Dévaluation

Une monnaie subit une dévaluation lorsque les autorités monétaires décident d'abaisser son taux de change par rapport à une référence (un poids d'or en système d'étalon-or, une monnaie étrangère, un panier de monnaies...). La dernière, en France, date de 1983. Le contraire est une « réévaluation », également décidée par les autorités monétaires.

Lorsque la valeur de la monnaie baisse sur le marché des changes, sans décision officielle, on parle simplement de dépréciation, le contraire étant une appréciation. Différentes causes peuvent alors l'expliquer : récession, déficit commercial, émission de monnaie par la banque centrale.

Le système monétaire européen était un régime de changes fixes autorisant une légère dépréciation des monnaies, limitée à 2,5 %. Cette limite a été fixée à 15 %, en juillet 1993, lorsque les autorités monétaires ont reconnu que la spéculation gagnait systématiquement, les banques centrales n'ayant pas assez de réserves de change pour empêcher que la dépréciation devienne dévaluation.

Autorités monétaires et réserves de change

Dans un régime de change fixe, les autorités monétaires s'engagent à assurer la conversion de la monnaie à un taux de change défini. Elles disposent pour cela de réserves de change. Maintenir la valeur sur le marché en cas de pression à la hausse consiste à vendre la monnaie concernée en échange d'autres monnaies. Or la banque centrale dispose d'une réserve illimitée de sa propre monnaie à vendre, puisqu'elle peut en imprimer. Et l'opération accroit ses réserves, ce qui lui est confortable ; si on juge le niveau des réserves excessif, il reste possible d'acheter des biens de valeur durable sur le marché mondial avec les monnaies étrangères accumulées (or, entreprises, ...). Il n'y a donc aucune limite pratique. La réévaluation n'est jamais forcée (mais elle peut être un choix).

En revanche, en cas de pression à la baisse (on dit que la devise est « attaquée »), pour s'y opposer elle va devoir racheter sa monnaie en consommant ses réserves de change, ce qui n'est possible que dans la limite de ces réserves, et lui interdit d’émettre de la monnaie nouvelle sous peine de réduire à néant cet effort (or le gouvernement et les agents économiques peuvent le demander).

Les réserves de changes sont également liées au commerce international : un exportateur payé dans une autre monnaie que la sienne, va échanger cette monnaie étrangère à la banque centrale en échange de la monnaie nationale dont il a besoin. Cela accroit les réserves de la banque centrale. Un importateur fait l'inverse, et consomme les réserves de la banque centrale.

Les autorités monétaires pratiquent des dévaluations

  • sous la pression, lorsque le taux de change n'est plus tenable, pour éviter de perdre toutes leurs réserves de change
  • à titre préventif, avant que la monnaie soit attaquée (et pour éviter qu'elle le soit).

Le cas s'est produit à maintes reprises après la création du système monétaire européen, qui a coïncidé avec celle des eurodollars et le choc pétrolier de 1974, générant une forte spéculation sur les monnaies, qui a redoublé après le choc pétrolier de 1980 puis la réunification allemande de 1990.

La dévaluation peut avoir d'autre motifs :

Effets de la dévaluation

Les effets sont nombreux, en partie opposés les uns aux autres, et se combinent de façon complexe. La dévaluation est dite réussie si elle contribue à améliorer la situation économique du pays, notamment sa balance commerciale et ses finances publiques. Ce n'est pas toujours le cas.

Effets directs

La dévaluation réduit la valeur de la monnaie et donc :

  • réduit son pouvoir d'achat ;
  • appauvrit les détenteurs de la monnaie dévaluée (sous toutes ses formes : billets, compte en banque, obligations et autres titres de créance...]. Réduit les dettes, notamment celle du plus important des débiteurs, l'État ;
  • réduit les prix réels, et donc augmente la demande relative, des biens vendus dans la monnaie dévaluée ;
  • augmente les prix réels, et donc réduit la demande relative, des biens achetés avec la monnaie dévaluée ;
  • réduit les revenus des agents économiques qui reçoivent de la monnaie dévaluée (salariés, rentiers, propriétaires immobiliers, créanciers...) ;
  • réduit les dépenses et les coûts des agents économiques qui versent de la monnaie dévaluée (employeurs, emprunteurs, locataires...).

Effets indirects

Les effets indirects sont la conséquence de la réaction des agents économiques aux effets directs qu'ils subissent (dans la mesure où ils peuvent se le permettre) :

  • les vendeurs cherchent à augmenter leur prix de vente, et si possible les volumes qu'ils offrent à la vente, pour compenser la baisse des prix réels qu'ils ont subie. Les prix nominaux augmentent : inflation ;
  • notamment, sur le marché du travail, les salariés vont demander des augmentations et chercher plus de travail. Avant que ces augmentations se produisent, les employeurs peuvent accroitre leur demande de travail ;
  • de même, les créanciers subissant une perte en capital réelle vont compenser en augmentant leur prix, c'est-à-dire les taux d'intérêt.
  • les acheteurs étrangers (disposant d'une monnaie dont la valeur s'est accrue par rapport à celle dévaluée) bénéficient d'un pouvoir d'achat accru et peuvent accroitre leur demande. Les exportations de biens sont stimulées ;
  • inversement, les achats de biens étrangers coûtent plus cher. Les importations sont découragées, la production nationale qui peut s'y substituer, encouragée (mais cet effet prendra du temps) : inflation importée.

Effets voulus

La dévaluation vise à augmenter la compétitivité économique, en rétablissant un équilibre, par une correction du déséquilibre étant apparu (déficit commercial). Les effets prévisibles sont de deux natures :

  • Dans un premier temps, la baisse de la valeur de la monnaie nationale fait augmenter le prix et la valeur des importations, effectuées dans d'autres monnaies. Cet « effet prix » dégrade la balance commerciale, spécialement pour les biens dont la demande intérieure est peu élastique aux prix ; le pétrole, importé en dollars, y pèsera par exemple plus lourd. Les dernières dévaluations du franc ont eu lieu juste après le choc pétrolier du début des années 1980, qui avait mis le feu au système monétaire européen ;
  • À moyen terme, c'est l'« effet volume », qui joue : la baisse des prix des produits exportés par le pays permet d'augmenter les quantités vendues à l'étranger, tandis que la hausse du prix des importations incite à importer moins de produits de l'étranger, sauf s'il s'agit de consommations difficiles à diminuer, par exemple les matières premières stratégiques (uranium, etc.).

Ces effets contradictoires sont résumés dans la courbe en J : la dévaluation cause d'abord une brève dégradation de la balance commerciale (effet prix, dans la partie gauche du J), avant de permettre une amélioration d'une plus grande ampleur (effet volume, dans la partie droite du J).

Sur le plan financier, la dévaluation pénalise les investisseurs étrangers qui détiennent des emprunts publics. Historiquement, ils s'en sont toujours méfiés, et ont développé des outils comme l'indexation pour ne pas souffrir, voire profiter, des dévaluations. Les nations dont on craint qu'elles dévaluent seront contraintes d'emprunter en monnaie étrangère, ou en fournissant des garanties réelles (adossées sur des biens dont la valeur ne dépend pas de la devise, mais plutôt de l'économie générale du pays ou de l'économie mondiale, de sorte qu'ils peuvent même profiter d'une dévaluation).

Risque de cercle vicieux

Le risque de cercle vicieux réside dans la détérioration initiale de la balance commerciale (l'effet prix de la partie gauche de la lettre J) et l'inflation importée, combinée aux réactions des agents. Si les prix nominaux augmentent autant que le montant de la dévaluation, son effet est nul ; s'ils augmentent plus, la situation s'aggrave. La perturbation économique engendrée peut alors l'emporter sur l'accroissement de la compétitivité-prix attendue de la dévaluation, ce qui dégrade encore la situation économique générale, poussant à une nouvelle dévaluation, dont les effets ont toutes les raisons d'être aussi mauvais que ceux de la précédente. Dans les cas les plus graves, la confiance dans la monnaie disparait, et l'économie sombre dans l'hyperinflation, les taux de change fixes n'étant plus que des fictions et le change réellement effectué au marché noir.

Les "dévaluations réussies" sont des cas de plans globaux dans la dévaluation est un élément, mais pas le seul (ex : plan Pinay-Rueff).

En France

La dernière dévaluation du franc remonte à mars 1983[1]. Les 17 dévaluations du franc ont eu lieu de 1928 à 1983[2]. Elles visaient à restaurer la compétitivité économique[3]. Par exemple, le , Robert Schuman dévalue de 44,40 % le franc, qui se dépréciait depuis la Première Guerre mondiale. Le cours du dollar US était passé de 119 à 214 francs[4].

Les dévaluations des années 1950 et 1960 ne permirent pas d'obtenir une balance commerciale durablement stable. L'Allemagne, dont le deutschemark reste un modèle de stabilité, a mieux résisté aux chocs pétroliers de 1974 et 1980 car sa balance commerciale exportatrice net nourrissait des réserves de change croissantes et des réévaluations successives.

Dévaluation Interne

Définition

La dévaluation interne est un ensemble de mesures qui visent à modifier les prix relatifs afin d’améliorer la compétitivité d’un pays ou d’un secteur dans le cadre d’un régime de change fixe(exemple Zone Euro)[5]. On en attend une baisse concomitante des revenus et des prix dans le pays concerné.

Raisons

D'après Gérard Lafay Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas, La problématique d'une dévaluation interne dans le cadre d’un régime de change fixe, où une dévaluation classique ne peut s'effectuer[6], se pose lorsqu’une économie, subissant un niveau trop élevé de ses prix relatifs vis-à-vis de ses concurrents, voit sa balance commerciale se dégrader, cependant que les investissements productifs des entreprises sont ralentis, celles-ci ayant tendance à délocaliser à l‘étranger une partie excessive de leur production[7].

La principale question, due à l’existence même de la zone euro, est celle de la dette extérieure nette de chacune des nations[7].

En 2012, la dette extérieure nette par rapport au PIB de chacune des nations monte par exemples, à 140,7 % pour la Grèce, 33,8 % pour la France, 15,5 % pour la Finlande et 3,9 % pour l’Autriche. Les pays créanciers sont ceux dont le solde net de dette extérieur sont négatifs, -31,4 % les Pays-Bas, UEBL -37,4 % et surtout -46,0 % l’Allemagne[7].

Gérard Lafay se distancie d'une politique de dévaluation interne qui ne peut compenser les problèmes structurels de la zone euro.

Mesures

Par exemple, un Etat peut diminuer la fiscalité sur le travail, augmenter celle sur la consommation ou diminuer les salaires de l’administration publique et le salaire minimum légal afin de créer une pression à la baisse sur les salaires et, ce faisant, réduire les coûts de production[5]

Pour les pays dont les économies se font distancées par les économies dominantes, les autorités européenne, spécialement en zone euro, la thèse officielle (Commission Européenne, FMI, OCDE, Allemagne…) est la suivante : les pays de la zone euro qui ont un problème de déficit extérieur, de désindustrialisation, puisqu’ils ne peuvent pas dévaluer, doivent améliorer leur compétitivité par une « dévaluation interne », c’est-à-dire par la baisse de leurs coûts salariaux unitaires et normalement de leurs prix[8].

Exemples de Pays

L’Allemagne a appliqué avec succès cette stratégie durant la première moitié des années 2000[5]. Le gouvernement de Gerhard Schröder a voulu corriger la dégradation observée dans les années 1990, consécutive à l’effort de réunification, et il lança un Agenda 2010. L'Allemagne a, en quelque sorte, réalisé une dévaluation interne face au reste de l’Europe aux effets destructeurs[9].

À la suite de la crise de l'euro de 2009, le Portugal et l'Espagne de 2009 à 2013 ont opté pour la thérapie de chocs : redressement de l'offre via des politiques de dévaluations internes visant à améliorer la compétitivité coût et la profitabilité des entreprises pour reconquérir le terrain perdu à l'international[10].

La Grèce l'a appliqué sous contrainte de l'Eurogroupe à la suite de la crise de l'euro de 2009 lors des plans liés à la gestion de la dette de l'état grecque. Cette politique poussée aussi par l'Union européenne et le FMI a mené à une crise économique et sociale qui perdure encore en 2020[11].

À la suite de l'opération de dévaluation interne depuis 2010 jusqu'en 2018, le pays a perdu un quart de son PIB. Des dizaines de milliers d'entreprises ont mis la clef sous la porte et le pays s'est vidé de ses forces vives, 300,000 jeunes émigrant pour construire leur vie ailleurs y compris les médecins[11].

  • augmentation du chômage[12]
  • baisse des retraites[12].
  • prolongation de la vie active[12]
  • augmentation des impôts pour les salariés et les retraités[12],[11]
  • augmentation de la TVA(24 % pour le taux principal)s[11]
  • augmentation des taxes sur l'immobiliers[11]
  • dégradations des services publics[11]
  • privatisation des biens de l'État (aéroport, ports, distribution de pétrole...).

Les ménages ont perdu un tiers de leurs revenus disponibles[11].

En 2016, confrontée à un grave problème de compétitivité vis-à-vis de ses principaux partenaires commerciaux, la Finlande pratique une dévaluation interne faisant porter le poids de l'ajustement sur son modèle social et sur les salaires[13]. Ce plan vise à abaisser de 3,5 % le coût du travail en Finlande sous trois ans. Une condition de son possible succès est que les politiques d'austérité en zone euro soient moins activées dans les autres pays sur la même période.

Conséquences économiques et sociales

Les conséquences sociales ont remis en question les mécanismes d'ajustement disponibles au sein de l'Union économique et monétaire et la durabilité de cette dernière[5]

László Andor expliquait:(en)« the social impact. Internal devaluation basically means cutting labour costs, also through higher unemployment and lower expenditure on social benefits and public sector salaries. It has very negative implications for people’s well-being and for economic, social and territorial cohesion. Internal devaluation has weakened the peripheral Member States' human capital and has caused a dangerous polarisation within the euro zone in terms of welfare and industrial relations. Reliance on internal devaluation has fuelled popular resentment against ‘Europe’ and it is in my view the primary threat to the sustainability of the EMU and stability of the European Union as such »[5]

Le coût européen pour les pays engagés dans la dévaluation interne est constitué par la perte de confiance dans la construction européenne.

Selon, L'Institut syndical européen (ETUI), Les taux de chômage dans l'UE ont augmenté après la crise économique de 2008, dépassant 10% en 2012, mais avec de grandes variations entre les pays. Les pays les plus touchés ont été soumis à des politiques de dévaluation interne dont l'objectif annoncé était de réduire le chômage en baissant les coûts salariaux[14].

Si les pays européens pratiquent une dévaluation interne de même type durant la même période aucun n'améliore sa position vis à vis des autres alors que la majorité des échanges commerciaux se pratiquent entre eux dans le marché unique. Du en premier lieu à la rigidité des prix, on obtient un appauvrissement général et une perte de compétitivité externe sur les autres facteurs[8], constituant des avantages comparatifs(Recherche, Haute technologie, Services publics de haut niveau, Éducation générale, Santé publique, Infrastructures supports), dus à la baisse de la base taxable utilisée par le budget de l'état.

Notes et références

  1. « La France doit-elle quitter l'Euro ? », par Yves Garipuy, Économie et société, 28 juin 2011
  2. « Le siècle des dévaluations », article issu de la conférence de Jean-Charles Asselain, professeur à l'Université Bordeaux IV, donnée au Ministère des finances le 4 février 2002.
  3. Historique des dévaluations en France, ministère des finances.
  4. (en) Pleasant & Unpleasant, article du Time, fév. 1948.
  5. Alessia Virone, « devaluation-interne », université du luxembourg, (consulté le )
  6. Patrick Artus, « Il y a trente ans, la France aurait dévalué sans hésiter », La Tribune, (consulté le )
  7. Gérard Lafay, « Dévaluation interne ou dévaluation externe  ? », 58ème Congrès de l’Association Internationale des Économistes de Langue Française, Valladolid, (consulté le )
  8. « Pourquoi nous ne croyons pas aux dévaluations internes pour résoudre la crise de la zone euro », Natixis, flash economie, recherche économique,N°.724, (consulté le )
  9. Jean Matouk, « Allemagne : la fin de la « dévaluation salariale compétitive » », L'Obs,Rue89, (consulté le )
  10. Alexandre Mirlicourtois, Xerfi, « Pouvoir d'achat en Europe : vainqueurs, tenaces, et battus », sur La Tribune fr, (consulté le )
  11. Catherine Chatignoux, « Grèce : une cure d'austérité au coût économique et social élevé », Les Échos, (consulté le )
  12. « Les réformes de retraites en Grèce », (consulté le )
  13. Romaric Godin, « La Finlande se lance dans un vaste plan de dévaluation interne », sur latribune.fr, (consulté le ).
  14. (en) « Unemployment, internal devaluation and labour market deregulation in Europe », Institut syndical européen (ETUI), (consulté le )

Voir aussi

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