Demi-mondaine

En France, au XIXe siècle, la demi-mondaine[1] est une femme dont le statut oscille entre la prostituée de luxe et la maîtresse entretenue par de riches Parisiens[2]. Ce groupe social, jusque-là invisible, se manifeste bruyamment dans la presse, le théâtre, les réunions publiques et finalement dans toute la société parisienne à partir du Second Empire pour atteindre son apogée vers 1900 et disparaître pendant la Première Guerre mondiale. Ces cocottes de basse ou haute condition sont appelées aussi « Grandes Horizontales »[3].

Liane de Pougy, célèbre demi-mondaine, vers 1891-1892.

Histoire

« Ces messieurs étaient assez fortunés pour subvenir aux besoins d’une femme au foyer et d’une autre pour la galerie. En additionnant leur moitié avec une demie, ils réinventaient la bigamie[4]. »

Origine du mot

Le mot « demi-mondaine » est issu du Demi-monde, une comédie qu’Alexandre Dumas fils publie en 1855[5]. Le demi-monde est un monde nébuleux qui renvoie une image déformée du « grand monde ».

À première vue, le demi-monde est identique à son aîné mais derrière les bonnes manières, la culture, l’apparente respectabilité et les titres de noblesse, on découvre fêlures, dissonances, fausses positions, corruptions inavouables et fortunes scandaleuses. Il est composé d’individus à l’existence équivoque, des hommes joueurs, « viveurs » (surnommés « les Grecs ») et surtout des femmes sans mari à la destinée souvent trouble, grandes dames déchues, petites bourgeoises, anciennes prostituées, danseuses, chanteuses ou comédiennes.

Description

Les demi-mondaines sont des femmes entretenues par des hommes riches, souvent des Parisiens, qui sont assez fortunés pour subvenir aux besoins d’une femme au foyer et d’une demi-mondaine. Vivant dans des appartements meublés pour les plus modestes et dans des hôtels particuliers pour les plus influentes, leur clientèle est composée de grands bourgeois, de riches industriels, de banquiers, de riches provinciaux et même pour les plus en vogue, d’aristocrates français ou étrangers.

Les demi-mondaines ont souvent plusieurs domestiques et mènent une vie oisive au milieu du luxe le plus ostentatoire. Elles passent énormément de temps à leur toilette et ne sortent que l’après-midi vers seize heures pour aller parader au Bois, assister aux courses de chevaux, aller au théâtre, au restaurant ou chez leurs amies. Elles reçoivent aussi chez elles ; c’est l’occasion de séduire de futurs clients, de faire l’étalage de leurs richesses et, pour les novices, de se faire connaître auprès du « Tout-Paris ». Les demi-mondaines ont un amant officiel et plusieurs amants secondaires. Elles peuvent recevoir jusqu’à plusieurs centaines de milliers de francs par mois qu'elles dépensent en toilettes, parures, chevaux et voitures.

Comme à Venise au XVIIIe siècle, la prostitution a pris une ampleur phénoménale. Mais ce ne sont pas les pensionnaires des maisons closes et les racoleuses de Notre-Dame-des-Lorettes qui symbolisent la ville ; c'est un peuple de femmes nées avec Nana, les demi-mondaines, souvent comédiennes de second plan, déjà courtisanes, les femmes entretenues.

Artistes et demi-monde

Le demi-monde et son peuple ont inspiré les artistes, que ce soit des romanciers comme Zola, des poètes comme Baudelaire ou des peintres comme Millet. Odette de Crécy chez Proust est l'exemple d'une demi-mondaine qui va devenir une grande bourgeoise (Mme Swann), puis une femme du « monde » (Mme de Forcheville). Toujours chez Proust, l'ancienne prostituée que le narrateur surnomme « Rachel-quand-du-Seigneur » est décrite dans son cheminement vers une ascension sociale qui passe par son amant Saint-Loup et par son travail d'actrice.

Demi-mondaines célèbres

Loge dans la Sofiensaal Josef Engelhart, 1903.

Le nom de certaines d’entre elles est encore connu aujourd'hui : Blanche d'Antigny, Anna Deslions, l’Anglaise Emma Crouch, plus connue sous le nom de Cora Pearl, la Russe Mme de Païva ou encore l’exotique Jeanne Duval. Demi-mondaine parisienne d'origine anglaise, Cora Pearl, née en 1837, a écrit ses mémoires[6]. Elle a été la maîtresse du prince Napoléon, le célèbre Plonplon, cousin de l'empereur Napoléon III. Une autre demi-mondaine célèbre, Laure Hayman, était la descendante du peintre Francis Hayman, le maître de Thomas Gainsborough. Elle compta parmi ses amants le duc d'Orléans, Charles de La Rochefoucauld duc d'Estrées, Louis Weil (grand-oncle maternel de Proust), le roi de Grèce, l'écrivain et académicien français Paul Bourget et Karageorgevitch, prétendant au trône de Serbie, dont elle tomba amoureuse. Elle vivait des libéralités du financier Raphaël Bischoffsheim. Elle était surnommée la « déniaiseuse des ducs ».

Dans la culture

Littérature

Cinéma

Notes et références

  1. [PDF]Lola Gonzalez-Quijano, Le demi-monde : prostitution et réseaux sociaux dans le Paris du XIXe siècle, sur le site f.hypotheses.org, consulté le 20 août 2014.
  2. Lola González Quijano, « Performer un mauvais genre : la demi-mondaine au XIXe siècle », Criminocorpus, (lire en ligne)
  3. (en) Virginia Rounding, Grandes Horizontales : The Lives and Legends of Four Nineteenth-Century Courtesans, Bloomsbury USA, , 352 p. (ISBN 1582342601).
  4. « Langue sauce piquante », sur le blog des correcteurs du Monde (consulté le ).
  5. Lola González Quijano, « Performer un mauvais genre : la demi-mondaine au XIXe siècle », Criminocorpus, , voir paragraphe 2 (lire en ligne)
  6. Mémoires de Cora Pearl, Jules Lévy, .

Voir aussi

Ouvrages

Article

  • Paris Match, « Les courtisanes au musée d'Orsay - Quand Paris prenait l'Europe dans ses draps », sur parismatch.com (consulté le ).
  • Stéphane Tralongo, « Du côté de Cythère. Le “demi-monde” des actrices de Marcel Proust », Revue d'études proustiennes, vol. Proust au temps du cinématographe : un écrivain face aux médias, no 4, , p. 155-178 (lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Lola Gonzalez-Quijano, « Amours, scandales et célébrité : les grandes courtisanes de la fête impériale et de la Belle Époque (1851-1914) », Missile, (lire en ligne, consulté le ).
  • Lola González Quijano, « Performer un mauvais genre : la demi-mondaine au XIXe siècle », Criminocorpus, (lire en ligne).

Articles connexes

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