1793, envoyèrent un avis d'arrestation demandant à Genêt de revenir en France. Celui-ci, sachant qu'il serait probablement envoyé à la guillotine, demanda l'asile politique à Washington. Ce fut Alexander Hamilton – l'un des de ses plus farouches opposants au sein du Cabinet – qui convainquit George Washington de le lui accorder.

Dernières années

Genêt s'installa dans l'État de New York et se maria à Cornelia Clinton en 1794, la fille du gouverneur de New York George Clinton. Elle mourut en 1810 et en 1818 Genêt épousa Martha Brandon Osgood, la fille de Samuel Osgood (en), le premier Postmaster General des États-Unis.

Genêt habitait dans une ferme appelée Prospect Hill située à East Greenbush et dominant l'Hudson River. Vivant la vie d'un gentleman farmer, il écrivit un livre sur les inventions.

Il mourut le à 71 ans et est enterré derrière l'église réformée de Greenbush, à environ km de sa ferme.

Notes et références

  1. Claude Moisy, Le citoyen Genet: la Révolution française à l'assaut de l'Amérique
  2. Thomas Jefferson : étude historique sur la démocratie américaine Par Cornélis Henri de Witt, page 223
  3. (en) State papers and publick documents of the United States from the accession of George Washington to the presidency : exhibiting a complete view of our foreign relations since that time, [lire en ligne], p. 160
  4. Jean-Daniel Piquet, L'émancipation des Noirs dans la Révolution française : 1789-1795, Paris, Karthala, 2002, p. 404
  5. Jean-Daniel Piquet, L'émancipation des Noirs..., ouv. cit., p.405

Annexes

Bibliographie

  • (en) Harry Ammon, « The Genet Mission and the Development of American Political Parties », The Journal of American History, vol. 52, no 4, , p. 725-741 (JSTOR 1894343).
  • (en) Harry Ammon, The Genet Mission, New York, W. W. Norton, coll. « The Norton Essays in American History », , X-194 p. (ISBN 0-393-05475-6, présentation en ligne).
  • (en) Wesley J. Campbell, « The Origin of Citizen Genet's Projected Attack on Spanish Louisiana : A Case Study in Girondin Politics », French Historical Studies, vol. 33, no 4, , p. 515-544 (DOI 10.1215/00161071-2010-009).
  • Jean Jules Jusserand, « La jeunesse du Citoyen Genet, d'après des documents inédits », Revue d'histoire diplomatique, Paris, Éditions d'histoire générale et d'histoire diplomatique / librairie au vélin d'or, no 3, , p. 237–268 (lire en ligne).
  • Claude Moisy, Le citoyen Genet : la Révolution française à l'assaut de l'Amérique, Toulouse, Privat, , 292 p. (ISBN 978-2-7089-5003-0).
  • Marie-Jeanne Rossignol, Le ferment nationaliste : aux origines de la politique extérieure des États-Unis, 1789-1812, Paris, Belin, coll. « Cultures américaines », , 399 p. (ISBN 2-7011-1497-7, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • (en) Eugene R. Sheridan, « The Recall of Edmond Charles Genet : A Study in Transatlantic Politics and Diplomacy », Diplomatic History, vol. 18, no 4, , p. 463–488 (DOI 10.1111/j.1467-7709.1994.tb00560.x).
  • (en) Marco Sioli, « Citizen Genêt and the Political Struggle in the Early American Republic », Revue française d'études américaines, no 64 « Crise et crises », , p. 259–267 (lire en ligne).

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