Risque financier systémique

Dans le domaine de la finance, l'emploi du qualificatif « systémique » dans des expressions comme « risque financier systémique », ou « crise financière systémique », signifie qu'une économie entière est affectée - en tant que système - et non pas seulement une entreprise ou un ménage.

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Un risque financier qualifié de «systémique» implique qu'il existe une probabilité non négligeable de dysfonctionnement tout à fait majeur, c'est-à-dire une grave dégradation - sinon paralysie - de l'ensemble du système financier : sur la totalité d'une filière économique, sur une vaste zone géographique, voire à l'échelon planétaire. Par le biais des engagements croisés, des effets-dominos, puis des faillites en chaîne, cela peut conduire à un effondrement du système financier mondial.

Le risque systémique est en principe provoqué par une cause, une caractéristique endogène au système considéré. Il s’oppose au risque non-systémique, qui décrit les risques apparaissant lorsqu'un système doit faire face à un événement exogène - extérieur - majeur.

Indicateurs de risque systémique

Compte tenu de l'importance du risque systémique, il est devenu primordial de le mesurer. Des mesures ont été développées, en se basant sur l’intuition qu'une institution financière représente un risque systémique si elle est sous-capitalisée lorsque le système financier dans son ensemble devient sous-capitalisé. C’est dans ce sens que Brownlees et Engle[1] établissent en 2010 un modèle à un facteur nommé SRISK qui mesure le risque systémique.

SRISK peut être interprété comme le montant de capital qui doit être injecté dans une entreprise financière afin de rétablir une certaine forme de capital minimal. Le SRISK possède plusieurs propriétés intéressantes:

  • Il est exprimé en termes monétaires et est donc facile à interpréter.
  • Le SRISK de plusieurs entreprises peut être facilement agrégé, par simple addition, afin de construire des indicateurs par industrie et même des agrégats spécifiques à chaque pays.
  • Enfin, le calcul du SRISK fait intervenir des variables qui peuvent être considérées déjà en soi des mesures du risque, à savoir la taille de l'entreprise financière, l'effet de levier (ratio entre les actifs et la capitalisation boursière) et une mesure de la façon dont le rendement de l'entreprise évolue avec le marché (une sorte de coefficient bêta qui varie dans le temps mais avec un accent sur la queue de la distribution).

Parce que ces trois dimensions interviennent simultanément dans la mesure du SRISK, on peut s'attendre à obtenir un indicateur plus équilibré que si l'on avait utilisé l'une ou l'autre des trois variables de risque prises individuellement.

Tandis que le modèle de Brownlees et Engle (2010) est adapté au marché américain, l'extension faite par Engle, Jondeau et Rockinger[2] en 2012 tient compte de divers facteurs, ainsi que de paramètres variables à travers temps. De par l'hétérogénéité du marché financier européen contrairement au marché américain, une telle extension paraît nécessaire. D'un point de vue économétrique, cette intuition se vérifie.

L’un des facteurs concerne les variations mondiales des marchés financiers et, un autre, les variations des marchés européens. Cette extension permet de calculer un facteur spécifique à chaque pays. La structure de causalité choisie implique que le facteur mondial affecte le facteur européen. Ensuite le facteur européen affecte le facteur spécifique au pays. Une firme peut alors être affectée par le facteur mondial, le facteur européen et celui spécifique au pays.

Puisque le risque est mesuré en termes monétaires, les agrégats industriels peuvent également être comparés avec le produit intérieur brut.

L'indicateur de risque systémique SRISK est calculé automatiquement de manière hebdomadaire et mis à la disposition de la communauté. Pour le modèle américain, le SRISK et d'autres mesures de risque systémique peuvent être trouvées dans le cadre du Volatility Lab de NYU Stern School [3] et pour le modèle européen dans le cadre du CRML - Center of Risk Management Lausanne [4].

Secteur bancaire

Les banques détiennent suffisamment de capital pour absorber le risque de crédit, le risque de marché et les risques opérationnels. À la suite du développement récent des marchés de produits dérivés, on observe que les banques ont plus souvent tendance à vendre leurs risques de crédit. C'est ce que l'on appelle la titrisation.

Risque difficilement assurable

Dans le domaine actuariel, il est difficile d'obtenir une protection financière contre le risque systémique, tout simplement parce qu'il est difficile de trouver une contrepartie désireuse d'accepter ce risque. Ainsi, les assureurs refusent de délivrer des assurances protégeant les individus et les habitations contre le risque d'une guerre nucléaire, parce que si une telle situation devait arriver, l'assureur ne pourrait faire face financièrement.

L'autre difficulté à laquelle les assureurs doivent faire face est celle de l'évaluation du risque, beaucoup plus difficile que dans le cas du risque systématique. Il est très difficile de se procurer des données sur le risque systémique. Si une banque se déclare en faillite et vend tous ses actifs, la chute du prix des actifs peut introduire des problèmes de liquidité chez les autres banques, conduisant à un mouvement de panique général.

Pas de diversification possible

Ce risque peut être atténué de quatre manières principales en l'évitant, en le réduisant, en le retenant ou en le transférant.

Le risque systémique est un risque qui ne peut être réduit en le diversifiant. C'est pour cela qu'il est parfois appelé risque non diversifiable. Les acteurs des marchés financiers (tels que les hedge funds, ou fonds spéculatifs) peuvent eux-mêmes être à la source d'une augmentation du risque systémique, et transférer ce risque vers eux peut, paradoxalement, augmenter le risque systémique.

Les hommes politiques [Qui ?] prétendent habituellement que l'une des principales raisons de la régulation des marchés financiers est justement de réduire le risque systémique. Selon cette thèse, seules les banques centrales, dans leur rôle de prêteur de dernier ressort, seraient à même d'y remédier quand il se matérialise. Mais en réalité la régulation entraîne une uniformité des pratiques qui accroît fortement le risque systémique.[réf. souhaitée]

Crises ayant comporté un risque financier systémique important

Depuis 1973, les crises ayant comporté un risque important pour la pérennité du système financier ont été nombreuses.

La crise pétrolière de 1973 qui a entraîné une forte inflation, laquelle s'est répercutée sur l'ensemble de l'économie.

En 1974, a lieu la faillite de la banque allemande Herstatt, première prise de conscience des risques systémiques sur les marchés financiers modernes.

La crise pétrolière de 1979 provoque un nouveau renchérissement des prix du pétrole.

En 1982, la crise de la dette bancaire des PVD secoue le système bancaire international.

En 1987, le krach du marché des taux d'intérêt est suivi de celui des actions.

La crise économique mexicaine de 1994 fait suite a des années de gabegie de la manne pétrolière dans ce pays.

Autre pays pétrolier, la Russie connaît la crise financière russe de 1998. La fuite vers la qualité qui a suivi provoque la quasi-faillite du hedge fund Long Term Capital Management.

En 2001, les attentats du 11 septembre 2001, en partie parce qu'ils ont lieu au cœur du système financier américain, envoie des secousses de par le monde.

En 2008, la crise des subprimes qui a trouvé son origine aux États-Unis, s'est traduite par une défiance sur les marchés, et plus pratiquement, une crise de liquidité.

En 2010, la crise de la dette publique grecque secoue l'ensemble de la zone euro.

En 2021, la Banque centrale européenne nomme le changement climatique comme source majeure de risque systémique pour l'économie.[5]

Notes et références

  1. Brownlees, C.T., Engle, R.F., 2010. Volatility, correlation and tails for systemic risk measurement. http://ssrn.com/abstract=1611229
  2. Engle, R.F., Jondeau, E., Rockinger, M., 2012. Systemic Risk in Europe, http://ssrn.com/abstract=2192536
  3. http://vlab.stern.nyu.edu
  4. http://www.crml.ch) d'HEC Lausanne
  5. (en) European Central Bank, « Shining a light on climate risks: the ECB’s economy-wide climate stress test », (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

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