Culte de la personnalité

Le culte de la personnalité est l'adulation excessive d'un chef d'État dans un régime. Par extension, elle peut s'appliquer à toute personne en vue bénéficiant d'un fort battage médiatique ; ou pour dénoncer le pouvoir excessif d'un leader[1]. Le culte de la personnalité est entretenu par divers moyens de propagande, et suppose en particulier un large besoin des médias et des événements, les rassemblements et les manifestations étant spontanés ou non.

Défilé dans la Chine maoïste pour le 70e anniversaire de Staline.
Portrait officiel d'Adolf Hitler par Heinrich Knirr, 1937

Naissance de l'expression

L'expression provient du « discours secret » de Nikita Khrouchtchev[2] au XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique, en 1956. Elle traduit l'expression russe культ личности, qui signifie « culte de la personne [de Staline] ». Utilisée à l'origine pour dénoncer le stalinisme, et la propagande en faveur du « Père des peuples », Joseph Staline, l'expression s'est vite appliquée à toutes les dérives égocentriques dans les régimes totalitaires communistes (comme en Roumanie avec Nicolae Ceaușescu, en Chine avec Mao Zedong) ou anticommunistes avec le nazisme et sa mise en avant constante du Führer, le franquisme espagnol qui promeut le Caudillo « par la grâce de Dieu », le salazarisme portugais ou le fascisme italien avec le culte du Duce. En France, le culte de la personnalité de Maurice Thorez s'exprime via d’importants moyens cinématographiques déployés[3] lors de la cérémonie organisée en l’honneur du secrétaire général du PCF pour son 50e anniversaire, avec sa mère Clémence Thorez et devant de nombreux mineurs en tenue de travail[3], célébré par une succession de discours et cadeaux[3], qui fait écho au 70e anniversaire de Staline, 4 mois plus tôt, en décembre 1949[3]. L'écrivain Aragon, qui sera qualifié de "courtisan" de Thorez par Auguste Lecœur juste avant l'exclusion du PCF de ce dernier, est à la tribune[4] ,[5]. A la fin des années 1940, Maurice Thorez apparaît fréquemment dans les films réalisés à l’initiative du PCF, et donne une caméra à son chauffeur, Daniel Debusscher[3], chargé d'illustrer le « culte du chef » en enregistrant différents moments de sa vie publique et personnelle[3].

Un culte résolument moderne

Groupe de personnes rendant hommage à une statue de Kim Il-sung à Pyongyang, Corée du Nord.

En dehors de la méritoire période athénienne du VIe au IVe siècle av. J.-C., où il n'était pas question qu'un homme seul, même en se prévalant du prestige résultant d'une victoire militaire (Miltiade, Thémistocle, Cimon), accapare la direction de la cité, le culte du chef n'a cessé de se poser en problème politique et social : les empereurs romains sont divinisés lors d'une apothéose, le roi est souvent considéré comme un « père de la nation » et son autorité est souvent alliée à un mandat divin. La figure du souverain est omniprésente et accompagne ses sujets du billet de banque aux timbres, de la piécette aux portraits accrochés dans les tribunaux et les administrations.

Ce qui est nouveau et ce que dénonce Khrouchtchev, c'est qu'une société qui se veut démocratique, qui se doit de l'être, copie ces habitudes féodales dans une dérive égocentrique. La nouveauté réside également dans la modernité des moyens mis en œuvre : le XXe siècle offre les outils techniques d'une médiatisation sans précédent à l'époque féodale. Via la radio, les journaux ou l'affichage, la personne du chef, qu'il soit Führer, Petit père des peuples, Grand Timonier, Caudillo, Duce, Président de la République ou candidat à cette présidence, pénètre dans l'intimité quotidienne des citoyens endoctrinés. George Orwell fera une satire de ce culte nouveau avec la figure de Big Brother Grand Frère ») dans son roman 1984.

Ailleurs dans le monde

En République dominicaine, Rafael Leónidas Trujillo, au pouvoir de 1930 à 1961, instaure autour de lui un fort culte de la personnalité, se fait officiellement appeler « Son Excellence le généralissime docteur Rafael Leonidas Trujillo Molina, Honorable Président de la République, Bienfaiteur de la Patrie et Reconstructeur de l'Indépendance Financière », fait construire des milliers de statues à son effigie et rebaptise la capitale du pays Ciudad Trujillo[6].

En Corée du Nord, dès le plus jeune âge, les citoyens se prosternent devant des statues géantes de Kim Il-sung, surnommé le président éternel, ou de son successeur dynastique, Kim Jong-il, son fils, appelé lui le cher dirigeant par la propagande. Le fils et successeur de Kim Jong-il, Kim Jong-un, se voit quant à lui décerner le titre de brillant camarade[7]. Un palais permet de matérialiser ce culte de la personnalité des anciens dirigeants.

Au Proche-Orient, l'expression s'applique aussi aux chefs d'État de pays non-démocratiques, qui imposent leur portrait à chaque coin de rue ou presque, et à des dirigeants religieux, comme l'imam Khomeini en Iran.

En Irak, après avoir exécuté physiquement toute opposition possible au sein du parti Baas qui l'avait porté au pouvoir, Saddam Hussein instaure un pouvoir centré sur sa personnalité ; il modifie pour cela le contenu pédagogique dans les écoles primaires, fait preuve de népotisme en plaçant à la tête du pouvoir des personnes émanant de son clan ou de son village natal pour le seconder, et, signe du culte lié à sa mise en scène, se représentant sous diverses formes comme continuateur impérial des époques mésopotamiennes et assyriennes que le pays avait assimilées comme faisant partie de son Histoire.

Au Turkménistan, le régime de Saparmyrat Nyýazow dit Türkmenbaşy Père des Turkmènes ») a instauré un culte de la personnalité. Si les Chinois sous Mao brandissaient le Petit Livre rouge, avec Nyýazow les Turkmènes ont le Ruhnama (Livre de l'Âme), écrit du dirigeant qui fut selon lui inspiré du Coran.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Encyclopædia Universalis, « CULTE DE LA PERSONNALITÉ », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  2. Branko Lazitch, Le Rapport Khrouchtchev et son histoire : Texte présenté et annoté par Branko Lazitch, Paris, Édition du Seuil, coll. « Points Histoire » (no H23), 1976 (1re éd. 1976).
  3. Cérémonie organisée en l’honneur de Maurice Thorez pour son 50e anniversaire, le 28 avril 1950 à Ivry-sur-Seine, Cinéarchives
  4. "Recherches croisées Aragon - Elsa Triolet, n°16: Le rayonnement international d’Aragon : un premier état des lieux" par Erwan Caulet, Presses universitaires de Strasbourg - 2020
  5. "L'Autocritique attendue" par Auguste Lecœur, Paris, 1955
  6. Emmanuel Pierrat, Plus grand que grand: Une histoire insolite du culte de la personnalité, La Librairie Vuibert,
  7. « Corée du Nord. La succession en marche », Le Télégramme, 28 septembre 2010.
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