Défense sicilienne

La défense sicilienne est une des ouvertures les plus jouées du jeu d'échecs. Populaire auprès des joueurs de tous niveaux, elle s'obtient après les coups 1. e4 c5.

Pour les articles homonymes, voir Sicilienne.

Cet article utilise la notation algébrique pour décrire des coups du jeu d'échecs.

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Historique

Elle remonte à l'ouvrage de Giulio Cesare Polerio vers 1590 et reçut apparemment son nom du joueur italien du 17e siècle, Gioachino Greco qui l'étudiait déjà au XVIIe siècle. Cependant, elle ne figurait pas, à la différence de la partie espagnole et de la partie italienne, dans le Manuscrit de Göttingen, ni  à la différence notamment de la défense française ou de la défense scandinave  dans le Traité de Lucena, deux ouvrages qui rassemblaient l'essentiel du savoir échiquéen à la fin du XVe siècle[1]. De ce point de vue, la défense sicilienne peut être considérée comme un raffinement de la théorie échiquéenne naissante à cette période.

Aux origines de la défense sicilienne, le coup 2... Cc6[2] (code ECO B30-B39), qui mène à la variante classique après 5...d6 (codes ECO B56 à B69) était jugé le plus naturel. Les Noirs développaient rapidement leur aile Dame, en prélude à une action éventuelle sur la colonne c par la Tour a8. L'aile Roi était développée plus tardivement.

L'autre coup naturel 2...e6[3] (code ECO B40-B49) pouvait transposer avec 2...Cc6 après la continuation populaire 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 Cc6 (Sicilienne des quatre cavaliers), mais pouvait aussi mener à des variantes indépendantes telles que la Sicilienne Kan (codes ECO B40-B43).

Le coup, apparu tardivement, 2...d6 (codes ECO B50 à B99) a supplanté en popularité le coup de Cavalier des origines ; la variante du dragon date des années 1900 et la variante Najdorf des années 1940. Avant les années 1970, il était rare qu'un joueur de 1. e4 évite 2. Cf3 et 3. d4, ce qui fait qu'il était possible de bâtir un répertoire entier autour de la variante Najdorf, à l'instar de Bobby Fischer[4].

Description

Elle appartient aux débuts semi-ouverts et est très utilisée face au coup blanc 1. e4[5].

L'idée principale de la défense sicilienne est d'opposer à l'avantage d'espace des blancs au centre et à l'aile roi un contre-jeu actif à l'aile dame[5], retardant souvent le petit roque[6]. Depuis plusieurs décennies, elle est très populaire, car elle offre aux noirs de réelles chances de gain sans devoir se contenter de l'égalisation[6], tandis que d'autres ouvertures, comme la défense russe, limitent certes les chances des blancs mais offrent moins de perspectives de victoire aux noirs également. La sicilienne conduit à un jeu très dynamique et offre des possibilités de victoire aux deux camps, ce qui plaît généralement aux joueurs de club[5].

De plus, elle s'impose dans tout répertoire d'ouvertures d'un joueur de première catégorie. Selon le GMI Svechnikov, « aucun joueur ne peut devenir champion du monde s'il n'inscrit pas dans son répertoire la défense sicilienne[7]. »

Cette ouverture, l'une des plus étudiées sur le plan théorique, contient de très nombreuses variantes.

Variantes

Cette ouverture menant à un très vaste ensemble de positions aux possibilités différentes, elle occupe beaucoup de place dans le code ECO. En effet, elle regroupe tous les codes de [B20] à [B99].

On classe les nombreuses variantes en deux groupes : les « siciliennes ouvertes », où les blancs ouvrent rapidement le centre par Cf3 et d4, et les « anti-siciliennes ».

Variantes ouvertes (avec 2. Cf3 et 3. d4)

a) Avec les cavaliers noirs en c6 et f6 (Cc6 et Cf6), sans ...g6 et sans ...e5 :

  • la sicilienne des quatre cavaliers (B45) : 1. e4 c5 2. Cf3 Cc6 (ou e6) 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 e6 (ou Cc6)
  • la sicilienne classique (B56 à B69) : 1. e4 c5 2. Cf3 Cc6 (ou d6) 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 d6 (ou Cc6)

b) Avec ...g6, le pion e reste en e7[9] :

c) le complexe ...e6 et ...d6 sans ...a6 :

d) le complexe ...e6 et ...a6 sans ...d6 :

e) le complexe ...d6 et ...a6 sans ...Cc6 :

  • la variante Najdorf (B90 à B99) : 1. e4 c5 2. Cf3 d6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 a6[15].
  • l'attaque anglaise (B80) : 1. e4 c5 2.Cf3 d6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 e6 6. Fe3 a6, (suivi de Dd2, f3 et g4)
  • la sicilienne Paulsen-Scheveningue (B84-B85) : 1. e4 c5 2. Cf3 e6 (ou d6) 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 d6 (ou e6) 6. Fe2 a6[16]

f) 2...Cc6 et le coup ...Dd8-c7 :

  • la variante Flohr (B32) : 1.e4 c5 2.Cf3 Cc6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Dc7

g) 2...Cc6 et le coup ...e7-e5 :

  • la variante La Bourdonnais (B32) : 1. e4 c5 2. Cf3 Cc6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 e5
  • la variante Svechnikov (B33) : 1. e4 c5 2. Cf3 Cc6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 e5
  • la variante Boleslavski (B58-B59) : 1. e4 c5 2. Cf3 Cc6 (ou d6) 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 d6 (ou Cc6) 6. Fe2 e5

h) les Blancs reprennent le pion d4 avec la dame :

Anti-siciliennes

  • variantes avec 2. Cf3 et 3. Fb5 :
  • Le système Kopec (B50) : 1. e4 c5 2. Cf3 suivi de 3. c3 et 4. Fd3
  • La variante Alapine (B22) : 1. e4 c5 2. c3
  • La sicilienne fermée (B23-B26) : 1.e4 c5 2.Cc3 Cc6 (ou d6 ou g6) 3. g3
  • L'attaque grand prix (B21 et B24) : 1. e4 c5 2. f4 (ou 2. Cc3 Cc6 3. f4)
  • Le gambit de l'aile (B20) : 1.e4 c5 2.b4
  • Le gambit Morra (B20) : 1.e4 c5 2.d4 cxd4 3.c3
  • La variante Gloria (B20) : 1.e4 c5 2.c4 d6 3. Cc3 Cc6 4. g3 h5
  • L'attaque Bowdler (B20) : 1.e4 c5 2.Fc4
    • 2…e6 3.Cf3 Cf6 e5 d5
    • 2…e6 3.c3

Exemple de partie

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Position après 11.f5
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Position finale

Alexandre Alekhine et Mikhaïl Botvinnik ont joué une partie sicilienne considérée comme l'une des plus belles parties nulles[réf. nécessaire].

Alexandre Alekhine – Mikhaïl Botvinnik, Tournoi de Nottingham, 1936, Défense sicilienne

1. e4 c5 2. Cf3 Cc6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 d6 6. Fe2 g6 7. Fe3 Fg7 8. Cb3 Fe6 9. f4 O-O

La partie se déroule selon les recommandations théoriques de la variante du dragon classique, caractérisée par les coups noirs ...Cc6, ...d6 et ...g6. Cependant, Alekhine recherche le gain, c'est pourquoi il joue le coup tranchant :

10. g4

10. ... d5 !

Botvinnik, dans une partie contre Levenfish en 1933 à Leningrad, avait déjà répondu 10. ... d5 !, ce qui entraîna 11. e5 d4! 12. Cxd4 Cxd4 13. Fxd4 Cxg4. Les complications qui s'ensuivirent menèrent à la nullité.

11. f5 (voir diagramme)

C'est alors que se conclut l'une des plus belles parties nulles de l'histoire des échecs[réf. nécessaire].

11. ... Fc8 12. exd5 Cb4 13. d6! Dxd6! 14. Fc5! Df4! 15. Tf1 Dxh2 16. Fxb4 Cxg4!! 17. Fxg4 Dg3+ 18. Tf2 Dg1+ 19. Tf1 Dg3+

Sachant qu'il y aurait répétition de la même position à trois reprises, les adversaires s'entendirent pour une partie nulle.

Notes et références

  1. I.A. Horowitz, How to win in the chess openings, Cornerstone Library, New York, 1961
  2. joué systématiquement par Louis-Charles Mahé de La Bourdonnais lors des siciliennes où Alexander McDonnell n'avait pas joué 2. f4 (75 % des cas) mais 2. Cf3 (25 % des cas).
  3. Carl Jaenisch avait indiqué aux pages 25 et 26 de son Chess Preceptor que ce coup était à préférer à 2...Cc6.
  4. Andrew Soltis, Opening ideas and analysis for advanced players Vol. 1, Chess Digest, (ISBN 0-87568-190-5), p. 117.
  5. Frits van Seters, Les Échecs, p. 149-150
  6. Alexandre Kotov, L'École des échecs, vol. 2, Hatier, , 218 p. (ISBN 2-218-03519-7), p. 61-62
  7. (fr) Evguéni Svechnikov, Gagner contre la défense française (2005), Échecs Payot, p. 111
  8. Frits van Seters, Les échecs, p. 157
  9. Le coup ...g7-g6 étant joué, avancer le pion e7 dans l'ouverture serait inutile, voire contre-productif
  10. Frits van Seters, Les échecs, p. 151-152
  11. Frits van Seters, Les échecs, p. 150
  12. Frits van Seters, Les échecs, p. 151
  13. Frits van Seters, Les échecs, p. 154-155
  14. Frits van Seters, Les échecs, p. 154
  15. Frits van Seters, Les échecs, p. 156-157
  16. Il n'y a pas consensus quant à cette appellation (voir l'article correspondant)

Bibliographie

  • Nicolas Giffard et Alain Biénabe, Le Nouveau Guide des échecs. Traité complet, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1710 p. (ISBN 978-2-221-11013-3)
  • Frits van Seters, Le Guide Marabout des échecs, Marabout service, 1972,
  • (fr) Levy, O'Connell, Comment jouer la défense sicilienne
    Plan : 1. L'étau de Maroczy avec g6. 2. L'étau de Maroczy avec e6. 3. Petit centre (d6-e6). 4. Positions du dragon. 5. Positions avec e5. 6. Positions fermées. 7. Positions avec g6. 8. Positions avec Fg5.
  • (fr) Lev Polougaïevski, Les Secrets d'un grand maître, Armand Colin, 1994.
    Dans cet ouvrage, Polougaïevski décrit la naissance de la sous-variante très tranchée qui porte son nom dans la variante Najdorf. Il est très éclairant sur la façon dont progresse l'analyse et la constitution d'une nouvelle ouverture des échecs.
  • (en) Jacob Aagaard, John Shaw (éditeurs), Experts vs. the Sicilian, 2e ed., Quality Chess, 2006, (ISBN 978-91-975244-6-9).
  • (en) Jon Edwards (joueur par correspondance), Ron Henley (GMI), The Sicilian! : An overview, R & D Publishing, collection Power Play!, 1993, (ISBN 1-883358-05-1).
    Ce livre est une introduction aux principaux plans et thèmes (contrôle de la case d5, étau de Maroczy, attaques blanches à l'aile-Roi, coup Fg5 joué par les Blancs, attaques noires du Cavalier situé en c3, levier d5 joué par les Noirs, etc.) qui peuvent se présenter dans les différents systèmes L'analyse est menée à la fois pour les Blancs et pour les Noirs.
  • (en) John Emms, Starting Out: The Sicilian, Everyman Chess, 2009, (ISBN 1-85744-588-0).
    Comme le titre Starting Out l'indique, cet ouvrage permet des achats de livres plus spécifiques à la variante que l'on décide d'adopter avec les Noirs. En effet, il contient un survol des lignes principales, des statistiques sur les chances de gain et d'autres informations telles que : cette variante nécessite-t-elle une étude approfondie de la théorie?. Les Blancs bénéficieront peut-être encore plus d'un tel survol, car c'est surtout eux qui auront à gérer différents sous-systèmes de l'imposant univers sicilien.
  • Danny Kopec (en), Mastering the Sicilian, B.T. Batsford, 2003, (ISBN 0-7134-8482-9).
    Ce livre est une introduction aux principaux plans et thèmes qui peuvent se présenter dans différents systèmes (structures de pions) de la défense sans rentrer dans le détail de toutes les lignes possibles. Il n'y a donc pas de variantes à n'en plus finir; plutôt qu'à mémoriser une sorte de codification ECO annotée, l'ouvrage invite à se former des idées sur le milieu de jeu. L'analyse est menée pour les Noirs, et convient aux joueurs de niveau moyen.
  • (en) Richard Palliser, Fighting the anti-Sicilians, Everyman Chess, 2007, (ISBN 1-85744-520-1)
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