Défilé de la Victoire

Le Défilé de la Victoire du est le premier après la fin de la Première Guerre mondiale, l’armistice ayant été signée le . Le défilé passe sous l'Arc de triomphe de l'Étoile, la tombe du Soldat inconnu n'étant été installée sous l'arc qu'en 1921. Ce défilé était voulu par Georges Clemenceau, chef du gouvernement de l'époque, qui désirait honorer ainsi le million et demi de soldats morts au combat au cours de la grande guerre[1].

Défilé de la Victoire

Le Défilé de la victoire le 14 juillet 1919, place de l'Étoile, à Paris.

Type Défilé militaire
Pays France
Localisation Paris
Le Défilé de la Victoire devant l'Arc de Triomphe.
Vue aérienne de la porte Maillot et alentours lors du Défilé de la Victoire du avec les repérages des principaux édifices Lunapark.

Ce défilé du premier jour de la fête nationale française après la Première Guerre mondiale part de la porte Maillot jusqu'à la place de la République en passant par l'avenue de la Grande-Armée, sous l'arc de Triomphe, les Champs-Élysées, la place de la Concorde, la rue Royale et les Grands boulevards[2]. À sa tête, défilent mille soldats français mutilés menés par André Maginot, lui-même amputé d'une jambe[2]. Ils sont suivis par les maréchaux vainqueurs Joffre, Foch et Pétain à cheval, les armées alliées par ordre alphabétique (les Américains avec le général Pershing à leur tête, les Belges, les Britanniques avec les Anglais menés par Sir Douglas Haig, les Écossais en kilt, les Grecques, les Indiens, les Italiens, les Japonais, les Polonais, les Portugais, les Roumains, les Serbes, les Siamois et les Tchéquoslovaques[3]), sans oublier bien sûr l'armée française (l'armée d'Afrique, les zouaves et les différents corps de l'armée). Les chars d'assaut Renault FT ferment le défilé.

Un cénotaphe doré de 30 tonnes et d'une hauteur de 17,5 mètres pour une largeur de 8 mètres, réalisé sous la direction du sculpteur Antoine Sartorio, avait été installé initialement sous l'Arc de Triomphe puis avait été déplacé et déposé à l’entrée de l’avenue des Champs-Elysées afin de permettre au défilé de passer sous l’arche. Chaque face de ce monument présente une victoire portant dans le dos des ailes d’avion. Il a été ensuite détruit en raison de sa structure au un caractère provisoire, construit comme un décor de théâtre. Il se composait d’une charpente en bois, assez sommaire, où s’accrochaient des plaques de staff d’environ 3 centimètres d’épaisseur. Près du cénotaphe, se trouvait une pyramique composée de canons allemands entassés et surmontés d'un coq gaulois vainqueur et fier.

Article paru dans Le Figaro du [4]

La Victoire est entrée le dans Paris. On l'attendait. On pensait la connaître. On l'ignorait pourtant de même qu'en voyant planer un aigle, on ignore la largeur de ses ailes.

Nous savions que depuis bien des jours elle était parmi nous ; nous savions qu'elle était la plus belle et la plus noble que les hommes eussent jamais remportée sur les hommes - et que, grâce à elle, la vie du monde allait pouvoir continuer dans la robuste allégresse d'un monde et d'un labeur nouveaux.

Mais elle était pour ainsi dire éparse, diffuse, abstraite. Nous ne l'avions pas vue. Nous l'avons vue le 14 juillet 1919 au matin. C'était Elle ! Et nous avons assisté à cette splendeur : le sacre de la Victoire. Pour une telle magnificence, il ne pouvait y avoir qu'une voûte : le ciel ; qu'une cathédrale : Paris ; qu'une religion : la France.

Il semblait à certains que le défilé des vainqueurs ne devait être en somme qu'une émouvante et pieuse formalité. Quelle erreur ! En un instant, dans la pure et fraîche lumière de cette incomparable matinée où le soleil lui aussi avait remporté sa victoire, nous avons tous senti qu'entre l'instant où nos bataillons avaient disparu sous le monument de pierre et celui où ils apparurent au sommet des Champs-Elysées, une destinée s'était accomplie.

Nous avons tous senti que brusquement toutes choses venaient de rentrer dans l'ordre, et de reprendre leur place et leur rythme, que les plus grands mots de notre langue, ceux dont la beauté a résisté à tout, même aux hommes politiques: patrie, honneur, liberté, justice, sacrifice, s'étaient regonflés de leur sens le plus noble et le plus exact, que notre histoire accélérait sa marche sur la voie triomphale où elle avait longtemps marqué le pas, et que les monuments eux-mêmes retrouvaient, comme par miracle, leur véritable destination.

Le défilé de nos héroïsmes

Nous avons tous senti qu'en cette heure si grande, qu'on doit renoncer à en sentir toute la beauté, Hier se nouait à Demain par le fil bleu des soldats, sur lesquels l'Arc de Triomphe, à mesure qu'ils passaient, posait le sceau de la Gloire.

L'Arc de Triomphe ! Nous étions habitués à prononcer ce mot sans réfléchir à ce qu'il signifiait et à la pensée qui l'avait élevé dans les rayons du soleil d'Austerlitz. Nous ne songions plus qu'il n'avait d'autre but que de livrer passage à nos troupes victorieuses. Il nous est réapparu le 14 juillet 1919, égal à son Destin.

[…]

D'abord viennent les mutilés, marchant et trébuchant dans leur gloire, et dont les bras et les jambes sont restés là-bas, un peu partout, en Alsace, en Champagne, en Lorraine, dans les Flandres. Ils n'ont pas d'uniformes. Leur uniforme, c'est de ne pas être complets. Et il y a parmi eux des femmes. Et il y a parmi eux un enfant. Et c'est à la fois le défilé de nos héroïsmes - et de leurs crimes.

Les maréchaux ont voulu ne venir qu'ensuite. Les voici : Joffre et Foch fiers simples et modestes, rayonnants aussi, non point de leur victoire, mais de celle de leurs hommes. Ils semblent réunir à eux deux toutes les vertus de la race l'énergie, le clair bon sens, l'initiative, la volonté de tout sacrifier de leurs soldats à la patrie - et d'eux-mêmes à leurs soldats. Ils marchent côte à côte, le père et le grand-père. Il y a là celui qui a dit, bien qu'attaqué de toutes parts et débordé sur son flanc : « Situation excellente. J'attaque. » Il y a là celui qui a dit au lendemain de la victoire qui sauva Paris : « N'illuminez pas, nous avons trop de morts ». Il y a là les deux hommes qui ont sauvé la France.

Et voici Pétain, à l'œil bleu, au sourcil blanc, à l'irrésistible vouloir, qui organise, dirige, prévoit, ose, répare, obtient. Voici Castelnau, le sauveur de Nancy et de notre aile droite, Castelnau qui, sans un murmure, a vu mourir ses trois fils et a tout fait pour les rejoindre là où il est sûr de les retrouver un jour. Il devrait être notre quatrième maréchal. Mais que lui importe! Ses étoiles sont ailleurs. Voici Mangin qui exige la victoire lorsqu'on ne la lui accorde pas. Voici Gouraud qui n'a plus qu'un bras et qui l'aurait donné si volontiers, son cœur suffisant à tout. Et voici Dégoutte, Humbert, Debeney, Berthelot, Hély d'Oissel, Gérard, Fayolle, Maistre, et les autres et tous les autres qui, chacun à sa place, à l'heure utile, au poste indiqué, a arraché à l'ennemi un morceau de la victoire.

Les pays alliés défilent par ordre alphabétique

Voici les armées alliées. Les Américains éclatant de force alerte, de robuste jeunesse, et dont l'alignement, les uniformes et les armes sont aussi bien tenus que la comptabilité. À leur tête, très droit, très froid, marche le général Pershing, qui le jour même de son arrivée en France était allé tout droit au tombeau du libérateur, et la main à la visière de sa casquette, avait dit simplement : « La Fayette, nous voici ! » Cela aussi c'est de la comptabilité en bon ordre. Les Belges sont plus lourds, moins bien alignés, mais, ils respirent la forte quiétude d'avoir accompli un redoutable devoir et d'avoir fait de leur pays, qui était le pays du bien vivre, le pays du bien mourir. Ce sont ensuite les détachements anglais, sir Douglas Haig en tête, cette infanterie si souple, si élégante, si musclée qu'un cavalier ne saurait n'en pas être jaloux.

Fifres allègres, cornemuses champêtres, Indiens hiératiques, Écossais aux jambes nues, les sections succèdent aux sections, à l'ombre d'un peuple de drapeaux, si nombreux que l'on n'aperçoit plus les mains qui les tiennent. Tout cela éclate en couleur, en musique, en jeunesse, en force, en santé, et affirme la vigueur d'une nation simple, cordiale et puissante.

Les Italiens passent. Ces régiments-là ont laissé en Champagne la moitié de leurs effectifs. Saluons-les très bas. Ils ont payé de leur sang une fraternité latine que ni eux ni nous ne pouvons ni ne devons oublier. Ils défilent l'arme à la main, le fusil horizontal, prêts à l'attaque, comme si Fiume était dans les Champs-Elysées.

Voici les Japonais qui ressemblent à une petite troupe d'ingénieurs intelligents, attentifs et malicieux et qui représentent le péril jaune sous sa forme la plus sympathique.

Voici les Portugais gris de fer, les Roumains où je reconnais, si pareils aux nôtres, les admirables soldats de l'Oituz et de Marashesti ; les Serbes, qui évoquent leur épopée, et le pays où le plus vieux recrutement, dit « de défense suprême », se compose des hommes au-dessus de soixante ans et des enfants au-dessous de seize ans ! Voici les Polonais, que tout un passé de douleur ne semble pas avoir trop attristés- et qui portent le bleu comme s'il avait toujours été leur horizon. Et voici les vaillants Tchéco-Slovaques, qui me font songer à mon cher et admirable Stéfanick, et les Siamois, qui me font songer à une féerie du Châtelet, et que nous y reverrons peut-être un jour.

Je ne puis m'empêcher d'éprouver et d'exprimer un regret celui de n'avoir pas aperçu parmi les troupes alliées une section de soldats russes blessés. Ils n'auraient certes pas représenté parmi nous l'armée de Lénine et de Trotsky, mais les deux millions d'hommes qui sont tombés sur le front oriental dans les deux premières années de la grande guerre. C'eût été un hommage et une justice à leur rendre.

Le défilé des armées alliées s'achève. Tous ces uniformes -de tous pays- certains jours ont été teints d'une même couleur: celle du sang. Par là ils nous sont tous sacrés. Dans quelques instants, ils passeront place de la Concorde. […]

Puis un grand espace vide, un grand silence, un grand recueillement, l'attente de quelque chose d'infiniment grand et d'infiniment beau et que voici : l'armée française. Alors un immense enthousiasme a soulevé tous les cœurs, le grand cri de la reconnaissance unanime s'est élevé vers ces hommes. Les poilus défilaient !

J'ai entendu une jeune femme de nationalité argentine s'écrier : « Enfin, voilà nos poilus ! » Je ne vois pas de plus grand et de plus simple hommage - et plus justement décerné. Ce sont les poilus du monde. Ils ont sauvé le monde.

Ils sourient. Ils ne se doutent point de ce qu'ils sont et de ce qu'ils seront. Ils ont accompli une épopée et ils ont des figures de chanson. Ils reviennent pareils, à eux-mêmes, avec la même volonté de faire tout ce qu'il faut quand il faut.

Tels ils étaient lors du grand départ, tels ils sont lors du grand retour. Ils disaient : « On les aura ». Ils disent : « On les a eus ». Cela leur suffit. Ils sont simples dans leurs paroles ; leurs actions seules ont été lyriques. Ils préfèrent cela. C'est leur manière. Ah ! ceux-là ne demandent rien, n'exigent rien. Ils n'ont pas- réclamé le courage de huit heures, et sans protester contre la vie chère chaque jour depuis cinq ans ils ont affronté la mort à bon marché. Nous avons salué tout ce qu'ils nous rapportaient : la Victoire, la Paix, la confiance, l'équilibre, le goût du bon sens, de la bonne humeur, de la bonne entente, du bon espoir. Mais ils ne nous ont pas rapporté que cela : ils nous ont aussi rapporté nos morts. Entre chaque section, dans les espaces vides, il semblait qu'ils leur eussent réservé leur place. Oui, ils nous diront le dernier mot, le dernier geste, le dernier espoir de ceux qui ne sont plus. Combien de douleurs ils apaiseront ainsi! Combien de larmes ils sécheront en donnant à ceux qui pleurent la certitude qu'il n'y a pas eu de deuils inutiles, et qu'à chacun des sacrifices correspondent un lambeau de victoire [...].

Par Robert de Flers

Galerie

Notes et références

  1. « Le défilé de la victoire le 14 juillet 1919 - Paris 8e Le Quartier des Champs Elysées », sur lartnouveau.com (consulté le )
  2. Claude Quétel, Le mythe du 14 juillet, Jean-Claude Lattes, , 430 p. (ISBN 978-2-7096-4498-3, lire en ligne)
  3. Marie-Aude Bonniel, « Le défilé du 14 juillet 1919 : le sacre de la Victoire », sur www.lefigaro.fr, (consulté le )
  4. « Le défilé du 14 juillet 1919 : le sacre de la Victoire », sur www.lefigaro.fr, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Armée et histoire militaire françaises
  • Portail des fêtes et des traditions
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