Décentralisation en France

La décentralisation en France est « un processus d’aménagement de l'organisation de l’État qui consiste à transférer des pouvoirs décisionnaires et compétences administratives de l’État vers des entités (ou des collectivités) locales distinctes de lui »[1].

Ne doit pas être confondu avec déconcentration.

Auparavant, il existait une très relative autonomie des communes et des départements par rapport à l'État, instaurées par les lois de 1871 et 1884. Depuis très longtemps la France est très centralisée. Des efforts en réflexion vers 1980 aboutissent régulièrement à des transformations.

Entre autres, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a ajouté à l'article premier de la constitution que la France est une république dont l'«organisation est décentralisée ».

Un double processus de décentralisation territoriale[1] et de décentralisation fonctionnelle[1] a commencé avec la création des départements, puis a été relancé par les lois Defferre votées en 1982 par le gouvernement Mauroy, peu après l'élection présidentielle de 1981 ayant porté François Mitterrand (PS) au pouvoir.

La République française a conservé l'optique d'une « république unie et indivisible » et apparaît peu décentralisée par rapport aux États voisins (Länder allemands, communautés autonomes d'Espagne, régions de Belgique, cantons suisses, régions italiennes). Leurs régions ont plus d'autonomie (par exemple fiscale et juridique) ; des structures clairement fédérales (ou région autonome).

Avec le transfert de certaines compétences à une collectivité, l'État doit aussi transférer les ressources correspondantes, ce qui constitue l'une des critiques les plus entendues[2]. De plus, certains craignent qu'une plus grande autonomie vienne à supplanter le pouvoir central.

Les types de décentralisation

Décentralisation institutionnelle

La décentralisation est le fait pour l'État de transférer des compétences à des personnes morales qu'il crée (par opposition à la déconcentration, qui est le transfert de compétences à l'intérieur de l'État ; il n'y a pas alors création de personne morale). Ces personnes morales peuvent avoir vocation générale (décentralisation territoriale = les collectivités territoriales qui ont compétence pour toutes les affaires de leur territoire) ou vocation spécifique (décentralisation fonctionnelle = les établissements publics, qui n'ont compétence que pour ce que leurs statuts déterminent). Il existe une troisième catégorie de décentralisation, annexe, qui regroupe les cas particuliers de la Banque de France et des groupements d'intérêt public.

Décentralisation fonctionnelle (ou technique)

Elle va apparaître à partir du moment où une personne morale de droit public (État ou collectivité territoriale) décide de ne pas gérer un service public mais d'en transférer la gestion à un organe distinct que l'on appelle établissement public, comme ce fut le cas en France pour les universités, les hôpitaux publics, les musées nationaux, les Régions (de 1972 à 1982)[1].

Décentralisation économique

Le terme décentralisation désigne également une politique d'aménagement du territoire visant à diminuer le poids économique relatif de la région parisienne dans le développement territorial. On a aussi parlé de déconcentration industrielle, notamment au milieu des années 1950 en France, où l'État cherchait à sortir les industries de ce cercle parisien. Le terme de développement exogène des territoires était employé. Cette logique descendante sera vivement critiquée par les tenants du développement local, dès le milieu des années 1960, prônant un soutien des initiatives locales plutôt que de déplacer des structures existantes. En France, d'importantes disparités territoriales ont conduit à ce type de décentralisation. La région Île-de-France concentre en effet un sixième de la population et de l'activité économique, tandis qu'ailleurs, hormis pour les grandes villes, de nombreux endroits se désertifient d'une façon jugée inquiétante. C'est dans ce contexte qu'a été mise en œuvre une ardente politique d'aménagement du territoire dans les années 1960 grâce à la formation de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (devenue, par un décret du 31 décembre 2005, la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires). Cette décentralisation s'est faite notamment par le biais de créations de métropoles d'équilibre.

Histoire

« La décentralisation territoriale vise à donner aux collectivités territoriales des compétences propres, distinctes de celles de l’État, à faire élire leurs autorités par la population et à assurer ainsi un meilleur équilibre des pouvoirs sur l’ensemble du territoire. La décentralisation rapproche le processus de décision des citoyens, favorisant l’émergence d’une démocratie de proximité. Elle prend sa complète signification quand elle donne à ces collectivités une suffisante maîtrise des ressources financières qui leur sont nécessaires »[3].

Ancien Régime

Carte des parlements précédant la Révolution française.

Les parlements du royaume de France possèdent le droit de remontrance et peuvent refuser d'enregistrer certaines lois.

Le terme de « province » apparaît au XVe siècle pour décrire les circonscriptions administratives crées pour lutter contre les structures féodales. Le clivage centre/périphérie apparaît au XVIIe siècle. L'ancien Régime connaît déjà le « millefeuille territorial » et les strates locales inutiles[4].

Révolution française

Les départements sont créés par l'Assemblée constituante avec l'objectif de casser les particularités liées aux privilèges de l'Ancien Régime[5].

Monarchie de Juillet

La monarchie de Juillet rétablit l'élection des conseillers municipaux et généraux. En 1837, la personnalité civile de la commune est reconnue[6].

Second Empire

En 1865, 19 intellectuels lorrains[7] publient un manifeste[8] exposant un projet pour la décentralisation[9] qu'ils réclament.

Lors de la période de l'Empire libéral, Napoléon III met en place deux lois de décentralisation, en juillet 1866 et 1867. La première accorde aux conseils généraux l'autonomie sur un certain nombre d'affaires, la deuxième atténue la tutelle préfectorale sur les décisions des collectivités locales. Le programme de Nancy, plus ambitieux, n'est pas mis en place en raison de la guerre franco-prussienne[6].

Troisième République

Les premières lois de décentralisation interviennent dans les décennies suivantes, les 10 août 1871 et 5 avril 1884. Ces lois ont respectivement organisé l'administration du département et placé le conseil général ainsi que déterminé le régime d'administration communale avec deux autorités : le maire et le conseil municipal. À cette époque, les compétences des départements et communes étaient très limitées. C'était le préfet qui détenait le pouvoir exécutif du département. Jusqu'en 1982, il exerçait un contrôle très étroit, dit de tutelle, sur les actes des collectivités territoriales (autorisation d'annulation et système d'approbation)[10].

À partir de 1920 les départements se révèlent trop petits pour les enjeux économiques. Le ministre Étienne Clémentel crée les régions économiques « Clémentel » en 1919 en regroupant les chambres de commerce[5].

À la suite des décrets-lois Poincaré de 1926, les communes sont autorisées à prendre des participations à des « sociétés de construction ou d'exploitation de services communaux ». Leur participation est cependant limitée à 40 % du capital et doit être validée par le Conseil d'État[11].

Le Syndicat intercommunal à vocation unique est créé en 1890 et permet le regroupement des actions des communes[6].

France de Vichy

Philippe Pétain souhaitait recréer des territoires s'inspirant des provinces de l'Ancien Régime, correspondant approximativement aux régions. Le , il crée dix-sept préfets régionaux chargés de relayer l'action du gouvernement de Vichy et de surveiller les départements[12].

Projet de Charles de Gaulle

Charles de Gaulle souhaitait mettre en place les régions, mais quitte la vie politique à la suite de l'échec du Référendum constitutionnel français de 1969.

Acte 1

Pierre Mauroy en 1981.

La première vague de décentralisation est justifiée par la crise des années 1970 : la tendance small is beautiful pousse à trouver des solutions locales face à un État dénoncé comme interventionniste[13].

  1. Acte I de la décentralisation : La loi Defferre promulguée le 2 mars 1982[14] par le gouvernement de Pierre Mauroy lui donne toute sa portée en apportant trois innovations majeures :
    1. la suppression de la tutelle administrative a priori exercée par le préfet, qui est remplacée par un contrôle de légalité a posteriori exercé en premier par les services préfectoraux qui émettent des avis juridiquement tranchés par le tribunal administratif et chambre régionale des comptes de son ressort territorial.
    2. le transfert de l'exécutif départemental du préfet au président du conseil général.
    3. l'élévation de la région en une collectivité territoriale de plein exercice.
    4. à la suite de la loi Defferre, les lois des 7 janvier 1983[15] et 22 juillet 1983[16] vont répartir les compétences entre l'État et les collectivités territoriales et instaurer le transfert de ressources.

Pendant les années 1980, la première vague de décentralisation voit l'État se décharger de politiques coûteuses comme l'action sociale ou les infrastructures routières sur les collectivités locales. Cependant, les transferts financiers de l'État ne suivent pas l'augmentation des dépenses. Les collectivités et l'État limitent les dépenses avec difficulté dans les années 1990 Le début des années 2000 voient une demande d'augmentation de l'autonomie des collectivités pour assurer les financements[13].

Acte 2

Jean-Pierre Raffarin en 2013.
  1. Acte II de la décentralisation : Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a remis sur l'agenda politique la réforme de la décentralisation entre 2002 et 2004, notamment avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République française. Ces lois décident :
    1. les principes de l'autonomie financière des collectivités territoriales (communes, départements, régions).
    2. inclus les termes région et décentralisation dans la Constitution.
    3. transfert de trois nouvelles compétences aux régions en 2004 et 2005 : la gestion du personnel non enseignant des lycées, la totalité de la formation professionnelle, l'organisation des transports ferroviaires régionaux.
    4. instaure le référendum décisionnel local.
    5. instaure un droit de pétition.

La réforme constitutionnelle de 2003 consacre l'autonomie financière des collectivités locales, même si celles-ci restent largement dépendantes de l'État[13]. De plus, à la suite de la crise de 2007, l'État souhaite réduire ses dépenses structurelles.

Malgré une modification de la constitution, le bilan du deuxième acte de décentralisation est décevant : les départements ne bénéficient pas de pouvoir de décision réel, et sont pour Philippe Estèbe des « agences départementales de l'État ». Les régions n'ont pas de pouvoir législatif, réglementaire, ou de tutelle sur les échelons inférieurs[6].

Réforme de 2010

La réforme mise en œuvre sous la présidence de Nicolas Sarkozy a pour but une réduction des coûts[17]. L'État renforce son contrôle sur les collectivités locales et réduit leur autonomie financière. La suppression de la taxe professionnelle diminue fortement les ressources des collectivités[13].

Acte 3

François Hollande en 2015.
  1. Acte III de la décentralisation : Dans sa campagne présidentielle, le président François Hollande s'est engagé à mener un nouvel acte de décentralisation lors de son mandat, prévu pour 2013[18]. Cet acte de décentralisation pourrait être surtout un acte de contractualisation[19]. Le gouvernement a reçu un rapport officiel sur l'avenir de la contractualisation en janvier 2013[20].

Les principales lois votées pendant la présidence de François Hollande concernant la décentralisation sont la Loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la Loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral et la Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Le processus de décentralisation et de clarification des compétences de chaque échelon territorial est encore en cours, sous l'égide de Marylise Lebranchu (ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique) puis du secrétaire d'État Thierry Mandon (depuis le 3 juin 2014).

Un avant-projet de loi de décentralisation a été annoncé pour novembre 2012. Il a été repoussé pour prolonger la négociation (avec les groupes du Sénat et les associations d'élus locaux[21]) a été préparé et transmis au Conseil d'État (175 pages et une centaine d'articles) début mars 2013 a été finalement divisé en trois sous-projets de loi qui seront étudiés de manière échelonnée pour rendre le travail législatif moins complexe[22] à la demande de l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui répondait ainsi à un souhait du président du Sénat Jean-Pierre Bel.[réf. nécessaire]

Les trois sous-projets concernent :

  1. les métropoles (Paris, Lyon, Marseille et les autres grandes métropoles de province Lille, Toulouse, Bordeaux, Rennes, Grenoble, Nantes, Strasbourg, Montpellier, Nice), avec une présentation en Conseil des ministres le 10 avril 2013 pour être ensuite soumis au Sénat. Un des projets est de confier le PLU aux intercommunalités qui prendraient donc plus d'importance en matière d'aménagement du territoire[22] ;
  2. les régions qui pourraient devenir « chefs de file » pour les questions économiques, d'apprentissage, des aides européennes et des aides aux entreprises[22] ;
  3. les solidarités territoriales, le devenir des départements, des communes et des intercommunalités. Une conférence territoriale devrait être créée pour unir les acteurs locaux autour de sujets communs et se répartir les compétences entre eux[22].

Acte 4

L'Acte IV de la décentralisation a lieu sous la présidence d'Emmanuel Macron avec la loi 3D pour « décentralisation, différenciation et déconcentration »[23]. La loi est ensuite renommée 4D pour « décentralisation, différenciation, déconcentration et décomplexification », puis 3DS pour « différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l’action publique » et est discutée en 2021[24].

Références

  1. Vie publique.fr Qu'est-ce que la décentralisation, consulté 2013-06-26
  2. Vie publique Glossaire, consulté 2013-06-26
  3. Marie-Christine Steckel, « Un pouvoir fiscal en trompe-l’œil », Revue française de droit constitutionnel, 2005, no 61, p. 19-33 ; Marie-Christine Steckel, « Le pouvoir fiscal local, objet nouveau du droit constitutionnel», Actualité juridique de droit administratif, 2004, no 42, p. 2316-2322
  4. Jean-Baptiste Forray, « Le millefeuille territorial existait déjà sous l’Ancien Régime », sur lagazettedescommunes.com, .
  5. Jean Delavaud, « Pays de la Loire. La construction des régions a écarté les anciennes provinces », sur ouest-france.fr, .
  6. Thomas Frinault, « La décentralisation : retour sur deux siècles de réformes », sur metropolitiques.eu, .
  7. http://www.senat.fr/evenement/archives/D18/1851B.html
  8. Projet de décentralisation, Nancy, 1865
  9. (nl) « Home - Napoleon Trois », sur Napoleon Trois (consulté le ).
  10. « Organisation territoriale : les apports de la IIIe République », sur vie-publique.fr, (consulté le ).
  11. « Proposition de loi relative au statut des sociétés d'économie mixte locales », Sénat (France), .
  12. André Larané, « 19 avril 1941 Le retour des intendants d'Ancien Régime », sur herodote.net, .
  13. Alain Pariente, « L’État, la décentralisation et la crise économique : concilier l’inconciliable ? », sur metropolitiques.eu, .
  14. Loi n°82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.
  15. Loi n°83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État (loi Defferre).
  16. Loi n°83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.
  17. Thomas Frinault, « La réforme territoriale de 2010 : un remodelage compromis ? », sur metropolitiques.eu, .
  18. Décentralisation: le projet de loi examiné en 2013, consulté le 19 avril 2013.
  19. Marilyse Lebranchu souhaite la création de contrats États-territoires, consulté le 19 avril 2013.
  20. Agir ensemble ?, consulté le 19 avril 2013.
  21. Avant-projet de loi Lebranchu : ce qu'en disent les associations d'élus locaux DécentralisationPublié le jeudi 21 février 2013
  22. Claire Mallet/Localtis (2013), Le projet de décentralisation scindé en trois textes, 2013-04-02, consulté 2013-04-04
  23. AFP, « Le gouvernement lance la concertation pour un « nouvel acte de décentralisation » », sur ouest-france.fr, .
  24. Patrick Roger, « Avec la loi « 3DS », la décentralisation peine à se réinventer », sur lemonde.fr, .

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du Gouvernement Décentralisation : où en est-on ?
  • Sénat : Dernier rapport d'information, intitulé Pour une République territoriale, l'unité dans la diversité, dirigé par Michel Mercier alors Sénateur du Rhône puis ministre, ref 447, tome 1 (1999-2000). Disponible sur le site du sénat et en document numérique sous deux formes (PDF et Html).
  • 30 ans de décentralisation en 1 infographie (bilan de mai 2013).

Bibliographie

  • Philippe Delaigue, Chrystelle Gazeau (dir.), Centre et périphérie, Paris, Mare et Martin, 2017.
  • Nicolas Kada et Vincent Aubelle (dir.), Les grandes figures de la décentralisation, préface de Gérard Larcher et postface de Jean-Pierre Chevènement, Boulogne-Billancourt, Berger-Levrault, 2019.
  • Manuel Delamarre, L'administration et les institutions administratives, Paris, La Documentation Française, 2008.
  • Michel Verpeaux et Christine Rimbault, Les collectivités territoriales et la décentralisation (6e édition), Paris, La Documentation Française, 2011.
  • M. Catlla, A. Bénéteau, L. Mallet, Les régions françaises au milieu du gué. Plaidoyer pour accéder à l'autre rive, préface de Michel Rocard, Paris, L'Harmattan, 2012.
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