Doublepensée

Doublepensée (en version originale Doublethink) est un terme inventé par George Orwell comme le novlangue, dans son roman dystopique 1984, indiquant une capacité à accepter simultanément deux points de vue opposés et ainsi mettre en veilleuse tout esprit critique[1]. C'est aussi une rupture avec le « principe de non-contradiction », sur lequel repose toute la science démontrable.

Origine et concept

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George Orwell présente la doublepensée comme suit :

« Winston laissa tomber ses bras et remplit lentement d’air ses poumons. Son esprit s’échappa vers le labyrinthe de la double-pensée. Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu’on se réclame d’elle. Croire en même temps que la démocratie est impossible et que le Parti est gardien de la démocratie. Oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l’ultime subtilité. Persuader consciemment l’inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l’acte d’hypnose que l’on vient de perpétrer. La compréhension même du mot « double pensée » impliquait l’emploi de la double pensée. »

 George Orwell, 1984, Première Partie, Chapitre III[2]

Comme Orwell l'explique dans son livre, le Parti était incapable de conserver une mainmise absolue sur le pouvoir sans dégrader la population et la soumettre à une propagande permanente. Or, le fait que ces brutalités et ces manipulations fussent connues, même au sein du Parti, aurait pu conduire à l'effondrement de l'État sur lui-même. C'est pour cette raison que le gouvernement imaginé par Orwell utilisait un système complexe de « contrôle de la réalité ». Quoique 1984 soit plutôt connu pour ses descriptions de surveillance approfondie du quotidien, le contrôle de la réalité signifiait que la population devait être également contrôlée et manipulée au travers du langage de tous les jours et de la pensée commune. Le novlangue fut ainsi désigné comme méthode pour contrôler la pensée par l'entremise du langage, la doublepensée étant une méthode pour contrôler directement l'esprit.

Le novlangue lui-même incarne la doublepensée car il contient de nombreux mots qui créent des associations supposées entre des significations différentes. C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de mots d'importance fondamentale comme « bien » / « mal », « correct » / « faux », « vérité » / « mensonge », ou « justice » / « injustice ».

La doublepensée est une forme d'aveuglement acquis et volontaire vis-à-vis des contradictions contenues dans un système de pensée. Dans le cas de Winston Smith, le personnage principal du roman d'Orwell, le problème était qu'il était incapable de travailler au Ministère de la Vérité (Miniver) où il était censé effacer les faits dérangeants des archives publiques, pour ensuite adhérer aux nouvelles vérités qu'il avait lui-même écrites.

De plus, l'auto-manipulation en laquelle consiste la doublepensée permet au Parti de promouvoir d'énormes objectifs à côté d'attentes réalistes : « Si l'on doit gouverner, si l'on doit continuer à gouverner, on doit être en mesure de détruire tout sens de la réalité. Parce que le secret du gouvernement est de combiner la croyance en sa propre infaillibilité, avec le pouvoir d'apprendre des erreurs du passé[3] ». Dès lors, chaque membre du Parti se transforme en pion crédule sans toutefois jamais manquer d'information vraisemblable. Le Parti est à la fois fanatique et bien informé, l'empêchant ainsi non seulement de se « fossiliser » mais également de se « ramollir », et par conséquent de s'effondrer. La phrase « Tuer le messager » (Killing the messenger) qui a perturbé le commandement des militaires nazis (et plus tard des Irakiens) ne se présenterait pas dans un tel système. La doublepensée fonctionne comme un outil clé pour l'autodiscipline dans le Parti, en complément de la discipline imposée par l'état par l'intermédiaire de la propagande et de l'état policier. Ces outils rassemblés permettent de cacher les intentions malignes du gouvernement au peuple ainsi qu'au gouvernement lui-même, mais sans provoquer la confusion et la désinformation qui caractérisent les régimes totalitaires plus primitifs.

La doublepensée était essentielle pour donner au Parti la possibilité de connaître ses véritables objectifs sans y déroger. Les dictatures précédentes ont commis l'erreur de combiner leur propagande égalitariste avec leur but. 1984 tend à montrer que les dictatures de la prochaine génération ne se comporteront plus aussi naïvement.

Au-delà des années qui suivirent la publication de 1984, le terme de doublepensée est devenu synonyme du soulagement apporté à une dissonance cognitive lorsque l'on ignore les contradictions entre des visions du monde différentes – ou même du fait de rechercher délibérément à réduire l'ampleur d'une dissonance cognitive. Certaines écoles psychothérapeutiques comme la thérapie cognitive encouragent par exemple les individus à altérer leurs propres pensées dans le but de traiter certaines maladies psychologiques.

Notes et références

  1. (en) en, The Oxford Companion to the English Language, (ISBN 0-19-214183-X, lire en ligne), p. 321 :
    « The paradox is expressed most succinctly in the novel in the three Party slogans: War is Peace, Freedom is Slavery, and Ignorance is Strength. The term is widely used to describe a capacity to engage in one line of thought in one situation (at work, in a certain group, in business, etc.) and another line in another situation (at home, in another group, in private life), without necessarily sensing any conflict between the two. »
  2. Source : 1984 - Première Partie - Chapitre III
  3. George Orwell, 1984

Voir également

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