Dniepr

Le Dniepr (en ukrainien : Дніпро, Dnipro, API : /dnʲiˈpro/ ; en russe : Днепр, Dniepr ; en biélorusse : Дняпро, Dniapro, API : /dnʲaˈpro/ ; en tatar de Crimée : Özü) est un fleuve de l'Europe de l'Est se jetant dans la mer Noire. Il se classe, avec ses 2 290 km, à la troisième place des fleuves d'Europe pour sa longueur. Son débit, 1 670 m3/s à son embouchure, en fait un fleuve d'importance comparable au Rhône. C'est le fleuve Boristhène[1] du monde antique.

Pour les articles homonymes, voir Dnepr et Dnipro (homonymie).

Ne doit pas être confondu avec Dniestr.

Dniepr

Le Dniepr à Kiev, en Ukraine.

Le bassin du Dniepr avec ses affluents.
Caractéristiques
Longueur 2 290 km
Bassin 516 300 km2
Bassin collecteur bassin du Dniepr
Débit moyen 1 670 m3/s (Kherson)
Régime nival de plaine
Cours
Source collines de Valdaï
· Localisation Russie
· Altitude 220 m
· Coordonnées 55° 52′ N, 33° 41′ E
Embouchure Mer Noire
· Localisation Ukraine
· Coordonnées 46° 30′ N, 32° 20′ E
Géographie
Pays traversés Russie
Biélorussie
Ukraine

Étymologie

L'étymologie du Dniepr, donné Δάναπρις par les Grecs, Danaper par Jordanès a été analysée comme un emprunt du slave à une langue iranienne, scythique ou sarmate, d'un prototype *Dānu-apara- « le fleuve de derrière » (avestique apara- « de derrière, postérieur »). Cette étymologie est débattue entre les spécialistes[2].

Caractéristiques

Le Dniepr prend sa source en Russie centrale, dans les collines de Valdaï, à 220 m d'altitude, près du village de Botcharovo. Il se jette dans la mer Noire après avoir parcouru 485 km en Russie puis 595 km en Biélorussie et enfin 1 095 km en Ukraine. Par ailleurs, son cours matérialise la frontière entre la Biélorussie et l'Ukraine sur une longueur de 115 km. Son bassin versant couvre une surface de 504 000 km2, dont 289 000 situés en Ukraine. Il arrose successivement, en partant de sa source, les villes de Smolensk en Russie, d'Orcha et Moguilev en Biélorussie, de Kiev, Tcherkassy, Krementchouk, Dnipro, Zaporijjia, Nikopol et Kherson en Ukraine, pour ne citer que les plus importantes d'entre elles. Deux de ses affluents sont célèbres : la Bérézina, dont le nom est devenu synonyme de déroute dans le langage courant en langue française et la rivière Pripiat sur laquelle est située la centrale nucléaire de Tchernobyl qui a rejeté des radioisotopes dans l'eau de la rivière. Mais son principal affluent est la Desna. Le Dniepr est relié à la rivière Boug par l'intermédiaire d'un canal.

Avant les grands travaux d'aménagement dont il a fait l'objet durant l'ère soviétique, son cours était, entre Dnipropetrovsk et Zaporojie, rapide et embarrassé par des blocs de granite et des bancs de craie qui donnaient naissance à plusieurs cataractes. Le Dniepr n'avait au XIXe siècle qu'un pont, celui de Kiev ; encore s'enlevait-il l'hiver, car on passait alors le fleuve sur la glace, et la débâcle l'aurait emporté. Ses eaux sont jugées à la même époque par le Dictionnaire Bouillet très poissonneuses.

En 2019, le Dniepr semble menacé par plusieurs problèmes : il perdrait de la profondeur car ses affluents charrieraient de la boue ; des cyanobactéries s'y développeraient fortement en raison de la pollution ; le nombre de poissons y baisserait en raison du braconnage ; enfin, son niveau pourrait baisser de moitié en 50 ans en raison du changement climatique[3].

Description du cours

Le barrage du DniproHES.

Le cours du Dniepr peut être divisé en trois sections : le Dniepr supérieur de sa source à Kiev (1 333 km), le Dniepr moyen de Kiev à Zaporijjia (536 km) et le Dniepr inférieur de Zaporijjia à la mer (331 km). Le Dniepr présente toutes les caractéristiques d'un fleuve de plaine, avec une pente faible et une vitesse du courant réduite. La vitesse du courant est de 1,5 m/s pour le Dniepr supérieur et le moyen Dniepr et négligeable pour le Dniepr inférieur. Mais son cours est interrompu en plusieurs endroits par de grands barrages construits durant la période soviétique et qui sont à l'origine des grandes retenues d'eau actuelles qui ont submergé l'ancien lit. Avant la création de ces barrages la vitesse du courant atteignait 5 m/s au niveau des rapides situés juste en amont de Zaporijjia. Le niveau de l'eau varie considérablement et les rives du fleuve sont instables. Le cours du fleuve comporte de nombreux passages où son lit se rétrécit mais comporte peu de méandres. Le fleuve a une direction générale sud mais est orienté nord-ouest/sud-est entre Kiev et Dnipro et nord-est/sud-ouest entre Zaporijjia et Kherson.

Cours supérieur

Le Dniepr à son point d'entrée en Ukraine, à Loïew.

La source du Dniepr se situe dans les collines de Valdaï, à une altitude de 220 m, dans une région de marais. À Dorogobouj, le Dniepr est un cours d'eau n'ayant pas plus de 30 m de large s'écoulant sur un plateau forestier. Entre Dorogobouj et Orcha, le fleuve devient plus large, entre 40 et 120 m et navigable. En amont d'Orcha, le fleuve franchit des terrains calcaires du dévonien et forme de petits rapides appelés rapides de Kobeliatskie. Près de Rahatchow, le fleuve pénètre dans les basses terres de Polésie et à Loïew, il entre en territoire ukrainien. À partir de Rahatchow, le fleuve s'élargit considérablement car il reçoit sur une courte distance ses principaux affluents. Il reçoit en Biélorussie sur la gauche la Bérézina (longueur: 660 km ; bassin versant: 24 530 km2) et sur sa droite la Soj (longueur: 648 km ; bassin versant: 41 400 km2). Il reçoit en Ukraine le Pripiat (longueur: 748 km ; bassin versant : 114 300 km2) et la Desna (longueur : 1 126 km ; bassin versant : 88 500 km2). Après avoir reçu tous ces affluents, la surface du bassin hydrologique du Dniepr atteint 328 000 km2. Le fleuve roule 45 m3/s d'eau par seconde à Orcha, 108 m3/s à Rahatchow, 590 m3/s à Loiev (son point d'entrée en Ukraine) et 1 380 m3/s à Kiev. La partie supérieure du bassin du Dniepr est celle qui reçoit les précipitations les plus abondantes (550 à 650 mm par an) et dont la couverture forestière est la plus importante (25 % de forêt). Les marécages y sont nombreux, les plus connus étant les marais de Pinsk. Les rives du fleuve ont subi de grandes modifications à la suite de la construction d'un barrage-réservoir entre le point de confluence avec le Pripiat et Kiev.

Cours moyen

Le Pont Kaidatsky sur le Dniepr à Dnipro.

De Kiev à Dnipro, la vallée du Dniepr est asymétrique. La rive droite est accidentée et ses hauteurs dominent de 100 à 150 m le fleuve. Elle est profondément entaillée par des vallées transversales. Elle est recouverte de forêt et forme un paysage de collines pittoresques. La rive gauche est basse, sablonneuse, et recouverte de pinèdes. Elle s'élève vers l'est graduellement en formant de larges terrasses. La vallée du moyen Dniepr mesure de 6 à 10 km de large tandis que la largeur du fleuve varie entre 200 et 1 200 m.

La pente du fleuve entre Kiev et le point de confluence avec la Tiasmyn est faible, seulement cm/km. La pente s'accentue lorsque le fleuve traverse le bouclier cristallin ukrainien. Le fleuve entaille le massif granitique sur une longueur de 90 km entre Dnipro et Zaporijjia. Avant la construction en 1932 du barrage de la centrale hydroélectrique DniproHES, le fleuve y coulait dans une étroite vallée, profonde d'une centaine de mètres. Le lit de la rivière se rétrécissait pour atteindre 300 à 800 m de large et même 175 m en son point le plus étroit. On y comptait 9 rapides et une soixantaine d'obstacles de moindre importance. La pente de la rivière atteignait 50 cm/km. Aujourd'hui cette vallée est entièrement submergée et offre un paysage complètement différent. La création d'un lac artificiel a permis de rendre cette portion de fleuve navigable.

Le cours moyen du fleuve traverse des régions occupées par la steppe arborée et la steppe. Les précipitations (400 mm/an à Zaporijjia) sont moindres que dans la partie supérieure du bassin et la forêt ne représente plus que 5 % de la couverture végétale. Les affluents sont de taille plus modeste et leur apport en eau est plus faible. Les affluents de la rive droite sont la Stouhna (68 km), la Ros (346 km) et la Tiasmyn (194 km). Les affluents de la rive gauche sont plus longs. Il s'agit de la Soula (310 km), de la Vorskla (425 km) et de la Psel (692 km).

Cours inférieur

Le Dniepr à Kherson.

Après Zaporijjia, le Dniepr pénètre dans la plaine semi-aride de la steppe pontique qui borde la mer Noire (300 à 400 mm par an de pluie). La construction d'un grand barrage près de Kakhovka a noyé la plaine alluviale du fleuve jusqu'à la hauteur de Zaporijjia et a permis la création d'un réservoir de 2 155 km2. La partie finale du cours du Dniepr commence à Kakhovka, à 106 km de l'estuaire. Ici le fleuve s'écoule sur d'épais dépôts alluvionnaires (plus de 70 m d'épaisseur) datant du quaternaire. À partir de Kherson, le fleuve se divise en plusieurs bras et forme un large delta de 350 km2 comportant de nombreux lacs et îlots. Les deux tiers du delta sont constitués de marécages et le tiers restant d'étendues d'eau. Le Dniepr termine sa course en se jetant dans l'estuaire commun au Dniepr et au Boug méridional. Les affluents du Dniepr inférieur sont l'Inhoulets (longueur : 550 km) et de petites rivières de la steppe : le Bazavlouk (longueur: 150 km), la Konka (longueur: 140 km), la Bilozerka (longueur: 88 km). La pente du Dniepr inférieur est de seulement 4,5 cm/km.

Hydrologie

Le Dniepr possède un régime nival de plaine avec une période de hautes eaux au printemps au moment de la fonte des neiges (débit mensuel de 2 893 m3/s en mai) et une période d'étiage en automne (débit mensuel de 841 m3/s en septembre). Une bonne partie des eaux du fleuve proviennent de son bassin supérieur en amont de Kiev. Le débit du fleuve est en effet de 1 380 m3/s à Kiev et n'augmente plus guère par la suite celui-ci étant de 1 480 m3/s à Krementchouk et de 1 670 m3/s au niveau de son estuaire. Le Dniepr supérieur plus la Bérézina et la Soj contribuent pour 35 % au débit total du fleuve, le Pripiat pour 26 % et la Desna pour 21 %. Mais la construction des nombreux réservoirs qui ponctuent son parcours a fortement modifié le régime du fleuve, et celui-ci n'a plus rien de naturel en aval de ceux-ci. De fait, le débit du fleuve ne connaît plus d'aussi importantes variations que par le passé. Le fleuve est pris dans les glaces de début décembre à début avril dans la partie supérieure de son cours et de fin décembre à début mars dans la partie inférieure.

Débit moyen mensuel (en m3/s)
Station hydrologique : centrale électrique du Dniepr
(données calculées sur la période 1952-1984[4])
Source : grdc.sr.unh.edu

Histoire

Le DniproHES en construction dans les années 1930.

Le Dniepr était déjà connu des anciens Grecs et le premier à l'avoir mentionné est Hérodote au Ve siècle av. J.-C.. Ils le nommaient Borysthenes[5], un mot d'origine scythe signifiant « les vastes terres », probablement en référence à la steppe ukrainienne. Borysthenes était également le nom du cheval préféré de l'empereur Hadrien.

Au Moyen Âge, le fleuve devint une importante voie de navigation fluviale entre la mer Baltique et l'Empire byzantin. Il fut notamment emprunté par les Varègues (Route commerciale des Varègues aux Grecs, un volok près de Smolensk le faisait communiquer avec la Kasplia puis la Daugava, bassin de la mer Baltique).

Au XVIIIe siècle, plusieurs canaux furent construits pour relier le fleuve à d'autres rivières ; le canal Oginski relia le Dniepr au Niémen à partir de 1783 et le canal Dniepr-Boug à la Vistule à partir de 1775. Le fleuve joue un rôle important dans l'Histoire de la culture des céréales au siècle suivant.

Mais les plus grands travaux d'aménagement du cours du fleuve eurent lieu au cours du XXe siècle avec la construction de plusieurs grands barrages hydroélectriques qui donnèrent naissance à d'immenses réservoirs. Le premier d'entre eux, le DniproHES, fut réalisé entre 1927 et 1932. Il donna naissance à un grand lac artificiel qui submergea les rapides situés entre Dnipro et Zaporijjia. Le fleuve, dont le cours était jusque-là divisé en deux sections navigables, devint ainsi navigable sur toute sa longueur. Le barrage dut être reconstruit en 1948 à la suite de sa destruction au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les autres barrages furent construits en 1954–1960 (Krementchouk), 1960–1964 (Kiev), 1956-1964 (Dniepr Moyen), 1963–1975 (Kaniv).

En , l'offensive de l'Armée rouge pour franchir le Dniepr fut à l'origine d'une des batailles les plus sanglantes de la Seconde Guerre mondiale, la bataille du Dniepr. La largeur considérable du fleuve et l'élévation plus importante de la rive droite à conquérir constituèrent de véritables obstacles naturels pour les troupes soviétiques.

Affluents

Le bassin du Dniepr vu de l'espace.
Nom Longueur Bassin versant Débit Rive
de la source à Kiev
Drout 295 km 5 020 km² 30 m³/s droite
Bérézina 587 km 24 500 km² 145 m³/s droite
Soj 648 km 42 100 km² 207 m³/s gauche
Pripiat 710 km 121 000 km² 455 m³/s droite
Teteriv 365 km 15 100 km² 18,4 m³/s droite
Irpine 142 km 3 140 km² droite
Desna 1 130 km 88 900 km² 360 m³/s gauche
de Kiev à Dnipropetrovsk
Stouhna 68 km 785 km² droite
Troubij 113 km 4 700 km² 3,7 m³/s gauche
Ros 346 km 12 575 km² 27 m³/s droite
Tiasmyn 164 km 4 570 km² 6,6 m³/s droite
Soula 365 km 19 600 km² 29 m³/s gauche
Psel 717 km 22 800 km² 55 m³/s gauche
Vorskla 464 km 14 700 km² 36,4 m³/s gauche
de Dnipropetrovsk à l'embouchure
Samara 320 km 22 600 km² 17 m³/s gauche
Konka 149 km 2 600 km² gauche
Bazavlouk 157 km 4 200 km² droite
Inhoulets 549 km 14 870 km² 8,5 m³/s droite

Centrales hydroélectriques et réservoirs

Le Dniepr est réputé pour ses barrages et ses centrales hydroélectriques. Leur production d'électricité représente 10 % de la production totale de l'Ukraine. Les eaux qu'ils retiennent forment 6 grands réservoirs qui se nomment d'amont en aval (entre parenthèses figure leur surface):

  1. le réservoir de Kiev (922 km2)
  2. le réservoir de Kaniv (675 km2)
  3. le réservoir de Krementchouk (2 250 km2)
  4. le réservoir de Kamianske (567 km2)
  5. le réservoir du Dniepr (420 km2)
  6. le réservoir de Kakhovka (2 155 km2)

Aspect culturel

Son importance a été soulignée par tous les patriotes ukrainiens au premier rang desquels Taras Chevtchenko et par le fameux poème Le Testament qui évoque le Dnipro.

Divers

Sources

Voir aussi

Notes et références

  1. Plus précisément Borysthène (Βορυσθένης).
  2. Xavier Delamarre « Notes d'étymologie gauloise », Wékwos, no1, 2014
  3. Dmytro Kouzoubov, « Écologie. L’Ukraine dans l’impasse environnementale », Courrier international, (consulté le )
  4. Le Dniepr à Dniepr Power Plant
  5. Eugène Belin de Ballu (1972), Olbia : cité antique du littoral Nord de la Mer Noire ; Brill Archive 205 pages Voir p 21 et suivantes (avec Google livres)
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