Day Tripper

Day Tripper est une chanson des Beatles publiée en single en 1965, essentiellement écrite par John Lennon, avec l'aide de Paul McCartney.

Day Tripper

Single de The Beatles
Face A We Can Work It Out
(double face A)
Sortie
Enregistré
studios Abbey Road
Durée 2:46
Genre Pop rock
Format 45 tours
Auteur John Lennon et Paul McCartney
Producteur George Martin
Label Parlophone
Classement
  1. 1 (Royaume-Uni)
    #5 (États-Unis)

Singles de The Beatles

Pistes de Yesterday and Today

Pistes de Past Masters

La chanson est éditée en 45 tours au Royaume-Uni le , le même jour que la sortie de l'album Rubber Soul, bien qu'elle n'y figure pas. We Can Work It Out se trouve sur la même face. Pour la première fois, il n'y a pas de face B. Les Beatles viennent d'inventer le concept de la « double face A ». Ainsi, il n'y a pas de « hiérarchie » entre les deux titres (à cette époque, c'est la face A qui compte, la B étant considérée comme mineure), et ils peuvent grimper de concert en tête des hit-parades.

Day Tripper atteint la première place des charts britanniques, mais n'est que numéro cinq aux États-Unis.

Historique

Contexte et écriture

En 1965, la popularité des Beatles est en pleine expansion. Surfant sur le phénomène de la Beatlemania au Royaume-Uni, le groupe se promeut aux États-Unis en effectuant trois tournées en dix-huit mois, organisées par leur manager Brian Epstein. Le succès dépasse toutes les attentes, avec des audiences colossales lors de deux passages dans l'émission The Ed Sullivan Show et des concerts nécessitant des moyens humains et matériels sans précédent[B 1],[1]. Le groupe joue notamment au Shea Stadium de New York devant près de 56 000 personnes, le , ce qui constitue un record pour l'époque[G 1]. Cette période est artistiquement enrichissante pour les musiciens, qui font des rencontres importantes, comme celles de Bob Dylan en 1964, qui les initie à la consommation de cannabis, et Elvis Presley l'année suivante[B 2];[T 1],[G 2]. Le groupe élargit ses influences musicales à travers ces rencontres, à l'instar de George Harrison, qui montre un intérêt grandissant pour la musique folk rock après avoir fait la connaissance des membres du groupe The Byrds en 1965. Son initiation au LSD la même année le rapproche également de la musique indienne et de l'apprentissage du sitar[H 1].

Cependant, les concerts à répétitions, la pression des journalistes et le comportement hystérique de certains fans ont des effets négatifs sur le moral des Beatles, qui craignent même parfois pour leur vie[H 2]. George Harrison déclare : « C'est le grand problème de la célébrité - les gens en oublient de se conduire normalement »[B 3]. John Lennon vit particulièrement mal cette notoriété de plus en plus oppressante, et l'exprime à travers ses compositions dans l'album Help!, qui paraît en août 1965[T 2],[T 3]. À la fin de la troisième tournée américaine, les Beatles s'octroient six semaines de congés dès leur retour au Royaume-Uni le [H 3]. Néanmoins, le producteur George Martin et Brian Epstein souhaitent maintenir un rythme de production soutenu et prévoient la publication d'un nouvel album avant Noël 1965[T 4]. Paul McCartney et John Lennon commencent à organiser des séances d'écriture pour la réalisation des futures chansons de l'album. Cependant, en , Day Tripper n'est qu'un air folk à l'état d'ébauche[G 3].

La chanson est écrite et composée en majorité par John Lennon à son retour de la dernière tournée américaine d'août 1965[G 3]. Le contexte de sa création est inédit pour le tandem Lennon/McCartney, qui doit proposer à George Martin une douzaine d'autres chansons inédites en quelques semaines. Les deux musiciens admettent le caractère particulièrement difficile de la tâche qu'ils jugent « très impossible », et multiplient les séances de travail chez l'un et chez l'autre[L 1]. Day Tripper est ainsi composée dans la précipitation et s'inspire de la chanson Watch Your Step de Bobby Parker[M 1]. Lennon déclare : « Day Tripper a été écrit dans l'urgence totale, basé sur une vieille chanson folk que j'avais écrite un mois auparavant. C'est venu très difficilement, et ça s'entend »[G 3]. Paul McCartney ajoute que la chanson est écrite dans la maison de Lennon à Weybridge et qu'il a participé à sa co-écriture, notamment en harmonisant les rimes[G 3],[T 4].

Enregistrement

Day Tripper est terminée dans les temps, juste avant que le groupe n'investisse les studios EMI de Londres pour sa première séance le mardi à 14 h 30[L 1]. D'autres chansons font toutefois l'objet d’arrangements de dernière minute, comme Drive My Car tandis que certaines, comme Wait et What Goes On sont sélectionnées au dernier moment pour compléter la liste finale de l'album[G 4],[T 5]. Malgré cette pression, c'est pourtant avec de plus en plus plaisir et d’enthousiasme que les Beatles abordent les séances d'enregistrement. John Lennon déclare : « Techniquement et musicalement on s'améliorait. On a fini par prendre le pouvoir dans le studio. »[B 4]

Day Tripper est enregistrée le samedi au sein du studio n°2, à partir de 19 h 0[L 2]. Comme pour deux précédentes séances des 12 et 13 octobre, George Martin officie en tant que producteur, Norman Smith est l'ingénieur du son principal, assisté du second ingénieur Ken Scott[L 1]. Cynthia Lennon assiste exceptionnellement à la répétition, accompagnée des deux demi-sœurs de John Lennon[G 5]. Trois prises sont nécessaires pour l'enregistrement : George Harrison est à la guitare principale et effectue le solo du pont, John Lennon joue de la guitare rythmique, Paul McCartney est à la basse, tandis que Ringo Starr officie à la batterie et au tambourin. La re-recording de la troisième prise se révèle assez complexe, alors que Lennon et McCartney doublent leurs voix sur le pont de la chanson, Harrison effectue le solo de guitare et double également sa partie de guitare principale[G 5]. La chanson terminée, le groupe s'attèle à la première prise d'une des deux compositions de George Harrison, If I Needed Someone, puis s'arrête vers minuit[L 2]. Un premier mixage audio de Day Tripper est effectué le lundi , remplacé par deux autres de meilleure qualité le vendredi 29 octobre[L 3].

Structure musicale

Le riff de guitare de Day Tripper, en mi, avec passage en la et retour au mi, est un des plus célèbres de l'histoire du rock, connu et interprété par des millions de guitaristes amateurs. Il est ici renforcé par le fait que la basse est jouée par Paul McCartney sur la même octave que la guitare et non pas sur le mi grave. Le refrain (« She was a Day Tripper, One way ticket yeah, It took me so long to find out and I found out ») est une séquence d'accords en fa dièse, la, sol dièse, do dièse, si, retour au mi. Le pont (ou middle eight, c'est-à-dire, dans le langage des musiciens rock anglophones, les huit mesures du milieu d'une structure rock classique à 32 mesures) est une montée paroxystique en si, ponctuée d'un solo de guitare et d'une harmonie à trois voix qui grimpent progressivement vers les aigus. Le morceau se termine sur le riff en mi joué ad-lib tandis que les Beatles répètent « Day Tripper, Day Tripper Yeah »

Analyse des paroles

Il y a plusieurs niveaux de lecture quant à la signification du « Day Tripper » (« voyageur d’un jour »). « C’est juste un petit rock. », explique John Lennon. « Les Day Trippers sont des gens qui font un petit voyage dans la journée et sont rentrés le soir, n’est-ce-pas ? Ils font une excursion en bateau ou quelque chose comme ça. Cette chanson c’est un peu… un peu être un hippie, seulement le week-end. »[2]

On peut comprendre que Day Tripper parle d’une « allumeuse » (« she's a big teaser ») qui mène son prétendant par le bout du nez. On peut lire le texte de façon complètement différente, traduire « big teaser » comme « une grosse tentation » et, en commençant par le titre de la chanson, en continuant par des mots comme « Got a good reason for taking the easy way out » (j’ai une bonne raison de prendre la tangente), « It took me so long to find out, and I found out » (J’ai mis si longtemps à trouver, et j’ai trouvé), ou « One way ticket, yeah » (un aller simple, yeah), considérer que le sujet de cette chanson est un trip (voyage) au LSD. « J’en gobais tout le temps à l’époque », avoue John Lennon[2]. Paul McCartney, lui aussi confirmera plus tard : « Day Tripper parle de la dope »[3].

Publication

Day Tripper sort en single « double face A » le au Royaume-Uni, couplée à We Can Work It Out. Le disque atteint la première place des charts le et y reste cinq semaines. Il s'agit du neuvième numéro un des Beatles[4]. Aux États-Unis, le simple sort le 6 décembre. Day Tripper plafonne à la cinquième place du Billboard Hot 100.

Il a fallu attendre 1973 (huit ans après le single) pour voir apparaître Day Tripper sur un album, en l'occurrence la compilation The Beatles 1962-1966 aussi appelée album rouge. La chanson figure également en 1988 sur le disque 2 de Past Masters, en compagnie de tous les autres 45 tours du groupe, et enfin sur 1 où figurent les 27 chansons qui ont atteint la première place des charts britanniques ou américains. Un remixage stéréo avec les voix plus en évidence est publié lors de la réédition du disque 1 en 2015.

Interprètes

Reprises

Otis Redding en a fait une version soul devenue célèbre. La chanson a également été reprise par Jimi Hendrix, Nancy Sinatra, Sergio Mendes, Electric Light Orchestra, Whitesnake, James Taylor, Cheap Trick, Sham 69, Yellow Magic Orchestra, Bad Brains, Type O Negative, Oasis, Daniel Ash, Randy California, Lee Moses, Tommy Emmanuel, Anne Murray, etc. Les Bidochons en ont fait une parodie intitulée Des trippes. José Feliciano dans l'album Tribute to the Beatles. Elle est également citée par le groupe Dream Theater dans la chanson Octavarium.

Notes et références

Bibliographie

  • (fr) The Beatles, The Beatles Anthology : Par les Beatles, Éditions du Seuil, , 370 p. (ISBN 2-02-041880-0)
  • (fr) Nicolas Dupuy, Le Rock Pour les Nuls, Paris, First Edition, , 414 p. (ISBN 978-2-7540-0819-8).
    • (fr) Geoff Emerick et Howard Massey, En Studio Avec Les Beatles : les mémoires de leur ingénieur du son, Marseille, Le mot et le reste, , 488 p. (ISBN 978-2-36054-145-4)
      • (fr) Jean-Michel Guesdon et Philippe Margotin, Les Beatles la totale : Les 211 chansons expliquées, Paris, Éditions du Chêne, , 672 p. (ISBN 978-2-85120-833-0)
      • (fr) Tim Hill (trad. de l'anglais), The Beatles : Quatre garçons dans le vent, Paris, Éditions Place des Victoires, , 448 p. (ISBN 978-2-84459-199-9)
      1. Hill 2008, p. 193
      2. Hill 2008, p. 210
      3. Hill 2008, p. 219
      • (en) Mark Lewisohn, The Complete Beatles Recording Sessions - The Official Story of the Abbey Road years 1962-1970, London, Hamlyn - EMI, , 204 p. (ISBN 978-0-600-63561-1)
      1. Lewisohn 1988, p. 63
      2. Lewisohn 1988, p. 64
      3. Lewisohn 1988, p. 66
      • (fr) Pierre Merle et Jacques Volcouve, Les Beatles, Solar, , 160 p. (ISBN 2-263-01196-X)
      • (fr) Steve Turner (trad. de l'anglais), Beatles : L'intégrale de toutes leurs chansons, Paris, Hors Collection, , 352 p. (ISBN 978-2-258-13711-0)
      1. Turner 2016, p. 86
      2. Turner 2016, p. 106
      3. Turner 2016, p. 126
      4. Turner 2016, p. 127
      5. Turner 2016, p. 145

      Autres références

      1. « Flashback : 9 février 1964, les Beatles au « Ed Sullivan Show » », sur rollingstone.fr, (consulté le )
      2. Steve Turner, Beatles : L'intégrale de toutes leurs chansons, Paris, Hors Collection, , 352 pages.
      3. Barry Miles, Many Years From Now, les Beatles, les sixties et moi, Flammarion, 2004
      4. « Beatles - Day Tripper / We Can Work It Out », The Official UK Charts Company (consulté le )
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