Echelon

Echelon est un nom de code utilisé pendant de nombreuses années par les services de renseignements des États-Unis pour désigner une base d'interception des satellites de télécommunications commerciaux. Par extension, le réseau Echelon désigne le système mondial d'interception des communications privées et publiques (SIGINT), élaboré par les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande dans le cadre du traité UKUSA.

Pour les articles homonymes, voir Échelon.

Stations d'interception du Réseau Echelon situées à Menwith Hill (Royaume-Uni).

Le réseau Echelon est géré conjointement par les services de renseignements des États membres du UKUSA :

  • la NSA (National Security Agency) pour les États-Unis qui en est le principal contributeur et utilisateur ;
  • le GCHQ (Government Communications Headquarters) pour le Royaume-Uni ;
  • le CSTC (Centre de la sécurité des télécommunications Canada) pour le Canada ;
  • l'ASD (Australian Signals Directorate) pour l'Australie ;
  • le GCSB (Government Communications Security Bureau) pour la Nouvelle-Zélande.

C’est un réseau global, appuyé par des satellites artificiels, de vastes bases d’écoutes situées aux États-Unis, au Canada (à Leitrim), au Royaume-Uni (à Bude), en Australie (à Pine Gap) et en Nouvelle-Zélande (à Waihopai), des petites stations d'interception dans les ambassades, et le sous-marin USS Jimmy Carter (SSN-23) de la classe Seawolf, entré en service en 2005 pour écouter les câbles sous-marins de télécommunications.

Il intercepte les télécopies, les communications téléphoniques, les courriels et, grâce à un puissant réseau d’ordinateurs, est capable de trier en fonction de certains termes les communications écrites et, à partir de l’intonation de la voix, les communications orales.

Bien que plusieurs autres pays aient mis en place des systèmes similaires, comme Frenchelon en France, il reste aujourd’hui le plus puissant au monde.

Ces réseaux peuvent être utilisés pour des actions militaires ou politiques.

2 000 personnes, dont 1 500 Américains, travaillent sur la base de Menwith Hill au Royaume-Uni, la plus grande hors des États-Unis.

Toutes les informations récoltées par le réseau Echelon sont analysées au quartier général de la NSA à Fort George G. Meade (Maryland, États-Unis).

Histoire

Origines dans le traité UKUSA

En 1943, les États-Unis et le Royaume-Uni, alors engagés dans la Seconde Guerre mondiale, signent un accord de coopération dans le renseignement issu de l'interception des communications (SIGINT). Pour pérenniser cette entente à la sortie de la guerre, ces deux pays signent en 1946 le traité UKUSA (United Kingdom - United States Communications Intelligence Agreement). Ils sont rapidement rejoints par le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Des pays tiers (l'Allemagne de l'Ouest, la Norvège et la Turquie) signent ensuite des traités de coopération de SIGINT plus restreints avec les États-Unis[1].

Développement pendant la guerre froide

Pendant les premières années, les pays membres de l'UKUSA se sont cantonnés à l’interception des messages entrant et sortant de leurs territoires respectifs et à l’écoute de certains pays limitrophes. Mais dans le cadre de la Guerre froide, ils développent rapidement des outils plus performants, et à plus grand rayon d’action. Au milieu des années 1970, la première base Echelon voit le jour aux États-Unis. Elle sera la première d’un vaste réseau qui couvre aujourd’hui la Terre entière. Son nom est P415, mais il est plus connu sous le nom de réseau Echelon.

Plusieurs pays tiers rejoindront cette alliance – tels que l’Allemagne[1], la Norvège[1], la Turquie[1] ou la Corée du Sud[2]. Ils n’auront toutefois qu’une importance secondaire, les cinq principaux pays de cette coalition se partageant les informations recueillies, sélectionnant celles auxquelles peuvent accéder les autres États membres et décidant quelles personnes, entreprises, ou États doivent être la cible du réseau.

Dévoilement du réseau Echelon

Ce réseau est resté totalement inconnu du grand public pendant plus de 40 ans. C’est en 1988 qu’un journaliste écossais, Duncan Campbell, dévoile le projet Echelon, dans un article intitulé « Somebody's listening »[3]. À l'époque, celui-ci ne fait pas grand bruit et les médias s'y intéressent peu.

En 1995, le gouvernement canadien reconnaît l'existence d'une collaboration internationale dans l'échange de renseignements extérieurs, suivi en mars 1999 par l'Australie qui affirme que son gouvernement « coopère effectivement avec des organisations équivalentes d'espionnage des signaux outre-mer sous l'égide de l'alliance UKUSA »[1].

En 1996, le journaliste néo-zélandais Nicky Hager publie son livre Secret Power, détaillant la participation néo-zélandaise au réseau. Parallèlement, les affaires d’espionnage économique se multiplient (Thomson-CSF, Airbus, AT&T, etc.).

Trois ans plus tard, les premières preuves écrites sont découvertes par des chercheurs de l’université George-Washington (Washington). Deux documents déclassifiés par la NSA ont été découverts, l’un datant du qui précise la mission du centre de surveillance électronique de Sugar Grove en Virginie, l’autre du relatant l’activation de certains centres d’interception sur les bases aériennes américaines. La NSA a toujours nié cette alliance.

Le Parlement européen demande ensuite au STOA plusieurs rapports sur l'existence du réseau Echelon et les moyens techniques et juridiques de protection contre cette forme d'espionnage électronique, qui seront notamment rédigés par Duncan Campbell, Franck Leprevost et Chris Elliot.

Affaires supposées d'espionnage

Espionnage économique

Lutte contre la criminalité

Oppositions

Jam Echelon Day

En 1999, un groupe d’« hacktivistes » lance une campagne de mobilisation contre le système Echelon en tirant parti de son prétendu point faible : son dictionnaire de mots-clés. Le est déclaré comme étant le « Jam Echelon Day », la journée d’engorgement du réseau Echelon. Les internautes sont invités à ajouter à tous leurs messages électroniques une liste de mots-clés propres à faire réagir le système de tri. Selon les militants, le système d’écoutes pourrait alors être submergé par la masse de messages à traiter. Mais bien vite cette affirmation est mise en doute. William Knowlse qui fut le premier à préparer une liste de mots-clés dès 1998 déclare : « J’ai amassé ces mots-clés au fil de mes lectures, sans vraiment penser à déstabiliser les services secrets […] Je doute qu’une liste vieille de plus de deux ans puisse créer des ennuis à la NSA ». Duncan Campbell, spécialiste du réseau Echelon, ajoutera même « Il suffit aux employés de la NSA de demander à leurs ordinateurs d’ignorer les messages contenant plus d’une dizaine de mots-clés. Le réseau Echelon serait alors protégé et ne subirait aucun engorgement ».

En 2001, l’action est relancée avec un but plus informatif. Son principal objectif est de faire comprendre aux citoyens que la liberté de pensée et d’expression est menacée. Le second objectif est de fournir des avis, des logiciels pour sécuriser les communications des entreprises et des particuliers. Cependant le message passe mal, et a des difficultés à sortir d’un cocon d’internautes spécialisés.

Women Peace Camp à Menwith Hill (Royaume-Uni)

RAF Menwith Hill (Field Station F83), dans le Yorkshire, au Royaume-Uni, est la plus grande base du réseau Echelon[1]. Près de 2 000 personnes y travaillent dont plus de 1 200 Américains[6]. La base F83 a pour fonction principale la collecte et le traitement des données des satellites SIGINT ; sa seconde fonction majeure (Moonpenny) consiste à intercepter les données des satellites civils ou militaires d'autres pays[1]. Gérée en collaboration avec le GCHQ britannique, elle est sous l'autorité de la NSA[1].

Depuis au moins 1975, la Post Office Telecom britannique (devenu British Telecom, BT) branchait des câbles par lesquels pouvaient transiter les appels téléphoniques internationaux émis depuis le Royaume-Uni vers Menwith Hill[6]. En 1992, un nouveau câble optique par lequel transitaient plus de 100 000 appels téléphoniques fut dévié vers Menwith Hill par BT[6].

Un groupe de femmes, le Women Peace Camp, âgées en moyenne de plus de 60 ans, s'oppose à cette présence. Dès 1994, elles installent des caravanes en face de la base dans le but d'alerter l'opinion publique avant d'être évacuées sans ménagement. Pendant plus de 2 ans, elles se sont introduites plusieurs fois dans la base et ont fait ses poubelles sans éveiller les soupçons. Grâce à des photocopies ratées des fax, elles réussissent à mettre au jour près de 250 systèmes fonctionnant à Menwith Hill et l'existence de plusieurs bases implantées sur le sol britannique inconnues jusqu’alors.

À la suite de leurs actions, elles multiplient les procès et les périodes d’incarcération. Ainsi Ann Lee a été condamnée en 2007 à deux mois de prison ferme pour avoir découpé une grille de sécurité. Helen John, âgée de plus de 60 ans, a été condamnée 34 fois et a purgé 18 mois de prison.

Cabinet d’avocats Jean-Pierre Miller et David Nataf (France)

En France, l’avocat Jean-Pierre Millet et l’expert en cyptographie David Nataf portent plainte contre Echelon, une première mondiale.[7].

Dans un article du Sunday Times[8], David Nataf met en cause la responsabilité du Royaume-Uni au sein de l’Union Européenne.

David Nataf est auditionné par la commission Echelon 1998-2002 du Parlement européen [9],[10].

Stations d’interception

Un radôme à Menwith Hill
Bunker de surveillance à Silvermine (Afrique du Sud)

Voici les listes des stations connues ou supposées participer au réseau Echelon :

Principales stations

Station
(Désignation)
LocalisationOpérateurAutres informations
Yakima Research Station (YRS) (USD-110)[11]Yakima, État de WashingtonNSA[1]
Detachment 4, 544th Intelligence Group
première station ECHELON
Fermeture annoncée en 2013[12]
Sugar GroveVirginie-OccidentaleNaval Security Group Activity Sugar Grove
Detachment 3, 544th Intelligence Group
Fermeture prévue en 2016[13]
Sabana SecaPorto RicoNaval Security Group Activity Sabana Seca
Detachment 2, 544th Intelligence Group
SFC Leitrim (CAF-97)[1]Ontario, CanadaCSTC
RAF Menwith Hill (USD-1000)[11]près de Harrogate, Yorkshire, Royaume-UniNSA[1]
GCHQ Bude
(anciennement CSO Morwenstow)
Cornouailles, Royaume-UniComposite Signals Organisation (branche civile du GCHQ)C'est la plus grande station d'interception Echelon[1]
Guamocéan PacifiqueUS Navy[1]
Australian Defence Satellite Communications Station (ADSCS)Kojarena près de Geraldton, Australie-OccidentaleASD
Waihopai (NZC-333[11])Nouvelle-ZélandeGCSBfonctionnant depuis fin 1991[14]

Autres stations

Anciennes stations

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Duncan Campbell, « They've got it taped », New Statesman, , p. 10-12 (lire en ligne)
  • (en) Nicky Hager, Secret Power : New Zealand's Role in the International Spy Network, Nelson, Nouvelle-Zélande, Craig Potton Publishing, , 299 p. (ISBN 0-908802-35-8 et 978-0-908802-35-7, lire en ligne)
  • (en) Jeffrey Richelson, « Desperately seeking signals », The Bulletin of the Atomic Scientists, vol. 56, no 2, , p. 47-51 (lire en ligne)
  • Arthur Paecht, Rapport d’information sur les systèmes de surveillance et d’interception électronique pouvant mettre en cause la sécurité nationale. Assemblée nationale (France), . 89 pages.
  • Gerhard Schmid, Rapport sur l’existence d’un système d’interception mondial des communications privées et économiques, système d’interception ECHELON. Parlement européen, . 202 pages. Rapport A5-02-64/2001
  • (en) panel Science and Technology Options Assessment du Parlement européen, Development of surveillance technology and risk of abuse of economic information, décembre 1999 [lire en ligne (page consultée le 11 juin 2020)]
    • volume 1/5 : Peggy Becker, Presentation and Analysis
    • volume 2/5 : Duncan Campbell, The state of the art in communications Intelligence (COMINT) of automated processing for intelligence purposes of intercepted broadband multi-language leased or common carrier systems, and its applicability to COMINT targetting and selection, including speech recognition ou Interception Capabilities 2000 (édition augmentée traduite en français : Duncan Campbell, Surveillance électronique planétaire, Paris, éditions Allia, (réimpr. 2005) (lire en ligne))
    • volume 3/5 : Franck Leprevost, Encryption and cryptosystems in electronic surveillance: a survey of the technology assessment issues
    • volume 4/5 : Chris Elliot, The Legality of interception of electronic communications: a concise survey of the principal legal issues and instruments under international, european and national law
    • volume 5/5 : Nikos Bogolikos, The perception of economic risks arising from the potential vulnerability of electronic commercial media to interception]
  • Franck Leprevost & Bertrand Warusfel, Echelon : origines et perspectives d'un débat transnational, Annuaire français de relations internationales, volume 2, 2001, éd. Bruylant, pp. 865-888.
  • S. Lizin, Ch. Van Parys. Rapport sur l’existence éventuelle d’un réseau d’interception des communications, nommé « Echelon ». Sénat et Chambre des représentants de Belgique, . 70 pages.

Filmographie

  • Echelon, le pouvoir secret, documentaire de David Korn-Brzoza (coproduction France 2 - Kuiv Productions) où différents anciens membres du réseau témoignent.
  • Conspiracy, film de fiction de Greg Marcks (2010).

Articles connexes

Liens externes

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