Culture de la céramique imprimée

La culture de la céramique imprimée correspond à la première culture du Néolithique de plusieurs régions du bassin méditerranéen. Elle doit son nom au décor des poteries qui consistent en des motifs imprimés sur la pâte avant la cuisson[1],[2],[3]. Ne sont évoqués ici que les premiers aspects de cette céramique et non ses évolutions postérieures qui permettent dans la plupart des régions de définir de nouvelles cultures.

Culture de la céramique imprimée

Définition
Autres noms Cultura Impressa (en italien), Impresso Kultur (en allemand), Impressed Ware culture (en anglais)
Caractéristiques
Répartition géographique Méditerranée centrale
Période de 6200 à 5700 av. J.-C. environ
Tendance climatique Atlantique
Signe particulier Première culture néolithique des régions centrales de la Méditerranée

Origines et développement

Les premières attestations de la céramique imprimée se trouvent au Proche-Orient, notamment dans le Levant. Elle apparaît dans des sites datés de la seconde moitié du 7e millénaire av. J.-C., par exemple à Byblos (Jbeil)[4] et Ougarit (Ras Shamra)[5]. Cette céramique est présente à partir de 6100-6000 av. J.-C. dans de nombreux sites du bassin égéen mais presque toujours dans des proportions marginales par rapport aux autres styles de poteries[6]. Dans ces derniers, on ne parle donc pas d'une véritable culture à céramique imprimée. Cette définition est réservée aux sites dans lesquelles la poterie présentant un tel décor constitue la majorité ou la totalité des productions céramiques. On la retrouve dans le site de Sidari sur l'île grecque de Corfou dans la mer Ionienne vers 6200 av. J.-C.[7],[8],[9],[10]. À partir de 6000-5900 av. J.-C., elle apparaît dans des sites proches des côtes en Italie du sud et en Sicile et dans le sud de la Dalmatie[11], ainsi qu'en Albanie[12]. Vers 5800-5700 av. J.-C., elle est attestée dans des sites de Ligurie, du Languedoc et de Catalogne, ainsi que dans le centre-nord de la Dalmatie[13]. Dans toutes ces régions, les formes et les décors de la céramique évoluent dans des styles régionaux, parfois très rapidement, par exemple au moins dès 5700 av. J.-C. en Italie du Sud[14].

La culture de la céramique imprimée et la migration d'agriculteurs-éleveurs en Méditerranée occidentale

Dans les régions du centre et de l'ouest du Bassin méditerranéen, le développement de la culture de la céramique imprimée correspond aux premières phases du Néolithique[15]. Sa diffusion par voie maritime indique qu'elle est l’œuvre de populations migrantes maîtrisant la navigation et possédant des embarcations de taille suffisante pour pouvoir transporter sur des distances importantes les animaux domestiques[16]. Il a en effet été démontré que les bovins, les chèvres et les moutons qui apparaissent dans les sites de ces régions ne sont pas issus des espèces sauvages européennes mais sont directement issus des espèces domestiquées au Proche-Orient plusieurs siècles plus tôt[17],[18]. Il en est de même pour les plantes cultivées dans ces premiers villages agricoles[19].

Le modèle de diffusion de la culture de la céramique imprimée est dit en "sauts de grenouille"[20] : les villages, fondés d'abord à peu de distance des côtes, sont souvent distants les uns des autres de plusieurs dizaines de kilomètres.

Le rôle des populations locales de chasseurs-cueilleurs mésolithiques dans le processus de développement de la culture à céramique imprimée et donc dans le développement de l'agriculture et de l'élevage semble être très variable selon les régions considérées : il est sans doute marginal dans tout le sud de l'Italie[21], et probablement plus important en Italie du Nord et dans le sud de la France[22].

L'agriculture et l'élevage

Les espèces domestiques sont dominées par les moutons et les chèvres. Les bovins sont également attestés. Les porcs ne représentent qu'une fraction limitée de ces animaux domestiques, par exemple à Torre Sabea dans le sud de l'Italie[23]. Dans ce dernier site, si on considère la quantité de viande que peuvent fournir les différentes espèces, ce sont les bovins qui dominent (60 % de la viande consommée dans le site)[24]. Dès le départ, le lait des chèvres a été exploité[24],[23]. La chasse constitue toujours un apport minimal dans les espèces consommées par les populations de cette culture[24].

Les cultures sont dominées par les céréales, notamment l'orge (Hordeum vulgare), le blé amidonnier (Triticum dicoccum), le froment (Triticum aestivum). Des légumineuses, comme les lentilles (Lens culinaris), sont présentes[14].

Les villages et l'occupation du territoire

Les villages associés à la culture de la céramique imprimée sont de dimensions très limitées. Dans tous les cas, il s'agit tout au plus de quelques structures qui ne devaient accueillir que quelques familles. Ils sont fondés dans des zones favorables au développement de l'agriculture et de l'élevage. Des grottes sont également fréquentées, au moins de manière occasionnelle, dans la plupart des régions, par exemple dans le sud de l'Italie[14].

Des réseaux d'échanges et des artisanats spécialisés très rapidement mis en place

À de rares exceptions, comme le village de Favella en Calabre qui semble assez isolé[7], les villages des agriculteurs-éleveurs de la culture de la céramique imprimée sont intégrés à des réseaux de grande ampleur[21]. L'obsidienne des îles de Palmarola et de Lipari est distribuée jusque dans le sud de la France et dans le sud de l'Italie[25],[26]. Elle est débitée sur place par pression au moins dans une partie des sites, par exemple à Portiragnes dans l'Hérault[25].

Dans le sud de l'Italie, dans la petite péninsule du Gargano le silex est exploité sous la forme de mines avec des galeries et des chambres souterraines[27],[28]. Le silex extrait est distribué sur une grande partie de l'Italie du Sud[26]. Il est possible que, dès cette période, il soit débité sous la forme de grandes lames par pression au levier[21]. Les haches polies sont parfois réalisées dans des roches venues de régions lointaines[26].

La céramique

La céramique imprimée évoquée ici est celle qui correspond au style A défini par Müller[29]. Les décors d'impressions et d'incisions sont très simples, ne forment aucune figure, et se répartissent sur toute la surface des vases. Ils sont réalisés par différentes techniques : les potiers ont parfois utilisé des poinçons, parfois les décors sont réalisés par des coups d'ongle et des pincements dans la pâte et dans certains cas ils sont réalisés grâce à une coquille de cardium[14]. La pâte est assez grossière[14].

L'outillage en roche taillée

Les outils en roche taillée sont relativement variés. Des microlithes sont présents dans plusieurs sites, par exemple dans le sud de la France à Peiro Signado (Portiragnes). Ils sont réalisés par la technique du microburin. Ces éléments sont évocateurs de traditions mésolithiques[30]. Les faucilles sont réalisés sur des segments de lames emmanchés transversalement dans des supports en matière périssable[30].

Les productions artistiques et les activités rituelles

Les pratiques funéraires dans la culture de la céramique imprimée ne sont pas documentées à ce jour. Des figurines en terre-cuite représentant des femmes de façon très schématiques ont été découvertes dans plusieurs sites dans le sud de l'Italie[31],[14]. Des éléments de parure (perles, colliers...) sont attestés dans plusieurs villages[14],[32]

Les cultures issues de la culture de la céramique imprimée

Références

  1. Müller J., 1991, Die ostadriatische Impresso-Kultur: Zeitliche Gliederung und kulturelle Einbindung, Germania, vol. 69 t. 2, p. 312-358
  2. Müller J., 1994, Das Ostadriatische Frühneolithikum. Die Impresso-Kultur und die Neolithisierung des Adriaraumes, Wissenschaftsverlag Volker Spiess, Berlin
  3. Fugazzola Delpino M.A., Pessina A., Tiné V. (Eds), 2002, Le ceramiche impresse nel Neolitico antico, Italia e Mediterraneo, Istituto Poligrafico e Zecca dello Stato, Roma
  4. Dunand M., 1973, Fouilles de Byblos. L'architecture, ses tombes, le matériel domestique, des origines à l'avènement urbain, édition Maisonneuve, Paris
  5. Contenson H. de, 1992, Préhistoire de Ras Shamra, Éditions Recherche sur les Civilisations, Paris, 2 vol.
  6. Çilingiroğlu Ç., 2010, The Appearance of Impressed Pottery in the Neolithic Aegean and its Implications for Maritime Networks in the Eastern Mediterranean, TÜBA – AR, vol. 13, p. 9-22
  7. Tiné V., 2009, Favella. A Neolithic Village in the Sybaris Plain, in Tiné V., Favella, Un villaggio neolitico nella Sibaritide, Istituto Poligrafico e Zecca dello Stato, Roma, p. 581-602
  8. Perlès C., 2001, The Early Neolithic in Greece, Cambridge University Press, Cambridge, 370 p.
  9. Kourtessi-Philippakis G., 2005, Peuplement et sociétés préhistoriques dans le monde égéen : l’apport des études lithiques, Thèse d’Habilitation, Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne, 2 vol.
  10. Forenbaher S., Miracle P. T., 2006, The spread of farming in the Eastern Adriatic, Documenta Praehistorica, vol. XXXIII, p. 89-100
  11. Radić D., 2005, Vela Spila : Preliminary Analysis of Early Neolithic and Mesolithic Strata in Test Pit Examined in 2004, Opuscula Archaeologica, vol. 29, p. 323-348
  12. Guilaine J., Prendi F., 1991, Dating the Copper Age of Albania, Antiquity, vol. 65, p. 574-578
  13. Manen C., Sabatier P., 2003, Chronique radiocarbone de la néolithisation en Méditerranée nord-occidentale, Bulletin de la Société Préhistorique Française, vol. 100 n. 3, p. 479-504, in Perrin 2006
  14. Cipolloni Sampo M., Calattini M., Palma di Cesnola A., Cassano S., Radina F., Bianco S., Marino D. A., Gorgoglione M. A., Bailo Modesti G., avec la collaboration de R. Grifoni Cremonesi, 1998, L’Italie du Sud, in Guilaine J., Atlas du Néolithique européen. L’Europe occidentale, ERAUL, vol. 46, Paris, p. 9-112
  15. Bostyn F., 2010, Quelques aspects de la néolithisation de la France, in Demoule J.-P. (dir.), La révolution néolithique dans le monde, CNRS Éditions, Paris, p. 103-118
  16. Broodbank C., 2006, The Origins and Early Development of Mediterranean Maritime Activity, Journal of Mediterranean Archaeology, vol. 19 n. 2, p. 199-230
  17. Ducos P., 2003, La faune de Khirokitia (Chypre) et la diffusion des prédomestications proche-orientales vers la Méditerranée occidentale, in Bernard Vandermeersch (Dir.), Échanges et diffusion dans la préhistoire méditerranéenne, Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, 121e, Nice, 1996, Éditions du CTHS, Paris, p. 41-50
  18. Rowley-Conwy P., 2011, Westward Ho! The Spread of Agriculturalism from Central Europe to the Atlantic, Current Anthropology, vol. 52 n. S4, p. S431-S451
  19. Colledge S., Conolly J., Shennan S., 2004, Archaeobotanical Evidence for the Spread of Farming in the Eastern Mediterranean, Current Anthropology, vol. 45, supplement, p. 35-58
  20. cf. Zvelebil M., 2001, The agricultural transition and the origins of Neolithic society un Europe, Documenta Praehistorica, vol. 28, p. 1-26
  21. Guilbeau D., 2011, Le début du Néolithique en Italie méridionale : ce que nous disent les productions en silex du Gargano, Origini, vol. XXXIII, p. 83-106
  22. Binder D., 2000, Mesolithic and Neolithic interaction in southern France and northern Italy : new data and current hypotheses, in Price T. D. (Éd.), Europe’s First Farmers, Cambridge University Press, Cambridge, p. 117-143
  23. Vigne J.-D., 2003, L’exploitation des animaux à Torre Sabea, Nouvelles analyses sur les débuts de l’élevage en Méditerranée centrale et occidentale, in Guilaine J., Cremonesi G. (Dir.), Torre Sabea, un établissement du Néolithique ancien en Salento, École Française de Rome, Rome, p. 325
  24. Vigne J.-D., 1998, Faciès culturels et sous-systèmes techniques de l’acquisition des ressources animales. Application au Néolithique ancien méditerranéen, in D’Anna A., Binder D. (dir.), Production et identité culturelle, Rencontres méridionales de Préhistoire récente, deuxième session, Arles, novembre 1996, éditions APDCA, Antibes, p. 27-45
  25. Vaquer J., 2006, La diffusion de l’obsidienne dans le Néolithique de Corse, du Midi de la France et de Catalogne, in AA.VV., Materie prime e scambi nella preistoria italiana, Atti della XXXIX Riunione Scientifica nel cinquantenario della fondazione dell’Istituto Italiano di Preistoria e Protostoria, Firenze, 25-27 novembre 2004, Firenze, vol. 1, p. 483-498
  26. Langella M., Boscaino M., Coubreay S., Curci A., De Francesco A. M., Rosaria Senatore M., 2003, Baselice (Benevento): il sito pluristratificato neolitico di Torrente Cervaro, Rivista di Scienze Preistoriche, vol. 53, p. 259-336
  27. Galiberti A. (dir.), 2005, Defensola. Una miniera di selce di 7000 anni fa, Protagon Editori, Siena
  28. Tarantini M., Galiberti A., 2011, Le miniere di selce del Gargano, VI-III millennio a.C. Alle origini della storia mineraria europea, Rassegna di Archeologia - Preistoria e Protostoria 24A, All’Insegna del’Giglio, Borgo S. Lorenzo, 277 p.
  29. Müller J., 1988, Cultural Definition of the Early Neolithic and its Interaction in the Eastern Adriatic, in Processes of Neolithization in the Mediterranean and Europe, 12th International Congress of Anthropological and Ethnological Sciences (ICAES), Zagreb (Yugoslavia), July 24-31 1988, Berytus, vol. XXXVI, p. 101-125
  30. Briois F., 1997, Les industries lithiques en Languedoc méditerranéen (6000-2000 av. J.C.), Thèse de Doctorat, Toulouse, 3 vol.
  31. Tiné V., 2009, Statuine fittili femminili, in Tiné V., Favella, Un villaggio neolitico nella Sibaritide, Istituto Poligrafico e Zecca dello Stato, Roma, p. 407-413
  32. Micheli R., 2009, Ornamenti in pietra e terracotta, in Tiné V., Favella, Un villaggio neolitico nella Sibaritide, Istituto Poligrafico e Zecca dello Stato, Roma, p. 417-424
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