Désinformation

La désinformation est un ensemble de techniques de communication visant à tromper des personnes ou l'opinion publique pour protéger des intérêts (privés ou non) ou influencer l'opinion publique. L'information fausse ou faussée est à la fois « délibérément promue et accidentellement partagée »[1],[2]. Elle est parfois employée dans le cadre des relations publiques. Le sens de ce mot, apparu au dernier quart du XXe siècle et proche des termes propagande, canular et rumeur, connaît des variations selon les auteurs. Les anglophones parlent aussi de « hoax », terme que l'on retrouve aussi dans certaines sources francophones. L'agnotologie étudie la fabrique de la désinformation ou de l'ignorance.

Histoire

Les premières techniques de désinformation sont décrites dans L'Art de la guerre de Sun Tzu (IVe siècle av. J.-C.). C'est au XXe siècle qu'elles seront systématisées à grande échelle, durant les guerres mondiales et la guerre froide notamment, avec la création de services spécialisés[3].

Dans le domaine de la presse, le principe de protection des sources d'information des journalistes permet théoriquement de décourager la désinformation, en facilitant le recoupement et la vérification des informations diffusées, par le questionnement d'autres sources d'information, dont l'identité est également vérifiée, mais pas divulguée. Cette démarche prend cependant un certain temps.

La manipulation de l'opinion publique a fait l'objet de recherches dès le début du XXe siècle. Le journaliste américain Walter Lippmann en parle dans son livre Public Opinion (1922)[4], ainsi qu'Edward Bernays dans Propaganda (1928)[5]. Alors que Lippmann emploie l'expression fabrication du consentement, Bernays emploie le terme de propagande.

Définitions

Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (septembre 2016). 
Pour l'améliorer, ajoutez des références vérifiables [comment faire ?] ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source.

Définitions « faibles »[précision nécessaire]

Chez Lippmann, la désinformation est un simple transfert d'information qui comporte en lui-même une transformation de l'information initiale. Il ne s'agit pas ici de discuter pour savoir si tout transfert d'information est une transformation de cette information, mais de comprendre qu'il existe une certaine forme de transfert qui nie l'information initiale (en la dénaturant, parfois simplement en la décontextualisant) ou les informations (en les regroupant de manière intempestive et non raisonnée). Par exemple, faire passer les agresseurs pour des victimes et les victimes pour des agresseurs, ou bien mélanger les informations pour les rendre incompréhensibles.

Kevin Bronstein donne une définition « faible » parce que générale du concept : la désinformation consiste en une inversion du trajet de la communication défini par Adrian Mc Donough dans Information Economics. Ce trajet va de l'information factuelle ou observation, aux inférences tirées à partir des informations et enfin au jugement porté sur les inférences. La voie inverse consiste à partir d'un jugement a priori pour forger des inférences incorrectes à partir de faits manipulés.

Définitions « fortes » et question de l'intentionnalité[précision nécessaire]

Illustration proposant de placer le canular à mi-chemin entre la désinformation et la mésinformation.

Dans son roman Le Montage, Vladimir Volkoff expose des méthodes qui auraient été utilisées par l'URSS pour amener l'opinion publique à agir dans une certaine direction. En 1997, dans Petite histoire de la désinformation, Volkoff entreprend de donner une définition précise de la désinformation : « La désinformation est une manipulation de l'opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés. » Il la distingue de la manipulation des dirigeants considérant qu'elle relève plus de l'intoxication psychologique, et de la manipulation avec des moyens directs qu'il appelle plutôt propagande. Selon ces définitions, la publicité ne peut être de la désinformation puisqu'elle n'a pas de visée politique directe et qu'elle se pratique au grand jour.

François-Bernard Huyghe donne à son tour une définition restrictive de la désinformation dans L'Ennemi à l'ère numérique[6]. Pour lui,

« la désinformation consiste à propager délibérément des informations fausses en les faisant apparaître comme venant de source neutre ou amie pour influencer une opinion et affaiblir un adversaire. »

Selon le journaliste scientifique et essayiste Florian Gouthière[1], la désinformation désigne

« un processus aboutissant à l'intégration, par un public, d'information distordues, incomplètes ou fausses (avec des conséquences éventuelles sur certaines de ses décisions futures), ces altérations trouvant leur origine dans une démarche volontaire, [c'est-à-dire dont l'objectif est] de tromper. »

Selon lui, parler de processus « permet d’insister sur l’existence de relais, souvent passifs, à la désinformation » :

« Dans cette représentation, le public est la victime de coups de canifs donnés à l’information qui lui est apportée. Il peut en devenir complice, en colportant l’information. Mais c’est bien dans les premiers maillons de la chaîne d’information qu’est initiée cette manipulation volontaire de "l’opinion". »

Information fausseIntention de nuire
DésinformationOuiOui
MésinformationOuiNon
MalinformationNonOui

Florian Gouthière a proposé de désigner les situations dans lesquelles l'intention de tromper n'est pas présente par le mot « mésinformation »[1]. A contrario, Claire Wardle désigne sous le nom de « malinformation » les informations exactes mais sélectionnées et communiquées dans l'intention de nuire[7]. François Heinderyckx parle aussi de la mal information dans un court essai dans lequel il entend « montrer les effets pervers de la croissance exponentielle des sources et supports d’information observée depuis une dizaine d’années dans le monde occidental »[8].

Autres approches

Avec la théorie de la dissonance cognitive, Leon Festinger montre que la désinformation est un processus plus ou moins conscient de réduction de la contradiction entre les jugements et les faits.

Lorsque Bertrand Russell indique que Thomas d'Aquin, en fixant dès le départ de sa démarche les textes de foi comme des sources non contestables, « ne se comporte pas en philosophe », ce propos revient à accuser l'écrivain médiéval de désinformation[réf. nécessaire].

Cas d'espèces

Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (avril 2017). 
Pour l'améliorer, ajoutez des références vérifiables [comment faire ?] ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source.

Dans l'acception courante du terme, si une désinformation n'implique pas nécessairement une visée consciente (ou un complot), des désinformations conscientes peuvent être organisées par exemple comme technique de propagande. Ce type de désinformation « planifiée » est exercée principalement par l'influence des autorités étatiques, des groupes financiers ou industriels et des lobbys, avec ou sans la complicité des responsables médiatiques, selon le degré de démocratie.

On peut aussi considérer que la plus grande partie de la désinformation quotidienne dans les médias est latente et banalisée. Elle s'exerce sous forme d'autocensure ou de sujets promotionnels (motifs politiques et commerciaux), et la course à l'audimat dans les chaînes de télévision, média de loin le plus influent, privilégie fréquemment des sujets moins informatifs mais plus populaires. La désinformation médiatique n'est parfois pas intentionnelle, en particulier quand un journaliste n'a pas vérifié ses sources, écrit un article aguicheur sans se baser sur des faits, ou traité un sujet technique pour lequel il n'est pas compétent.

Internet et les nouvelles technologies de communication multiplient de manière exponentielle l'échange d'informations plus ou moins importantes. Certains considèrent que ces nouveaux moyens permettent de construire des médias alternatifs qui seraient capables de contrer la désinformation institutionnelle ; un tri doit cependant être fait, qui prend du temps, puisque pour chaque sujet différentes interprétations sont proposées, ce qui laisse le temps à des contre-vérités de se répandre. Ainsi, Internet véhicule un large éventail de rumeurs, canulars et donne de nouvelles possibilités à différents types de propagande, y compris par des petits groupes politiques.

Différentes formes de désinformation

Propagande

En temps de crise et surtout de guerre, les belligérants (étatiques ou non-étatiques) usent souvent de propagande pour servir leurs intérêts. La création de fausses informations est relativement courante, l'un des exemples récents étant l'affaire des couveuses au Koweït où un faux témoignage devant une commission du Congrès des États-Unis organisé par une compagnie de relations publiques a contribué à ce que l'opinion publique internationale soutienne l'action des puissances occidentales[9].

« Faux »

Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (avril 2017). 
Pour l'améliorer, ajoutez des références vérifiables [comment faire ?] ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source.

L'utilisation de faux documents et/ou de faux témoignages, destinés à semer des doutes ou à accréditer une thèse, est l'une des méthodes de désinformation les plus répandues.

Au Moyen Âge, la fausse donation de Constantin a ainsi permis au pape Sylvestre Ier de se prévaloir de territoires et de privilèges sur la base d'un document apocryphe. Pendant l'affaire Dreyfus, le colonel Henry falsifie des documents et en crée de toutes pièces, comme le fameux « faux Henry », pour accabler indûment Alfred Dreyfus.

Au début du XXe siècle, la propagande russe rédige puis publie les Protocoles des Sages de Sion pour prouver que les Juifs avaient mis au point un programme pour anéantir la chrétienté et dominer le monde. Ce texte est utilisé pour la propagande antisémite du Troisième Reich et l'est encore par des intégristes musulmans. Dans la mesure où on a remplacé par le mot « juifs » l'expression « milieux financiers » de l'ouvrage de Maurice Joly Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu (les Protocoles n'en conservent que les tirades de Machiavel), il s'agit même d'une double désinformation.

La grande époque de la désinformation moderne commence après-guerre avec les agents d'influence et les campagnes médiatiques de la guerre froide, comme l'affaire Victor Kravtchenko et celles des époux Rosenberg, certains officiers traitants allant même jusqu'à fournir les brouillons d'articles aux journalistes ou écrivains, compagnons de route des partis communistes.

L'argumentaire de lancement de la seconde guerre du Golfe mentionnait des « preuves » de l'existence d'armes de destruction massive en Irak qu'on n'y trouva jamais.

Plus récemment, c'est un fichier bancaire falsifié qui est au centre de l'affaire Clearstream 2, destinée à mettre en cause des personnalités politiques françaises.

Des sites se présentant comme des agences de presse, tel AWD News, présentent des articles mensongers reliés par les réseaux sociaux dans un but de propagande ou de manipulation de particuliers et d’États[10].

Ces faux documents, présentés par leurs instigateurs comme authentiques, ont pour but de désinformer leur cible en s'appuyant sur des éléments fictifs ou sur des contrevérités.

Fake News (infox)

La Fake news ou fausses nouvelles et infox en français est un néologisme apparu à l’ère d’Internet, des réseaux sociaux et de la surabondance informationnelle. La fake news est une notion qui reste encore polysémique et sujette à débat quant à son origine, son étymologie et sa définition[11]. La fake news est performative, son intention est de manipuler, de tromper. Elle doit paraître plausible pour susciter l’adhésion, en ce sens elle imite le style journalistique[12]. Une autre de ses caractéristiques principales et qu’elle révèle sa source afin d’éviter les démentis. Ainsi, elle peut paraître d'autant plus vraisemblable.

Sondages

Les limites méthodologiques des sondages pourraient être utilisées à des fins de désinformation : les biais d'échantillonnage, les « effets de halo », et effets de cadrage (formulation des questions), et l'impossibilité théorique de calculer une précision lorsque l'on ne dispose pas d'une base de recensement, rendent en effet leurs résultats imprécis.

Canulars informatiques

Ce sont de fausses nouvelles propagées sur Internet. Le phénomène est tellement important qu'il a permis le développement de sites de référence sur les rumeurs (HoaxBuster.com, etc.), dédiés à la classification des récits qui circulent sur internet et à la vérification de ces informations. Beaucoup de sites de référence ont aujourd'hui des audiences impressionnantes[13].

Rumeurs

Les rumeurs, dont l'origine et l'authenticité sont sujettes à caution, sont souvent utilisées pour tromper l'opinion et l'amener à justifier des actions ou des décisions politiques. Un des exemples les plus célèbres concerne le régime nazi, qui utilisera des fausses rumeurs pour lancer la « nuit des Longs Couteaux », inventant d'abord une tentative de coup d'État pour justifier l'opération contre les SA, puis une affaire de haute trahison.

Plus récemment, à la suite d'une vraisemblable erreur de traduction de l'agence d'information officielle iranienne, certains médias occidentaux et responsables politiques ont continué à propager une rumeur selon laquelle le président iranien Mahmoud Ahmadinejad aurait déclaré lors d'un discours le 25 octobre 2005 à Téhéran qu'il fallait « rayer Israël de la carte »[14],[15].

Dans les milieux économiques, des rumeurs peuvent artificiellement faire monter ou baisser le cours des actions. Ainsi une rumeur infondée selon laquelle le médicament Lantus (en), antidiabétique dont le brevet était détenu par Sanofi serait cancérigène a abaissé le cours de l'action Sanofi pendant plusieurs mois[16].

Les rumeurs font partie des « huit sources d'informations d'apparence scientifique » mentionnées par Florian Gouthière dans Santé, science, doit-on tout gober ?[17].

Florian Dauphin énonce le fait que pour susciter l’adhésion, la rumeur doit être plausible, être une histoire racontée comme vraie mais non vérifiée. C’est une nouvelle informelle avec une source anonyme. La rumeur n’est pas forcément fausse : elle se caractérise par le fait que l’information va à l’encontre de l’information officielle [18].

Partialité

Le théoricien de la communication britannique Denis McQuail (en) distingue quatre types de partialité : partialité volontaire et ouverte (cas du journalisme engagé, de l'éditorialiste) ; partialité volontaire et masquée (cas du journalisme de propagande) ; partialité involontaire et ouverte (cas des journalistes s'intéressant à un type de nouvelles) ; partialité involontaire et masquée (cas du journalisme empreint d'idéologie)[19].

Question de l'indépendance des médias

Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (avril 2017). 
Pour l'améliorer, ajoutez des références vérifiables [comment faire ?] ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source.

Le fait qu'un média soit indépendant ou non d'un groupe (ou d'une mouvance) ne garantit pas pour autant la véracité de ses informations. De plus, le fait que les médias s'inspirent les uns des autres rend la notion d'indépendance réelle difficile à évaluer.

Les médias traditionnels, généralement en perte d'audience depuis l'essor de l'Internet, appartiennent le plus souvent (et de plus en plus) à des groupes industriels, des holdings ou à l'État, ou ils sont proches d'un mouvement politique et sont donc soumis à des pressions de la part de leurs propriétaires ou à du lobbysme. Les intérêts financiers ou politiques de ces acteurs peuvent contraindre ces médias à biaiser, parfois déformer des informations. Cela a été étudié dans le modèle de propagande par Noam Chomsky et Edward Hermann.

La Pravda (La Vérité) du temps de l'Union des républiques socialistes soviétiques est souvent cité comme l'un des exemples de désinformation et de propagande le plus évident. Cependant un journal appartenant à un parti ou à une mouvance politique avancera sans fard et diffusera plus sûrement de la propagande que de la désinformation. Une information ayant pour source la Pravda suscitera des doutes quant à sa véracité, on la jugera de facto avec sévérité on lui accordera moins de crédit qu'une source reconnue comme plus neutre (neutre ne signifiant pas indépendante). Pour le désinformateur habile la mention d'une source politisée pourra suffire à discréditer l'information elle-même.

En France, il a souvent été reproché à la chaîne de télévision TF1 d'être soumise aux pressions de son propriétaire, le groupe BTP Bouygues dont les intérêts passent par une bonne entente avec les hommes d'État, notamment pour obtenir des contrats de travaux publics. Les remarques de Serge Dassault, patron du Groupe Dassault et propriétaire du quotidien Le Figaro depuis 2004, selon laquelle son groupe devait « posséder un journal ou un hebdomadaire pour y exprimer son opinion »[20] et que son journal devait produire « un certain nombre d'idées saines »[21] a provoqué un tollé en 2005.

Le plus grand magnat international des médias, l'Australien Rupert Murdoch, entretient d'excellentes relations avec Tony Blair et George W. Bush, et le ton vis-à-vis de ces dirigeants dans les journaux et les chaînes de télévision qu'il possède (dont The Times, The Sun et Fox News), leur est plus favorable que par rapport aux autres médias. Par ailleurs, l'armée américaine a reconnu en 2005 que ses services de communication écrivaient des articles pour les journaux irakiens.

Les nouveaux médias alternatifs tels les sites d'informations « citoyens » (Indymedia, AgoraVox et le Réseau Voltaire étant parmi des plus connus), les sites d'associations ou les blogs diffusent de leur côté des informations ou des affirmations traitant de tous les sujets, de l'ufologie à la géopolitique en passant par la médecine (sida ou vaccination entre autres) qui, repris en boucle par d'autres sites, rendent leur authentification difficile à vérifier.

Le cinéma est aussi utilisé comme outil de désinformation. Staline, grand amateur de cinéma, a déclaré en 1924 « le cinéma est le plus efficace outil pour l’agitation des masses. Notre seul problème, c’est de savoir tenir cet outil bien en main[22] » et l'État soviétique a influencé les scénarios de films comme Octobre ou Alexandre Nevski pour montrer sa vision de l'Histoire. Pendant la montée du nazisme et la seconde guerre mondiale, de nombreux films antisémites ont été produits en Allemagne nazie[23].

Trois films furent également tournés après la Libération de 1945 pour faciliter la réconciliation nationale : La Bataille du rail, La Traversée de Paris et Le Père tranquille. Il s'agissait d'œuvres de fiction et non de documentaires, mais elles donnaient un petit « coup de pouce » à l'histoire dans le sens souhaité.

A contrario, le documentaire Le Chagrin et la pitié montre des foules acclamant dans la même ville Pétain pour la première, puis quelque temps plus tard de Gaulle pour la seconde. Rien dans le commentaire ne souligne que ces foules n'étaient pas forcément composées des mêmes personnes, ce qui contribue à présenter "la" foule comme versatile.

La télévision n'est pas en reste : l'émission Arrêt sur images de Daniel Schneidermann se spécialisait sur l'analyse de petites désinformations prises dans les émissions : bande-son d'une vidéo modifiée pour la rendre plus dramatique (cris ou vent), images d'une session parlementaire intercalées dans une autre, la bande son procurant une illusion d'être dans la même, images "en direct" de lieux à deux jours d'intervalle, où les nuages situés derrière le présentateur étaient les mêmes et à la même place, présentation d'un événement comme étant un autre, etc. Dans son film documentaire Enfin pris ?, Pierre Carles utilise l'exemple d'Arrêt sur image et le parcours de Daniel Schneidermann afin de montrer la difficulté de critiquer la télévision à la télévision, et met au jour l'autocensure et la connivence qu'implique progressivement le fait d'y travailler.

L'association française de critique des médias Acrimed fait de la question de l'indépendance des médias l'une de ses priorités[24].

Informations d'apparence scientifique

Dans Santé, science, doit-on tout gober ?[17], Florian Gouthière liste un certain nombre de « sources », plus ou moins fiables, aux informations et affirmations en circulation sur le marché de l'information scientifique ou médicale. Parmi elles, trois renvoient explicitement à des situations de désinformation : les études scientifiques frauduleuses, les canulars, les articles de presse et publi-rédactionnels renvoyant à des sources imaginaires ou intentionnellement surinterprétées. Selon lui, un certain nombre d'études non soumises à l'évaluation par les pairs constituent également des cas avérés de désinformation.

Les pseudo-sciences et pseudo-médecines peuvent utiliser la désinformation pour justifier leur utilité[25].

Critique de l'usage de cette notion

Guillaume Weill-Raynal, dans un ouvrage polémique, Une haine imaginaire : contre-enquête sur le nouvel antisémitisme, dénonce un usage extensif de cette notion. Selon lui,

« l'usage du mot n'est plus aujourd'hui qu'un passe-partout vulgaire, un réflexe aussi automatique que le mouvement de la main qui écarte lorsque l'on ne veut pas entendre. […] Par un ironique retour des choses, le terme qui désignait une méthode de fabrication du réel semble désormais n'être plus utilisé que pour le fuir[26]. »

Évoquant l'usage du terme dans les débats en France autour du conflit israélo-palestinien, Guillaume Weill-Raynal parle d'un « fantasme, au sens littéral du terme : une production de l'esprit par laquelle l'individu tente d'échapper à la réalité » qui « conduit, en définitive, à poser sur le réel une présomption irréfragable de fausseté. À considérer l'apparence du vrai comme le signe même du mensonge[27]. » L'auteur poursuit cette critique dans un second ouvrage, Les Nouveaux Désinformateurs[28].

Affaires célèbres

Les articles concernant des affaires célèbres sont listés dans Catégorie:Désinformation.

Désinformation et « réinformation » d'extrême droite

La notion de « réinformation » est popularisée sur Internet par des sites d'extrême droite[29],[30] ou conspirationnistes[31].

Ces sites se nomment eux-mêmes « sites de réinformation », concept d'extrême droite théorisé par Henry de Lesquen, puis repris par Jean-Yves Le Gallou lorsqu'il créa en 2007 le Bulletin de réinformation sur Radio Courtoisie[32],[33].

Certains sont proches de l'extrême droite comme Dreuz.info ou Boulevard Voltaire fondé par Robert Ménard. Ces sites ont répandu des idées comme celle du grand remplacement. Le site Égalité et Réconciliation d'Alain Soral est le plus lu et a une audience plus grande que celle d'Atlantico mais est encore loin de celle des médias comme Le Figaro, Le Monde ou L'Express auxquels ces sites (selon Adrien Sénécat de L'Express[34]) vouent une « haine féroce », les qualifiant parfois de « "merdia", bien pensant, politiquement corrects »[35]. Selon Samuel Laurent et Michaël Szadkowski du Monde, les sites de droite ou d’extrême droite penseraient qu'il existe « un pacte secret » entre les médias et le pouvoir politique qui s'est amplifié avec l'opposition au mariage homosexuel en France[36].

La web-télé TV Libertés fondée en 2014 par d'anciens cadres du Front national ou de Bloc identitaire dont Martial Bild, Philippe Milliau et Jean-Yves Le Gallou est devenue le reflet télévisuel de Radio Courtoisie avec une ligne éditoriale identitaire[37]. Le Gallou a également lancé l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique en 2012, considéré comme « un Acrimed d'extrême droite »[38]. La plupart de ces sites participent à la cérémonie des Bobards d'or, organisée par la fondation d'extrême droite Polémia, un think tank identitaire dont le président est Jean-Yves Le Gallou.

Un certain nombre de médias traditionnels ont aussi une activité de vérification des faits visant à lutter contre la désinformation: Les décodeurs du journal Le Monde[39], Désintox de Arte[40], CheckNews de Libération. Facebook, à son tour, signale à ses utilisateurs les informations estimées être fausses afin que ses médias partenaires (Le Monde, l’Agence France-Presse, BFM TV, France Télévisions, France Médias Monde, L’Express, Libération et 20 Minutes) puissent proposer une rectification[41]. Dès 2017, dans le contexte des élections présidentielles[42], Google lance la plate-forme CrossCheck, au sein du projet First Draft News, comprenant seize médias français partenaires[43], dont Libération, Les Echos, Le Monde, l’Agence France-Presse, BuzzFeed News, France Médias Monde (via les Observateurs de France 24), France Télévisions, Global Voices, Libération, La Provence, Les Echos, La Voix du Nord, Le Monde (Les Décodeurs), Nice-Matin, Ouest-France, Rue89 Bordeaux, Lyon, et Strasbourg, Storyful et StreetPress[44],[45].

Selon France Inter,

« En fait, sous couvert de “ré-information”, on a une presse d’opinion, d’extrême droite, qui sape la légitimité des medias et prospère sur Internet[46]. »

Notes et références

  1. Florian Gouthière, Santé, science, doit-on tout gober ?, Paris, éditions Belin, , 432 p. (ISBN 978-2-410-00930-9), p. 270-271
  2. American scientist (2017) Dossier "Misinformation versus Disinformation", par Brian G. Southwell, Emily A. Thorson, Laura Sheble, publié dans le n° de novembre-décembre 2017 de la revue (Volume 105, Number 6, Page 372) | DOI: 10.1511/2017.105.6.372
  3. Breton 2000, p. 65.
  4. Lippmann, Walter, 1889-1974,, Public opinion, Free Press Paperbacks, , 272 p. (ISBN 978-0-684-83327-9 et 0684833271, OCLC 36330916, lire en ligne)
  5. Bernays, Edward L., 1891-1995., Propaganda : comment manipuler l'opinion en démocratie, Paris, Zones, , 140 p. (ISBN 978-2-35522-001-2 et 2355220018, OCLC 212845256, lire en ligne)
  6. Huyghe, François-Bernard., L'ennemi à l'ère numérique : chaos, information, domination, Paris, Presses universitaires de France, , 211 p. (ISBN 2-13-051886-9 et 9782130518860, OCLC 319882155, lire en ligne)
  7. Claire Wardle, « Connaître l'ennemi : les rouages de la désinformation », Pour la science, no 505, , p. 52-58.
  8. Emilie Moreau, « François Heinderyckx, La Malinformation », Études de communication, no 26, , p. 182 (lire en ligne).
  9. (en) Phillip Knightley, « The disinformation campaign », The Guardian, 4 octobre 2001, [lire en ligne].
  10. r Romain Mielcarek, « Enquête sur un intrigant site internet de désinformation », sur http://www.rfi.fr/, (consulté le ).
  11. Dauphin, Florian, « Les Fake News au prisme des théories sur les rumeurs et la propagande ». Études de communication, Université de Lille n°53 2019
  12. Dauphin Florian, « Les Fake News au prisme des théories sur les rumeurs et la propagande ». Études de communication, Université de Lille n°53 2019
  13. Article : « La "rumeur sur Internet". Petite histoire des sites de référence », Pascal Froissart, 2003.
  14. « geostrategie.com [La Rumeur du Siècle, « Rayer Israël de la Carte » ] », (consulté le )
  15. Armin Arefi, « Iran : Ahmadinejad n'a jamais appelé à "rayer Israël de la carte" », (consulté le ).
  16. lefigaro.fr, « Lantus : pas d'influence sur le cancer » (consulté le )
  17. Gouthière, Florian., Santé, science, doit-on tout gober?, Paris, Belin, , 432 p. (ISBN 978-2-410-00930-9 et 2410009301, OCLC 1019716097, lire en ligne), p. 103-132.
  18. Dauphin, Florian. « Les Fake News au prisme des théories sur les rumeurs et la propagande ». Études de communication, nᵒ 53 (15 décembre 2019): 15‑32. https://doi.org/10.4000/edc.9132.
  19. (en) Denis McQuail, Media Performance. Mass Communication and the Public Interest, SAGE, (lire en ligne), p. 193.
  20. Médias français, une affaire de familles, article de novembre 2003, sur monde-diplomatique.fr, consulté le 12 novembre 2013.
  21. « La presse selon Dassault (4) : les “idées saines” », article du 10 décembre 2004, sur Acrimed, consulté le 12 novembre 2013.
  22. (fr) « Le cinéma russe » sur cineclubdecaen.com.
  23. Nazi Propaganda: 1933-1945, Calvin College, Michigan.
  24. « Indépendance » ? Pressions, censure et collusions, sur Acrimed, consulté le 12 novembre 2013.
  25. « Information scientifique et désinformation / Afis Science - Association française pour l’information scientifique », sur Afis Science - Association française pour l’information scientifique (consulté le )
  26. Weill-Raynal 2005, p. 106-107.
  27. Weill-Raynal 2005, p. 107.
  28. Weill-Raynal 2007.
  29. « Voyage au cœur de la “Fachosphère” », compte rendu par Olivier Faye du livre La Fachosphère. Comment l’extrême droite remporte la bataille du Net de Dominique Albertini et David Doucet, sur lemonde.fr du 21 septembre 2016.
  30. « “Réinformation” et désinformation : l’extrême droite des médias en ligne » sur acrimed.org.
  31. « Conspi-hunter ou Les traqueurs de complot », France Inter, 5 février 2016.
  32. Xavier Ridel, « Comment Henry de Lesquen est devenu l’emblème des jeunes d’extrême droite sur internet ? », sur lesinrocks.com, .
  33. Clara schmelk, « Plongée en fachosphère », Médium, vol. 3, nos 52-53, , p. 199-212 (DOI 10.3917/mediu.052.0199).
  34. Adrien Sénécat, « Wikistrike, Quenelle+, Libertés TV : dans la nébuleuse des sites de « vraie information », sur lexpress.fr, L'Express, .
  35. Réfugiés: la guerre de l'info de la "fachosphère", RTBF, 10 septembre 2015.
  36. Sur le Web, le "Hollande bashing" se radicalise, Le Monde, 30 mars 2013
  37. Louis Hausalter, « TV Libertés, la webtélé des ultra-réacs qui se rêve en « Fox News à la française », sur marianne.net, .
  38. Jean-Yves Le Gallou lance un Acrimed d’extrême droite, Abel Mestre et Caroline Monnot, 9 octobre 2012
  39. Désintox - Arte
  40. Huit médias français s’allient à Facebook contre les « fake news »
  41. CrossCheck: Partnering with First Draft and newsrooms in the leadup to French elections
  42. European newsrooms are forming a united front against fake news
  43. Battle begins to stop ‘fake news’ from impacting the French presidential election
  44. Facebook, Google to help fight fake news ahead of French elections
  45. « Comment les sites internet d'extrême droite discréditent le travail des médias », France Inter, 7 février 2017.

Voir aussi

Bibliographie

Filmographie

  • Outfoxed (en) : Rupert Murdoch's War on Journalism (au sujet de Fox News Channel), Robert Greenwald, 2004
  • The War You Don't See (en) : rôle des médias concernant les conflits en Iraq, Afghanistan, et Israël/Palestine. 2010

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du renseignement
  • Portail de la sécurité de l’information
  • Portail du scepticisme rationnel
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.